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29. Savoir rêver


De grands espoirs entourent le prophète. Ses défenseurs sont nombreux. Mais ils sont tous aveugles à leur manière ; ils ont tous un avis différent sur la façon dont le monde sera sauvé.

Lorsqu'approche son heure, le prophète redevient seul.

Kaldor, Principes



Le reste du public se dispersa. On faisait les derniers préparatifs. Khar se vidait de ses occupants. Même les maîtres d'Arcs censés veiller sur les lieux ne se faisaient aucune illusion. On ne les relèverait pas, il fallait s'en aller tout de suite, ou attendre que les murs s'effondrent sur eux.

« Privé de vie, Khar ne restera pas debout très longtemps. C'est un fait. J'entends déjà les fondations craquer sous le poids du magistère. Lorsque plus personne ne le regardera, il s'abîmera sur les contreforts de la montagne, comme cet artiste qui s'effondre une fois que le public est parti... »

Livenn le laissait parler en n'écoutant qu'à demi. Wei ne l'avait jamais prise à parti depuis la nuit de son arrivée à Khar. Elle pensait qu'il avait oublié son existence. La proximité de son esprit était dérangeante. Une contradiction forte sourdait entre sa forme physique chétive et la puissance de sa pensée, dont elle percevait certains échos.

« Dites-moi, est-il vrai que Nadira était votre élève ?

— Cela est vrai.

— Vous avez fait d'elle une magerêve ?

— Nadira fut une magerêve. Ce n'est pas moi qui en suis responsable. Ce fut son accomplissement.

— Mais vous l'avez guidée sur le chemin des Étoiles lointaines ?

— Je ne connais que très peu de ce chemin, principalement grâce à elle. »

Il lui proposa sa main ridée. Elle semblait si fragile, comme celle d'un nouveau-né, que Livenn hésita à la saisir.

Torsion d'espace. Ils traversèrent la cour, un mur, un couloir, un autre mur – elle comprit alors que Wei n'avait jamais vraiment quitté son bureau, que celui-ci se trouvait toujours à un pas.

Le solain s'assit en tailleur et l'invita à faire de même. La primagister Seryn lisait la paume de sa main dans un coin de la pièce. Elle referma celle-ci aussitôt, comme un livre qu'on arrête en cours de route, et prit place à côté d'eux.

« Voici celle dont je vous parlais, Seryn.

— Oui. J'en ai vu suffisamment. »

Cette façon de parler peu, comme pour faire l'économie de ces mots, semblait parfaitement convenir à la primagister.

« Ne perdons pas de temps, siffla-t-elle. Je dois emmener mes recrues dans une heure. Dites-lui, Wei.

— Vous avez raison, Seryn. Prenons un peu de thé d'ormeil. »

L'impressionnante solaine soupira, mais ne protesta plus. Ses tatouages parvinrent à un équilibre précaire, à peine frémissants. L'œil sur son front avait commencé à se scinder en deux. Un double regard, comme s'il pouvait non seulement cerner le présent, mais aussi le passé et le futur. Comme si la magie d'Arcs pouvait tout permettre aux solains orphelins de leurs dieux.

Wei avait une aura différente, faite d'ascétisme et de sagesse. L'attitude de Seryn parlait d'une lutte difficile, pied à pied contre les éléments, contre la matrice même de Sol Finis qui s'en allait en lambeaux. Une lutte désespérée et superbe, fière et courageuse. Elle ne souriait jamais, mais donnait grand espoir.

Un serviteur apporta trois bols et ils partagèrent l'infusion des herbes médicinales que maître Wei cultivait lui-même dans les jardins du magistère.

« Il n'est pas de sagesse sans un bon thé, souligna le maître.

— Qui a dit ça ? releva Seryn.

— Livenn, tu as été jusqu'à présent une élève réservée , presque invisible parmi ces murs. Jamais un mot plus haut que l'autre, pas le moindre problème de discipline. Même tes escapades à l'extérieur du bâtiment se font dans une parfaite discrétion. »

Elle se sentit mal à l'aise de se savoir percée à jour.

« Oui, dit Seryn, je vois ce que tu penses. Si tu ne le souhaites pas, il ne tient qu'à toi de baisser l'intensité de tes réflexions. Apprends à faire de ton esprit un lac. N'en trouble pas la surface, même si tu agites ses profondeurs. »

Elle soupira, les narines et pupilles dilatées en signe d'impatience.

« Continuez, maître.

— Parce que notre temps est compté, primagister, il faut savoir l'utiliser à bon escient, dans son intégralité. Il faut finir sa coupe avant d'en demander une deuxième. Ne jamais se presser davantage que ce qui est nécessaire. C'est particulièrement vrai pour nous, qui sommes au bord de la fin. »

Il tourna sa tête vers Livenn dans un mouvement très lent, semblable à celui d'une tortue d'eau.

« Tu veux reprendre la route de Nadira. »

Elle sentit qu'une pensée lui échappait ; il l'attrapa au vol.

« Othon et Ikar rejoindront Téralis sous le commandement de Seryn. Je lui fais toute confiance. Ce seront d'excellents maîtres d'Arcs, d'un grand secours dans la lutte. »

Elle allait poser une question, mais Wei ne laissait pas suffisamment de temps entre ses phrases pour lui permettre de prendre pied sur ses silences.

