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5. Le Triumvirat


La lumière, pour les solains, se faisait chose rare. Leurs cieux bien pourvus, les habitants de Méra se croyaient bien lotis. Ils ignoraient se trouver à l'ombre de l'Histoire, prêts à embrasser la chute vers les ténèbres qui, seuls de leur monde, les avait encore épargnés.

Les Croyants pensaient qu'il suffisait de tendre la main vers les dieux, comme Adam sur la Chapelle Sixtine, pour recevoir leur bénédiction – et donc leur aide. Ils vivaient dans ce déni perpétuel, oubliant la rupture de l'horloge des saisons, la diminution de la lumière, les constats alarmants provenant des Confins.

Les Déçus pensaient que rien n'empêchait les solains de traverser l'espace sur leurs bottes de sept années-lumière et de rejoindre un autre monde. Rien sinon une certaine volonté politique, comme le grain de sel qui sépare le potage de la perfection. Et en ce monde, sans les dieux, ils pourraient reprendre la même vie – la seule véritable question étant de se trouver un nouveau débat politique.

Les princes pensaient qu'il était temps de reprendre leur dû.

Tous se trompaient.

Caelus


Sol Finis, Deux cent cinquante jours avant la transmigration


Depuis quelques minutes, le prince Eil se tenait debout. Les yeux rivés sur ses papiers, il penchait légèrement d'avant en arrière, comme un vieil arbre frémissant sous l'aquilon. Il réfléchissait mieux ainsi ; parfois marchait d'un bout à l'autre de son bureau, ou posait les yeux sur sa bibliothèque sans raison, avant d'appeler sa secrétaire.

« Ils sont arrivés, prince. »

L'annonce le fit sursauter. Eil se croyait seul avec ses pensées, apprendre le contraire lui donna l'impression désagréable d'avoir tout révélé de ses plans, de s'être entièrement dévoilé. Fort heureusement, il ne s'agissait que de l'Intendant El Golgar, non d'un maître d'Arcs. Golgar ne lisait pas les pensées des solains ; il se contentait de les manipuler, de les corrompre. Il maniait la langue et le pot-de-vin comme d'autres le bâton de combat.

À Méra, les armes de l'Intendant se révélaient les plus efficaces. La Chambre des Délibérations en avait fait, le jour même, l'amère expérience.

« Par les dieux, Golgar, faites-vous annoncer !

— Pardonnez-moi, prince. »

Cette figure bouffie d'excès, toujours souriante, ne demandait pourtant pas le pardon. Golgar était comme une de ces statuettes protectrices dont s'entourent les solains superstitieux, prêts à tout pour trouver un substitut aux dieux. Il paraissait inconcevable qu'un solain aussi épais sût se mouvoir avec tant de discrétion. Golgar était un être surprenant.

« Faites-les attendre, dit Eil. J'arrive. »

Le prince écarta ces quelques mèches grisonnantes qui tombaient encore de son crâne dégarni, comme les lierres d'une façade à l'abandon, encadrant son front plissé de rides permanentes. Tout vieux solain qu'il fût, Eil était fait d'un bois sec, endurci. La dissolution de la Chambre, l'instauration du Triumvirat, tout cela faisait partie de son plan, dans lequel les deux autres princes ne jouaient qu'un rôle mineur. Dans leur improbable trio, Eil avait déjà gagné les faveurs de la foule. Il suffisait de tendre la main pour se saisir du pouvoir.

Au bon moment, cela dit. Après avoir jeté au feu tous les recours possibles de ses adversaires.

Le prince Eil se composa un sourire. Sur le chemin de sa salle d'audience, sa secrétaire tenta de l'appréhender sans succès. Il fit un geste de dédain qui signifiait « revenez plus tard ». La porte lui fut ouverte.

Le prince Tommus avait déjà pris place à la table du banquet et rongeait un quignon de pain. Il détestait attendre et honnissait les convenances, aussi ne laissait-il pas le protocole lui dicter son comportement. Anguleux comme un bois jeune, mal dégrossi, l'ombrageux Tommus avançait partout précédé de son nez d'aigle et de ses sombres ruminations. Celui-là voyait sans doute se jouer les plans de l'aîné des princes. Il se savait impuissant et, plutôt que de chercher la faille chez Eil, plutôt que de lutter, il perdait prise tout seul à cause de sa colère.

Tommus ne pouvait pas gagner.

Après l'avoir constaté, le prince Eil dut chercher quelques instants le troisième d'entre eux, Derring, qui admirait les grands vitraux de la salle d'audience. Derring détestait la politique, les jeux de pouvoir ; la science des Arcs le laissait froid. Éternel béat, il aimait la poésie, le chant et les arts picturaux, où il dépensait toute son énergie, rassuré par les louanges de façade de sa cour médisante. Lui-même honnête, trop simple pour ce monde, Derring était un sot entouré de ses pires ennemis, qui se préparaient déjà à le trahir, et n'en attendaient plus que l'ordre.

Derring ne pouvait pas gagner.

Le prince Eil laissa échapper un soupir. Dans ses pensées, ces deux rejetons de la famille royale prenaient souvent plus d'importance qu'en réalité. En rêve, Eil échafaudait des plans d'une complexité saugrenue, alors que la troublante vérité se trouvait devant lui. Il avait déjà gagné. Il suffisait d'attendre, de claquer des doigts au bon moment. De cueillir le fruit quand il serait mûr. Curieuse métaphore en un monde qui n'avait pas porté de fruit depuis plusieurs années.

