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Chapitre un - Le retrouver

« Sur leurs peaux réunies, Canis Major aura laissé la trace de ses crocs, la Destinée les marquant ainsi à tout jamais. »


Rien. Pas un bruit, pas un mouvement. Le silence était si profond qu'il en était assourdissant, presque violent. Il n'entendait rien, il ne sentait rien, il ne humait rien, il ne voyait rien. Tout était vide autour de lui et en lui. Comme si son existence entière était niée, engloutie par les ténèbres. Pourtant, c'était inconcevable. Il se sentait être. Il se sentait vivre. Il se sentait respirer. Il sentait l'air entrer dans son corps par son nez, traverser ses cavités nasales pour emplir vigoureusement ses poumons avant de ressortir derechef par ses lèvres entrouvertes. Il sentait son cœur battre rapidement et violemment dans sa cage thoracique, son pouls soulevant par intermittence la peau fine de son poignet. Il sentait son sang pulser dans ses veines avant de gonfler vivement ses muscles.

Et il se sentait bouger, mobile dans le néant. Il se sentait marcher. Il sentait ses pas puissants rencontrer un sol indiscernable mais bien là, ses muscles frissonner à chaque mouvement, sa peau onduler imperceptiblement sous les ondes qui se propageaient à chaque contact dur. Mais il ne voyait rien. Plongé dans l'obscurité la plus profonde, il était incapable de s'orienter. Et il ne sentait rien. L'air inodore qui l'entourait ne lui donnait aucun indice sur l'endroit dans lequel il se trouvait. Il ne faisait que marcher, a priori droit devant lui, sans s'arrêter, sans savoir s'il allait ou non dans la bonne direction. Seulement, y avait-il une bonne direction à suivre ? Il ne savait pas. Alors, il avançait, coûte que coûte.

Mais quand un cri résonna dans l'obscurité impénétrable, quand son onde le percuta de plein fouet, il se figea, la respiration courte. Le bruit avait envahi le silence avant de disparaître comme il était apparu, en à peine une fraction de seconde. Il en fut rapidement sûr, c'était assurément un cri humain. Et dans ce puissant écho, il avait facilement pu discerner une peur profonde et irrationnelle. Il frissonna violemment.

S'éveillant en sursaut, les yeux hagards, Namjoon mit quelques secondes à se repérer dans le temps et dans l'espace. Sa chambre était encore plongée dans la pénombre, le soleil se levant à peine à l'extérieur, ses faibles rayons illuminant faiblement la pièce. Assis dans son lit, il tentait de remettre ses idées en place, sa chaude couverture ayant glissé autour de ses hanches, son torse nu parcouru de longs frissons. En lui, il le sentait, son loup était violemment agité. Et alors qu'il soupirait lentement, frottant vivement de ses mains légèrement moites son visage froissé par la fatigue, tentant de faire le point sur ses émotions, son téléphone portable vibra. Posé sur sa table de nuit, en charge depuis à peine quelques courtes heures, l'appareil affichait sur l'écran un numéro qu'il connaissait parfaitement. Hoseok. L'attrapant prestement, remarquant le précédent appel en absence de son ami, Namjoon décrocha avant de porter vivement l'objet à son oreille.

- Ouai ?

- Namjoon ? Désolé de te réveiller mais ...

La voix de Hoseok de l'autre côté de la ligne était calme, légèrement hésitante, bien trop différente de son timbre de voix habituel. Namjoon se frotta alors une nouvelle fois le visage de sa main libre, un long soupir s'échappant aisément de ses lèvres entrouvertes. Ce n'était pas normal, il se passait quelque chose. Jetant un rapide coup d'œil à son réveil qui affichait en grosses lettres rouges 7:04, le jeune homme s'installa sur le bord de son lit, ses pieds nus posés sur le parquet lisse de sa chambre, le faisant pour la énième fois frissonner. Il n'avait pas beaucoup dormi et c'était peu de le dire.

Son rêve, qui se rapprochait plutôt du cauchemar, lui revenait doucement en mémoire, ce cri apeuré résonnant encore dans sa tête, alors que de l'autre côté du combiné, Hoseok ne disait toujours rien, seule sa respiration étant audible aux oreilles du jeune homme. Mais à travers la ligne, Namjoon percevait de nombreux murmures incompréhensibles près de son ami. Depuis son réveil plutôt brutal, il se sentait comme prisonnier d'un brouillard poisseux, étourdi, ses sens mis en veille. Alors, grognant, le jeune homme secoua doucement sa tête, essayant comme il le pouvait de diminuer cette affreuse sensation d'engourdissement. Cette impression l'agaçait de plus en plus et le silence angoissé de son ami ne l'aidait en rien à garder son calme.

