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7. Le magistère


22 juin – 1800 mots

Les consciences sont des interconnexions. Elles agrègent des impressions disparates et réalisent une forme d'unité temporelle, spatiale, émergente. Ce que l'on appelle l'identité.

Leur présence déteint sur les choses, de sorte que chaque objet dispose de sa propre part de conscience, de sa propre histoire de sensations. Ainsi les couloirs de Khar se souviennent-ils, même un peu, de ceux qui les ont traversé.

Au soir de son existence, Khar se savait dans une impasse.

Caelus, Le Monde Solitaire



Le froid se fit plus supportable. Tous ses membres étaient engourdis et sa tête bourdonnait comme un essaim de frelons. Quelqu'un approcha un linge humide de son visage et l'épongea. Livenn tourna la tête sur le côté. Il régnait une lumière apaisante. Nadira, proche de la fenêtre, la tête toujours tournée de biais, était vêtue de blanc. Comme la jeune solaine voyait flou, elle avait l'impression que la lumière provenait d'elle, telle un substitut maternel à la déesse Héla.

« Merci, Othon. »

Le solain qui s'occupait d'elle ramassa ses affaires et quitta en hâte le plancher, comme s'il craignait qu'elle ne l'aperçoive. Livenn sentait bien plus de présences qu'elle ne voyait de visages. Des élèves-mages l'observaient sans doute de loin, l'étudiaient depuis l'aile opposée. Que verraient-ils en elle ? Une page blanche. Elle ne se serait pas reconnue dans un miroir. Il n'y en avait jamais eu dans la maison de ses parents.

« J'ai oublié... commença-t-elle.

— Ton esprit se remet de tes premières épreuves. Donne-lui du temps, chéris ce que tu possèdes encore et ne pleure pas ce que tu as perdu. »

Pourquoi Nadira s'exprimait-elle par formules alambiquées ?

« Maître Wei t'a autorisée à rejoindre le magistère de Khar, à la seule condition que je sois responsable de ta formation. Tu es ma protégée, dorénavant, Livenn. Je n'ai presque rien à t'apprendre, mais il faut que je le fasse bien. Tu as de grandes choses à accomplir.

— Je suis prête, dit-elle, bien que tout son corps fût prisonnier d'une gangue de torpeur.

— Il te faut encore du repos.

— Nous sommes beaucoup plus près du centre de Sol Finis, n'est-ce pas ?

— Nous sommes à mille lieues environ de là où je t'ai trouvée. Méra se trouve à deux cent lieues de nous, de l'autre côté du cratère, près du lac intérieur.

— Je me demandais, Nadira... »

Elle voulait parler de sa vie passée, des noms de ses parents, mais son esprit ne voulait pas revenir à ces contradictions. Il n'y a rien de plus difficile que se confronter à soi-même ; Livenn ne faisait que remettre l'inévitable à plus tard.

« Tout ce que je désire peut devenir réalité. Alors pourquoi ne pas faire apparaître de l'eau ? N'aurais-je pas survécu comme cela ? Pourquoi ne pas empêcher mon corps de se dessécher, pourquoi ne pas me rendre immortelle ?

— Je ne connais que deux espèces d'immortels : les dieux et les fantômes. »

Nadira lui passa un bol de grès qui contenait de l'eau et des herbes bouillies – elle le désigna seulement du doigt, et il s'envola dans sa direction, porté par le courant de forces plus puissantes que la gravité qui le maintenait jusque-là à sa place. Manipuler la toile d'Arcs de l'univers, c'était un travail non de titan, mais d'orfèvre, qui demandait d'en ausculter chaque maille, d'étudier ces cordes invisibles, de les pincer doucement, pour voir quels sons ressortaient. Sans cesse observer, étudier les effets de ses pouvoirs, faire le plus possible avec le moins d'énergie. Aller au plus simple. Au plus naturel. Prétendre qu'on ne déformait pas vraiment la nature des choses, qu'elles s'autorisaient elles-mêmes ce travestissement.

