Le portail se referma dans un éclair de lumière aveuglante, laissant Lucas et Aria chancelants sur l'herbe familière du parc municipal de Ravenswood. Pendant un bref instant, le soulagement d'être enfin rentrés chez eux les submergea. Mais cette sensation fut de courte durée.

À peine leurs yeux s'étaient-ils habitués à la luminosité qu'ils réalisèrent que quelque chose n'allait pas. Terriblement pas.

Le parc, autrefois paisible havre de verdure au cœur de la ville, était méconnaissable. Les arbres centenaires, fierté de Ravenswood, étaient tordus en formes impossibles, leurs branches s'étirant comme des doigts crochus vers un ciel tourmenté. L'herbe, jadis d'un vert éclatant, avait pris une teinte violacée inquiétante et semblait onduler comme si elle était vivante, se mouvant en vagues sinistres sous une brise inexistante.

"Qu'est-ce qui s'est passé ici ?" murmura Aria, sa voix tremblante d'incrédulité et d'horreur.

Lucas secoua la tête, incapable de trouver les mots pour décrire le chaos qui les entourait. Au loin, les bâtiments de la ville se dressaient, déformés et instables, certains semblant défier les lois de la physique en se penchant à des angles improbables sans s'effondrer.

C'est alors que Glimmer, dans un tintement nerveux, attira leur attention. La petite créature de lumière flottait nerveusement autour d'eux, sa luminosité vacillant comme une ampoule sur le point de griller.

"Euh... il y a peut-être un petit détail que j'aurais dû mentionner avant," commença-t-elle, sa voix habituellement mélodieuse teintée d'embarras.

Lucas et Aria se tournèrent vers elle, leurs visages reflétant un mélange de confusion et d'appréhension.

"Quel genre de détail ?" demanda Lucas, redoutant déjà la réponse.

Glimmer sembla rétrécir sur elle-même avant de lâcher : "Le temps ne s'écoule pas exactement de la même façon entre les dimensions."

Un silence pesant s'abattit sur le groupe, rompu seulement par le grondement lointain du chaos qui régnait sur la ville.

"Qu'est-ce que tu veux dire ?" demanda finalement Aria, sa voix à peine plus haute qu'un murmure.

Shade choisit ce moment pour intervenir, sa forme sombre ondulant d'agacement. "Ce qu'elle veut dire," gronda-t-il, "c'est que pendant que nous étions dans l'autre dimension, beaucoup plus de temps s'est écoulé ici."

"Combien de temps ?" La voix de Lucas était tendue, chargée d'une anxiété croissante.

Glimmer et Shade échangèrent un regard, puis Glimmer répondit d'une voix hésitante : "Environ... une semaine et demie, peut-être un peu plus."

La révélation frappa Lucas et Aria comme un coup de poing. Une semaine et demie. Leurs parents, leurs amis, toute la ville les avait crus disparus pendant plus d'une semaine. L'inquiétude et la culpabilité les submergèrent, mêlées à un sentiment d'urgence croissant face à l'état de la ville.

"Pourquoi ne nous avez-vous rien dit ?" demanda Aria, la colère et la frustration perçant dans sa voix.

Glimmer tinta tristement. "Je... j'aurais dû. Je suis désolée. C'est juste que tout s'est passé si vite, et puis..."

"Et puis rien du tout," coupa Shade. "Nous avons fait une erreur en ne vous informant pas. Mais ce qui est fait est fait. Nous devons maintenant nous concentrer sur ce qui nous attend."

Lucas prit une profonde inspiration, essayant de calmer le tourbillon d'émotions qui menaçait de le submerger. "Shade a raison," dit-il finalement. "On ne peut rien y changer maintenant. On doit découvrir ce qui s'est passé et comment on peut arranger les choses."

Aria acquiesça à contrecœur, son visage reflétant toujours un mélange de choc et d'inquiétude. "Par où commençons-nous ?"

Comme pour répondre à sa question, un cri perçant retentit à proximité, suivi du bruit de verre brisé et de métal tordu. Sans hésiter, Lucas et Aria s'élancèrent dans la direction du son, leurs familiers les suivant de près.

Ils débouchèrent sur une scène de chaos. Un groupe de personnes luttait contre ce qui semblait être une plante carnivore géante, ses lianes tentaculaires s'enroulant autour d'une voiture abandonnée. Des éclats de verre jonchaient le sol, provenant des fenêtres brisées des bâtiments environnants.

Lucas réagit instinctivement. Tendant les mains devant lui, il fit appel à son pouvoir sur les ombres. L'obscurité sembla s'épaissir autour de la créature végétale, formant des liens qui immobilisèrent ses appendices voraces.

À ses côtés, Aria ferma les yeux, se concentrant intensément. Une lumière dorée émana de ses paumes, se propageant en vagues apaisantes. Là où elle touchait la plante monstrueuse, celle-ci semblait se calmer, ses mouvements devenant plus lents et moins agressifs.

En quelques instants, la menace fut neutralisée. La plante, désormais inoffensive, s'affaissa sur elle-même, ses lianes retombant mollement sur le sol.

Les personnes qu'ils venaient de sauver les regardaient avec un mélange de peur et d'émerveillement, ne sachant pas s'ils devaient les remercier ou fuir.

"Que se passe-t-il ?" demanda une femme, sa voix tremblante. "D'où viennent toutes ces... choses ?"

Lucas et Aria échangèrent un regard, ne sachant pas comment expliquer la situation sans révéler trop de secrets.