- Quoi Hoseok ? Parle bordel !

- Il ... Il faut que tu viennes, ton père te demande. C'est ... C'est ton grand-père Nam.

Namjoon souffla un faible « J'arrive » et raccrocha, n'attendant aucune réponse de son ami, si tant est qu'il y en ait eu une. S'extirpant difficilement de son lit, quittant à regret la chaleur réconfortante de ses draps, il se dirigea d'un pas lourd vers sa penderie, son visage aux traits fatigués figé dans une expression froide. Il ne mit qu'une petite minute à choisir sa tenue pour la journée, n'ayant ni le temps ni l'envie de soigner son apparence. Ce n'était absolument pas le moment. Enfilant un simple jean brut, un t-shirt blanc uni et un pull en laine beige, le jeune homme sortit hâtivement de sa chambre encore légèrement plongée dans le noir avant de se diriger vers son entrée, sans même prendre le temps de passer par sa cuisine pour un café bien mérité. Là il enfila rapidement ses Timberland confortables avant de mettre son manteau, de prendre ses clés et de sortir hâtivement de sa petite maison.

À l'extérieur, le silence profond de la nuit laissait lentement place à un imperceptible brouhaha. Avec le timide lever de soleil, la nature s'éveillait doucement, légèrement endolorie par le froid de l'automne déjà bien installé. Tout en marchant vivement, Namjoon laissait son regard courir sur les façades similaires des maisons de son quartier, son regard accrochant plus de rideaux fermés que de fenêtres éclairées. Il était encore tôt. Et alors qu'il enfonçait ses poings serrés dans les poches doublées de son long manteau sombre, le jeune homme laissa un fugace sourire étirer ses lèvres. Il était né et avait grandi dans ce quartier, il le connaissait par cœur, c'était chez lui, à plus d'un titre. La famille Kim était à la tête de la meute de Séoul, la plus grande du pays, et ce depuis des générations. Beaucoup de ses membres faisaient partie intégrante de sa famille - parents, grands-parents, sœur, cousins, cousines, ... - mais de plus en plus de loups-garous venus d'un peu partout grossissaient leurs rangs, provoquant de temps à autres quelques absurdes querelles entre anciens et nouveaux.

Namjoon grogna, la raison de sa courte nuit lui revenant tout juste en mémoire. Une nouvelle famille venait d'emménager dans le quartier et les quatre membres de la famille Park, venus tout droit de Busan, s'attiraient déjà les foudres de certains de leurs voisins. C'était encore une bête histoire de nuisances nocturnes et Namjoon, chargé par son père de s'occuper rapidement de ce problème, était directement allé chez les Park dès sa journée de travail terminée. Après huit longues heures épuisantes passées sur un chantier dans le sud de Séoul, à gérer et coordonner une centaine d'hommes, il avait dû passer toute sa soirée et le début de sa nuit chez les nouveaux arrivants, à parlementer et à jouer au médiateur entre tous ces voisins mécontents. Jamais le jeune homme n'avait autant eu l'impression de perdre son temps alors que tous restaient sur leur position respective. Et dans l'air frais de la matinée, Namjoon laissa son souffle chaud se transformait en une fine buée alors qu'il expirait fortement l'air de ses poumons, son agacement clairement visible sur ses traits fatigués.

Perdu dans ses pensées, il parvînt rapidement à destination, ses pas le menant comme par automatisme. Au centre du quartier se trouvait une grande maison que les années n'avaient pas épargné. Pour autant, malgré les fissures et la peinture écaillée à certains endroits, le lieu restait étonnamment splendide. Construite en forme rectangulaire, son toit recouvert de tuiles sombres, la demeure traditionnelle possédait un magnifique et surprenant jardin parfaitement entretenu en son centre, quelque peu figé en hiver mais délicieusement odorant durant les beaux jours. L'endroit, tout comme la maison, était toujours grouillant de vie.

