13
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Park Jimin est beau garçon, et il en est conscient.
Sa mère n'arrête pas de lui répéter qu'il fait craquer toutes les jeunes filles de Séoul avec sa bouille d'ange et son sourire craquant. Madame Park a raison; les demoiselles de la capitale bavent devant Jimin sans aucune retenue. Mais ce que madame Park n'a pas prévu, c'est que son fils adoré, son bébé, son angelot, attire aussi les hommes.
Et comme le destin fait bien les choses, Jimin aime autant les hommes que les femmes. Il trouve ça plutôt pas mal; d'un point de vue purement technique, aimer deux genres lui laisse deux fois plus de choix que s'il n'était que hétéro. Jimin est très heureux, vivant ses petites histoires tranquillement, à l'abri du regard de ses parents. Vraiment, le destin fait bien les choses.
Sauf que le destin a un jumeau maléfique: le karma. Jimin sait bien que c'est risqué d'inviter son petit ami, un certain Mark, à venir chez lui un après-midi d'automne, prétextant des révisions importantes bien que l'année ne fait que commencer. Mais monsieur et madame Park ne sont pas encore rentrés, alors les deux jeunes hommes se sentent pousser des ailes; les cahiers de biologie finissent vite sur le sol et Jimin plaqué sur le bureau de sa chambre, Mark au dessus de lui qui l'embrasse avec passion. Et c'est là que le karma entre en jeu.
Monsieur Park, homme sérieux et avocat de son état, a décidé de rentrer plus tôt de son travail. Sa profession prend beaucoup de son temps libre, et il regrette de ne pas pouvoir passer plus de temps avec sa femme et ses deux fils, Jimin et Jihyun. Monsieur Park est donc rentré à la maison dans l'après-midi, tout guilleret à l'idée de passer du bon temps avec sa famille, pour la première fois depuis un mois.
Ce qu'il n'a pas prévu, c'est de surprendre son fils aîné se faire astiquer le poireau par le fils du voisin. Sans plus de cérémonie, Jimin voit la porte d'entrée lui claquer au nez alors qu'il a été poussé dehors avec pour tout bagage sa veste, ses chaussures, et un ordre on ne peut plus clair: ,,casse-toi et ne reviens jamais''. Jimin n'a même pas eu le temps de jouir, mais ça reste là le dernier de ses soucis.
Mark veut inviter son petit ami à vivre avec lui, mais Jimin s'y oppose. Les parents de Mark ne sont pas réputés pour leur ouverture d'esprit, et Jimin a peur pour son petit ami; la rue n'a pas besoin d'accueillir un garçon de plus. Alors ils décident de rompre, et selon Jimin c'est pour le plus grand bien. L'angelot repasse ensuite devant chez lui pour dire au revoir à sa maison, et découvre sur le perron son sac à dos rempli de son matériel de cours, quelques pulls, des galettes de riz ainsi que son téléphone. Sûrement une intention de son petit frère. Au moins, Jimin peut toujours aller à l'école.
Il vit donc ainsi, allant en cours le matin et dormant dans la cour de l'école le soir une fois assuré que plus personne ne trainerait dans les parages et serait susceptible de le voir. Chaque soir, il appuie contre la grille encastrée dans le mur du bâtiment scolaire. Elle protège un soupirail qui donne sur le sous-sol, et c'est là qu'est la chaudière. S'il force bien, Jimin peut disloquer les barreaux, se faufiler dans l'interstice et dormir calé contre la citerne d'eau chaude. Par la plus grande des chances, il y a dans la salle de la chaudière une prise électrique, parfaite pour recharger son téléphone. Il en a vraiment besoin, car pas de batterie veut dire pas de réveil, et pas de réveil veut dire éveiller les soupçons, lui qui est toujours présent et à l'heure. Quand il se lève pour aller en cours, il prend soin de replacer la grille correctement, sinon quoi le concierge risque de découvrir son petit manège.
Les soirs où il est trop faible pour forcer la grille, Jimin se contente d'aller sous le préau couvert. Cela lui évite la pluie et minimise le vent. Pour manger, il chaparde à la cafétéria tôt le matin, se faufilant tel un chat pour attraper ne serait-ce qu'une pomme avant que la cantinière n'arrive. Jimin réussit à tenir un petit moment comme ça, remerciant le ciel quand les cours de natation sont enfin au programme; il peut profiter d'une bonne douche brûlante une fois par semaine. Il se débrouille comme il le peut, met un masque souriant chaque matin en allant en cours et l'enlève chaque soir pour pleurer en dormant. Jimin va mal. Il se sent parasite, comme un rat à chaparder et squatter le sous-sol, mais il s'estime chanceux de réussir à survivre comme ça. Au moins, il n'a pas à dormir dans la rue.
