(5) Livraison
Elle s'y était résolue. Elle s'approcha, dans la limite du possible, du cadavre, abaissa la tête, et mordit à pleines dents. Elle ne voulait pas mourir. Elle ne voulait pas qu'un Augmenté fou à lier la viole au fond d'une caverne perdue dans les bois. Le goût du sang emplit sa bouche, et elle mastiqua avec difficulté les morceaux de chair faisandés. Le goût était...immonde. Des larmes se mirent à rouler sur ses joues tandis que du sang et de la chair humaine descendaient dans son œsophage.
L'Augmenté s'était endormi sur son lit de fortune, gardant près de lui une hache massive en acier rouillé. Les nombreuses tâches cuivrées présentes sur la lame indiquaient qu'il n'hésiterait pas à s'en servir en cas de tentative d'évasion. Le sang continuait à couler dans la gorge de Kléo tandis qu'elle essayait encore et encore de se défaire de ses liens. Les dernières heures de la nuit passèrent lentement. Enfin, Kléo sentit les entraves se desserrer. Elle ravala les dernières larmes qu'il lui restait et, ignorant la douleur dans ses poignets, insista jusqu'à ce que la corde cède. l'Augmenté dormait toujours.
Elle se mit à marcher à pas de velours jusqu'à l'entrée. Un fil était tendu au sol. Elle ne le vit pas. Le claquement qui s'ensuivit résonna dans la grotte. L'Augmenté se leva précipitamment, saisit sa hache, et hurla :
- Qu'est-ce que tu croyais gamine !? On n'échappe pas au Boucher.
Il se jeta en avant. Kléo, fatiguée, ne put esquiver totalement le coup. La hache se planta dans son épaule, lui arrachant un cri de souffrance. Endurant une fois de plus, elle se glissa hors du rayon d'action de l'arme, et appuya sur la blessure pour empêcher le sang de couler. Son état lamentable ne lui permettait pas d'affronter un Augmenté en pleine possession de ses moyens, encore moins si celui-ci avait une arme. Kléo se mit à reculer prudemment et lentement tandis que le Boucher comme il s'appelait fulminait et essayait de la frapper. Les arbres se dressaient derrière elle. Encore un peu, et elle pourrait s'enfuir.
- Ah ! Vous arrivez à point nommé messeigneurs ! grommela le Boucher, mécontent.
Kléo se retourna, pour voir approcher deux autres Augmentés. Ceux-là étaient habillés dans un mélange étrange de cuir noir et de vêtements de la Renaissance. Le premier était un homme. Il était assez petit et présentait une maigreur normale. Son teint blafard contrastait avec ses yeux rouges. Ses traits étaient très fins, et il avait une attitude hautaine, arrogante. On aurait dit qu'il essayait de toucher le ciel avec son menton couvert d'une barbe parfaitement taillée. Le second Augmenté était une femme. Mêmes yeux rouges, même teint pâle et mêmes cheveux blancs, qu'elle portait en une courte tresse. Son visage était crispé en une expression d'avidité, comme devant un énorme trésor. Sa mince bouche entrouverte laissait apparaître des dents aiguisées. Dans sa main droite se trouvait un poignard décoré de runes rouges et de symboles étranges. Kléo fit rapidement le point. Elle n'avait aucune chance de vaincre le Boucher de base, alors lui et les deux nouveaux venus...Impossible. Ses deux Augmentés lui bouchaient le passage pour une hypothétique fuite. Elle en vint à la conclusion qu'elle était perdue. Ils allaient sans doute la dévorer rapidement et sans chichis.
- Incroyable ! C'est bien elle ! Félicitations, Boucher. Vous avez peut-être sauvé notre nation....Quoique....Pourquoi a-t-elle une blessure à l'épaule ? Et cette trace de seringue...murmura la femme Augmentée d'une voix mécontente.
- Si vous voulez me tuer, faites le maintenant...je suis lasse de tout ça...murmura Kléo, les dents serrées.
- Vous tuer !? Loin de nous cette idée enfin ! s'écria l'Augmenté hautain d'un ton nasillard.
- Dites...Pour la prime...gronda le Boucher.
- Une prime ? Vous nous la livrez blessée, dans un état lamentable, et vous osez parler de prime ?! s'emporta l'Augmentée en découvrant un peu plus ses dents aiguisées.
Avant même que quiconque ait pu esquisser le moindre geste, le Boucher se jeta sur l'Augmentée, hache brandie, en hurlant. Cette dernière esquiva avec une facilité déconcertante, et mordit la gorge de son adversaire. La trachée explosa, éclaboussant de sang les alentours. Le Boucher s'écroula pour ne plus se relever.
- Voilà une bonne chose de faite. On ne s'attaque pas impunément à Léna Anna Rosalie Rossignol.
- Je ne comprends rien ! Si vous n'êtes pas là pour me tuer, qu'est-ce que vous faites ici alors !? s'exclama Kléo, à bout de force et de patience.
- Nous avons pour ordre de vous ramener à Erdengar, notre cité, précisa le petit Augmenté. Laissez moi me présenter : Killian Mathieu Théodose Rossignol, et voici ma sœur Léna Anna Rosalie Rossignol. L'usage exige que vous nous appeliez par nos noms entiers, mais je pense que nous pouvons faire une exception. Donc, je me représente : Killian et voici ma sœur Léna.
- Pourquoi ne pas me tuer ? Je suis une Saine, vous êtes des Augmentés.
- Je laisserais à notre impératrice le soin de vous expliquer tout ce qui s'est passé. En attendant, si vous voulez bien nous suivre...
Dans l'esprit de Kléo, c'était le chaos. Elle ne comprenait rien à qui étaient ces Augmentés, qu'est-ce qu'ils faisaient là...Elle hésitait. Elle ne pouvait clairement pas combattre ces deux là, car au vu de la facilité avec laquelle Léna avait tué le Boucher, à deux ils ne feraient qu'une bouchée d'elle. En même temps, son instinct lui soufflait de les suivre, bien que ça aille à l'encontre de ses principes. Une réflexion simple venait aider à la réflexion: si ces deux Augmentés voulaient lui faire du mal, ils n'attendraient pas bien sagement qu'elle prenne une décision. Elle marmonna à contre-cœur :
- Je vous suis.
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