Pourtant, une fois débarrassé de ses chaussures et de son manteau, quand Namjoon pénétra dans la grande pièce centrale, une impression désagréable le figea légèrement sur place alors qu'une odeur âcre venait violemment emplir ses narines. La pièce était étonnamment emplie de monde pour une heure aussi matinale. Le jeune homme les connaissait tous. La famille Kim au complet, ainsi que les familles par alliance, étaient silencieusement rassemblées ici, les visages graves et éteints tournés vers le sol. Tous avaient réagi à son entrée, leurs corps les trahissant imperceptiblement, mais personne n'avait osé croiser son regard interrogateur et de plus en plus perdu.

- Fils, te voilà enfin.

La voix de sa mère avait doucement résonné dans la grande pièce silencieuse alors qu'elle s'approchait de lui, traversant lentement la foule compacte pour venir à sa rencontre. Vêtue d'un sobre hanbok noir, un discret mais néanmoins magnifique ruban blanc retenant ses longs cheveux bruns, la femme paraissait aussi fatiguée et perdue que lui. Les traits de son visage déjà marqués par les années étaient terriblement tordus par une brutale douleur, ses yeux brillants par de trop nombreuses larmes contenues. Quand la mère accrocha le regard du fils, sa tête malgré tout relevée dignement, Namjoon comprit. Le jour tant redouté était arrivé.

- Viens, suis-moi, ton père te demande auprès de lui.

Le jeune homme ne put qu'acquiescer, sa gorge sèche et ses lèvres légèrement gercées, avant de suivre sa mère qui fendait à nouveau la foule dans le sens inverse. Et alors qu'il évitait de croiser les quelques regards qui s'étaient levés à son passage, leurs rétines lui brûlant la nuque, Namjoon entendit ce qu'il s'était inconsciemment efforcé de ne pas percevoir, trop englouti par l'atmosphère lourde qui avait pris possession de la maison. Les jeunes enfants de la famille avaient été réunis dans la petite pièce adjacente, tous sagement assis autour d'une large table basse, des dizaines de feuilles blanches étalées sur le bois clair, quelques crayons de couleurs ayant roulé par mégarde sur le sol. Contrastant puissamment avec la morosité presque étouffante de la grande salle, les chuchotements joyeux qui s'élevaient dans l'air et les petits rires cristallins qui atteignaient le jeune homme le secouèrent plus qu'il ne l'aurait cru.

Jetant un rapide regard dans la pièce, Namjoon s'en détourna vivement, une soudaine envie de vomir lui tordant l'estomac alors qu'une grimace venait déformer les traits durs de son visage. Les sourires innocents de cette toute jeune génération le rendaient malade de jalousie. Il était envieux de leur naïveté. Lui ne voulait pas être là. Il ne voulait pas faire face à cette réalité. Ni maintenant ni jamais. Pourtant, il savait qu'il n'aurait pas le choix. À vrai dire, la Destinée ne le lui avait jamais donné, alors à quoi bon lutter contre quelque chose dont on n'est pas maître et ce, dès le départ ? Secouant doucement sa tête, ses poings fortement serrés contre ses flancs, l'intérieur de sa joue mordue par ses molaires à s'en faire légèrement saigner, le jeune homme suivait toujours sa mère à travers les multiples pièces de la maison. Il savait où ils allaient. Il aurait pu y aller les yeux fermés, à la fois parce qu'il connaissait les dédales de cette grande demeure par cœur, mais également car l'odeur âcre qu'il avait senti en arrivant, et qui se faisait de plus en plus forte au fur et à mesure de ses pas, les y menait tout droit.

Là, au bout d'un long couloir à peine éclairé - les timides rayons du soleil ne parvenant pas à trouer l'épaisse pénombre de la nuit encore présente, la lumière artificielle consciemment éteinte -, se trouvait une magnifique porte à double battants, inhabituellement close. Les panneaux de bois, subtilement sculptés et gravés, étaient en parfait état, le matériaux sombre ciré brillant doucement au moindre éclat de lumière, aussi infime soit-il. Namjoon aurait pu dessiner les yeux fermés les courbes et les creux qui composaient cette œuvre d'art, cet intime et inestimable héritage. Sur le bois brute était racontée l'histoire ancestrale de leur famille, les batailles et les combats illustres de leur meute couraient entre les nœuds du végétal, les grands noms de ses ancêtres filants sur les planches comme la sève coulait dans les arbres. Durant son enfance, il avait passé des heures et des heures assis devant à même le plancher, à contempler de ses yeux curieux cette immense porte. Et plus d'une fois son grand-père avait pris le temps de lui conter l'histoire de leur grande famille, les gravures prenant alors vie dans l'esprit vif du tout jeune Namjoon, avide d'en savoir toujours plus.

