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Brume IV

Thorn marchait depuis quatre jours vers le sud, ou plutôt quatre nuits, évitant ainsi la chaleur torride de la saison sèche qui battait son plein, lorsqu'un spectacle tout particulier eut lieu. Elle longeait la côte, profitant ainsi du peu de fraicheur fourni par l'océan, et qui, elle le savait, manquait cruellement plus au cœur des terres. Son paiement lui avait permis d'éviter à avoir à travailler dans les quelques villages qu'elle avait pu croiser, où elle s'était simplement arrêtée boire quelques hydromels ou, à défaut, quelques vins pontois forts à son goût. Mais, au matin du quatrième jour, une épaisse brume s'était abattue sur le petit village où elle s'était arrêtée, et avait loué une chambre malgré les réticences de l'aubergiste. Thorn en fut stupéfaite. En cette période d'intense chaleur, elle n'avait jamais vu la moindre trace de brume sur toute la cote occidentale du golfe du pont. Et pourtant, sous ses yeux ébahis alors qu'elle se penchait à la fenêtre, un épais brouillard commençait à recouvrir le petit village, semblant provenir du nord. Les questions de la sinistrale furent très vite répondues lorsqu'elle constata l'incrédulité des habitants du village face à la situation. Tous sortaient de leur demeure malgré l'heure, et constataient à forte voix l'étrangeté du phénomène. Thorn repensa au récit du vieil herboriste, un moment, avant de le balayer. Un spectre apparaissant dans le brouillard ? Peut être un wraith, ces spectres dont la mort, lié à un élément, pouvait leur conférer certaines capacités élémentales qu'ils ne possédaient pas de leur vivant. Mais les wraith étaient de nature encore plus instables que les spectres normaux, du fait de ce pouvoir qui drainait leur magie, leur énergie vitale, d'autant plus vite. Un wraith vieux de quasiment deux siècle était aussi invraisemblable que de croiser une divinité au coin de la rue. Thorn descendit donc de sa chambre, sella sa jument, et reprit la route vers le sud, agréablement accompagnée par la fraicheur de la brume qui lui permit, pour une fois, de voyager le jour.

Après quelques lieux, la route du sud se rapprocha de la côte et de ses longues plages de sables fins. Même leur couleur d'ordinaire si criarde semblait atténuée par l'épaisse brume, qui semblait suivre le même chemin que la sinistrale. Cette dernière ne put cependant pas ignorer plus longtemps l'émanation magique qui semblait rayonner du nuage de basse altitude. C'était faible, mais constant, comme un bruit de fond impossible à ne pas entendre une fois qu'on l'a remarqué. La création n'était donc apparemment pas entièrement naturelle. Peut être était-ce le travail d'un mage, payé pour rafraichir un peu la côte en cette période sèche. Auquel cas, ce mage devait être particulièrement doué et puissant, la brume étant particulièrement étendue et stable. Thorn se faisait la réflexion qu'elle aurait aimé le rencontrer lorsqu'elle le sentit, avant de le voir.

Malgré la brume, il était visible. Il semblait glisser sur l'eau, comme un dauphin nageant à la surface, mais en laissant une trainée à peine visible sur son passage. Ses vêtements semblaient déchirés et en lambeaux, comme la majorité des spectres, mais sa peau semblait opaque et tangible, quand les spectres étaient, généralement, un agrégat de magie informe et lumineux. Et il surfait, à un rythme lent, longeant la côte à une dizaine de mètre de la plage. N'attendant pas une seule seconde, Thorn bondit de selle et avança jusqu'à la rive, où elle commença à s'enfoncer légèrement dans l'eau, son arme sortie, espérant ne croiser aucun noyeur endormi, et guidée par une curiosité sans borne liée à un désir de croire en une hallucination. La créature l'aperçut, et s'arrêta, toute proche, mais à distance respectable, surnageant presque sans bouger. Ses yeux avaient le vert des algues et semblaient briller d'une étrange lueur, tandis que son crâne chauve et basané était recouvert d'imposantes cicatrices et marques de morsures, qui déformaient également son visage. Enfin, Thorn observa ce qu'il tenait à la main. Certains spectres étaient liés à une lanterne, ou à l'arme qui les avaient tués. Celui-ci tenait un imposant harpon à quatre dents, à peine ouvragé, mais couverts de traces rouges qui ne laissaient pas de doute sur le fait que l'outil avait servi. Mais surtout... le spectre ne semblait faire preuve d'aucune aggressivité. C'était comme s'il s'était arrêté autant par curiosité que Thorn.

