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51. Ceto

2700 mots

Effacer un nom, ou s'en emparer, cela demande des manipulations d'Arcs peu courantes, accessibles seulement à un petit nombre. C'est parfois l'ultime punition exercée par les dieux. Nous ne ferons pas que te bannir de notre empire, disent-ils, nous te bannirons aussi des mémoires. Ton nom sera oublié. Tu disparaîtras et ce sera comme si tu n'avais jamais existé. Pour les immortels, il n'y a pas de pire châtiment.

Caelus, Notes


Seryn et Jaren finissaient leur patrouille sur la tour d'observation. La vue sur le mur, sur la Barrière qui ceignait leur minuscule royaume, sur la dévastation minérale qui s'étendait de chaque côté telle une maladie, laissait peu de place à la conversation.

Du côté des Confins, le brouillard grossissait sans cesse, il se densifiait, avalait l'horizon. Il attendait l'heure avant de se jeter sur eux – une tempête de ténèbres prête à bondir sur Sol Finis. Les Sermanéens tenaient une armée de démons en leur pouvoir, tels des chiens de chasse qu'ils lanceraient pour la curée.

« Ma tunique me gratte » dit son bras droit.

Cette réplique ridicule n'avait pour seul but que de tuer les hésitations qui gonflaient leurs pensées comme des abcès.

« Tu as attrapé des poux ?

— Au contraire, je crois qu'en la lavant pour la première fois en cinq ans, le tissu n'a pas résisté au choc. »

Le solain, roc invisible qui maintenait la citadelle à flot en son absence, sourit, le visage tourné vers l'horizon, comme s'il lançait un défi aux forces du chaos.

« On s'en est pas trop mal sorti, tous les deux, reconnut-il. Tu es une formidable maîtresse d'Arcs. Une redoutable guerrière. Et la meilleure pour mener cette bataille sans témoins et sans victoire.

— Tu ne trouves pas qu'on mérite une légende, tous les deux ?

— Je verrais bien une chanson de geste intitulée « amitié impossible à la citadelle de Téralis : tandis que les assauts de démons se multiplient, la primagister Seryn et son fidèle compagnon d'armes doivent affronter non seulement les forces démoniaques, la faiblesse d'esprit de leurs princes d'opérette, mais aussi les sentiments qui les lient contre leur gré. »

— Trop grandiloquent.

— Le froid et le mal s'infiltrent dans ce mur et je me réveille toutes les nuits avec l'impression que quelque chose me ronge de l'intérieur. Malgré cela, je suis bien ici.

— Moi aussi, Jaren. Tu as fait un travail formidable.

— C'est vrai. C'est dommage que je sois mort. »

Arrache-moi à ce rêve, disait une moitié de Seryn à l'autre. Laisse-moi, répondait-elle, tenant son souvenir entre ses mains, lui faisant dire tout ce qu'elle n'avait jamais entendu, lui disant tout ce qu'elle n'avait jamais dit. Laisse-moi ! Nous avons encore le temps de vivre ce que nous méritions. De compléter notre histoire. Laisse-moi ! Je suis en paix. Je ne veux pas retourner dehors. Je hais ce monde. Je te déteste !

Je dois arrêter le temps !

Je peux vivre une éternité avec lui, dans ce rêve.

« Je dois partir » murmura Jaren.

Tout ce qu'il pourrait dire n'avait plus aucune importance ; tout cela était faux, et maintenant que Seryn le savait, son rêve d'un instant volait en éclats.

La réalité ne valait pas mieux.

Une langue de ténèbres avait surgi du brouillard et enserré la tour la plus proche du mur, qui n'avait pas tenu. Seryn chutait dans le vide, entourée de pierres arrachées à leur mortier.

Dans ce monde physique, son corps ne résisterait pas au moindre choc. Elle s'écraserait en contrebas, sur le sol sec des Confins. Cette information mit un temps infini à faire sens pour elle. Seryn passait trop de temps dans ses rêves. Elle en oubliait parfois la fragilité de la chair.

En deux torsions, elle modifia la trajectoire de sa chute et se mit à remonter avec autant de vitesse, jaillissant de la poussière et de la brume sombre comme un ange rejoignant le paradis. Au sommet de sa parabole, elle jeta un regard panoramique sur Téralis, la Barrière et le Fléau qui remontait le long du mur.