Mais à présent, le jeune homme voyait ses souvenirs chaleureux être lentement grignotés et abîmés par l'odeur fétide et l'atmosphère malsaine qui s'échappaient d'entre les minuscules et imperceptibles interstices des larges battants, le rendant de plus en plus nauséeux. Et quand ils s'ouvrirent vivement devant lui et qu'il pénétra dans la pièce presque à reculons, et que tous les regards convergèrent vers lui, Namjoon ne put retenir son souffle tremblant, un douloureux gémissement plaintif s'échappant d'entre ses lèvres sèches. Dans son esprit, son loup hurlait alors que le parfum de la mort imprégnait vicieusement ses vêtements et emplissait violemment ses cavités nasales, les marquant à jamais. Et dans un bruit écœurant, alors que le jeune homme se retenait comme il le pouvait contre le chambranle de la porte, sa main tremblante et blanche y laissant la marque de ses ongles courts, Namjoon vomit, un bile brûlante et acide lui râpant la gorge.

- Namjoon !

La voix reconnaissable entre toutes de Jin lui était parvenu comme étouffée alors qu'un bourdonnement désagréable avait atténué fortement son ouïe, ne lui laissant entendre que le martellement interne et violent de son cœur contre sa cage thoracique. Chaque inspiration et expiration étaient difficiles, le goût aigre présent sur ses papilles, mélangé à cette doucereuse odeur putride, le rendait un peu plus malade, sa nausée lui tordant intensément les intestins. Mais les yeux légèrement embués, ne parvenant réellement à les poser nulle part, Namjoon essayait de se reprendre alors que les tremblements de son corps se faisait moins violents. Ses hauts-le-cœur étaient toujours présents mais plus espacés au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient. Il fallait qu'il se reprenne et qu'il calme par la même occasion son loup, celui-ci s'agitant de plus en plus à l'intérieur de lui, sa peau alors parcourue de ce frisson si caractéristique des transformations proches. Et tous ces regards qu'il sentait sur lui, quoique bienveillants, étaient pesants et ne l'aidaient en rien à faire le point, à se calmer et à calmer sa nature à présent à fleur de peau.

- Namjoon, ça va aller ?

Sa main sur l'épaule imperceptiblement tremblante du plus jeune, Jin tentait de croiser son regard perdu, ses sourcils froncés par l'inquiétude. La vision de son cousin, cet être à présent si fragile et grandement nerveux près de lui, était déstabilisante. Namjoon était connu de tous pour son calme exemplaire, son caractère pourtant vif et légèrement frondeur, et pour son incroyable intelligence et sa grande humanité. Il était extrêmement rare de voir chez lui le moindre signe de faiblesse, le jeune homme se contrôlant toujours parfaitement. « Comme durant leur enfance. ». À cette pensée, le plus âgé frissonna faiblement, ses yeux fugacement fermés alors que le souvenir de cette nuit sinistre lui revenait en mémoire. Mais le grondement discret de son cadet le ramena rapidement parmi eux, leurs regards s'ancrant enfin l'un dans l'autre.

Au bout de quelques secondes de cet échange silencieux, Namjoon finit par se dégager de la poigne douce de son aîné, son dos droit et son menton levés fièrement contrastant curieusement avec les sillons humides que ses précédentes larmes discrètes avaient tracé sur ses joues. Dans la pièce, une vingtaine d'hommes et de femmes de tous âges et de tous rangs étaient rassemblés, tous silencieux et immobiles. Personne ne dit mot quand le jeune homme laissa enfin ses yeux redécouvrir faussement cette pièce qu'il connaissait par cœur, évitant pour autant consciemment le centre de celle-ci. Et personne ne détourna le regard quand ils croisèrent finalement le sien, à présent bien plus froid, quoique légèrement vacillant, son masque d'indifférence recomposé sur les traits durs de son visage.

- Approche Namjoon.