Le karma ne doit pas l'aimer. La cantinière le surprend, alors qu'il s'attarde pour prendre une poignée supplémentaire de carottes. Elle l'amène chez la directrice qui est très douce, prenant délicatement la main de Jimin entre les siennes alors qu'il pleure de tout son saoul en racontant sa vie des six derniers mois. Il craque, il n'en peut plus, qu'a-t-il fait de mal si ce n'est aimer quelqu'un ? Dieu n'est-il pas censé être aimant et compatissant ? Alors pourquoi, bordel pourquoi! est-ce que le ciel semble s'acharner sur lui ? Il n'est pas censé vivre comme cela alors qu'il vient à peine de passer la barre des seize ans.
La directrice n'est pas une femme cruelle, et entend la détresse du jeune homme. Elle autorise Jimin à occuper une des pièces qui servent de débarras, dans le grenier de l'établissement. Là, Jimin trouve un radiateur, un lit et un petit bureau. Dire qu'il est aux anges serait un doux euphémisme. Jimin est si extatique qu'il en embrasserait presque les souliers de la directrice, s'inclinant jusqu'au sol devant la vieille femme en signe de gratitude. Retrouver le confort d'une chambre après des mois de calvaire est une sensation si délicieuse ! Peut-être que le destin, pour une fois, fait bien les choses.
Jimin finit ses études avec plus ou moins de difficulté, et ne sachant pas trop quoi faire, il décide de s'inscrire dans un studio de danse gratuit où il rencontre un jeune homme plus âgé que lui d'un an seulement, énergique avec un sourire en forme de cœur. Les deux cliquent directement, se soutenant mutuellement dans la galère. En échange de menus travaux qu'ils doivent effectuer -comme garder le studio en ordre, laver les sols ou encore contrôler les douches- ils ont le droit d'avoir une petite chambre de bonne au dessus du studio, offerte généreusement par le propriétaire en payement de leurs services.
Les deux s'entendent bien. Le jeune homme, Hoseok de son prénom, n'aime pas trop parler de lui et de son passé. Jimin sait juste que son aîné n'a pas eu autant de chance que lui, qui a toujours eu un endroit plus ou moins convenable pour dormir, que ce soit la chaudière ou le grenier de l'école.
Hoseok a connu la rue, la vraie, celle qui vous cloue sur place et dont le froid vous perce les os. Celle où il faut se battre pour sa survie, celle qui ne vous lâche jamais, celle où passer la nuit relève du miracle. Hoseok a réalisé un miracle chaque jour pendant sept ans de sa vie. Il n'en parle pas souvent, il préfère sourire. Pourtant, Jimin voit bien l'appel à l'aide silencieux que lui lance son ami à travers son regard d'un ébène pur. Le jour où Jimin retrouve le plus âgé dans la salle de bain du studio, des sanglots secouant son corps et les bras en sang à force de s'être griffé pour évacuer la douleur mentale qui lui ronge l'esprit, il comprend que ni lui, ni Hoseok ne peuvent vivre une vie normale, du moins pas avant d'avoir pris soin d'eux-mêmes.
Mais les sessions chez le psy sont hors de prix. Il faut trouver un travail s'ils veulent s'en sortir et recommencer leurs vies du bon pied. Ils n'ont que leurs corps pour les aider, alors l'idée de stripteasers vient tout naturellement. Grassement payés, presque pas de contact physique avec le client -une des première règle de l'établissement étant que le client ne doit toucher son stripper que si ce dernier le lui autorise- c'est le job parfait pour les deux hommes.
Ils décident de prendre cette carrière tout en continuant de racler les sols du studio afin de garder leur chambre, et aussi car ils aiment danser là. La danse, c'est ce qui leur donne la force de continuer, une passion qui brûle dans leurs torses et les enveloppe d'une chaleur bien méritée après les temps difficiles qu'ils ont vécus. Le studio est un îlot de paix dans l'océan déchaîné de leurs vies, et ils ne sont pas prêts à abandonner ce refuge providentiel.
Travailler au club de striptease est plus facile qu'il n'y parait. Les clients sont rarement problématiques, les soirées rarement maigres.
Ils ont bientôt de quoi payer chacun leurs appartements personnels, mais toujours proches l'un de l'autre; Jimin n'a qu'à se pencher par la fenêtre et regarder le long de la rue pour apercevoir le balcon de Hoseok, quelques pâtés de maison plus loin. S'il penche la tête de l'autre côté, il aperçoit l'enseigne colorée du studio de danse. Et ça lui convient très bien.
Jimin va mieux. Sa psychologue, une femme très gentille du nom de Miyeon, l'aide beaucoup. Elle lui rappelle la directrice de son ancienne école, toujours si douce et à l'écoute. Il la voit une fois par semaine, le jeudi matin, juste avant midi. C'est un peu difficile pour lui de se lever si tôt après avoir travaillé toute la nuit au club, mais il apprécie réellement la médecin et sait que ces séances sont nécessaires à son bien-être.