-Qui es-tu, ô Créature de l'Océan ? S'exclama la sinistrale. Je suis Thorn, fille du sang ! Si tu ne cherches à t'en prendre à moi, alors tu n'as rien à craindre !

L'apparition ne répondit pas, mais Thorn ne sut déterminer si c'était par choix ou par incapacité.

-Je reviens de Rivagua ! En reviens tu également ? Es-tu la créature que les locaux nomment Brume ?

Toujours aucune réaction. Thorn était patiente, cependant. Mais elle repoussait également la question dont elle avait peur d'entendre la réponse.

-Serais-tu par hasard l'homme connu autrefois sous le nom de Nebbia ? Celui ayant disparu en partant chasser le terrible léviathan noir ?

Le spectre commença a reprendre son chemin, s'éloignant lentement de Thorn qui continua à s'égosiller.

-As-tu tué le baron de Rivagua, Alessio Orsini ? Finit-elle par crier de toutes ses forces.

La chose s'immobilisa, avant de soudain plonger sous l'eau. Sentant le danger, Thorn se jeta en arrière et dégaina son épée, à l'instant où la créature surgit des flots avec une aisance innée, sans pour autant constituer la moindre menace, son harpon étant gardé bas. Sa machoire sembla alors se mouvoir, et un étrange gargouillis s'en échappa, qui, devenant d'abord un long râle, se transforma en une voix semblant provenir des tréfonds de l'océan.

-Une... dent... pour une dent... énonça-t-elle.

Puis, aussi vite qu'il était venu, la créature replongea pour, cette fois-ci, ne pas refaire surface. Thorn resta figée un court instant, tandis que la brume semblait, peu à peu, se désépaissir autour d'elle. Puis, lâchant un juron terrible, elle se rua vers sa jument, qu'elle talonna violemment pour la ramener sur la route. Mais la direction était celle du nord.

***

La grande cathédrale des treize était pleine à craquer. Il semblait que tout Rivagua s'était retrouvé là, uni dans la fraicheur relative apportée par les pierres rouges, pour assister à la mise en terre d'Alessio Orsini, baron de Rivagua. Thorn était bien loin du premier rang, et ne pouvait être moins intéressée par la cérémonie religieuse. Son regard était rivé sur le cercueil, cette boîte de bois dans lesquelles il était coutume d'enterrer ses morts, selon la religion des Treize.

Thorn n'avait ainsi pas vu le corps, et ne pouvait pas le voir. Mais elle avait entendu bien des rumeurs. Qu'on l'avait retrouvé dans son lit. Qu'il était déchiqueté. Que même le bois du lit avait été fendu par la force des coups ayant mis fin à la vie de son ancien ami. Et qu'une brume mystérieuse s'était abattue sur la cité, cette nuit là.

La malédiction des Orsini. Brume. Tout le monde n'avait que ces mots à la bouche. Et Thorn se retrouvait là, le cœur empli d'un mélange de sentiments contradictoires, alliant tristesse à indifférence face à la mort de celui qu'elle avait longtemps considéré comme un très bon ami, avant de le haïr de tout son cœur, puis de simplement lui en vouloir. Si elle avait été plus prudente, les choses auraient-elles pu se passer différemment ? Si elle avait été moins arrogante, moins persuadée de sa connaissance pointue des créatures, aurait-elle pu le sauver ? Si elle n'avait pas oublié à quel point l'impossible ne l'est jamais réellement en Alodya, l'aurait-elle regretté ?

Thorn n'avait aucune animosité particulière envers le spectre qui avait tout perdu, tout en lui en voulant de mener une vengeance aveugle sur des innocents. Mais Alessio pouvait-il être considéré comme un innocent ? Et Thorn s'en voulait-elle d'avoir quitté son ancien ami sur une note aussi amère, ou bien était-elle satisfaite d'être restée sur cette rancœur qu'elle lui vouait depuis tant d'années ? Toutes ces questions, la sinistrale ne savait pas y répondre. Et toutes furent balayées lorsque, loin, au cœur de la cathédrale, sur l'estrade où reposait l'hôtel et le cercueil, monta une femme toute de noire vêtue, marque du deuil qu'elle portait, tandis qu'elle prit la parole et que sa voix puissante résonna longuement sous les hautes voutes.