Et alors que l'ordre sec résonnait dans l'espace silencieux, le son de cette voix rauque se répercutant fortement aux quatre coins de la pièce, les doubles portes claquèrent dans le dos du jeune désigné. À nouveau plongée dans le noir, à peine éclairée par quelques petites lampes aux éclats jaunâtres, la pièce replongea dans un silence presque étouffant. Avançant alors vers l'endroit qui le repoussait au plus haut point, Namjoon lança un furtif coup d'œil vers Jin, celui-ci ayant regagné sa place contre l'un des murs du fond, remarquant enfin près de lui la présence discrète de Taehyung, son autre cousin, et de Hoseok, également debout non loin d'eux. Tous les trois avaient leurs yeux posés sur lui, leurs simulacres de sourires d'encouragement déformant étrangement leurs visages attristés dans d'absurdes grimaces.

Soufflant longuement, puisant dans ses dernières forces, Namjoon se résigna à tourner ses yeux vers le centre de la pièce. C'était là, il le savait, que se trouvait probablement la silhouette inerte de son grand-père allongé entre des draps trop blancs et trop purs, leur éclat hypocrite lui agressant fatalement les pupilles. Le grand lit à baldaquin qui habituellement occupait le milieu de l'espace et qui avait longtemps était, dans l'imaginaire de l'enfant joueur qu'il fut alors, un navire de pirates ou le lit d'une princesse à sauver, avait laissé la place, depuis quelques mois déjà, à un affreux lit médicalisé. Et disposés tout autour du meuble en fer, les instruments et les machines clignotant et bipant avaient remplacé les magnifiques tables de chevet et les tapis soyeux, déshumanisant la chambre si belle que ses grands-parents avaient toujours occupé.

Et alors que le dernier membre de sa famille se décalait pour lui laisser un passage, Namjoon sut qu'il avait visé juste. Au centre de la pièce se trouvait le corps aminci de son grand-père, étendu entre des draps de coton qu'il savait stériles et rêches, sa silhouette légèrement floutée par les volutes de quelques bâtonnets d'encens qui brûlaient non loin de là. La peau pâle de son visage vieilli par les années et la maladie, presque exsangue, se fondait tristement dans la couleur unie de sa taie d'oreiller alors que ses lèvres entrouvertes laissaient passer une respiration difficile et sifflante. Près du vieil homme se tenait sa grand-mère, le visage grave, ses yeux perdus sur les traits souffrants de son époux. Elle aussi avait revêtue un hanbok noir et ses longs cheveux blancs avaient été coiffés avec un ruban de soie blanche comme le voulait la tradition coréenne.

Et debout près d'elle, une main ferme posée sur l'épaule frêle de sa mère, mais ses yeux fixés sur le visage de son fils, se tenait le père de Namjoon, l'Alpha de la meute Kim. Le visage grave et les lèvres serrées, silencieux, l'homme irradiait autant de puissance que de tristesse, ce mélange contrasté créant alors dans la pièce une atmosphère lourde et crépitante. Habillé d'un sobre costume noir, l'homme laissait courir son regard sombre sur la tenue de son enfant, un petit rictus désapprobateur aux lèvres alors que Namjoon rougissait imperceptiblement de gêne. Mais ne se démontant pas, sa tête subtilement plus haute que précédemment, le jeune homme parvint enfin aux côtés du vieux Kim, comme beaucoup aimaient l'appeler.

L'homme ouvrit doucement ses paupières quand il sentit Namjoon près de lui, le jeune homme ayant timidement emprisonné la main froide de son grand-père entre ses longs doigts tremblants. Et quand les yeux du vieil homme rencontrèrent ceux du jeune homme, celui-ci eut un léger mouvement de recul. Les pupilles d'un noir profond de son grand-père, insondables et mystérieuses, avaient disparu au profit d'une anormale couleur ambrée, légèrement voilée. Les yeux jaunes du loup à l'agonie, ancrés dans ceux de son petit-fils, firent remuer faiblement le jeune loup en lui, un petit couinement échappant inconsciemment d'entre ses lèvres légèrement retroussées.

- Namjoon ... Mon enfant ... Tu es enfin là ...

La voix de son grand-père était faible et bien plus basse que dans ses souvenirs. En seulement quelques jours, l'état de l'homme s'était détérioré sans que personne ne puisse y faire quoique ce soit, et ni la médecine ancestrale ni la médecine moderne n'avait pu l'aider à soulager ses souffrances. C'était la fin et il n'y avait plus rien à faire. Dans un coin de la pièce, Namjoon entendit parfaitement le sanglot douloureux que sa petite sœur avait tenté d'étouffer de ses mains tremblantes et son souffle s'était subitement bloqué dans sa gorge. Et comme si ses sens s'étaient décuplés, exacerbés, le jeune homme percevait parfaitement les réactions des membres de sa famille proche, tous à présent rassemblés autour de lui et de son grand-père, devenant en un instant le centre de l'attention.

