Sinistia, elle, avait embarqué sa bouteille de brandy avec elle près de l'étang du camp, repensant sans cesse au bruit de la balle pénétrant les restes de son ami. Elle attrapa sa bouteille par le goulot et le porta à sa bouche, savourant chacune des gouttes acides que lui offraient sa boisson.

-Je te brûlerai définitivement cette fois-ci mon coco. Pour qu'aucune sorcière ou renégate à la con te reprenne encore. Chuchota-t-elle au sac rempli des restes de Guiseppe qu'elle avait aussi emmené avec elle. J'ai peur, tu sais. Pas pour moi, si je m'en vais, je te rejoindrai et on pourra faire tout un tas de conneries. Tu me manques tellement. T'es partit si vite... Je t'ai jamais adressé de prière ni eu ce genre de conversations parce que je sais que t'en aurais pas voulu. Mais là t'es revenu d'entre les morts mec ! Comment je suis censée gérer ça ? Je sais, je suis la terrible sinistre. Tremblez devant Sinistia ! La fille à la peau de dragon ! Tout le monde tremble devant moi, c'est pas faux. Regarde comment j'ai estomaqué la renégate. Ta intérêt à être fier ! S'exclama enfin Sinistia.

  Quelques lucioles vinrent éclairer le visage baigné de larme de la plus vieille tandis que la nuit remplaçait petit à petit le jour. Elle s'écroula de tout son poids sur le ponton de l'étang et pris une grande inspiration pour calmer les spasmes qui s'emparent d'elle.

  Elle ne devait pas. Non, elle devait rester forte, elle devait rester seule. Comme elle l'avait toujours fait. Comme elle l'avait toujours été. Elle était Sinistia, la sinistre, la dangereuse, peau de dragon. Personne ne savait vraiment d'où provenait cet étrange particularité. Elle n'avait jamais entendu parler d'un peuple de ce genre ni même de véritables dragons. Bien sûr, il y avait des légendes du côté de l'empire du milieu mais Sinistia a tendance à se méfier de leur ragot. Ils feraient tout pour attirer des curieux après tout.

  La plus vieille descendit la fermeture de sa combinaison et se débarrassa du haut de celle-ci en quelques mouvements de bras. Un immense bandage recouvre toute son épaule gauche jusqu'à son coude et son cou. Bandant sa poitrine au passage pour ne pas être embêter durant ses combats, les rares fois où quelqu'un avait vu son bandage, elle avait prétexté une vieille blessure à l'épaule qui lui faisait mal et son bandage l'aidait.

  Sombre blague. Elle passa un doigt sous les bandages et un frisson la parcourut lorsqu'elle sentit la partie dure, épaisse et rocailleuse de sa peau. Elle l'avait toujours caché au reste du monde, sauf, bien sûr au couvent où elle avait été recueilli. Alors qu'elle n'était qu'un bébé, les sœurs se sont occupées d'elle malgré leur réticence. Mais sœur Galéopée avait toujours pris sa défense. Disant que si un magicien ou une sorcière s'était amusé à jouer avec les lois de la nature, ce n'était pas de sa faute. C'est ainsi que dès sa plus tendre enfance, Sinistia avait apprit à cacher sa différence. Malgré ça elle avait dû mal à se rapprocher des autres enfants. De plus la sœur qui l'avait recueilli l'avait appelé Sinistia, sinistre en latin. C'est sûr que ça aide pas à créer des liens...

  Mais les autres bonnes sœurs n'aimaient pas la petite Sinistia. Elle leur faisait trop peur. De plus, plus le bébé grandissait, plus ses écailles s'épaississaient et devenaient nombreuses. Malgré tout, sœur Galéopée était restée avec elle, avait continué de la soutenir. Mais cela n'avait pas empêché la jeune fille de quitter le couvent avec Guiseppe.

  Elle passa une main à présent autour de son cou, elle sentit l'or fin sous ses doigts, puis la croix que la sœur lui avait offerte. Elles étaient restées en bon terme, sœur Galéopée étant son seul modèle maternel, Sinistia y avait toujours veillé. Elle passait souvent au couvent à l'occasion, pour les fêtes de fin d'année. Elle sourit en repensant à l'année dernière où sœur Galéopée avait bu un peu trop du sang du christ. Qu'est ce qu'elle avait pu rire...

  Alors Sinistia fit quelque chose qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps. Elle joignit ses mains et ferma les yeux.

-Seigneur, soyez avec nous sur ce coup. J'ai toujours mené mes troupes vers la victoire en limitant les victimes. Aujourd'hui, je sais que nous courrons au massacre. Je ne sais que faire. Envoyer moi un signe. Juste un petit, je n'ai pas le temps de retourner auprès de Galéopée ou peut être que...

  Sinistia se rhabilla en vitesse. Elle attrapa le sac contenant Guiseppe et le cala sur son épaule avec courir vers les écuries. Elle monta son cheval et envoya vite fait un message à Yui avant de remettre son téléphone à touche dans la poche de sa veste avant de partir au galop.