Chapitre 28 ( nouvelle version )
Engy
Jaylen voulait attendre le crépuscule, vers 21h, avant de me ramener chez moi. Ainsi ma mère n'y sera pas et de toute manière, il avait des choses à faire avant. Je l'ai vu mettre le corps de son père dans le fourgon, sur la bâche. Lui et ses frères sont restés longtemps dans le véhicule. Je ne sais pas s'ils ont découpé son corps, mais ça pris beaucoup de temps. Ils ont sûrement eu une longue discussion entre eux.
J'en ai profité pour prendre une douche brûlante pour apaiser mes tensions et enlever toute ma sueur et la saleté. Après, j'ai récupéré des vêtements propres qui étaient dans mon sac. Un débardeur blanc avec un short noir. Maintenant que je n'ai plus de chaîne, je peux porter des shorts et c'est agréable de ne plus me sentir à moitié nue.
En revenant chez moi, je vais devoir dissimuler les marques de strangulation de Jaylen. Sans oublier les ecchymoses au visage causées par Jonas au manoir du maire. Je n'ai pas l'intention de dénoncer Jaylen. Non, il m'a sauvée plusieurs fois. Nos chemins vont se séparer et je vais essayer de reprendre le cours de ma vie, malgré quelques troubles émotionnels qui risquent de rendre mes journées un peu difficiles.
J'essaie aussi de me faire à l'idée que Dustin veut prendre ses distances avec toute cette situation. J'aurais aimé qu'à mon retour, on puisse se voir et discuter. Je n'ai personne qui peut comprendre mieux que lui. Il n'y a qu'avec lui que je peux parler de tout ce que j'ai vécu. Je vais lui envoyer des messages quand je rentrerai. Il doit être chamboulé. Psychologiquement, il était dans tous ses états et prêt à tuer.
Il a besoin de temps.
+ + +
Je suis dans le salon, bouquin en main, à attendre le signal pour partir dès que la nuit tombera. Joshua fait monter le doberman à l'arrière du fourgon pour ensuite prendre le volant et s'en aller avec Jonas à bord.
Quelques minutes plus tard, Jaylen entre dans la cabane.
— Prête ?
Je déglutis.
Calmement, je range mon livre – que j'ai lu en parallèle, car incapable de me concentrer – dans mon sac d'effets.
En m'approchant de Jaylen, il s'empare du sac et descend le porche pour atteindre sa Challenger. Il place le sac sur la banquette arrière. En refermant la portière, il m'examine.
Il attend. Tandis que je suis bloquée. Je devrais être heureuse de rentrer chez moi, mais si jamais ce n'était pas vrai ? Et si il me changeait d'endroit ?
— Je ne vais pas te faire de mal, petite chose, assure-t-il d'un ton réconfortant.
Je pose un pied sur la première marche, avec hésitation.
J'approche de la voiture au moteur qui tourne, laissant un grondement puissant.
Je ne vois pas l'intérieur à cause des vitres noires teintées. Il ouvre ma portière et me fait signe de m'asseoir.
Je pose lentement mes fesses sur le siège de cuir chauffant et Jaylen approche une main de mon épaule. Par réflexe nerveux, je tressaute.
— Du calme...
Il prend seulement la ceinture et vient lentement la boucler pour moi. En approchant son visage et son corps imposant du mien, son parfum m'envahit aussitôt. Quelque chose d'épicé, de viril. Il est aussi en sueur après avoir... découpé le corps de son père. Sa proximité dégage une humidité qui envahit mon espace.
J'expire doucement et mon souffle caresse sa nuque ; je vois sa peau frissonner.
Il s'écarte et vient fermer la portière. J'inspecte vite fait l'intérieur : rien derrière à par mon sac. Pas d'armes, pas de couteau qui traîne, rien d'anormal. La chanson Without You de NEFFEX est diffusée en Bluetooth. Le siège sous moi vibre sous les basses.
Les paroles disent des trucs comme :
« Tes lèvres virent au bleu. »
« Ces mensonges détiennent la vérité. »
« Je sais que tout ce que je fais est mauvais. »
« Tu sais foutrement rien à propos de moi. »
« Comme à de l'héroïne, je suis accro. J'essaie, mais je fais qu'échouer. »
Jaylen ouvre le coffre et je le vois légèrement par le rétroviseur à l'extérieur : il retire son sweat. Son corps sculpté s'offre à moi, alors que les muscles roulent sous sa peau. Jaylen enfile un t-shirt noir et je baisse la tête pour arrêter de le mater.
N'empêche que : par curiosité, mes yeux replongent sur le rétro pour le contempler. Je vois le coffre être fermé, ensuite Jaylen vient se glisser derrière le volant et enclenche la première vitesse en un quart de tour.
