Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

L'Épidémie VII

La pluie battante noyait les rares discussions et brouillait les rares silhouettes, solitaires, qui couraient d'abris en abris, tentant tant bien que mal d'échapper à la morsure glacée de la mousson. La boue était omniprésente, tout comme l'odeur de la mort qui empuantissait l'air. Tout le monde préférait rester chez soi le plus possible, évitant ainsi le contact des autres habitants et ainsi la transmission des miasmes responsables de la peste. Certaines portes étaient marquées d'une croix blanche, symbole qu'un ou plusieurs membres de la maisonnée avaient contracté la maladie. Ces familles étaient mises en quarantaine stricte, une manière élégante de dire que la garde royale les enfermait chez eux, et que leur demeure devenait le plus souvent leur tombeau. On engageait alors les plus pauvres, les mendiants qui souillaient les rues de Lomberti, ou bien les habitants des masures qui s'entassaient à l'extérieur des murailles, pour venir récupérer les corps, et les emmener loin de la ville, dans de grandes fosses. Point de bûcher ; brûler les morts était un péché grave pour les baronniens. Mais les conséquences étaient que, généralement, les porteurs de cadavres tout autant que les creuseurs de fosses finissaient par rejoindre leurs clients. Une lente apathie s'était abattue sur le royaume, comme une agonie insidieuse, s'infiltrant lentement, mais sûrement, partout. Plus virulente encore que la peste était la peur, la terreur, même. La quantité de corps attirait les nécrophages, dont des rumeurs évoquaient des hordes entières dans la campagne environnante, détruisant des villages entiers isolés, privés de leur garnison car les soldats étaient devenus une denrée trop précieuse pour le pouvoir. La maladie ne semblait décliner, et le nombre de morts augmentait un peu plus chaque jour. Le désespoir était au menu quotidien, et, dans la morne météo, même la foi semblait avoir quitté les plus fervents pratiquants. Les non-humains avaient déjà tous fuis ou été exterminés, ce qui n'avait rien changé à la situation. On s'en était alors pris à ceux qui avaient conseillé de tuer les non-humains, puis aux étrangers, et, finalement, on s'était recroquevillé sur soi, conscient qu'aucun bouc émissaire ne parvenait à inverser le cours des choses. Les Dieux étaient en colère, et rien ne pouvait s'opposer à leur courroux, pensait-on. Du moins... était-ce l'avis d'une majorité de la population.

Deux silhouettes se faufilaient discrètement dans une ruelle vide de Lomberti, bravant la pluie, la boue, la peste et le confinement au nom d'une cause que seuls eux semblaient connaître. A voix basse, ils semblaient se disputer à ce sujet, laissant échapper quelques éclats de voix qui se noyaient sous le martèlement incessant de la pluie torrentielle. Prudents, ils prirent bien le temps, cependant, de ne laisser personne entendre quel était le ressort de leur discussion, jetant régulièrement des coups d'œil apeurés dans toutes les directions. Ils fixaient suspicieusement les chats, les rats, les cervines, les corbeaux, et même le corps affalé dans la boue d'un mendiant, probablement l'un des derniers de la cité, caché sous sa longue cape crasseuse, dont ils ne prirent même pas la peine de vérifier s'il était encore en vie.

Le duo s'engouffra sous une alcôve, à quelques mètres à peine du corps inanimé du mendiant et l'un d'entre eux envoya trois coups consécutifs et réguliers dans le bois d'une épaisse porte de chêne cloutée. Quelques instants plus tard, on vint leur ouvrir, et les deux hommes disparurent dans le sous-sol du bâtiment. Éclairé à l'aide de torche vacillantes dont la flamme avait bien du mal à survivre dans l'humidité ambiante, la cave était en partie inondée du fait des importantes pluies. Son sol en terre battue était recouvert d'une fine pellicule d'eau, qui faisait miroiter la flamme des torches. Plusieurs personnes attendaient déjà là, la mine patibulaire, se tenant à distance respectable les uns des autres, conscients du danger omniprésent que représentait la maladie. Ils semblaient tous tendus, mais se relaxèrent quelque peu lorsqu'apparurent les silhouettes du duo arrivant.

-Alors ? Demanda un de ceux qui étaient déjà présents. Vous n'avez pas été suivis ?

-Roland s'en est assuré. Rassura l'un des deux nouveaux venus. Il aurait senti d'éventuels poursuivants.

-Et concernant notre affaire ? Ajouta un autre.

Un silence pesant s'abattit sur la petite assemblée. L'arrivant reprit.

