Je regarde mon téléphone les sourcils froncés, me demandant comment le nom de cette personne peut s'afficher sur le petit appareil alors qu'elle ne fait même plus parti de mes contacts. 

Je décroche machinalement, mais restant tout de même méfiant. 

Sa voix retentit, et alors que je regarde loin devant moi, sortant de l'agence de voyage, je remarque cette fille que je hais tant. Sa poitrine a été refaite, son style montre qu'elle est encore plus superficielle qu'au lycée, et son sourire faux me fait comprendre qu'Isabelle a quelque chose derrière la tête. 

Je laisse mon smartphone collé à mon oreille, alors qu'elle ne me parle même pas. Et si elle le faisait, ses mots ressortiraient aussi vite qu'ils seraient rentrés de mon cerveau. 

J'ai envie que ce soit Silky devant moi. J'ai dû lui mentir pour mettre tout en place pour notre week end surprise en France. C'est un mal pour un bien, même si j'ai peur qu'elle découvre ça avant que je ne lui ai donné les billets d'avion. 

Me rappelant soudainement de qui est devant moi, je raccroche, et fixe Isabelle avec un sourcil levé. Elle est la dernière personne que j'ai envie de voir en ce moment. Encore plus qu'Evan. Mon esprit me joue des tours et je sens mes yeux vaciller. Je paie bien le fait que je n'ai pas pris mes médocs pour l'épilepsie ce matin. 

Mes doigts tremblent, et j'hésite à partir immédiatement avant que je ne fasse une crise devant cette fille, ou à rester et à entendre ce qu'elle a à me dire. 

Mon côté curieux l'emporte.

Isabelle s'approche de moi, tandis qu'au fur et à mesure des secondes, son visage se déforme, et je me rends compte que comme depuis plusieurs jours, le nouveau traitement que m'a prescrit le docteur a raison de moi. 

Je n'ai même pas le temps de la repousser que cette ombre de mon passé se jette sur moi, et m'embrasse avec force et ardeur, bloquant ma main droite et obligeant ma gauche à glisser le long de sa hanche. 

Si je pouvais vomir, je le ferais. 

Il n'y plus que les lèvres de Silky qui m'intéressent désormais. 

Mais alors que je la repousse, je sens une présence familière près de moi. Je pressens cette petit âme dont je suis fou, cette fille qui a donné la vie à nos deux sangs réunis. 

Cette salope a encore une fois réussi son coup, alors que cela faisait des années que je ne l'avais pas vue. 

Je vois alors ses yeux, ses prunelles toujours remplies de vie se vider de tout état d'âme, ne devenant plus que de simples larmes. Simples, mais ayant l'effet de coup de poignards sur moi. Me brisant de part en part. 

Je n'ai pas le temps de la voir une seconde fois que son corps s'échappe, devient une épaisse fumée blanche. Tandis que moi, je tombe dans le vide, avant de reprendre mon corps en sursaut dans mon lit. 

*****

Fouillant le parc dans son intégralité, je retrouve enfin la personne que je cherchais au bout de plus de cinq minutes. Etre seule est assez bizarre, cela fait plus de deux semaines que je ne lâche pas d'une semelle Keylan. 

Mickaël est beaucoup plus musclé que la seule fois où je l'ai vu, et ses cheveux sont ramenés en arrière. Il porte un t shirt noir et un pantalon de la même couleur. 

Même si cela fait trois ans et demi que je ne l'ai pas vu, son frère me fait gravement penser à lui. 

Lorsque Mickaël remarque enfin ma présence, il sourit et se lève de son banc, me tendant sa grande main bronzée. 

"Silky. 

-Mickaël. 

Je m'assois sur le bois dur, et il fait de même, en me fixant. Cela en est troublant. Vraiment trop. 

-Comment vas-tu ? 

-Je pense qu'il vaut mieux qu'on aborde le sujet Nathan avant que je ne change d'avis. 

Ses yeux se plantent dans les miens à la vitesse de l'éclair, tandis que je détourne le regard, gênée. 

-Oui, je pense aussi. 

-Alors ? Dis moi. 

Il sort son téléphone en ouvrant légèrement sa bouche, et tape dessus, me rendant intriguée et sceptique. Mickaël me tend le petit appareil noir, et je ne regarde pas tout de suite ce qu'il veut. 

-Je crois qu'en voyant cette photo, tu pourras plus te faire une idée sur le nouveau Nathan. J'ai réussi à le faire un peu sourire hier, en lui faisant faire ces poses. 

Mes yeux se posent enfin sur son smartphone, et mon cœur fait un looping en voyant l'homme qu'est devenu celui dont je suis toujours désespérément amoureuse, même en ne le voyant pas durant trois ans et demi. 

Sa barbe le rend encore plus viril qu'il ne l'était auparavant, et sa nouvelle coupe de cheveux le vieillit. 

Mais ce n'est pas ça qui me choque le plus. 

C'est son corps sur l'autre photo. Nathan semble avoir prit beaucoup de poids depuis que nous nous sommes séparés. 

Je retiens mon souffle, tandis que Mickaël rit à moitié. 

-Et oui. Un nounours. Nathan n'a pas changé dans son caractère, bien qu'il soit toujours aussi anéanti. Je l'ai bien remarqué hier. 

-Je...

-Alors Keylan veut le voir ? 

-Oui. Pour son anniversaire. Et il voudrait que son papa fasse parti de...de...de sa famille. 

Ma gorge se serre à l'idée que son père qu'il semble tant aimer m'a trompée quelques semaines avant notre mariage. 

-Et toi, tu le veux ? 

Sa voix me fait comprendre que Mickaël s'est tourné vers moi. 

-Sincèrement ? Oui. Oui, je voudrais que Nathan soit avec son fils et moi par la même occasion. Je voudrais que chaque matin Keylan se réveille avec ses deux parents à ses côtés. Je voudrais que notre fils saute sur notre lit, et que son père prétexterait n'importe quoi pour m'embrasser. Mais ce n'est pas aussi facile. Et cela n'arrivera sans doute jamais. Nathan a choisi quelqu'un d'autre. Pas moi. 

Mes yeux me piquent et je hais l'idée d'être toujours autant touchée lorsque je parle de lui au bout d'autant de temps de séparation. 

-Il t'a choisie Silky. 

-Non. Non, il ne m'a pas choisie moi. Mais cette salope blonde. 

-C'était un malentendu. 

-Ecoute Mickaël, je peux comprendre que tu défendes ton frère, mais j'étais bien là. J'ai bien vu comment il l'embrassait. Et j'ai surtout remarqué le fait qu'il m'est menti. Maintenant, je voudrais savoir, quand est-ce que tu es libre ? 

-Tous les soirs après seize heures. 

Je vois bien qu'il est déçu de ne pas avoir réussit à me convaincre, mais je n'ai pas le choix. C'est plus fort que moi. 

-Comment est-ce que...tu vas faire avec Keylan ? 

-Je viendrais te le déposer ici, et Nathan viendra ensuite le chercher. 

Sa main descend le long de sa nuque, et je remarque que le frère de celui que j'aime est aussi dépassé que moi par ces événements. 

-Attends, quoi ? 

-Je ne compte pas aller chez lui Mickaël. Je ne désire plus avoir à faire quoi que ce soit avec lui. 

-C'est stupide. 

-Je suis stupide. 

Je lui souris avec ironie, tandis qu'il se lève en soupirant. Que lui et son petit frère le veuillent ou non, cela sera ainsi. C'est moi qui décide désormais. 

-Tu ferais un effort ? Juste pour aujourd'hui...? 

-Tu voudrais que Keylan voit son père cet après-midi ? 

-Oui, pourquoi pas. Cela ne pourrait que nous donner une idée à propos de leur relation. 

Je ne sais que penser de son idée, même si mon cœur me pousse à accepter ceci. Tout ça pour que je le vois enfin à nouveau. Je me hais putain. Et je déteste encore plus le fait d'avoir mes sentiments qui grandissent au fur et à mesure des secondes, ces si petites minutes qui me font basculer de l'autre côté. 

De la haine à la passion. 

Et je n'aime pas ça. 

-Je sens que je vais le regretter mais d'accord. 

-J'ai réussi ! 

-Ne t'emballes pas. Appelle Nathan et dit lui que je lui dépose un petit pas vers la réconciliation. 

Je souris en me forçant, et après avoir passé plus de dix minutes au téléphone loin de moi, Mickaël revient en me souriant et m'entraîne rapidement avec lui. 

Je ne sais pas ce que j'ai fais. 

Je crois d'ailleurs avoir fais une erreur. 

Et pitié, qui que vous soyez cher destin, épargnez-moi de retrouvailles haineuses. 

*****

Je vais voir mon fils. 

Rien qu'à cette idée, je saute à moitié de joie dans mon appartement, faisant valser mes copies à corriger au sol, et souriant comme un gamin de quinze ans qui a enfin embrassé pour la première fois une fille. 

Je n'ai aucune idée de comment cela ait pu se passer, de ce qu'il y a eu dans la tête de Silky, mais je ne suis qu'heureux de cette situation. 

Entendant la sonnette retentir, je me fige, dévoré par le stress et les émotions qui me submergent, une chose qui n'était pas arrivée depuis des mois déjà. Je pars ouvrir, l'appréhension de les revoir me dévore, mais rien ne pourrait m'empêcher de sourire à cet instant. 

Et c'est là que je le vois. En premier. 

Sa ressemblance avec mon ancien moi est frappante, j'ai l'impression de me voir moi à cinq ans, comme si on avait développé des photos de moi en image 3d. Ses cheveux bruns coupés aussi courts que les miens à l'époque ne font qu'accentuer ce fait, et ses petits et intenses yeux bleus sont aussi magnifiques et profonds que les siens. 

Keylan me regarde rapidement, les yeux débordants d'amour et d'admiration pour moi. 

-C'est toi mon papa ? 

Putain, je vais m'évanouir. 

-Oui. 

-Tu en as mis du temps à venir...Papa. Mais je t'en veux pas. Maintenant, t'es avec nous deux, avec maman et moi. 

Le fait qu'il m'appelle "papa" me remplit de joie, et même si Silky continue de me faire la tête, ce n'est rien comparé à la peur que j'avais que mon fils me haïsse. 

Keylan me re-fixe avant de venir enlacer mes jambes en plongeant sa petite tête dans mes genoux. Je suis presque aux bords des larmes, et ce fait devient évident lorsque je la vois elle. 

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