« Tous les solains savent, depuis leur enfance, que Sol Finis est le Monde Solitaire, éloigné de tout, distant du reste de l'univers par d'absurdes quantités d'espace. Nous pressentons que ce monde tend lentement vers sa fin et que notre salut se trouve par-delà la barrière que représente cette distance, sur d'autres mondes. Ces points lumineux que l'on aperçoit la nuit, que nous nommons les Étoiles, sont la preuve qu'un univers tout entier se trouve là-bas. Dix, cent, dix mille, peut-être un milliard de mondes à découvrir. »

Pour appuyer ses dires, il fit naître des étoiles dans ses mains, qu'il agitait à la manière de grains de poussière dans un rai de lumière.

« Le Cercle de Lumière n'a pas toujours été visible. Il s'agit d'une immense torsion d'espace, qui permet à l'image lointaine de nous parvenir. Le fruit de siècles de recherches par les tous premiers magerêves. Mais nos dieux, que nous avions jusque-là aimés et vénérés comme des enfants envers leurs parents, se sont retournés contre nous. Ces tentatives de nous rapprocher du lointain, ils les abhorrent, et leur colère est si grande qu'ils ont engendré le premier Fléau, Léviathan.

— Ont-ils disparu ? Sont-ils morts ? »

Seryn la regarda de biais, comme si elle réprouvait que Livenn interrompe ainsi le maître. Ses deux yeux d'encre noir s'ouvrirent en grand.

« Non, dit patiemment Wei, ils sont encore là. Mais tu as raison de poser la question. Il est probable que les dieux aient pitié de nous. Ils ne souhaitent pas nous détruire, mais nous décourager. Ils ont estimé qu'en nous concentrant sur la lutte pour la survie, nous oublierions la quête des Étoiles. Mais le Cercle de Lumière existe et est indubitable. Il ne peut pas y avoir de retour en arrière.

— Alors pourquoi Sol Finis n'a-t-il pas connu de nouveau Fléau ?

— Parce que notre quête n'a pas progressé depuis deux siècles. »

Tandis qu'il parlait, ses pensées extrêmement claires devenaient des images, des dessins qui surgissaient tantôt de son esprit comme d'une boîte à demi-ouverte, se dispersaient autour de lui puis disparaissaient quand ils n'étaient plus demandés.

« Nadira te l'a certainement déjà expliqué. Sol Finis n'a plus connu de magerêve. Les meilleurs maîtres d'Arcs sortant de ces murs sont des inconscients pusillanimes, dont le seul horizon est de servir de garde du corps à une famille de la Cour. Nous étions obsédés par nos résultats, par notre progression, et nous avons mal calculé notre route. »

Seryn prit le relais. Elle aussi parlait en images. Livenn recevait ainsi un avant-goût de ce que devait être la transmission de pensées.

Car ces pensées n'étaient elles aussi que des Arcs, des connexions entre des concepts, des choses et des mots, qui pouvaient aller et venir entre l'information et le réel, entre la matière et l'esprit.

« Il y a des solains, à Méra, qui se prétendent magerêves. Leurs nez sont plongés dans des livres. Ils ne veulent pas atteindre les Étoiles, mais plutôt poursuivre leurs ratiocinations scolastiques. Ils préfèrent spéculer sur la nature des choses que de saisir dans leurs mains les forces de la création. Ils ont oublié leur raison première d'être. »

Le souffle de cette aventure se mourait, il se brisait comme les vagues sur la jetée, contre ces solains persuadés d'être chacun le plus malin, cherchant à valider leurs théories plutôt qu'à franchir les distances infinies menant au renouveau. En réalité, la situation présente convenait à trop de monde. Les étoiles ? Une vision lointaine et discutable, incrustée dans la lentille des télescopes.

Mis face au décompte de leur temps avant l'annihilation, les solains refusaient la seule voie offerte.

Ils oubliaient que le Cercle de Lumière était leur guide vers d'autres mondes. Ils étaient même prêts à douter de l'existence de ces mondes, arguant que tout cela n'était peut-être qu'une illusion, une épreuve des dieux.

« Depuis Nadira, personne en ce monde n'a su aussi bien rêver qu'elle. Voilà pourquoi nous aurons besoin de toi. Comprends-tu ?

— Je crois.

— Parlons maintenant de ta vision. »

Le regard de Seryn se fit plus aigu encore, si c'était possible. Livenn se sentait scrutée à la loupe.

« Tu viens de la bordure, dit la primagister. Tu as vécu là-bas. D'après Nadira, tu as vu quelque chose qui aurait échappé à notre regard. Tu as vu en rêve Téralis, la cité des Confins, un lieu que tu ne connaissais pas. Je veux savoir ce que tu as vu d'autre.

— Je ne me souviens pas, dit-elle précipitamment, comme pour se défendre.

— Nous n'attendons pas de toi que tu nous en parles, corrigea Wei. Nous voulons voir quel mal l'avenir nous réserve. Tu peux nous y aider.

— Ne perdons pas de temps » répéta Seryn.

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