« Pourquoi ne pas te nourrir de nourriture spirituelle ? répéta la mage d'Arcs. En vérité, tu le peux. Tu peux vider ce bol et le remplir de nouveau aussitôt. Mais l'eau qu'il contiendra ne sera pas vraiment de l'eau. Ce sera de l'eau que tu auras imaginée. Il s'agira bien d'un liquide transparent, désaltérant, non toxique, mais en auras-tu assemblé chaque molécule ? Auras-tu dessiné la carte de leurs interactions ? Quel genre d'esprit serait capable d'une telle magie ? Nous sommes des êtres finis, Livenn. Nous n'avons pas la capacité de recréer la complexité de l'univers, car nous n'en sommes que d'infimes fragments.

— Alors, que m'arrivera-t-il ? demanda-t-elle entre deux gorgées.

— Tu oublieras qu'il s'agit d'une illusion. Ton corps ne le saura pas davantage. L'eau inventée entrera dans tes organes, dans tes cellules, elle sera absorbée, consommée et incluse partout où il y en a besoin. Au pire, les microscopiques parties de toi se rendront compte trop tard que leur chimie n'a aucun effet sur ce matériau, qu'il ne réagit pas à l'électromagnétisme de la même manière, que sais-je. Tu en mourras, car le corps est une chose trop fragile. Tu refuseras de mourir, car tu es une mage d'Arcs. Tu chercheras vainement un moyen d'échapper à ton destin.

— Et au mieux ?

— Au mieux, ton corps enfermera une petite partie d'imaginaire et l'acceptera comme telle. Tu continueras peut-être. Après un temps, toute ton eau sera fausse. La toile d'Arcs qui te constitue sera faite de mailles plus lâches. Tu rejetteras la matière réelle. Tu ne consommeras plus que des choses inventées. Tu perdras pied dans ce monde. Tu domineras l'esprit et le rêve, mais tu ne seras plus pour nous qu'un fantôme ; bientôt tu traverseras les objets. »

Elle s'imagina tomber dans le sol. Descendre sans fin dans ces profondeurs proverbiales où les dieux avaient leur forge d'airain.

« Un jour, tu disparaîtras. Ce sera comme entrer dans un rêve et ne jamais en sortir. »

Comme ce qui était arrivé à ses parents.

Livenn frémit en espérant que la solaine aveugle ne lisait pas ses pensées, trop promptes à se remplir d'inavouable. Pouvait-elle garder des secrets face à son institutrice, qui lui promettait de lui transmettre son savoir, sa science des Arcs ?

« Dors, lui proposa Nadira. Repose ton esprit. Je dois voir demain ce dont tu es capable. »


***


Livenn dormait.

Elle voulut se lever ; son corps refusa et au lieu de cela, elle se leva de son corps.

C'était une sensation étrange et désagréable, comme le fait d'émerger d'une eau recouverte de pétrole. Livenn s'écarta vivement de la forme solaine allongée dans le coin de la pièce, sous un drap blanc. Elle ne voulait pas encore y reconnaître sa propre image, c'était trop pour son deuxième jour à Khar.

Pourtant, elle n'était pas idiote, ni trop jeune pour savoir ce qu'était une forme astrale. Livenn disposait d'un savoir lacunaire sur les Arcs, appris au détour de conversations avec ses parents. Elle n'avait simplement jamais imaginé manipuler pour de vrai ces concepts éthérés et mystiques.

Elle boita jusqu'à la fenêtre, essaya de s'accrocher au montant, mais sa main le traversa et elle manqua de tomber. Allait-elle disparaître, comme l'avait prédit Nadira ? Pourquoi avait-elle appui sur le sol, si elle ne pouvait pas tenir en main un quelconque objet ? Pourquoi faire une différence entre matière et matière ?

Mon esprit dirige tout cela, comprit-elle. Je n'ai pas assez de force pour influencer la matière, mais je peux prétendre qu'elle existe. Je ne traverse pas le sol parce que je n'en ai pas envie.

Elle prétendit qu'elle ne pesait rien et fit un petit bond. Elle se mit à flotter quelques centimètres au-dessus du sol. Le Cercle de Lumière n'était pas visible, mais elle pouvait l'imaginer derrière les nuages. Il serait toujours là pour elle, comme un père bienveillant, qui encourage ses enfants à accomplir leur destin, et dont l'aura merveilleuse subsiste longtemps après sa mort.

À quoi est-ce que je ressemble ? Se demanda-t-elle.

Livenn redescendit à terre et s'accroupit devant son corps physique. Elle s'entendit respirer. La machinerie biologique fonctionnait et, si quelque chose venait à la surprendre, sa conscience aurait tôt fait de regagner son séjour habituel dans la boîte crânienne. Livenn n'était pas détachée de son corps – cela aurait signifié la mort cérébrale. Un cordon ombilical invisible la reliait par le nombril, comme l'arrivée d'air d'un scaphandrier.

Et si quelqu'un venait à briser le cordon ? Quelle force cela demandait-il ? Et jusqu'où Livenn pouvait-elle aller dans l'espace et dans le temps, sans perdre le contact avec son corps originel ?

Elle s'examina longuement comme une chose étrangère et pourtant proche, tel l'anthropologue étudiant les traits de la lignée humaine. Ces sourcils, ces cheveux étaient-ils vraiment les siens ? Ces mains tout de gerçures, ces ongles brisés ?

Elle découvrait le troisième œil, celui de l'esprit, qui permet de suspendre l'illusion du monde et d'en voir les engrenages, les Arcs qui relient tout. Elle étendait ses cinq sens habituels. Sans soulever le drap, elle pouvait assister au fonctionnement de ses organes, au pompage régulier du cœur ; suivre les impulsions électriques qui partaient du cerveau et provoquaient les tressaillements des muscles.

Livenn sut qu'elle ne gagnerait rien de plus à s'observer ainsi à la loupe, aussi parcourut-elle les contours de la pièce. Une fine cloison amovible, de bois et de papier, faisait lieu de porte. Elle pouvait voir et entendre au travers, et puis, elle pouvait aussi la traverser complètement.

Livenn craignait de rencontrer quelqu'un dans ces couloirs endormis, mais la curiosité fut plus forte.

Elle se trouvait dans une sorte d'infirmerie, à mi-chemin entre les deux ailes du magistère. Des solains de son âge, malades ou blessés, dormaient dans les pièces attenantes. Ils l'avaient mise à l'écart.

« Ce n'est que ton deuxième jour ici, Livenn. Tu apprends déjà sans moi. »

Elle n'avait pas vu, ni senti venir Nadira. Privilège d'une mage d'Arcs bien plus rompue qu'elle à cet art, qui cachait sa présence aisément – marcher sans faire de bruit, comme un souffle d'air, sans déplacer les Arcs, sans faire vibrer la toile.

« Qu'est-ce que je suis en train de faire ?

— Tu voulais visiter, mais tu ne le pouvais pas, alors tu as trouvé une alternative qui ne coûte rien. Tu es forme astrale, pur esprit, mais tu évolues dans le monde réel.

— Tu peux me voir ?

— Tu es assez visible, Livenn. N'importe quel solain te sentirait, sans pouvoir mettre de certitude sur ta présence. Les élèves du magistère te verraient tous facilement. »

Il y eut un coup de vent dans le couloir – une fenêtre devait être restée ouverte. Par réflexe, car elle n'avait pas vraiment froid, Livenn referma sur elle les pans du drap. Sauf qu'elle ne l'avait pas emporté sur son chemin. Elle ne faisait que compléter sa forme astrale par un vêtement bienvenu.

« Il est inutile d'aller plus loin, Livenn. Demain tu seras reposée. Tu verras tout cela dans la lumière – celle qu'il nous reste encore. »

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