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2. Premier rêve

19 juin 2019 - 2000 mots


Voici la fin des temps.

Les équilibres précaires sur lesquels la vie déployait toute son habileté s'effondrent.

De grandes éruptions de glace envahissent le monde d'un côté ; de l'autre, il brûle.

Les derniers témoins ont l'amère impression d'assister à quelque chose de terriblement grandiose, de participer à quelque spectacle tragique dressé pour les dieux.

Ils en appellent aux dieux.

Et personne ne répond.

Caelus


Sol Finis, Deux cent jours avant la transmigration


C'était le dernier été sur Sol Finis – le pire de tous.

La mère rentra à la maison, mutique. Les yeux secs, perdus dans le vague, elle ramassa quelques affaires. Des gestes machinaux, comme si elle se créait une nouvelle habitude. Livenn était sans doute censée comprendre toute seule ce dont il était question. Elle reproduisit ses gestes.

Je ne ressens rien, se rendait-elle compte, et cela était pire encore que le déchirement de leur terre. Ses sentiments s'étaient eux aussi taris. L'explosion de son cocon familial, l'abandon de leur demeure au vent aride et à la poussière, elle vivait tout cela comme par le regard d'une autre.

Livenn tenta plusieurs fois de faire parler sa mère, mais il était déjà trop tard. Celle-ci lui tourna le dos et prit la route, indifférente à ce que son enfant la suive ou non. Elle ne marchait pas sur un chemin d'espérance, mais déjà en direction des ombres ; c'était un fantôme vivant. Et toujours Livenn avait l'impression de ne rien pouvoir ressentir, anesthésiée par cette lumière, étouffée par cet air au goût de sable. Elle fut bientôt distancée par sa mère, qui jamais ne s'arrêtait pour boire, ou simplement pour vérifier le chemin. Elle n'aperçut bientôt d'elle que les cheveux dénoués abandonnés au vent, une cascade de cuivre rougissant sous la lumière, comme un lointain mirage.

Livenn n'avait peut-être jamais été proche de ses parents, mais elle craignait de les voir disparaître, comme ces statues de pierre effacées par le temps, qui perdent leur visage. Ce n'étaient que deux fermiers sans prétention, incapables d'arrêter l'inexorable avancée des multiples fléaux qui gangrenaient leur univers, submergés par la voracité des forces de la mort – et finalement, infectés eux aussi par elles.

Écrasée par cette lueur rouge qui envahissait le ciel, Livenn ne put s'empêcher de penser des horreurs. Il existait sans doute une manière, même atroce, d'expliquer tout ceci, de faire entrer ces cataclysmes dans une logique. Pour quelles fautes les avait-on punis ? Eh bien, ils l'avaient cherché, à vouloir s'arc-bouter contre le vent de poussière, dans leur petite maison familiale. Ils savaient déjà que leur obstination ne menait qu'à la ruine. Pourquoi avaient-ils attendu de tout perdre, avant de s'enfuir ? Ne méritaient-ils pas leur sort ? Peut-être Sol Finis avait-il déçu les dieux ; peut-être sa souffrance était-elle à la mesure de ses grands péchés.

Pire encore eût été l'absence d'explication, l'aléa sans nécessité, rien qu'un déplacement de terre et d'atmosphère d'une proportion ridicule à l'échelle de l'univers ; un frémissement qui n'intéressait personne, ni les dieux, ni même la Chambre des Délibérations de Méra.

Sa mère avait disparu de son champ de vision, avalée par le chemin de pierre, par les vols incandescents qui obstruaient sa vue, par les ombres grandissantes des arbres desséchés. L'éclat rougeoyant de la chevelure, son seul héritage, demeura longtemps comme un souvenir dont elle ne voulait pas se séparer.

Ses yeux lui brûlaient, sa peau se craquelait comme la terre. À chaque inspiration, l'air embrasait sa gorge. Livenn crut que des nuages la précédaient, en amont ; elle imagina qu'elle tendait la main vers eux, les pressait comme un coton imbibé d'eau, et se désaltérait. Son rêve éveillé lui fit perdre l'équilibre. Elle sentit un peu d'humidité et rampa en direction de cette promesse. Au creux de l'étendue de pierre se trouvait un petit lagon, trésor abandonné ici par les dernières pluies, des semaines plus tôt. Livenn y plongea la main, rencontra du sable. Aussitôt l'eau se rendit compte qu'elle n'était elle aussi qu'un rêve, et disparut.

