Il avait le visage d'un inconnu.
C'était ce qui l'avait frappé une fois de plus, en observant son reflet à travers la vitre de la voiture, là où défilaient étoiles et couleurs crépusculaires, un mélange hétérogène qui lui plaisait étrangement.

Il serait adulte dans quelques heures, et une énième fois après toutes ces années, il observait son visage qui lui semblait si inconnu. Celui qu'il avait hérité d'un homme absent. Cette seule et unique ombre sur le tableau pastel de sa vie.

Hayun avait dix sept ans et 364 jours, passionné de livres et de skate, il adorait la glace aux chocolat avec des vermicelles, et les nuits trop courtes d'été. Comme celle qu'il pensait s'apprêter à vivre, rassurante après une journée qui lui avait semblé bien trop longue. Elle aurait dû être comme toutes les autres cette nuit d'été. Et pourtant, l'air concentré de son père qui tenait le volant l'emmenant vers l'inconnu lui hurlait le contraire.

Des fois, Hayun songeait qu'il était inconsciemment attiré par l'inconnu, cette entité omniprésente dans sa vie. Si certains la trouvait excitante, lui, elle le terrifiait, même s'il ne voudrait jamais l'admettre.

Alors, il quitta son propre reflet du regard, observant l'homme à ses côtés.

Jisung, son père, était un très bel homme, encore séduisant malgré l'âge qui marquait ses traits fins. Ses cheveux bruns bouclés cachaient légèrement ses yeux par leur longueur, ses fossettes ne faisaient que souligner sa douceur et amplifier son aura rassurante, celle du parent aimant qu'il était pour le garçon à ses côtés. Auprès d'Hayun, il se disait passionné de théâtre et amateur de levers de soleil. Mais ce que le jeune homme aimait retenir, c'était cette passion qui les liaient, l'amour du skateboard, ces longues soirées après des journées studieuses, lorsqu'ils arpentaient ensemble les ruelles du petit village de Saldun sur leurs quatres roulettes.

Jisung, il était seul, d'aussi loin que le jeune homme  s'en souvienne. Hayun n'avait jamais connu celui dont il avait hérité du faciès, mais pas que. D'après son géniteur, son amour des lettres et des mots venaient de cet homme mystérieux, c'est tout ce qu'il avait pu savoir, ce qu'il avait pu arracher à Jisung, alors que ses yeux étaient mouillés d'émotion en prononçant ces mots il y a quelques années déjà.

Hayun, il avait placé une confiance et une affection infinie en son unique parent il y a longtemps déjà. Il s'était juré de le protéger, d'être celui qui prendrait soin de lui, là où tous avaient échoué, alors qu'il lisait toutes les profondes blessures qui l'habitait d'un regard.

De nature apparemment solitaire, Hayun avait décrété n'avoir de place pour aimer personne d'autre que son père dans sa vie, c'était un gros mensonge, mais c'est ce qu'il préférait croire pour ne pas souffrir de son décalage.

Il adorait vivre proche de son père, tout comme celui-ci chérissait de tout son coeur son seul et unique enfant, le seul être humain dans sa vie à l'heure où ils pensaient tout deux, se perdant un peu plus loin vers les étoiles qui habillaient le ciel en plus grand nombre avec les secondes qui passaient.

Alors, roulant sous la lumière du crépuscule, ils sourirent, amoureux de ces instants communs.

Bientôt brisés par la vérité, peut-être.