Révélation amère
~ Bad Omens - Just pretend ~
__ Exton __
La nuit a été réparatrice. Sitôt levé, je fais un tour sous la douche, enfile mes vêtements de la veille pour aller me prendre un café, il est essentiel au déroulement de la journée. D'ordinaire, je l'aime avec un peu de lait, mais je ne vais pas faire le difficile.
Le réfectoire ne se présente pas comme une cantine traditionnelle avec ses rangées de longues tables et son self-service. Tout se déroule comme un buffet dînatoire sur un long comptoir où la nourriture est disposée devant les machines à boisson. Les assises sont disposées par quatre ou par six, pas plus.
Assis à l'écart de tout le monde, je réfléchis à une possibilité de croiser Tamsin. Évidemment, passer dans l'autre faction n'est pas autorisé et je n'ai pas envie de me faire remarquer.
Mes divagations matinales sont perturbées par une tasse de chocolat au lait posée à côté de la mienne.
— Je peux m'assoir avec toi ?
Arthur.
— Bien-sûr.
— Merci. Alors cette première nuit ? interroge Arthur, s'installant en face de moi.
— Plutôt bien.
Il hoche la tête concentré sur son petit-déjeuner composé d'une assiette de pains au lait de toutes sortes. Je ne sais pas comment il fait pour ingurgiter autant de nourriture le matin. C'est limite si cela n'est pas en train de me dégoûter. Mais je balaye cet aspect désagréable pour l'interroger sur certaines choses.
— Au fait, tu sais où on peut se trouver des vêtements ?
— Au deuxième étage, il y a deux boutiques ; une pour les femmes et une pour les hommes, répond-il, Tu trouveras ce que tu veux ...
Je bois deux gorgées de mon café, pendant que le glouton en face de moi se rempli le gosier. Mon attention se reporte sur le jardin que l'on perçoit de la fenêtre. L'avantage, c'est qu'on est dans une ambiance différente et c'est quelque chose que j'ai senti dès le départ.
Une odeur de fumée de cigarettes m'arrache de ma contemplation. Derrière Arthur, Emmet s'avance avec une tasse de café fumante. Il nous salue poliment et s'installe un peu plus loin. Son allure un peu stricte et hautaine, n'est sûrement qu'une couverture et je suis certain qu'il n'est pas mauvais dans le fond.
Terminant le fond de ma tasse, je prends congé d'Arthur et ses viennoiseries pour aller en quête de vêtements. Bientôt quatre jours que je me traîne les mêmes et cela commence à m'agacer.
Plusieurs personnes entrent et sortent par les vastes portes coulissantes. Des rangées d'habits en quantité impressionnante se dressent en face de moi. J'arpente le rayon des jeans où je récupère un noir, un bleu délavé et un troué, puis je prends trois tee-shirts et trois pulls que je fonce essayer. Assez satisfait de mon choix, je prends aussi boxer et chaussettes lorsqu'une personne me percute de plein fouet faisant tomber le tout au sol.
Agacé, je me baisse pour les ramasser et me confronte au personnage. Orné d'une chevelure rousse flamboyante et parfumée délicatement au Jasmin, elle se tient devant moi.
Tamsin.
Mon cœur cogne lourdement dans ma poitrine à la seule idée de la revoir. Et tandis qu'elle s'affaire à ramasser mes articles, je cherche quoi lui dire et reste planté comme un abruti.
— Oh pardonnez-moi. Je suis vraiment désolée, j'ai...
Ses grands yeux verts s'élèvent vers moi, et il lui faut quelques secondes avant qu'elle sorte de sa stupéfaction.
— Exton ? Je ne pensais pas te revoir aussitôt.
— Moi non plus. Je ne t'ai pas vu dans le groupe hier alors j'ai pensé que tu étais du côté du Phôs. Tu es avec nous alors ?
Agenouillé à ses côtés, je ne sais plus comment dire les choses. Est-ce que je devrais lui avouer que je l'ai cherchée ou bien me taire et la laisser dire ? Tout s'embrouille dans ma tête, mais l'odeur de son parfum allié à celle de sa peau est exquise. Sait-elle combien elle allume mes sens en une seule seconde ?
Elle esquisse un sourire illuminant son visage, au moment où elle change de conversation.
— C'est parce que tu n'es pas assez observateur, Exton. Je suis partout surtout dans les endroits où tu ne me vois pas, tu le sais bien, je suis une sorcière, annonce-t-elle avec un clin d'œil.