C'était le dernier été sur Sol Finis. Jamais la lumière n'avait été aussi forte et aveugle ; son apogée atteinte, elle décroîtrait lentement jusqu'à l'agonie – jusqu'à l'obscurité totale.

Livenn toussa.

Ce monde ne devrait pas exister, songea-t-elle. Nous ne devrions pas souffrir. N'est-ce pas à cela que servent les dieux ? Ne peuvent-ils pas mettre fin tout de suite à Sol Finis ?

Elle se souvint d'un prédicateur des Sermanéens, qui allait de village en bourgade en prétendant que tout ceci avait un but. Il s'agit d'une épreuve, annonçait-il. Les dieux sont conscients de votre souffrance. Elle vous rapproche d'eux, elle raffermit votre foi en les douze Sermanéens, qui sont nos créateurs et nos maîtres. Admirons-les pour leur science. Louons-les pour leur bienveillance. Lorsque Sol Finis aura bu le vase jusqu'à la dernière goutte, ils ouvriront les portes de leur Séjour Céleste et nous libéreront de toute souffrance. Notre séjour terrestre nous paraîtra bien fade en comparaison. Nous connaîtrons à leur côté la vie éternelle.

Livenn ne voulait pas de la vie éternelle, seulement la survie temporaire. N'était-ce pas fort peu à demander aux Sermanéens, qui avaient apporté la vie en ce monde et qui lui dispensaient la lumière ?

Elle s'enfonçait dans l'inconscience et continuait de rêver d'eau en étendues fabuleuses, plus vastes que le lac intérieur enchâssé au centre du monde comme une perle en son écrin. Elle déjouait tous ses propres pièges mentaux, atteignait ces océans rêvés, pour découvrir des déserts de sel ou de métal. Déçue, elle renonçait à défier l'univers ; elle cherchait maintenant ses parents, et croyait voir leur silhouette surgir du sol, partout, sitôt qu'elle détournait le regard. Leurs visages se décoloraient, ils ressemblaient à des morts sortis de la tombe, leurs yeux vides ne la voyaient plus. Ils n'avaient aucun sentiment pour elle ; ils ne ressentaient plus rien ; peut-être était-ce là le meilleur à quoi un solain pouvait prétendre. Pas de félicité éternelle auprès des dieux ; rien que l'obscurité prématurée. Pas de Séjour Céleste, mais l'Océan sombre où reposent les âmes.

Livenn appela leurs noms, et à force de les crier, les perdit.

« Tu vis encore. »

Elle marchait sur une de ces étendues uniformément planes générées par ses rêves. Ce désert de sel brûlait ses pieds nus, mais l'air semblait avoir perdu sa rugosité. Elle l'inspirait, le buvait en imaginant qu'il s'agissait d'eau.

La symétrie du ciel et de la terre se brisa. Des images sombres jaillirent des quatre coins de son champ de vision en flots ininterrompus, qui se croisaient en symboles obscurs. Des fragments du passé et du futur s'engouffrèrent dans la brèche, des éblouissements déformés comme l'écho, dont elle ne pouvait faire sens. Elle était une trop jeune solaine déjà prisonnière d'un avenir trop grand pour elle, trop incertain, fragmentée par des possibles dont l'amplitude déchirait son âme.

« As-tu un nom ? »

Les formes titanesques se figèrent en arches de métal, entrecroisées comme les plans complexes d'une entité divine. Livenn se sentit mieux. Elle venait de trouver un lieu dans lequel elle serait toujours la bienvenue – son esprit prenait forme. Elle se savait construite sur du sable, de la poussière, et des questions qu'elle ne formulerait jamais – mais tout cela disparaissait derrière l'organisation mystérieuse des arches.

Ses premiers souvenirs trouvaient ici leur place. Dans la petite maison des fermiers, reproduite à l'identique, elle mit les silhouettes de ses parents – deux marionnettes immobiles, deux figures sereines. Elle fit verdoyer le champ alentour, y plaça tous les animaux de son enfance et, revenue à son point de départ, se laissa tomber dans l'herbe.

Il est si agréable de s'éveiller d'un cauchemar. Et tout ceci était si réel, excepté les arches de métal qui se déplaçaient lentement, comme le mécanisme d'une horloge cosmique. Elles surgissaient de la terre au loin, là où s'arrêtait ce fragment de vie, et traversaient le ciel.