Toutes ces interrogations, tous ces demi regrets, toutes ces rancœurs, tous ces doutes, tout cela fut emporté par l'ouragan qui naquit dans le cœur de Thorn, alors que la reine Clémence prononçait l'éloge funèbre de son mari. « Elle a vieilli » fut la première pensée qui vint à l'esprit de la sinistrale, elle qui avait pourtant tant de mal à juger de l'âge des humains en les regardant. Le visage angélique de cette femme qu'elle avait si longtemps côtoyée et tant aimé était gravé dans son souvenir au point d'en remarquer le plus petit changement. Mais ses yeux d'un bleu électrique, eux, n'avaient pas changé, malgré les quelques rides qui les bordaient désormais. Thorn les admira longuement, alors que la voix de la reine résonnait comme un concert destiné à elle. Thorn voulut que ces mots ne soient dirigés que vers elle. Thorn voulut que, Alessio disparu, Clémence revienne à la raison, revienne à elle. Qu'elles fuient ensemble comme elles avaient fui ensemble Lomberti, si longtemps auparavant. Comme poussé par cet espoir né de l'amour, celui que la raison ne saurait faire pâlir, Thorn retira la capuche qui camouflait ses traits. Elle n'était qu'un point dans une foule immense, mais son esprit désira plus que tout que ces yeux électriques croisent le mauve des siens. Que, comme au bon vieux temps, les yeux de Clémence pétillent en la voyant. Qu'elle appelle son nom, qu'elle rie de ses déboires, qu'elle gémisse sous ses caresses une fois la nuit venue.

Les derniers mots de l'oraison funèbre résonnèrent, et Clémence, du haut de la balustrade, balaya la foule du regard. Son regard passa outre Thorn.

Avant d'y revenir.

Malgré la distance les séparant, la sinistrale put les voir s'écarquiller. Malgré le temps ayant passé, elle revit la jeune femme qu'elle était, naïve et renfrognée, si sensible aux railleries de Thorn. Malgré la séparation, elle vit que la flamme qui les avait liées toutes les deux n'avait pas disparu. Et malgré le désir ardent qu'elle ressentait de s'abandonner à cet amour, Thorn se rappela qu'il n'existait aucune place pour qu'il existe. Clémence n'était plus la petite princesse rebelle qui avait fui avec la sinistrale, pour vivre d'amour et d'eau fraiche. Clémence était la reine d'un des plus puissants royaumes des Baronnies. Jamais Clémence ne pourrait revenir parcourir le monde avec elle. Et jamais Thorn ne pourrait repartir si elle restait.

Elle savait parfaitement ce qui arriverait. La lente vieillesse qui s'emparerait peu à peu du corps humain de Clémence, comme il avait déjà commencé à le faire, tandis que Thorn, elle resterait inchangée. Tout cela, jusqu'à ce que la reine disparaisse, comme tant d'autres reines avant elle, comme tant d'autres humaines avant elle, prête à être oubliées, comme toutes les autres. Mais Thorn, elle, serait toujours là. Thorn, elle se tordrait de douleur, à maudire sa race et sa maudite longévité. Thorn se retrouverait de nouveau seule, le cœur en morceau, prête à mourir mais incapable d'y parvenir. Elle avait déjà vécu cela. Elle savait la douleur de ceux qui restent.

Peut être était-ce couard de sa part. Cela l'était probablement. Elle s'était promise de ne plus retomber amoureuse d'une humaine, et avait échoué en rencontrant Clémence. Mais elle pouvait toujours échapper au triste sort qui l'avait frappée la première fois. S'arrachant difficilement au regard de la reine, Thorn enfila sa capuche, et se glissa à travers la foule, vers la sortie. Lorsqu'elle l'atteint, elle jeta un dernier regard à la reine. Clémence la fixait toujours, immobile sur sa balustrade, alors qu'un brouhaha envahissait la cathédrale. Thorn ravala ses larmes, fit ses adieux à Alessio, ainsi qu'à son amour, et disparu dans la cité.

Ce jour là, le peuple s'émut devant les larmes de la reine. Celle qu'on nommait l'Aigle d'Illyrie, inflexible et sage, avait tenu bon tout le long de l'oraison funèbre de son bien aimé mari. Mais, l'émotion étant trop forte, une larme, une simple larme, avait coulé le long de sa joue bénie des Treize. Mais, en ce jour là, le peuple ne put comprendre que, si la reine pleurait bel et bien la disparition de son amour, ce n'était pas celle de son mari. 

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