-Les boss avaient raison. Le corps de Charles est suspendu à la poterne. Le roi refuse toute compromission.

Les membres de la petite assemblée baissèrent le regard, comme en hommage envers leur camarade mort au combat.

-C'était prévisible. Déclara Roland, le deuxième de ceux qui venaient d'arriver. Enguerrand est un despote, mais il n'est pas stupide. Il peut sentir le piège. Et surtout, il est totalement paranoïaque. Il était à prévoir qu'il ne se montrerait pas.

-Tout de même ! Explosa le premier homme a avoir pris la parole. Il s'agit de sa propre fille, par les Treize ! N'est-il pas prêt à faire face à son destin pour sauver la chair de sa chair ? Mon propre père l'a fait pour me sauver de ses griffes !

-Comment va-t-elle, d'ailleurs ? Demanda Roland en jetant un coup d'œil au coin le plus reculé de la pièce, dont tous se tenaient respectablement éloignés.

Loin de la lueur des torches, on pouvait tout de même entrevoir, prostrée dans un drap sale posé à même le sol inondé, un petit corps frêle et grelottant.

-Mal. Déclara celui qui semblait être leur chef. Elle ne tiendra probablement pas la nuit. Ou jusqu'à demain, tout au plus.

-Cela nous facilite les choses, en quelque sorte. Ricana un autre. Nous n'aurons même pas besoin de nous salir les mains pour mettre notre menace à exécution.

-Mais nous perdons par la même occasion le seul moyen de pression que nous n'ayons jamais eu sur Enguerrand. Les Dieux l'ont pourtant montré, ils maudissent son règne de despote ! Mais jamais il ne l'acceptera. Et il ira même jusqu'à abandonner sa fille plutôt que d'accepter nos conditions. Il faut que nous recontactions les boss, et...

BOUM BOUM BOUM.

Trois coups réguliers frappés à la porte vinrent interrompre l'homme. Le portier, qui avait descendu les escaliers montant jusqu'à la rue pour laisser passer les nouveaux venus et ne pas rester trop proches d'eux, lança un regard suspicieux vers son chef.

-C'est le code. Répondit celui-ci. Mais il ne manque plus personne, maintenant que Charles est parti rejoindre la Faucheuse. Qui est-ce ?

-Peut être les boss ? Avança Roland, prudemment.

-On ne les attendait pas avant au moins deux semaines. Fit remarquer le chef. Va voir qui c'est, Edmond.

L'imposant portier hocha la tête et monta les quelques marches menant à la rue, et le long desquelles coulait un léger ruisseau venant alimenter la pellicule d'eau recouvrant le sol du souterrain. Il entrouvrit la porte pour observer qui y avait frappé. Face à lui, la silhouette frêle et chancelante du mendiant que Roland et son acolyte avaient ignoré en passant. Enveloppé dans sa cape sale, le visage recouvert de boue, il était répugnant.

-On ne fait pas l'aumône, ici. Grinça Edmond. Va à l'hospice, avant que je ne te casse les dents.

-Pourquoi ne pas vous y tenter ? Rétorqua une voix chaude et féminine pour toute réponse.

Tout alla très vite. Le mendiant révéla une dentition remplie de crocs qui vint mordre Edmond à la jonction entre son cou et son épaule, après qu'il ait forcé l'ouverture de la porte d'un simple coup de pied. Ne s'occupant même pas de savoir si sa première victime avait trépassé, Thorn sauta les escaliers pour atterrir tout près des deux arrivants, dont le plus grands s'écroula, littéralement tranché en deux par une épée à lame noire qui sembla se délecter du liquide rouge qui se répandait dans le petit lac. Remis de leur surprise initiale, les membres de l'assemblée rebelle se réveillèrent et se saisirent de leurs armes, tandis que Thorn, elle, observait son environnement, et élaborait sa nouvelle tactique.

-Tu es une envoyée du tyran, avoue ! S'exclama le chef. Tu...

-Tu parles trop. Le coupa Thorn qui avait déjà bondit en avant sur lui.

Les autres s'y étaient attendus, et tous convergeaient déjà vers le lieu où elle allait frapper, malgré sa vitesse. Mais, au dernier instant, semblant prendre appui sur l'eau elle-même qui se déforma à sa guise, la sinistrale bifurqua et fonça à droite, prenant à dépourvu les deux hommes qui se lançaient vers elle. L'un eut le temps d'abattre son arme avant que la lame de Thorn ne vînt lui ouvrir le ventre, l'autre n'eut pas cette chance alors que les griffes de la sinistrale trouvèrent leur chemin jusqu'à sa gorge exposée. Sans même attendre que les trois rebelles restants ne puissent choisir entre la fuite et le combat, la sinistrale effectua une série de geste de sa main libre et, comme obéissant aux ordres de leur maîtresse, une myriade de gouttelettes du sang qui venait d'être versé s'éleva dans l'atmosphère humide de la cave et se mit à léviter autour d'elle, telle une galaxie rougeâtre. Roland fut le seul à comprendre ce que cela signifiait, et il eut juste le temps de se jeter à terre lorsque, d'un seul coup, toutes les gouttes fusèrent en direction de son petit groupe, s'étirant comme de longues aiguilles qui transpercèrent les deux autres sur place.

Terrifié, les yeux exorbités, Roland se releva pour faire face à cette ennemie qui avait exterminé ses amis avec une simplicité effrayante. Le jeune homme déglutit. C'était une magicienne. Lui aussi, était un magicien. Il savait ressentir les vibrations magiques, faire léviter de petits objets, voir même limiter les dégâts des blessures qu'il subissait. Mais ce qu'il avait face à lui n'avait rien à voir avec ses petits tours de passe passe appris auprès du vieux mage de son village. Protéger les récoltes des insectes n'était pas le même genre de magie que celle manipulée par cette femme. Celle qui donnait la mort. Roland était figé, comme les insectes qu'il avait l'habitude de tuer sans même y porter attention. La terreur l'empêchait de bouger. Et il comprit que, pour cette femme, c'était ce qu'il était.

Rien de plus qu'un insecte.

D'un geste presque ennuyé, Thorn fit s'élever une gerbe d'eau ensanglantée dans le dos du jeune homme, qui le transperça de part en part. Il s'écroula dans l'eau trouble, tandis que, ne portant pas plus attention au triste spectacle, la sinistrale s'élança vers le coin de la pièce, où la silhouette grelottante gémissait à intervalle régulier. Thorn caressa avec une douceur dont elle était peu coutumière le front couvert de sueur et d'humidité de Clémence. Ses cheveux baignaient dans le mélange d'eau et de terre battue dans lequel elle baignait. Elle fermait les yeux si fort que son front en était ridé, et sa peau mate avait pâli.

-Eh bien, princesse... soupira Thorn. On dirait que l'aventure ne vous réussit pas.

***

La petite charrette avançait au rythme lent imposé par la boue qui embourbait ses roues. La pluie s'était pourtant un peu atténuée, remplaçant les trombes d'eau des jours précédents par un léger filer de bruine qui, sans tremper jusqu'aux os, empêchait de jamais se sentir totalement sec. La petite route qu'empruntait Thorn était éloignée des axes principaux du Royaume. Pourquoi n'était-elle pas simplement retournée au château ? Se demandait-elle régulièrement. Peut être le roi aurait-il pu être conciliant vis-à-vis du fait qu'elle avait réussi sa mission, à savoir protéger la vie de sa fille. Mais la Sinistrale connaissait bien les puissants, et pensait avoir suffisamment cerné Enguerrand pour savoir qu'elle serait blâmée pour une double faute, la première étant d'avoir laissé Clémence échapper à sa vigilance, et la seconde de l'avoir laissée ainsi contracter la peste. Elle aurait pu laisser Clémence aux soins des serviteurs et fuir, mais Enguerrand aurait-il seulement laissé entrer une malade dans son palais, fut-elle sa propre fille ? Et quel aurait été le destin de la princesse ? Personne ne savait guérir la peste. On se contentait de prier, et d'espérer que cela passe. Cela arrivait rarement. Les humains étaient des êtres bien fragiles. En conséquence, Thorn avait usé de l'intégralité de son premier salaire pour acquérir la petite cariole, y avait couché délicatement le corps brûlant de la princesse, et avait mis le plus de distance possible entre elles et Lomberti, pour cavaler vers le nord-est – vers l'antre où elle avait elle-même perdu son humanité.

Thorn ne se souvenait même plus de la dernière fois où elle avait été malade. Les sensations s'étaient évanouies dans les méandres de sa mémoire. Les mutations subies à Brocéliande, à grands coups de concoctions, de cataplasmes et de rituels magiques, avaient effacé cette part humaine de son existence. Pourtant, en voyant la peau pâle et les membres grelottants de Clémence, Thorn sentait son cœur se serrer. La chasseresse, celle qui avait tué pour ne pas être tuée, celle qui avait survécu même à Cedhna, ne cessait de jeter des regards inquiets au petit corps recroquevillé dans sa grande cape, tentant de capter la moindre once de chaleur pour l'empêcher de s'enfuir. Peut être une part inconsciente de l'esprit de Thorn se revoyait, à l'âge de Clémence. Ou peut être était-ce juste la raison qu'elle s'était convaincue de croire, pour ne pas imaginer d'autres causes moins agréables à son cœur meurtri par les ans.