Elle me rend mes fringues tandis que nous nous relevons l'un l'autre. Nos regards ne se quittent pas, mais elle n'a pas répondu à ma question.
— Viens ! On va à la cafétéria, au premier étage. On pourra discuter tranquillement, j'ai besoin d'avaler quelque chose.
— Ça me va.
Comme un robot, je me laisse diriger vers la caisse. On m'explique que le paiement se fait en échange de service au sein de la faction. Encore un truc qu'on nous a expliqués au début mais qui n'était pas assez passionnant pour que je m'en souvienne. La caissière, lourdement maquillée et mâchouillant son chewing-gum, attend donc que je lui présente les preuves de mes travaux. Tamsin prend le relai et lui explique que je viens de débarquer et que je n'ai aucune monnaie pour le moment. Tout en continuant de mâcher comme une vache, elle hoche la tête et bipe mes articles. Je charge le complet dans un large sac et remercie la jolie rousse pour son aide. J'obtiens ensuite un ticket que je devrais présenter pour rembourser mes achats. C'est tellement compliqué que j'ai déjà des maux de tête. Nous prenons congés du ruminant et nous dirigeons vers la cafétéria.
Tamsin commande un thé au citron, moi, un cappuccino caramel et nous allons nous installer à l'écart.
Ses mains posées autour de la tasse, elle me contemple quelques secondes avant de poursuivre.
— En fait, je ne suis ni d'un côté, ni de l'autre, s'exclame-t-elle, je suis en réalité une chasseuse.
On ne m'a pas parlé de ce groupe, et tout en réfléchissant je l'observe attentivement.
— Et qu'est-ce que c'est ?
Les lèvres pincées, elle se contient. Ses prunelles de jade plongent dans les miennes, essayant d'identifier mon ressenti et surtout comment avancer la chose. Cela a l'air de taille et ne me rassure pas du tout. Elle finit par prendre une inspiration et se lancer.
— Je suis chargée de rétablir l'ordre entre les deux factions : Skiá et Phôs. Ceux qui ne respectent pas les règles, je n'hésiterai pas à sévir.
— Et tu ferais quoi ? demandé-je, suspicieux.
Un lourd silence me répond, et ce n'est pas bon signe. Mon palpitant continue à battre la chamade tandis que je ne lâche pas son regard.
— Au premier avertissement, c'est le cachot. Au second... c'est la mort...
Sa voix s'éteint sur ces derniers mots. A-t-elle lu en moi ? Sait-elle que je ne suis pas disposé à écouter les ordres comme un brave cabot ?
Sa main attrape la mienne et la serre très fort.
— Exton ! T'es pas quelqu'un qui écoute ce qu'on te dit, et il faudra que tu le fasses pour ta survie. La faction Phôs est un groupe d'humains. Ils ne tolèrent pas les êtres surnaturels. Pour eux, vous n'êtes que des problèmes. Alors si l'un de vous vient à franchir le seuil sans une autorisation, ils n'hésiteront pas à nous donner l'ordre d'agir.
— Qui décide de ces choses-là ?
— Phôs !
— Mais, on a effectué des tests. On nous a expliqués que les deux étaient égaux ...
— Et c'est faux ! me coupe-t-elle, puis elle baisse d'un ton, tant que tu coopères et que tu restes sur Skiá tu n'auras aucun problème, mais si tu décides d'aller là-bas ils feront ce qu'ils veulent.
— Et vous gagnez quoi dans l'historie ? Je veux dire vous êtes sensés être des deux côtés alors pourquoi écouter leur seule loi ? grincé-je.
Elle resserre sa prise.
— Parce qu'on respecte leur loi comme la vôtre. Et que nous n'avons pas le choix !
Comment est-ce possible que l'être humain puisse devenir à la fois aussi vil et inhumain ? Vouloir éliminer des êtres parce qu'ils sont dotés de capacités qui les dépassent.
— Et si tu échoues ta mission ?
Ses deux émeraudes si ravissantes restent plongées dans les miennes et je crois avoir compris ce qu'elle met tant de temps à me dire. On communique presque sans se parler. Est-ce parce que j'ai aussi du sang de sorcière en moi ? Cela se peut.
Elle ferme les yeux, et ma main serre la sienne également.
— Alors ils me tueront.