Je comprends pourquoi il voulait que je m'attache : il fait brusquement un virage à 180 degrés avec son bolide, laissant un nuage de sable envelopper la caisse. La Challenger dévale le sentier qui longe le champ de maïs et conduit à la route.
Une fois sur celle-ci, il file à vive allure en direction des routes de campagne. Ses phares rouges laissent une vision horrifique à l'horizon.
Soudain, quelques images viennent à nouveau me hanter sans que je ne les contrôle. Je revois le couteau de Jaylen se planter dans le cou du mec qui a essayé de m'enlever. J'entends même le son de son agonie. Un second flash me montre Orlando, étendu au sol, mort d'une balle en pleine tête. Émilie dans la baignoire, Dustin qui surgit dans la cabane, Jonas qui m'agresse, son doigt coupé, ou quand il me bat dans le manoir du maire. Tout défile rapidement. Le crâne du vieil homme de la ferme, que Jaylen a éclaté d'un coup de pelle parce que j'ai essayé de fuir. Je tourne rapidement la tête vers la fenêtre pour plutôt laisser défiler le décor afin de faire dévier mes pensées. Je frotte mes yeux, comme si ça allait chasser les terreurs qui surgissent à des moments inattendus.
Subtilement, je lorgne son profil. Jaylen contemple la route d'un regard ombrageux. Il porte ce t-shirt noir qui me laisse voir son bras tatoué et sa main, posée non loin du levier de vitesse et de ma cuisse dénudée. Les veines sur ses mains sont visibles et l'une d'elles serpente sur son avant-bras. Il y a un arôme de cuir neuf dans l'habitacle. Néanmoins, c'est le parfum de Jaylen qui domine l'air. Sa tignasse d'un noir charbonneux est ébouriffée et un peu humide. Il a une barbe naissante qui lui va bien.
La première fois que je l'ai remercié, il m'a rembarrée. Je ne peux pas partir sans le lui dire. Même si c'est malaisant et un brin morbide de remercier un tueur d'avoir assassiné une personne. Il y a quelque chose dans ce crime passionnel qui... m'intrigue.
Jaylen l'a dit lui-même, si ça ne tenait qu'à ses envies, il me garderait captive. S'il me laisse rentrer chez moi, c'est parce qu'il a une âme. Enfin... j'ose l'espérer.
— Laisse-moi te le dire cette fois... Jaylen, dis-je d'une voix délicate.
Au son de ces mots, les phalanges de sa main gauche serrent un peu plus le volant. Il sait ce que je vais dire. Il ne détourne pas les yeux de la route, alors que je l'étudie avec attention. J'essaie de comprendre son état d'esprit, qui il est. Je ne devrais pas me soucier de ce qu'il ressent, seulement quelque chose en moi s'y intéresse. Pour qu'il soit devenu aussi violent et froid, il a assurément souffert durant des années. Les blessures émotionnelles ou les traumas peuvent changer une personne. Je doute qu'il soit né aussi mauvais.
— Merci.
Je vois son torse se soulever, signe qu'il inspire puissamment, comme si ce mot avait enfin pénétré en lui, pour ne plus jamais le quitter. Je viens de le graver. Je me souviens quand il m'a demandé d'être reconnaissante des risques qu'il prenait. Je ne comprenais pas. Maintenant, si.
Il ne dit rien du reste du trajet, qui perdure plus d'une heure allant de l'autoroute jusqu'au quartier résidentiel où se trouvent ma maison et... la sienne. Mais c'est désert chez lui. Je ne pense pas que les frères Jann vont y retourner. Si ça se trouve, Jaylen va disparaître très loin de moi.
Le silence est lourd. Il se gare devant ma maison plongée dans la noirceur. Quelques gouttes de pluie commencent à tomber sur le pare-brise, laissant un son délicat et presque agréable, voire apaisant. Je pensais qu'en arrivant, j'allais me précipiter chez moi et verrouiller la porte. Cependant, je me sens comme si j'avais encore une chaîne, mais reliée à lui. Je vais ressasser les événements jour après jour dans ma tête. Je ne pourrai pas oublier.
Je ne pourrai jamais oublier Jaylen Somber Jann.
Il voit que je ne me hâte pas.
Pourquoi je reste sur le siège à contempler la douce pluie sur son pare-brise ? Je ne sais pas.
Les secondes s'écoulent, jusqu'à ce qu'une longue minute passe, sans qu'on parle, sans qu'il me dise de sortir. Il aurait pu me jeter dehors, pour vite se débarrasser de moi et des ennuis que j'ai causés à sa famille, mais il ne le fait pas.
Après un petit moment, Jaylen ouvre le compartiment devant moi pour récupérer mon téléphone qu'il me tend.
Je suis contente de le ravoir. En l'allumant, je vois ma playlist ouverte ; la dernière chanson qui a été diffusée est 11 minutes de Yungblud. J'effleure l'écran sans faire exprès et la chanson Paralysed de NF se fait entendre. Cette dernière passe à la radio sur le Bluetooth de Jaylen. Il a relié mon téléphone à sa voiture ? Dans quel but ?
https://youtu.be/Xb4TregGraU
Je suis obnubilée par les paroles du chanteur. Elles me décrivent tout en reliant aussi le meurtrier à côté de moi.
Tout à coup, Jaylen traverse l'espace qui nous sépare. Une de ses mains touche ma joue avec tendresse et...
...
...
Seigneur...
Ses lèvres se posent contre les miennes.
C'est comme recevoir un électrochoc.
Le contact m'électrise le corps en entier. Ce geste ne comporte aucune violence, seulement une douceur incomparable. Je l'observe m'embrasser sans lui rendre son baiser. Mon corps se réchauffe et une marée de frissons envahit chaque parcelle de ma chair. Une pression vient se loger dans mon bas-ventre pour y déverser une chaleur agréable. Or, c'est surtout mon cœur qui prend un coup. Ma poitrine est douloureuse.
Son baiser a le même effet que s'il m'embrassait sur tout le corps. Je n'ai jamais ressenti ça de... toute... ma... vie. Je n'ai jamais été embrassé de cette manière.
La chanson en background rend ce moment si magique, effaçant toutes les horreurs qui accompagnent cette créature macabre. Le baiser est divin, délicieux, ardent. Ses lèvres fondent parfaitement sur les miennes comme si elles étaient moulées que pour moi.
Ce contact dure plusieurs secondes et s'intensifie quand je le lui retourne timidement.
Je ne sais pas pourquoi. Ma tête déraille. Je suis folle.
Je ne vois pas le temps s'écouler, mais je retombe sur terre quand Jaylen détachent avec lenteur, ses lèvres de ma bouche pour me laisser reprendre mon souffle.
Je reste inerte, la bouche légèrement entrouverte, les paupières fermées. Je suis troublée et enivrée à la fois. La sensation était exquise.
J'ouvre doucement les yeux. Il me tient toujours le visage, ses prunelles sombres me fixent.
Mon cœur cogne si fort.
— Je vais te demander seulement une chose... susurre-t-il. Avant cet adieu, promets-moi d'éviter de sortir la nuit. Ce n'est pas sûr pour une magnifique jeune femme comme toi... T'as aucune idée de ta beauté. Si tu te retrouves à nouveau en danger, tu peux être sûre que jamais plus je te laisserai partir. Je devrai te garder à jamais auprès de moi.
Je continue de le contempler. Ses yeux sont si profonds qu'il est difficile de trouver son âme. Par contre, j'ai l'impression que quand je le fixe longuement, je peux l'apercevoir. J'arrive à me connecter à lui. Pour la première fois, je sens une fusion psychique. On dirait qu'il me permit, à cet instant même, d'entrevoir brièvement une petite part de lui. Qui il est vraiment.
— Promets-le-moi, Engy.
Il observe mes lèvres entrouvertes où ma respiration est lente, mais puissante. On dirait qu'il a envie de m'embrasser à nouveau. Ça provoque en moi une pression entre mes cuisses. C'est délectable. Je voudrais que ça ne s'arrête jamais.
— Promis... formulé-je.
— Bien.
Il me lâche et, machinalement, ma main ouvre la portière. Je m'extirpe et avant de refermer la porte, Jaylen passe mon sac sur le siège pour que je le prenne.
Je ferme la portière et je regarde la voiture s'en aller jusqu'au coin de la rue. La Challenger s'arrête au stop et s'immobilise. Je reste sous la pluie qui tombe délicatement sur moi, rafraîchissant ma peau ardente. Je sais qu'il m'observe une dernière fois à travers son rétroviseur. Puis, il finit par tourner à l'angle de la rue et disparaît dans la nuit...
Le bout de mes doigts touche mes lèvres, là où il a posé les siennes. Je lève ensuite le regard vers le ciel, laissant la pluie caresser mon visage pendant que des larmes coulent sans savoir vraiment pourquoi.
Je ne sais pas ce que j'ai fait, si c'est bien, si c'est mal. Si ce que j'ai ressenti lors du baiser est bien, ou mal. Jaylen a littéralement perturbé tout mon état psychologique.
Il me laisse avec des traumatismes et, émotionnellement, je suis complètement... perdue.
(La chanson du baiser entre Jaylen et Engy avec la traduction en français est important dans la série, elle est à retenir et à chérir si vous aimez les perso, elle refera son apparition à un moment très précis dans la suite de la série.)
https://youtu.be/Xb4TregGraU
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro