Somewhere
2013
Assise sur cette branche, comme chaque année depuis déjà cinq ans, une fillette aux longs cheveux lisses et d'un roux qui se reflétait au soleil tenait son cahier sur ses genoux. Son dos était reposé contre le tronc de l'arbre. La tête penchée sur son cahier, elle semblait écrire. De temps à autre, elle relevait la tête, laissant son regard se perdre dans l'eau claire de la rivière. Du haut de ses dix ans, elle ne prêtait aucune attention aux quelques bruits alentours qui venaient troubler un silence comblé uniquement par le ruissellement de l'eau, ou les piaillements des oiseaux. Elle ne faisait certainement que griffoner, mais elle ne se posait pas de questions sur le sens de ce qui apparaissait sur les pages anciennement vierges de son cahier. Elle ne remarquait pas non plus lorsque, quelques fois, une famille passait ici et là, allant d'un endroit à l'autre, s'arrêtant parfois pour tremper ses pieds ou se baigner comme elle le pouvait dans la rivière. Elle se contentait de garder son attention uniquement sur son carnet, la rivière, ou encore un chemin de verdure qui menait à un pont. L'endroit était magnifique. Chaque fois qu'elle y posait un pied en arrivant chez sa grand-mère pour le mois de juillet, elle était toujours aussi émerveillée par la beauté des lieux. Les hautes herbres montraient que l'endroit était plus ou moins sauvage, on y trouvait certainement de nombreux insectes, mais le lieu n'était pas très visité. Comme dit plus haut, quelques courageux s'y aventuraient parfois, mais cela restait rare. La plupart du temps, elle avait la place pour elle seule. Mais même si elle ne faisait pas particulièrement attention à ce qui l'entourait, elle avait vu que chaque année, une fille qui semblait un peu plus âgée qu'elle la regardait chaque jour.
Et encore une fois, elle écrivait dans son carnet, des mots. Des mots qui racontaient tout et rien à la fois, qui avait et n'avait pas de sens en même temps, qui s'assemblaient et se ressembler comme ils pouvaient se contredire. Le nom de cette petite était Mélanie.
Un nouveau jour d'été s'écoulait. Encore une fois, Lydia retrouva sa place sur un rocher non loin de l'arbre, mais suffisament en retrait pour qu'elle ne soit pas vue par Mélanie. Elle ne connaissait ni son nom, ni son âge, ni rien d'elle. Elle ne connaissait que son apparence.
Cette jeune fille de douze ans avait la peau mate, des cheveux bruns et ondulés mi-longs qu'elle attachait souvent en une haute queue de cheval, ou bien en une tresse, cela dépendait de l'humeur de ses envies lorsqu'elle attrapait sa brosse. Ce jour-là, elle était vêtue d'un short et d'un débardeur. Elle regardait la petite aux cheveux roux et aux tâches de rousseur une nouvelle fois. Elle passait presque toutes ses journées à l'observer. Elle avait songé à aller lui parler, mais elle n'avait jamais osé. Elle avait déjà vu comment elle se comportait lorsque d'autres gens étaient présents et son attitude montrait qu'elle ne prêtait aucune attention à ce qui l'entourait, généralement. Alors elle se contentait de la regarder chaque jour. Lydia vivait dans son petit village à l'année, mais elle ne pouvait voir Mélanie que durant le mois de juillet. Cela faisait déjà trois ans qu'elle venait chaque jour de juillet pour observer la plus jeune.
Elle se contentait de l'observer en silence chaque jour, sans rien dire, venant aux alentours de quatorze heures, après le déjeuner et rentrait pour dix-neuf heures, heure à laquelle sa famille la voulait rentrée en général. Mais lorsqu'un jour de juillet pourtant comme les autres elle arriva à son rocher, elle fut surprise de ne pas voir Mélanie sur sa branche habituelle. Elle resta quelques minutes, mais finit par se lever pour partir. Mais quand elle se retourna, elle sursauta en découvrant un visage couvert de tâches de rousseur, des yeux d'un bleu excessivement pâle, de fines lèvres, le tout encadré de longs cheveux roux. La jeune fille lui tendit la main en se présentant.
- Je m'appelle Mélanie. Et toi ?
- Lydia !
Elle attrapa sa main avant de la relâcher. Elles commencèrent à parler, allant jusqu'à la branche de Mélanie.
***
2020
La pluie tombait encore et encore par la fenêtre. Mélanie était enfermée chez elle, avec ses parents, dans leur petit appartement parisien. Elle soupira une énième fois avant de les rejoindre dans leur salon.
- Ça va, ma puce ?
- Oui. Vous êtes sûrs qu'on ne va pas pouvoir partir cet été ?
- Oui, je suis désolé, mais tu sais bien que les consignes données par le premier ministre son strictes. On ne peut pas partir à plus de cent kilomètres. Et ça ne pourra pas changer ?
- Mélanie, nous sommes déjà en juin, nous sommes toujours en zone rouge, les lycées et collèges n'ont pas rouvert ici, comme dans une grande partie de l'île-de-France, on ne peut pas ignorer tout cela et même si c'était autorisé, je préfèrerais qu'on ne recommence pas à sortir tout de suite.
- Mais maman...
- Non, Mélanie, c'est non-négociable. De toute façon, même si on partait, ce ne serait pas chez ta grand-mère. Il a été demandé de faire attention aux personnes âgées, je sais que tu as l'habitude d'aller chez elle tous les ans en Juillet, mais tu n'iras pas cette année.
- Mais... C'est pas...
La jeune fille souffla. Elle avait maintenant dix-sept ans depuis quelques jours. Mais elle ne voulait pas ne pas voir son amie cet été. Même si elles avaient moins de temps pour se voir, Mélanie voulait voir Lydia, c'était le moment de l'année qu'elle attendait le plus depuis sept ans. Elles avaient pris l'habitude de se retrouver chaque année, chaque été dans leur endroit.
- Mais...
- Mélanie. Si c'est pour voir Lydia que tu veux absolument descendre chez ta grand-mère, tu sais très bien que tu pourras la voir l'année prochaine, elle comprendra pourquoi tu ne peux pas la voir cette année.
- Mais je peux même pas la prévenir...
- Tu ne vas pas me faire croire qu'avec tous vos réseaux sociaux ou téléphone ou je ne sais quoi, tu ne peux pas la prévenir.
- Papa, avec Lydia on a pas échangé nos numéros ni nos comptes sur les réseaux.
- Eh bien tant pis.
La jeune femme soupira. Ses cheveux roux tombèrent devant son visage lorsqu'elle baissa un peu la tête. Elle les avait coupé depuis le mois passé, ils lui arrivaient désormais aux épaules. Alors que la jeune fille réfléchissait à la façon dont elle allait pouvoir prévenir son amie, sa mère lui proposa une idée banale, mais utile.
- Et si tu lui écrivais une lettre ?
Mais après réflexion...
- Je connais ni son adresse ni son nom de famille.
- Eh bien appelle ta grand-mère pour les lui demander, elle connaît tout le monde, elle connaît sûrement les parents de ton amie.
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