- Namjoon ... Il est temps, tu le sais, n'est ce pas ? ... La prophétie ... Tu es l'Alpha de la prophétie ...

Dans la grande pièce silencieuse tout le monde avait retenu son souffle alors que la voix basse du vieil homme avait résonné faiblement parmi eux. Ses yeux ambrés à présent fermés, l'homme s'était mis à murmurer d'une voix étrangement gutturale, faisant violemment frissonner les membres de sa famille, attentifs à la moindre de ses paroles.

- « Lorsque l'astre glacial plongera par deux fois le monde dans les ténèbres éphémères, les salvateur naîtront. Sur leurs peaux réunies, Canis Major aura laissé la trace de ses crocs, la Destinée les marquant ainsi à tout ja - ... »

De sa main libre Namjoon vînt caresser du bout de ses doigts son épaule gauche, ses yeux à présent perdus dans le vide, son esprit complètement déconnecté de la réalité. Enfermé dans ses pensées, dans ses souvenirs aussi vivaces que les jours où ils s'étaient gravés dans son esprit, le jeune homme n'entendait plus la voix grave de son grand-père ni les sanglots irrépressibles que sa jeune sœur tentait toujours d'arrêter. Dans sa tête, comme une ancienne bobine de film muet, s'enchaînaient des dizaines de souvenirs assourdis, tous centrés sur une seule et même personne. Il revoyait parfaitement les traits angéliques de son visage, l'éclat de ses yeux rieurs ou la moue adorable que faisait sa bouche quand elle était contrariée par quelque chose. Il la revoyait courir devant lui, sa frêle silhouette filante à travers les bois alors que l'écho de son rire clair, dont il ne parvenait plus à entendre le son, le frappait de plein fouet, sa respiration rendue difficile par ses propres éclats de rire. Puis, les sourcils froncés, il se souvenait de ce jour funeste où tout avait basculé, ou leur monde d'insouciance avait été mortellement détruit et où le sourire tant chéri s'était terni pour finalement ne plus être du tout.

- -joon ... Namjoon !

Revenant brutalement sur terre, secouant vigoureusement sa tête et laissant son bras retomber le long de son corps, Namjoon ancra ses yeux directement dans ceux de son père. En à peine quelques heures, l'homme face à lui paraissait avoir pris plusieurs années de plus tant son visage était marqué par les stigmates que la peine avait gravé sur sa peau. Et près de son époux, se tenant aussi dignement qu'elle le pouvait, son visage ravagé par de trop nombreuses larmes, sa mère paraissait dévastée alors que son regard ne quittait pas la figure du mourant à présent silencieux, ses yeux hermétiquement fermés et sa respiration à nouveau difficile. Tout autour d'eux, ses oncles, ses tantes, ses cousins ou ses cousines, sa sœur ... Tous s'étaient une nouvelle fois enfermés dans un épais silence, leur attention entièrement dirigée sur leur chef de meute.

- Namjoon, mon fils, il est temps. La lune de sang est dans un mois. La prophétie a été claire, il - ...

- Oui père, je le sais ... Je sais ...

Namjoon ne le savait que trop. Il était temps qu'il fasse ce pour quoi il était né, qu'il prenne le chemin que la Destinée avait créé pour lui et qu'il suive les décisions immuables des étoiles et de la Lune Mère. Il était temps que la prophétie s'accomplisse. L'heure était venue. Et alors qu'il fermait les yeux, coupant l'échange silencieux qu'il avait longuement eu avec son paternel, ses doigts à nouveaux posés inconsciemment sur son épaule gauche, celui-ci prononça de sa voix forte d'Alpha son nouvel ordre.

- Il faut retrouver Min Yoongi et le ramener. Il faut retrouver l'Oméga.

Et au même instant, un imperceptible sourire d'apaisement aux lèvres, le vieux Kim poussa son dernier soupir alors qu'une minuscule larme dévalait sa joue pour venir se perdre dans les plis de ses draps immaculés.

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