Dead Again
Il avait essayé en vain de chercher le responsable. Il avait trop peu d'indices. Mais il avait toujours su s'en accomoder. Il suffisait de réfléchir un petit peu. Maintenant qu'il avait écarté le plus gros de ses soucis, il lui fallait se concentrer sur les meurtres.
Le lendemain matin, en allumant la radio, il apprit que trois nouvelles victimes avaient été retrouvées pendues à l'entrée d'un bar, en plein centre-ville.
"Regardez qui voilà. Dit Harrison, le compatriote de Taylor, en croisant les bras sur sa poitrine.
-Il va récupérer l'affaire et toutes celles qui ressemblent à la dernière, tu paries combien? Grogna le dénommé Fischer en suivant du regard le brun qui venait de pénétrer dans le poste.
-Je te parie même que dans deux semaines, cette affaire est réglée et classée. Renchérit Sam en tendant sa main. On parie un menu au Royal Diner?"
Le blond considéra le pari une seconde avant de taper dans celle de l'autre officier.
"J'espère que tu as de l'argent, se moqua le brun, parce que je vais me réjouir de ta défaite."
Il était inutile de dire qu'ici, Dick n'était pas très apprécié. Cependant, s'il savait ce qui se tramait dans son dos, il faisait la sourde oreille. Il s'installa et consulta les rapports des trois nouvelles victimes. Encore des jeunes. Trois garçons, dans la même tranche d'âge que les précédents. Même caractéristiques, cette fois-ci, il était marqué que des feuilles de vigne avaient été retrouvées sur la scène de crime.
Il n'eut aucun mal à reconnaître la signature de l'auteur. Le même que les autres. C'était presque trop facile.
Il se leva, son dossier sous le bras.
"Et tu vas où comme ça? Demanda le blond en levant les yeux de derrière son écran.
-Voir le chef, puisque personne n'a cru bon de me tenir au courant. Heureusement que j'écoute la radio.
-Ouais, la moitié des infos doivent être fausses. C'est Louis qui s'en est chargé." Répondit Taylor en haussant les épaules.
Richard, puisqu'il s'appelait ainsi, toqua à la porte de son responsable. Un "entrez" retentit et il entra dans le bureau. Il jeta le dossier en papier kraft sur la surface lisse et croisa les bras sur sa poitrine.
L'autre dans son fauteuil rembourré, haussa les sourcils.
"Je peux savoir ce que c'est? Demanda-t-il en soulevant le rebord de la chemise du bout du doigt.
-Les nouvelles victimes. Vous serez très surpris de constater qu'il y a à peine un jour de battements entre les derniers...
-Et qu'est-ce que tu veux que je fasse, Grayson? Que j'engage un détective privé, qu'il prenne des photos et qu'il me fasse un rapport sur ce qu'il pense? Oh, suis-je bête, c'est déjà ton boulot. Tu reprends tes morts et tu dégage. Que tu résolve cette enquête ou pas, j'en ai rien à faire."
Il repoussa le dossier du bout de son gros doigt et décrocha le téléphone pour commander un café et un donut. Le stéréotype parfait du flic con comme ses pieds et qui a eu son diplôme par chance. Ou grâce à un coup de pouce.
Richard quitta les lieux, non sans fusiller du regard son supérieur et retourna à sa place.
"Alors?
-J'y vais. Répondit-il en enfilant sa veste bleue.
-Tu vas où?
-Je vais faire un tour à la morgue et vers la scène de crime. Ils n'ont rien touché?
-Aucune idée. Tu as besoin de...
-Non, ça ira, je préfère travailler seul."
Taylor Fischer haussa les épaules et se concentra sur son écran. Il en avait encore pour un bon moment à remplir son formulaire, vu sa vitesse d'escargot.
Dick décida de passer devant les lieux avant d'aller à la morgue. Ça lui faisait faire un détour mais c'était capital. Il se munit de son matériel personnel pour récupérer les éventuels indices et s'arrêta devant le bar. La porte, semblable à celle d'une cave, était toute ficelée de plantes grimpantes, de même que l'enseigne lumineuse qui ne brillait plus tant que ça, cachée par toute cette masse de feuilles.
Un ouvrier arrachait toute cette verdure, en ronchonnant du haut de son échelle.
"Excusez-moi, BCPD, est-ce que vous pourriez descendre, s'il vous plaît? J'ai quelques questions à vous poser."
L'homme sur son échelle fit les gros yeux mais descendit néanmoins. Il jeta les feuilles au sol qui se mirent instantanément à pourrir au contact du sol. Dick fronça les sourcils mais se concentra sur son interlocuteur.
"Vous avez assisté à la scène d'hier soir? Commença l'officier.
-Ben tiens, vous vous intéressez à ce que j'ai vu hier, maintenant? Hier, vous m'avez fait dégager à coup de pied dans le derrière! Faut que je vous le rappelle? Cracha le vieil homme en détaillant le policier.
-Excusez mes partenaires un peu... indélicats...
-Indélicats, c'est gentil! Je leur ai dit que j'étais un témoin! Même pas ils ont voulu m'écouter! Ils ont tout remballé et m'ont laissé cette merde à nettoyer avant ce soir! S'exclama-t-il en faisant de grands gestes vers le bâtiment.
-Vous comptez rouvrir ce soir?
-C'est le seul club plus ou moins branché de la ville et avec la pub que les patrons viennent de se faire, vous pouvez être sûr que perdre une soirée serait faire faillite."
Dick hocha la tête. Un meurtre attirait les curieux qui s'empressaient de demander des renseignements et toutes sortes d'informations dans les bars, les cafés, les magasins du coin, dépensant l'argent nécessaire pour des informations erronées. Là, un triple homicide revenait à faire une publicité sur écran géant comme à New York.
Le vieil homme dans son habit bleu contempla la façade verte en se grattant la moustache blanchie par le temps.
"À la limite, ça ne sert à rien de l'enlever. Les gens se serviront comme souvenir du massacre qui a eu lieu ici. Je vais juste..."
Il s'apprêtait à remonter sur son échelle lorsque Dick l'intercepta :
"Rappelez-moi ce que vous avez vu hier soir?
-Ah oui! Et bien, il faisait très noir et avec le rose du néon...
-Venez-en aux faits.
Il commençait sérieusement à perdre patience.
-Les trois jeunes étaient juste là, derrière vous, en train de fumer, je crois. Et une femme est passée et ils l'ont sifflé. Et après, il y a eu des dizaines et des dizaines de tiges qui ont poussé de nulle part et je me suis frotté les yeux, pour être sûr que je rêvais pas mais y avait que les trois gars suspendus dans le vide."
Il le remercia et prit un échantillon avant de repartir vers sa voiture. Des tiges, des feuilles, du vert. Partout. Il ne lui manquait plus qu'à examiner les corps pour confirmer ses soupçons. Il avait déjà une petite idée aux deux premiers, mais là, tout se confirmait.
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