Parler de ses problèmes est étonnement quelque chose qui le soulage, lui qui avait l'habitude de tout garder dans un coin de sa tête. Miyeon le laisse s'exprimer quand il le désire, s'il le désire. Parfois les deux parlent des heures, parfois les larmes l'emportent, et parfois le silence. Une fois où Jimin est trop mal en point pour parler, au début de sa thérapie, Miyeon se contente de sortir une boîte de crayons et des feuilles de papier, et ils passent la séance à dessiner. L'art a toujours été très thérapeutique pour Jimin, Miyeon s'en rend compte après que le dessin de son patient lui coupe le souffle, tant le surplus d'émotions déversées sur le papier est puissant.
Mais finalement, Jimin va bien. Il est heureux, avec Hoseok, le studio, le club, Seokjin, Namjoon, et Miyeon. D'ailleurs, Jimin veut se faire tatouer. Une œuvre d'art sur son corps, à jamais, pour ne pas oublier. Ne pas oublier que peut importe ce qu'il a pu traverser, il y a toujours de l'espoir.
Jimin se rend chez son tatoueur, un certain Agust. Quand il ressort de l'appartement, il est aussi rouge qu'une tomate. Son crush, sa target, son futur mari, appelez-le comme vous voulez, Kim putain de Taehyung était là, accompagné de son mec. Et ils sont si beaux, Seigneur, deux pour le prix d'un, jackpot ! Jimin ne peut s'empêcher de faire un petit moonwalk de la joie dans le hall de l'immeuble pour fêter ça. Encore faut-il que les deux hommes soient ouverts à l'idée d'un ménage à trois. Quoiqu'en y repensant, pas de soucis là-dessus; Jimin ricane presque en se souvenant de la façon dont ils ont dévoré son fessier du regard.
Son téléphone sonne, faisant retentir la mélodie iconique de ,,Toxic'' de Britney Spears dans le hall de l'immeuble. Jimin s'enjaille quelques secondes sur la musique avant de décrocher.
-Allô ?
<Jiminie, c'est Hoseok. Tu vas bien ?>
-Ah, salut ! Oui et toi ?
<Ça va, ça va. J'ai besoin de tes conseils, en fait.>
-Oh ? Jimin peut sentir ses lèvres s'étirer en un sourire joyeux. Ça n'est pas souvent que son aîné a besoin de lui, alors quand ça arrive, le blondinet est prêt à se plier en quatre pour aider son aîné.
<Je sais pas si je t'en ai parlé, mais j'ai l'exposition de Namjoon dans deux jours.>
-Celle sur le tatouage ?
<Exact. J'y serai, et Yoongi aussi. C'est lui mon tatoueur, je sais pas si je te l'ai déjà dit.>
-Je sais, sourit Jimin, je sors de chez lui à l'instant. J'étais venu pour prendre rendez-vous, et devine qui y'avait chez lui ?
<Qui ?>
-Taehyung et son mec ! Et je leur ai laissé mon numéro !
<Sérieux ? Bien joué mec !>
Jimin peut sentir le sourire de Hoseok à travers le combiné.
-Merci, merci, en même temps qui pourrait résister à un cul comme le mien ? Hoseok glousse à l'autre bout du fil. Bon, pour en revenir à toi, t'avais besoin de quoi ?
<Juste de conseils. Pour, tu sais, parler à Yoongi, flirter, tout ça.>
-Rien de plus simple, Seokie ! Le blondinet entend son ami soupirer au surnom stupide. Tu fais exactement comme tu fais à vos rendez-vous, et tout se passera bien.
<Ouais, mais là y'aura des dizaines de personnes qui auront leurs yeux rivés sur Yoongi, alors ça risque d'être compliqué. Il aime pas la foule.>
-Ah... Faudra que tu monopolises son attention alors, pour le distraire des spectateurs.
<Ouais, j'essaierai. D'ailleurs, tu viendras à l'expo ?>
-Je sais pas, faudra que je consulte mon calendrier. J'ai un agenda de ministre en ce moment.
<Selon la rumeur, Taehyung et Jeongguk seront là, je dis ça je dis rien.>
-Je suis sûr que je vais pouvoir me libérer, et la précipitation dans la voix du blondinet fait rire Hoseok.
<Merci pour tes conseils, Jiminie, je dois y aller. On se voit à l'expo !>
-Pas de soucis, bye !
<Bye !>
Jimin sourit en raccrochant, les rouages de son cerveau tournant à plein régime sous sa masse capillaire. Il a désormais une mission de la plus haute importance: mettre Hoseok et Yoongi ensemble.
-Bon, et peut-être qu'il a une deuxième mission toute aussi importante qui consiste à réussir à se faire défoncer le cul par Taehyung et Jeongguk, mais motus et bouche cousue là-dessus.-
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lxa's note : voilà un chapitre centré sur Jimin ! je pensais que ça pouvait être cool d'en apprendre plus sur lui :)
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