"C'est compliqué," répondit finalement Lucas. "Mais nous allons arranger les choses, je vous le promets."

Ces mots, bien qu'il les ait prononcés avec conviction, sonnaient creux même à ses propres oreilles. Comment pouvaient-ils promettre de résoudre une situation dont ils ne comprenaient pas encore pleinement l'ampleur ?

Alors qu'ils aidaient les gens à se mettre en sécurité, Lucas et Aria continuèrent à observer leur environnement, cherchant des indices sur ce qui avait pu se passer pendant leur absence.

Les rues étaient un labyrinthe de dangers et d'anomalies magiques. Des lampadaires tordus projetaient des ombres vivantes qui rampaient le long des trottoirs. Des fissures dans le sol laissaient échapper des vapeurs aux couleurs étranges, créant des mirages fluctuants au-dessus du bitume.

Et partout, des créatures. Certaines petites et apparemment inoffensives, ressemblant à des lutins lumineux ou à des papillons aux ailes de cristal. D'autres plus inquiétantes : des ombres qui se détachaient des murs pour prendre des formes monstrueuses, des nuages de brume intelligents qui tentaient d'envelopper les passants.

"Ce sont des créatures des portails," expliqua Shade alors qu'ils observaient un groupe de petits êtres lumineux virevolter autour d'un arbre déraciné. "La barrière entre les mondes s'affaiblit de plus en plus. Si nous n'agissons pas rapidement, des choses bien pires pourraient traverser."

Cette pensée fit frissonner Lucas et Aria, se rappelant la créature terrifiante qu'ils avaient fui dans l'autre dimension. L'idée qu'un tel monstre puisse se retrouver dans les rues de Ravenswood les remplissait d'effroi.

Ils croisèrent des groupes de citoyens tentant de se défendre ou de réparer les dégâts. Certains utilisaient des outils improvisés pour combattre les créatures les plus agressives, d'autres barricadaient leurs maisons avec tout ce qu'ils pouvaient trouver. L'atmosphère était tendue, un mélange de peur et de détermination palpable dans l'air.

Lucas et Aria aidèrent là où ils le pouvaient, utilisant leurs pouvoirs pour repousser les créatures les plus dangereuses et sécuriser les zones les plus touchées. Mais ils réalisaient rapidement que leurs efforts, bien qu'utiles, n'étaient qu'une goutte d'eau dans l'océan face à l'ampleur du chaos qui régnait sur la ville.

Au détour d'une rue, ils tombèrent sur une scène qui leur serra le cœur. L'école primaire de Ravenswood, où Lucas avait passé ses premières années, était méconnaissable. Le bâtiment semblait avoir été retourné comme un gant, l'intérieur exposé au monde extérieur. Des bureaux et des chaises flottaient dans les airs, tournant lentement comme suspendus dans un mobile géant et surréaliste.

"Comment est-ce possible ?" murmura Aria, choquée par l'ampleur de la destruction.

Lucas secoua la tête, tout aussi abasourdi. "La malédiction doit affecter les lois de la physique elles-mêmes. C'est encore pire que ce que je craignais."

Ils continuèrent leur chemin, leurs pas les menant instinctivement vers le centre-ville. À mesure qu'ils avançaient, l'air semblait devenir plus épais, chargé d'une énergie statique qui faisait se dresser leurs cheveux sur leurs têtes.

"Je sens quelque chose," dit soudain Glimmer, sa voix tintant d'excitation et d'appréhension. "Une concentration d'énergie magique, plus forte que tout ce que j'ai ressenti jusqu'à présent."

Shade s'étira, ses ombres s'allongeant pour sonder la direction indiquée par Glimmer. "Elle a raison," confirma-t-il. "C'est puissant, ancien... et familier d'une certaine manière."

Lucas et Aria échangèrent un regard, comprenant soudain ce que cela pourrait signifier. "La source de la malédiction," dit Lucas. "L'endroit où tout a commencé."

"Ça doit être ça," acquiesça Aria. "Mais où est-ce exactement ?"

Ils suivirent les indications de Glimmer et Shade, traversant des rues de plus en plus déformées par la magie débridée. Au fur et à mesure qu'ils approchaient, l'air lui-même semblait vibrer, faisant trembler le sol sous leurs pieds.

Finalement, ils débouchèrent sur la place centrale de Ravenswood. Et là, devant eux, se dressait l'hôtel de ville. Mais l'édifice majestueux qu'ils avaient toujours connu était méconnaissable.

Ses murs semblaient pulser d'une énergie sombre, des veines de lumière maladive courant le long de la pierre comme des artères malades. Le toit s'était transformé en une spirale impossible qui semblait s'étirer vers le ciel, se perdant dans les nuages tourmentés au-dessus de la ville.

"C'est ici," murmura Aria, sa voix à peine audible par-dessus le grondement sourd qui émanait du bâtiment. "Le cœur de la malédiction."

Lucas hocha la tête, son visage grave. "Ça a du sens. L'hôtel de ville a toujours été le centre de Ravenswood, depuis sa fondation. Si le sort de protection originel a été corrompu, c'est probablement ici que ça s'est produit."

Ils observèrent le bâtiment, essayant de trouver un moyen d'y entrer. Les portes principales étaient bloquées par ce qui semblait être une barrière d'énergie pure, crépitant dangereusement. Les fenêtres étaient obscurcies par une substance noire et visqueuse qui bougeait comme si elle était vivante.

"Comment on va entrer là-dedans ?" demanda Aria, l'inquiétude évidente dans sa voix.