Une étrangère marchait vers elle sur le chemin de pierre, passant entre les arbres fruitiers, dont le feuillage élégant mettait en valeur leur pose indolente. Elle ne s'arrêtait à aucun de ces détails. Elle ne s'intéressait à rien. Elle avait l'attitude de la professeure qui s'apprête à sermonner son élève. Livenn ne voulait pas entendre son discours. Elle ne souhaitait pas prendre la fuite, car au-delà de ce souvenir rassurant, régnait l'inconnu. Alors elle demeura en place, serrant dans ses bras un lapin-nain à six pattes, son préféré – mort de la peste que les insectes avaient transmise. Elle rêva que l'intruse reculait, que le sol se dérobait sous ses pieds, pour l'empêcher de l'atteindre.

Cela eut lieu, car ce monde, par nature, se conformait à ses désirs : elle se trouvait en elle-même.

« As-tu un nom ? » l'interpella la solaine.

Ses cheveux noirs étaient coupés courts, comme pour mieux faire ressortir ses cornes, enroulées vers l'avant comme celles des parents de Livenn. Elle portait les stigmates d'une vie courte mais chaotique, de nombreuses cicatrices intercalées avec des tatouages noirs, un bandeau sur les yeux. Sa tunique sans cape était ornée d'un symbole à demi-effacé, tracé à la main avec des pigments dorés.

Elle ne peut pas me voir, se persuada Livenn, aussi ne répondit-elle pas.

Mais la solaine avançait toujours, malgré la déformation de l'espace. Ses pieds traversaient le sol qui se jetait contre elle par vagues toujours plus violentes. Rien de tout ceci ne pouvait l'atteindre, car elle en connaissait la nature ; elle était habituée à voyager dans les rêves.

« Dis-moi, as-tu un nom ? »

Sa demande se faisait plus pressante, moins amicale. Livenn croyait être la seule à régir ce petit univers paisible ; or la solaine leva le bras et une lame pure et transparente, comme de l'eau ou du diamant, émergea dans son prolongement.

« As-tu un nom ? » répéta-t-elle.

La question s'était maintenant alourdie d'une menace.

« Livenn. Je me nomme Livenn. »

Pour toute réponse, la solaine aveugle laissa partir son arme en gouttelettes et tendit une main vers elle.

« Viens, Livenn. Tu es en train de mourir. »

Mensonge. Elle se sentait bien, ici. D'ailleurs, tout ceci était réel ; la solaine aux vêtements usés, sortie de nulle part, avait toutes les allures d'une illusion suspecte.

« Et toi, qui es-tu ? Qu'est-ce que tu me veux ?

— Tu es en train de perdre conscience, Livenn. »

Mensonge. Elle se sentait en pleine conscience d'elle-même ; elle sentait la caresse du vent, les brins d'herbe, tout ce qu'elle voyait la ramenait au temps béni de la ferme. En se concentrant bien, elle pouvait oublier le lointain mouvement des arches de métal.

« Je veux rester ici, protesta-t-elle.

— Je ne veux pas te forcer à sortir, mais je suis en mesure de le faire.

— Va-t'en. »

Une rafale de vent poussa la solaine sur plusieurs mètres, sans que cela ne semble l'importuner.

« Viens. »

Elle savait qu'en regagnant la réalité, elle devrait se confronter à la souffrance.

« Laissez-moi. Je n'ai rien demandé.

— Tu as survécu au moins trois jours sans boire. Il n'y a personne de vivant à cent lieues aux alentours, tous les autres qui tentaient de faire le chemin ont été vaincus par la sécheresse. Tu désirais vivre et ce désir t'a maintenue en vie. Tu es forte, Livenn, plus forte que la réalité. Tu es comme moi. Tu es sans doute meilleure que moi. Je n'ai pas le droit de te laisser partir. »

Des cordes invisibles s'enroulèrent autour de ses poignets et de ses chevilles et Livenn fut tirée vers l'avant. Arrachée au berceau de ses souvenirs, elle tourbillonna dans une tempête de sable et de poussière. Les yeux fermés, elle n'entendit plus que les grincements du vent, les lointains chocs des engrenages de son esprit.

Tu es exceptionnelle. Personne ne lui avait jamais dit cela.

« Je n'ai pas le droit de te perdre, car nous aurons besoin de toi. »

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