Sous le fouet des dieux, les démons s'étaient agrégés, ils s'étaient donné ce corps qui frappait à leur porte, un spectre brumeux dont jaillissaient les grappins de l'envahisseur.

« As-tu un nom ? » cria-t-elle en geste de défi.

C...

Oui, il avait un nom. Il le chérissait ! Ce nom était celui d'un souverain, promis à un immense pouvoir, adoubé par les dieux pour régner mille ans. Le roi des ombres !

Ceto !

Rassemblé en une seule identité, le deuxième Fléau avait faim de leurs noms.

Ceto... songea-t-elle. Elle avait connu un Ceto. Qui s'était nommé ainsi ?

L'ombre engloutissait maintenant l'intégralité des Confins sous sa chape de brume. La pente acérée de la Barrière en jaillissait, ainsi que le mur, l'ultime rempart bâti par des solains, qui démontrait aujourd'hui leurs justes craintes. Les langues de Ceto se tordaient en innombrables tentacules, s'accrochant au premier relief, faisant tomber ce qui se trouvait à leur portée. Des maîtres d'Arcs couraient sur les remparts, jetant des lances de lumière, des lames solaires pour trancher ces excroissances. Cela fonctionnait, dans un premier temps. Les filaments coupés tombaient sur Téralis dans une pluie de sang noir, se dispersant en vestiges de corps mi-solains, mi-animaux, aux visages tordus de douleur ou de haine.

La pression du brouillard sur le mur, qui gagnait toujours en hauteur, semblait à elle seule faire tanguer la citadelle sur ses fondations.

Seryn s'accrocha dans les airs comme une funambule, chercha le point faible de la créature, mais elle n'en voyait rien. Ceto aurait très bien pu n'être qu'un fantôme dans le brouillard. Il n'avait besoin que de donner corps à ses nombreuses mains agitées.

Un des tentacules frappa de tout son long sur l'étendue de pierre verticale, dont se détachèrent des pans immenses. Le mur faiblissait tel une falaise qui s'érode.

J'ai défendu cette forteresse durant des années, se dit Seryn. Jaren... nous avons tenu ensemble contre l'infiltration des démons. Contre le vent de mort qui porte depuis les Confins. Les dieux nous haïssaient et les solains nous méprisaient. Je ne permettrai pas que notre combat prenne fin aussi vite.

Dieux, je vous maudis ! Soyez témoins !

Elle appela le dragon Delts, son œuvre de lumière ; le dragon vint à elle, serti de mille joyaux, brûlant d'un feu plus pur encore, rayonnant de son admiration incertaine, de sa ferveur mort-née pour le soldat Jaren. En armure d'Arcs, agrippée à la nuque de sa création, elle plongea avec lui en direction de Ceto. Puisque les démons prenaient corps, elle donna à Delts les mêmes armes. Pour un instant, ses griffes furent de titane, sa mâchoire d'acier, ses yeux d'onyx, ses écailles d'or. Le dragon plongea sa main dans le tourbillon de ténèbres et arracha les tentacules par poignées, comme de mauvaises herbes, indifférent à leurs tentatives de s'agripper à lui.

Mais cela ne dura pas longtemps. Le dragon, mû par la volonté de Seryn elle-même, sombrait sous son propre poids. Elle recula, se jeta en arrière d'une torsion, s'arrêta debout sur l'arête irrégulière du mur, le chemin de ronde en ayant été en partie arraché.

Delts s'effondrait sur Ceto. Mais le démon bouillait encore de vie. Ses yeux et ses visages réapparurent partout, même sur les plaques de titane des membres du dragon, comme de grosses pustules. Il dévorait tout ce qui passait à sa portée.

Je suis partout autour de toi, Seryn. Car je suis aussi en toi. Tu ne peux pas m'arrêter.

Un violent mal de crâne surprit la primagister. Fatiguée par l'exercice de ses pouvoirs, elle s'effondra sur place.


***


Lorsque Seryn reprit conscience, elle était encore dans un rêve.

Elle se tenait dans un couloir mal éclairé. Elle reconnut aussitôt les pierres irrégulières, les lanternes vacillantes, la bannière de la Chambre des délibérations. Téralis, figée dans un instant passé. Tout était recouvert par une enveloppe transparente, parcourue d'irisations.

Testant les limites de l'illusion, Seryn posa la main sur le mur. Au lieu du toucher rugueux de la pierre, elle sentit une surface liquide, sirupeuse. Une onde courut sur la surface artificielle et les irisations frémirent.

Des solains anonymes, des silhouettes sans visage, se tenaient immobiles de chaque côté du couloir. Elle décida de ne pas s'approcher d'eux. Seryn ignorait encore la nature de ce rêve, s'il s'agissait d'une plongée dans son propre inconscient, ou d'un piège de Ceto. Dans les deux cas, le moindre faux pas la mettrait en danger.

Pourquoi se trouvait-elle ici ?

Elle avisa une porte ouverte, celle de la salle commune, lieu des repas et des réunions de la garnison. Plus haute de plafond, elle lui offrit l'aperçu d'une plus grande surface de cette pellicule qui recouvrait tout, qui cascadait le long des murs. Des aberrations optiques dessinaient de grandes formes géométriques, des étoiles rouges et mauves habituelles dans les constructions d'Arcs.

Un solain était assis au bout d'une des tables rustiques. Comme elle, il était libre de cette toile qui délimitait l'environnement du rêve. Un autre esprit enfermé ? En s'approchant de lui, elle vit apparaître des filaments rougeoyants dans les quelques mètres qui les séparaient. Un intense faisceau d'Arcs courait entre eux.

« Reconnais-tu mon visage ? »

Elle n'osa pas répondre. Vêtu de la tunique des soldats de Téralis, il semblait pourtant à peine sorti de l'adolescence. Ses cornes étaient encore courtes et lisses, sa peau d'un vermillon uniforme. Elle n'avait pas rencontré d'aussi jeune recrue depuis des années. Sol Finis portait si peu d'enfants.

« Te souviens-tu de mon nom ? »

Il fit un geste du bras pour l'inviter à se rapprocher. Sa main droite, barrée d'une impressionnante cicatrice, tremblait un peu en traversant l'air. Ce détail entra en résonance avec ses souvenirs. Elle n'avait pas seulement connu ce jeune solain ; ils avaient été proches.

« Je suis la racine de ta culpabilité, confirma-t-il.

— Pourquoi es-tu ici ? Que veux-tu ?

— Je veux que tu te souviennes de moi. Jaren croyait en toi et il en est mort ; mais je veux que tu te souviennes qu'il n'était pas le premier. Nombreux sont ceux qui, sous tes ordres, inspirés par ta détermination, ont tout perdu. »

Il prit une grande inspiration, reposa sa main sur la table et commença à gratter machinalement le bois.

« À chaque fois que tu as pris le mauvais chemin, Seryn, à chaque fois que tu t'es trompée, à chacun de tes échecs, quelqu'un est mort.

Certains prétendent que les erreurs sont ce qui nous rend solains, que nous en apprenons quelque chose. Je dis que c'est ce qui vous rend faibles.

— Attends... qui es-tu ?

— Nous ne pouvons pas apprendre d'un échec mortel. Je pensais être à ta hauteur, Seryn, je t'admirais, et j'en suis mort. Jaren te faisait confiance, et il en est mort. Notre point commun est que nous n'avons rien appris, et nous n'avons rien appris à personne. Même pas à toi. Puisque tu as persisté dans tes erreurs.

— As-tu seulement un nom ?

— Mon nom, Seryn... »

Il fronça des sourcils. Sa main tremblait encore ; dans un accès de colère, il la plaqua contre la table.

« La vie sur Sol Finis n'est qu'un échec différé. Tu as persisté à défendre la forteresse ; je l'ai prise. C'était une erreur de ta part. Tu sais qu'il est vain de me résister, car je personnifie tous vos doutes. Tu résisteras néanmoins. Ce sera une nouvelle erreur. À partir de maintenant, toutes vos actions sont inutiles. Futiles. Vous vous leurrez. Il est illusoire de vouloir résister aux Sermanéens qui vous ont créés.

— Ceto ? »

Les Arcs qui les liaient se firent plus visibles. C'était toute une toile parcourue de vibrations inquiétantes, de pulsations qui s'infiltraient directement dans son cœur, traversant toutes ses défenses mentales, toutes ses barrières.

« Vous avez beau jeu de dire, toi et Tibor, qu'il faut se préparer aux assauts des démons, connaître ses points faibles. Je suis ton point faible.

Tu as marché trop longtemps, Seryn. Arrête-toi maintenant. Contemple l'étendue de tes échecs, et renonce : si tu ne le fais pas, tu vivras encore plus d'échecs, tu causeras encore plus de souffrance à ceux qui t'entourent et qui, d'une manière ou d'une autre, te sont chers.