« Êtes-vous à votre aise ? lança-t-il dans leur direction.

— Oh, très bien, glissa Derring.

— Votre pain est rassis » grommela Tommus en faisant grincer sa chaise.

Eil prit place en bout de table, fit signe à Derring de les rejoindre et demanda :

« Avez-vous vu l'Intendant El Golgar ? Il devait nous rejoindre.

— Il a peut-être glissé sur son ego » persifla Tommus.

Il détaillait les pains et les viandes servies sur la table comme si rien de son goût ne se trouvait ici. Trop de victuailles pour eux trois, mais trop peu sans doute pour un glouton tel que Golgar.

« En attendant qu'il soit là, proposa Eil, buvons à la dissolution de la Chambre, et la fermeture de cette parenthèse malvenue dans l'histoire du royaume. »

Il claqua des doigts ; on leur servit cet ignoble alcool de racines qui, à Méra et ailleurs, avait remplacé le vin. Tommus leva ostensiblement son verre en regardant Eil de biais. Son visage taillé à la serpe, ses cornes asymétriques le faisaient ressembler à un vieux bas-relief grimaçant.

Tous ne burent qu'une gorgée de cette décoction amère et reposèrent leur verre presque plein.

« Et maintenant ? déclara Tommus. Qui dirige le royaume ? »

Gêné de se savoir en dehors de leur conversation, Derring rougissait en faisant mine de penser à autre chose.

« Nous trois, répondit sèchement Eil, en bonne entente.

— Ne sera-t-il pas plus difficile encore de nous entendre qu'à la Chambre de trancher dans ses débats ?

— Les députés étaient plus de deux cent ; nous ne sommes que trois. Je pense que ce sera plus facile. »

Tommus leva un sourcil circonspect, ne sachant sans doute comment interpréter cette remarque – ou ne le sachant que trop bien. À ce moment, l'arrivée d'El Golgar leur apporta une distraction bienvenue. Salué par un sourire du prince Derring et un signe de tête d'Eil, l'Intendant de Méra s'assit à l'autre bout de la table.

« Vous avez été retenu ? » demanda Tommus.

Conscient d'être déjà empêtré dans les trames d'un complot, il faisait montre d'une suspicion inhabituelle. En faisant ainsi, il en apprendrait moins. Tel l'insecte prisonnier dans la toile, ses mouvements réflexes ne faisaient que raffermir l'écheveau de fils qui l'étouffait déjà.

« Une bagatelle, prétendit El Golgar. Nous avons reçu une nouvelle lettre de Téralis, ce qui m'a rappelé qu'il était temps de préparer notre annonce annuelle.

— Nous attendrons un peu, jugea Eil. Il est inutile que nous leur apprenions nous-mêmes le changement de gouvernance qui vient d'avoir lieu à Méra.

— Au contraire, intervint Derring, ne vaut-il pas mieux que la primagister... »

Les regards se tournèrent vers lui ; l'indifférence d'Eil, la colère de Tommus, l'amusement de Golgar lui montrèrent l'étendue de son impopularité.

« Avez-vous eu le temps de lire cette lettre, Golgar ? demanda le prince Eil.

— Dans ses grandes lignes.

— Laissez-moi deviner. Téralis a encore perdu la moitié de sa garnison, il est impératif de la doter de nouveaux moyens, sans quoi mille fléaux écraseront Méra.

— Quelque chose comme ça » sourit l'Intendant.

Le pouvoir immense dont jouissait El Golgar à Méra et dans le reste du royaume n'était un secret pour personne, et nul n'y voyait un problème – pour l'instant. Il occupait un rôle essentiel dans les plans du prince Eil. Mais une fois la pièce jouée jusqu'au bout, après un dernier bravo, les acteurs devraient quitter la scène.

Eil arracha un morceau de pain et se mit à le mâchonner. Golgar s'empiffrait, Derring mangeait avec parcimonie et Tommus, rageur, émiettait la nourriture sans jamais la porter à sa bouche.

« Sous l'administration exclusive de la Chambre, beaucoup de choses ont été laissées à l'abandon, lança le vieux prince. Je ne vous ai pas réunis ici seulement pour célébrer ce jour. Il importe que nous sachions donner à Sol Finis une impulsion salvatrice.

— Que répondrons-nous à leur question ? tenta un Derring intimidé.

— Quelle question ?

— Faut-il chercher secours auprès des dieux, ou trouver asile sur d'autres mondes ?

— Comprenez-moi bien, dit Eil en s'adressant non seulement à Derring, mais aussi aux autres, sur le ton de l'officier qui s'apprête à faire un exemple. La Chambre a échoué parce qu'elle entendait résoudre une opposition de façade, sans objet. Je prétends que les deux options peuvent être valides. Par exemple, nous pourrions revenir auprès des dieux, qui nous diraient alors de mettre cap vers les Étoiles lointaines. Ou bien aucune des deux. Nous oublierions et les dieux, et les étoiles, et nous pourrions alors nous concentrer sur la prospérité de notre royaume.

— Cela, intervint El Golgar, est exactement ce que Méra a besoin d'entendre.

— Et je lui dirai. Il y a plus important que toutes ces questions. Notre royaume est à bout de souffle, et le Triumvirat fera ce qui doit être fait. Il prendra les décisions qui s'imposent, en notre nom, et au nom de tous les solains. Nous n'apportons pas une doctrine préconçue. Nous sommes intelligents et pragmatiques.

— Voilà qui est bien dit » roucoula l'Intendant de Méra.

Le prince Tommus lui jeta un regard incandescent.

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