(8) Libération
Kléo se retrouva seule face à l'Impératrice. Elle ne savait pas réellement quelle attitude adopter, et les avertissements de Killian lui revenaient en esprit : ne surtout pas la contrarier. Scarlett mit fin à ses interrogations en déclarant :
- Suis-moi.
Elle se dirigea vers l'escalier à toute vitesse, obligeant Kléo à courir pour la suivre. Elles montèrent les marches sans prononcer un seul mot, et dépassèrent trois étages avant finalement d'aboutir dans une immense salle. D'environ six mètres de haut pour vingt de large et dix de long, au centre trônait un grand bureau en bois ancien. La pièce était également dotée d'une colossale cheminée, d'une demi-douzaine de braseros éteints ainsi que de deux énormes fenêtres en verre rouge. D'ailleurs, à part les meubles, tout dans la pièce était rouge sang et argent, du carrelage en mosaïque splendide aux murs en passant par le plafond. Une porte dérobée s'ouvrait au fond de la pièce et dévoilait une autre pièce mais Kléo n'eut pas le temps d'y attarder le regard car dès l'instant où elles entrèrent, Scarlett demanda :
- Avant de commencer, est-ce que tu as des questions ?
Kléo réfléchit quelques secondes avant de répondre :
- Eh bien...Tout d'abord pourquoi m'avoir fait venir ici alors que je suis une saine ? Pourquoi avoir lancé une recherche sur moi ? Et...est-ce que tout cela a un rapport avec mes origines ?
Scarlett a soufflé quelques instants, puis s'est adossée sur le bureau.
- Oui, cela a un rapport. Vois-tu, ce que je vais te révéler ici est secret absolu. Même Killian n'est pas au courant. Donc, laisse-moi te raconter une histoire : il y a dix-huit ans, une saine est venue ici. D'abord tenté de la dévorer, Séraphin, encore en place à l'époque, en est finalement tombé amoureux. Imagine à quel point cela a fait scandale auprès du peuple ! De plus, la femme n'aimait pas Séraphin. Pourtant, par un obscur moyen, elle s'est retrouvée enceinte de lui. Mais...Il commençait à devenir fou. La femme s'est enfuie, et, selon nos sources, a accouché dans la forêt. Elle y a vécu un an, avant que les troupes de Séraphin ne la rattrape. Le rapport du seul membre d'escouade a avoir survécu était qu'une saine maîtrisait la "magie". Cela n'était jamais arrivé ! Elle a alors caché son enfant dans un des Abris, puis à fait face à soixante-dix gardes. Elle en a éliminé soixante, a rendu infirme huit et a blessé gravement les deux derniers avant qu'ils ne finissent par la tuer. Maintenant, veux-tu connaître son nom ?
Kléo avait la bouche sèche. Son esprit lui hurlait de répondre Non, non, non ! et pour une fois son instinct était d'accord. Elle parvint pourtant à articuler avec difficulté :
- Dites...Dites-le.
- Lydia Engeldorf. C'était...
- Ma mère.
- Et Séraphin ton père. tu comprends maintenant pourquoi je fais preuve d'animosité envers toi. Il m'est difficile de parler avec la fille de mon vieil ennemi.
- Et...Et que comptez-vous faire maintenant ?
- Cela dépend de toi. Ta famille fait de toi l'une des plus puissante mortelle à avoir jamais foulé cette terre. Mon plan, à court terme, est simple : réveiller tes pouvoirs, et les employer pour faire disparaître à jamais les sains. Cela fait deux cents ans que j'attends cela.
- Et comment...comment voulez-vous réveiller mes pouvoirs ?
Scarlett claqua des doigts, et un tiroir de son bureau s'ouvrit. Une lame noire veinée de rouge et d'argent s'en envola et atterrit dans la main de l'Impératrice. Nouveau claquement de doigt, et le tiroir se ferma. La lame mesurait au bas mot entre quarante et cinquante centimètres de long.
- Voilà la partie problématique : pour te réveiller, il faut une émotion puissante. Et la douleur est la deuxième sur l'échelle de la puissance des émotions.
Avant même que Kléo n'ait pu esquisser le moindre geste pour s'enfuir, l'Impératrice s'était collée à elle et lui avait enfoncé la lame dans l'estomac. Un flot de sang jaillit tandis que la jeune fille titubait en arrière.
- Laisse ton côté Vampire envahir ton esprit. Si tu le fais, tu guériras. Vas-y. Laisse toi aller.
Si seulement elle pouvait ! Kléo n'arrivait à penser qu'une chose : au secours ! Son sang ruissela sur ses jambes tandis que Scarlett l'observait avec intérêt. Ses yeux exprimaient maintenant de la détermination et une pointe d'agacement.
- Je n'hésiterai pas Kléo. Je n'ai pas hésité à tuer Séraphin alors qu'il s'agissait juste d'un pauvre fou. Je ferai tout ce qu'il faudra faire pour le bien de mon peuple. Si te tuer en fait partie, je le répète, je n'hésiterai pas.
La jeune fille sentit le voile rouge s'abattre de nouveau. Ses sens s'aiguisèrent. Elle vit ses ongles s'allonger, sentit ses dents devenir des armes mortelles. Elle bondit sur l'Impératrice, qui esquiva avec difficulté. Elle regarda Kléo avec un mélange de triomphe et de perplexité, avant de se rabattre sur cette dernière.
- Tes pouvoirs...Ils sont toujours bloqués...Il faut donc une émotion plus forte que la douleur...constata Scarlett.
Elle se jeta sur Kléo, la plaqua sur le mur et attrapa ses poignets avec une seule main, tandis que de l'autre elle rengainait son couteau.
- Je n'ai pas le choix...C'est pour le bien de mon peuple...Encore une fois, Kléo, je n'hésiterai pas à te faire subir la pire chose qui puisse exister si cela nous sauve. Je l'ai moi-même subi. Rien n'est pire que cela.
Instinctivement, Kléo comprit de quoi elle parlait. Elle ne voulait pas. Elle voulait encore moins que lorsque le Boucher la menaçait de la même chose, car alors elle ne se savait pas capable de l'en empêcher. Elle sentit une puissante énergie se rassembler dans ses mains. Une onde de choc repoussa l'Impératrice vers la fenêtre, puis une seconde la mit à genoux.
- C'est encore mieux que je l'avais espéré...Vas-y, Kléo. Tue-moi, et guide notre peuple vers un nouvel âge d'or. Fais-le !
Un instant, Kléo fut tentée de la balancer par la fenêtre. Mais quelque chose l'en empêcha. Elle abaissa ses mains, et vit autour un halo violet pâle. Elle ferma les poings, faisant disparaître la lumière. Elle observa la salle, et y vit un énorme chaos. Tout était ravagé. Elle observa l'Impératrice toujours à terre, et murmura :
- Je ne vous tuerai pas Scarlett. Vous avez fait des mauvaises actions, mais vous aviez de bonnes intentions. Je ne désire pas tuer sans raison, de devenir folle comme Séraphin.
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