Tu ne protèges pas ce monde, tu le laisses pourrir.

Tu n'as pas empêché ton frère de rejoindre la garde de Téralis, tu ne l'as pas encouragé non plus. À cause de ton indécision, il est mort stupidement. Il n'a été ni un héros, ni un survivant. Il méritait mieux que cela. Il méritait mieux que toi, sans doute.

— Je ne te permettrai pas de dire ça.

— Alors détruis-moi et échappe-toi de ton cauchemar. Ce ne serait pas la première fois qu'un démon emploie l'image de ton frère pour t'attendrir, et que tu frappes sans hésiter. À moins... à moins que je sois le premier à t'avoir percée à jour. Ce destin qui est le tien, c'est de tout perdre, de voir tous tes proches partir. Tu seras peut-être en effet la dernière des solains, que je présenterai devant les dieux. En tout cas tu es la meilleure candidate.

— Ceto, d'où te vient ce nom ? »

Il pointa un doigt vers elle.

« Oh, une ancienne prise de guerre. Tu ne t'en souviens pas ? Oui, car c'est cela, de prendre un nom. Rappelle-toi qu'il n'y avait pas de nom sur la tombe de ton frère. Il n'a plus jamais été que cela : ton frère. Il ne méritait même pas de persister, comme ta sœur Nadira. Il ne le pouvait pas, car il n'avait pas de nom, la seule attache stable qui permet de passer du réel au rêve.

Ceto, c'était le nom de ton frère. Tu peux t'en souvenir maintenant, je t'y autorise. Lorsqu'il est tombé de la muraille, les démons qui l'ont anéanti se sont entre-tués pour ce nom. Mais aucun, avant moi, ne savait en faire usage. Désormais il est mien. Je suis Ceto. Je suis ton frère ressuscité, Seryn.

— Tu es donc le deuxième Fléau. »

Elle plongea la main dans sa poitrine et en arracha rageusement les Arcs qui la reliaient à lui. Ces souvenirs de son frère, désormais entachés de ce nouveau nom, elle les réduisait en poussière, avec autant de force qu'elle les avait autrefois chéris.

« Tu as raison, jugea le Fléau. Tu devrais faire de même avec Jaren. À cause de ton indécision, à cause de tes principes, Jaren n'a été ni ton confident, ni ton amant. Tu ne t'es jamais rapprochée de lui, ni éloignée. Votre relation est morte inachevée. Ce fruit pourri continuera de t'empoisonner jusqu'à ce que tu le lâches de ta main.

— Tu es plus intelligent que Léviathan, dit-elle en soutenant son regard.

— C'est vrai. Léviathan n'était qu'une arme.

— Tu as réussi ce que tous les démons désirent. Tu n'as aucune raison de demeurer le chien des dieux, de suivre leurs ordres.

— Tu essaies de parlementer ? C'est admirable, Seryn. Mais je ne fais pas qu'obéir aux Sermanéens. J'ai faim de vos noms. Je veux tous les connaître. Tous les posséder. Je te veux, toi aussi.

— Tu n'as pas le droit...

— Tu oublies que je te connais trop bien, Seryn. S'il me faut révéler ton hypocrisie, j'irai jusqu'au bout. Je ferai de même avec tes semblables. La trame principale de vos existences consiste à détruire d'autres que vous. Regarde ce pauvre garçon que tu as battu, lors de ton temps au magistère. Ah, le classement était important... sauf qu'il ne s'est pas relevé, n'est-ce pas ? Il a perdu l'usage d'une jambe. C'est miracle qu'il ait gardé la deuxième, disaient-ils. Cette manie de voir un bien là où il n'y avait qu'un mal : toi. Souviens-toi. Tu n'aimais pas tellement ton frère. Tu l'as toujours considéré comme secondaire. Moins bon que toi. Il voulait te prouver sa valeur. Ce fut réussi.

Vous blâmez le monde pour tous vos maux. Et si c'était vous, la cause ? Et si la mort de Sol Finis n'était qu'un symptôme ? »

Elle s'écarta. Seryn ne pouvait pas battre Ceto sur ce terrain, mais elle pouvait choisir de l'ignorer.

« J'ai pitié de toi, dit-il encore. Moi, tout ce que je suis, nous avons pitié de vous.

Et c'est pourquoi vous devez disparaître. »

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