— C'est impensable ! Ils n'ont pas le droit !
— Si ! Ils l'ont ! Je suis une gardienne, un être qui fait régner l'ordre alors si j'échoue, ils m'élimineront. C'est comme ça, Exton. Mais je lis en toi, et je sais que tu vaux mieux que toutes ces colères qui empoisonnent ton âme et te rongent. Laisse les s'en aller et ne t'en préoccupe pas !
— Est-ce qu'on pourra échapper à ça et retourner dans nos vies ?
— Non. Ceux qui sont ici ont été épargnés, les autres sont morts à cause des humains. Si tu t'échappes, tu sais ce qui va se passer.
Cela fait beaucoup en une seule fois. Alors je me sens confus, perdu entre cette réalité et celle que je croyais.
Je lâche un soupir douloureux et me laisse tomber contre le dossier de ma chaise. Il me faut un remontant, quelque chose qui m'aide à me reprendre. Exorbités, mes yeux fouillent quelque part par la fenêtre, quelque chose à fusiller du regard. Juste pour évacuer toute cette haine qui progresse en moi. La jolie sorcière murmure mon prénom alors je ramène mes orbites vers elle et son doux sourire fait le reste.
— Mes parents sont morts assassinés par des gars de la mafia ! Je bossais dans une boutique d'art design sur Downtown.
— Non Exton. Ils ont été tués par la faction Phôs parce qu'ils ne veulent aucun être surnaturel sur terre ! C'est pour cette raison que tu es en sécurité ici ! tente-t-elle de me convaincre.
— Alors pourquoi nous avoir amenés ici ? Pourquoi nous avoir fait passer ces tests ?
— Parce que dans votre malheur vous êtes malléables. Ils savent qu'ils peuvent vous modeler comme ils veulent. Les plus récalcitrants ont été éliminés.
— J'ai vu, dis-je en contenant mes émotions au maximum, des hommes de la mafia venir tuer mes parents, Tamsin.
— Non. Et j'en suis désolée pour eux vraiment. Ils tiennent des fichiers de chaque personne et ...
— Je veux le voir écrit ! m'exclamé-je, s'ils ont assassiné mes parents, si ce sont vraiment eux les responsables...
Son autre main se pose sur la mienne tandis qu'elle secoue la tête.
— Non, Exton. Je t'en prie. Non, murmure-t-elle.
Le tumulte qui m'habite est difficile à calmer. Mon esprit n'est que révolté et souffrance. La plaie béante logée dans mon cœur se met à saigner abondamment et rien ne peut arrêter cette hémorragie.
— Tu es fort, et je serai là pour t'aider à ça. Ne leur donne pas cette satisfaction. Tes parents sont là, autour de nous. J'ai vu ta mère et ton père, ils vont bien. Ils sont dans l'au-delà, un monde magique où les êtres se retrouvent et où la vie est éternelle.
Sa voix ainsi que ses paroles m'apaisent. Les dents serrées, je réussis à calmer cette rage.
— Si tu veux, tu auras l'occasion de leur parler. Il y a un lieu où on peut réaliser ce genre de choses, où personne ne saura. Je n'ai pas le droit d'utiliser mes pouvoirs mais j'ai confiance en toi et je sais que tu ne diras rien.
— Tu as ma parole.
— Le jour où tu es prêt, tu me contactes. Et on fera ça ! Je suis sûre que ça t'aidera beaucoup.
Elle tire son portable de sa poche et me communique son numéro pendant que je lui donne le mien.
— Tu voudras le faire ? demande-t-elle.
Je hoche la tête machinalement. C'est comme si j'avais pris un gros coup de massue sur la tête. J'avale une gorgée nécessaire de mon cappuccino, puis je lui adresse enfin un sourire.
— Merci d'être là.
— De rien. C'est normal, je ne supporte de voir quelqu'un en détresse, souffle Tamsin.
— Comment est-ce possible que tu lises en moi comme dans un livre ouvert et que je puisse en faire autant ?
— On est lié. Tu as du sang de sorcière par ta mère et il se trouve qu'elle est comme moi, une Wicca. Alors on est connecté, c'est ce qui m'a conduit à toi l'autre nuit.
Un léger sourire étire mes lèvres, parce que j'ai senti aussi cette familiarité. L'impression que je pouvais tout lui dire sans retenu, et qu'elle me comprendrait. Je le sais et elle aussi.
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