La sinistrale restait sur ses gardes. Comme le disait la rumeur, la quantité de cadavres avait attiré les nécrophages. Même loin des voies de communications principales, Thorn pouvait percevoir les traces du passage de hordes de draugars, vicènes et autres goulus. Elle espérait que le chaos ambiant leur permettrait de quitter la Neustrasie avant qu'on ne se lance à leur poursuite. Mais elle espérait surtout faire tenir Clémence assez longtemps pour atteindre la frontière de Brocéliande. C'était à des semaines de voyage, au bas mot, et c'était sans compter le temps de trajet au sein des bois maudits pour atteindre un lieu où, Thorn l'espérait, les mains de l'abyssal réaliseraient les rites pour commencer la transformation de la princesse en sinistrale. C'était un plan suivant une succession d'étapes aux réussites toutes plus improbables que les autres. Mais Thorn s'y accrochait. Elle n'avait pas le choix, de toute manière. Elle ignorait tout autant que les habitants de la région comment soigner la peste, et ne comptait certainement pas s'en remettre aux dieux pour leur enjoindre de laisser Clémence guérir – elle n'était pas si naïve. Alors, elle avançait, lentement, mais sûrement, poussant la charrette dans les passes difficiles pour aider sa monture, non sans régulièrement prendre la température de sa compagne de voyage muette en posant une main sur son front brûlant.

Au deuxième soir de leur périple, Thorn pénétra dans un village vidé de ses habitants, comme elle en avait croisé tant d'autres. Les étoiles à treize branches avaient fini par manquer pour marquer toutes les tombes du cimetière, les plus récentes étaient donc simplement marquées d'un pieu en bois. Étaient-ils tous morts, ou bien avaient-ils fuis ? Thorn n'eut pas la réponse durant sa rapide inspection du périmètre, mais constata tout de même que le village subissait le début d'une infection vampirique lorsqu'il avait été frappé par la peste. C'était une dhampire, plus précisément, une petite créature à l'allure mignonne souvent recueillie par erreur par les habitants, et qui ponctionnait chaque nuit un peu de leur sang. Elles ne pouvaient se reproduire qu'en infectant des nourrissons humains à l'aide d'un poison puissant qui le faisait passer pour mort, avant d'opérer sa transformation. Mais le corps desséché de la dhampire indiqua à Thorn que la créature était encore bien loin de ce stade lorsque le sang de ses victimes était soudain devenu un poison pour elle.

Thorn pris bien soin de tenir Clémence à l'écart des maisons, et l'installa plutôt dans une grange. Elle ne voulait pas qu'un quelconque reste de miasme de la peste vienne aggraver la condition déjà critique de la princesse. Sans attendre, la sinistrale s'attela à la concoction d'une de ces gélules dont elle avait le secret, et qui étaient si utiles aux sinistraux durant les combats. Elle savait qu'il n'était pas bon d'en faire consommer à des non-sinistraux, mais elle était à court d'idées. Il fallait endiguer la maladie pendant plusieurs semaines, alors qu'elle tuait généralement en quelques jours à peine. Thorn manquait de temps, elle le savait. Mais elle ne voulait pas abandonner. Une part d'elle-même s'était déjà trop investie dans la santé de cette pauvre humaine pour faire demi-tour. Elle n'était même pas payée pour s'en occuper, après tout ; elle aurait simplement pu partir, et laisser Clémence agoniser dans cette grange – voire plus directement abréger ses souffrances. Mais Thorn s'y refusait étrangement, et prenait soin de sa patiente avec une ferveur sans cesse renouvelée. C'était à peine si la princesse avait repris conscience en fin de soirée, après avoir consommé une gélule dont la sinistrale avait sévèrement dilué le contenu généralement toxique. C'était peu, mais voir de nouveau le bleu électrique des yeux de la princesse redonna de l'espoir à sa gardienne.

-T...Thorn... murmura-t-elle d'une voix rauque, écartant à peine ses lèvres gercées pour parler.

-Là, là, pas d'agitation. Répondit la sinistrale en approchant une coupelle d'eau. Essayez de boire un peu. Vous en avez bien besoin.

Clémence s'executa, aidée par les gestes quelques peu rudes et maladroits de la sinistrale, puis retomba dans son sommeil tourmenté par la fièvre.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro