Chapitre 1 : Une tortue à Monaco
Chapitre 1
Une tortue à Monaco
Raphaele
Lundi 15 janvier 2024, Monaco
Quelques mois auparavant...
Lorsque mes pieds nus s'enfoncent dans le sable chaud de la Côte d'Azur, un frisson parcourt mon dos, glissant jusqu'au coin de mes lèvres pour y dessiner un sourire. L'air caresse mes narines, emportant avec lui l'embrun marin qui dépose une salinité sur mes lèvres entrouvertes. Le murmure des vagues accompagne mes pas sur ce sable où je dépose mes affaires de surf. La plage est silencieuse, dominant le monde. Le calme matinal laisse une atmosphère singulière, indéniablement sereine. Le soleil se réveille doucement, prêt à teinter l'horizon de son doré si précieux. Je m'étire pour attraper le fil à l'arrière de ma tenue de surf, mais Alessio vient m'aider pour que j'enfile en admirant chaque nuance de couleur dans le ciel. "La ligne où le ciel rencontre la mer", celle qui attire mon regard. le vent chuchote à mes oreilles que la Méditerranée m'attend impatiemment. Je recherche la dernière inspiration d'air avant de courir retrouver l'amour d'une vie : l'eau salée.
La fraicheur du sable m'éveille quand les vagues se retirent. Je relève la tête, les yeux fermés, pour une dernière bouffée d'air marin imprégnant mes poumons avant de poser ma planche sur la vague qui m'accueille avec familiarité. Je pousse ma planche sur l'eau et elle me souhaite la bienvenue avec une danse que j'ai tant de fois exécutée. L'énergie est palpable autour de moi alors que je me tiens debout sur ma planche. Mes cheveux, gorgées d'eau, s'agrippent à mon visage, balayés par le vent. Mon regard se fixe sur l'horizon, là où le doré accorde une place aux teintes orangées du soleil levant. Chaque mouvement des vagues se rappelle à moi comme une chorégraphie apprise maintes fois. Les forces de la nature m'aident à recréer mes figures préférées.
Par une vague soudainement violente, je pivote ma planche pour réaliser le Turtle roll, avec lequel je ressens l'harmonie des vagues. La puissante vague passe au-dessus de moi, essayant de me repousser pour jouer avec ma confiance. De retour à la surface, j'observe d'un coup d'œil ma main droite agrippée à la planche. Cette tortue dessinée a trouvé sa place lorsque j'ai compris que l'eau était mon élément. La puissance émotionnelle de ce moment s'ancre dans mes souvenirs, parmi tous ces matins où la mer Méditerranée m'incitait pour la bercer.
J'ai patienté devant la porte d'entrée pendant quelques années, enfant. Mon père partait en début de semaine et lorsqu'il ne m'emmenait pas avec lui, j'attendais dans les bras de ma grand-mère, endormie par ses doigts délicats qui caressaient mon nez. Mes joues rougies et mouillées par les larmes, je fermais les yeux dans le berceau de la tristesse. Comment ne pas faire couler ses petites larmes lorsqu'à la fenêtre, j'y apercevais cet air de jeux pour enfant qu'était la côte italienne ? Ma grand-mère avait ressenti que les battements de mon cœur se faisaient de plus en plus entendre quand devant moi, j'observais l'océan. Elle avait compris que la petite boutique de surf attendait notre visite. En passant en caisse, elle a baissé les yeux et elle m'a sourie « Tu vas t'amuser, ragazza »
C'est ce qu'elle avait senti. Elle savait que l'italienne en moi avait besoin de s'amuser avec cet aire de jeux. Ma nonna n'avait d'yeux que pour sa petite-fille. Elle voyait dans les miens la passion de son fils, de mon papa. Cette passion représentait son monde, sa vie entière. Et s'il me la partageait en m'emmenant le plus possible avec lui, je n'avais jamais autant eu de sensation dans les paddock que j'en avais sur les vagues du monde entier. Mes grands-parents m'emmenaient à toutes mes compétitions et l'été, quand papa devait s'absenter pour ses courses, j'allais dans des camps de surf pour y découvrir les océans.
Elle savait que l'eau était mon havre de paix. Elle le sentait et c'est comme ça qu'elle a ordonné à mon père de me donner une chance dans le monde des vagues. Elle adorait peindre et chaque été en Italie, elle me montrait une nouvelle planche qu'elle repeignait pour moi. Elle croyait déjà en moi. Elle m'a élevée avec mon père, en m'offrant un cadeau inestimable : une liberté. Quand je brave les interdits des hautes vagues, je me sens plus que jamais protégée et insouciante. Ma grand-mère voulait que je trouve une passion dans le surf comme papa l'avait trouvé avec la Formule 1.
— On devrait y aller, entends-je, en me dirigeant vers mes affaires sur le sable. Au moins, on aura le temps de se changer.
Mon meilleur ami me fait face, une bouteille à la main. Il plisse délicatement les yeux, comme à son habitude, pour chercher à connaître mes pensées. Il sourit un instant et continue de m'expliquer le trajet qu'il nous reste à faire. Il est resté patiemment sur le sable, en attendant que je sois enfin remplie de mon énergie quotidienne. Il s'est levé très tôt ce matin – ou même dans la nuit, pour être mon coéquipier de surf. Il n'aime pas autant que moi ; il préfère ses monoplaces.
Où que je sois, inutile de le chercher bien longtemps. Alessio est le seul ami d'enfance que j'ai su garde, et il est devenu comme un membre de ma famille depuis que mon père a accepté de l'aider à s'entraider pour devenir un pilote de Formule 1. En 2023, il a réalisé son rêve en devenant pilote pour une écurie où mon père avait déjà couru. Je me remémore souvent notre rencontre. Il habitait sur les mêmes côtes que moi, en Italie. Mes grands-parents avaient des champs remplis de citronniers et ses parents avaient un gelateria à côté, non loin de la place du village. Nous nous y retrouvions souvent pour rire ensembles.
Nous avions des petites voitures que nous utilisions pour faire des courses ensembles. Celui qui gagnait choisissait le parfum de glace de l'autre. Nous n'avons jamais compté qui gagnait le plus, il se sentirait trop triste pour moi s'il voyait que j'avais moins de victoires, comme il est triste à chaque fois que je goutais un parfum de glace que je n'aimais pas. Il allait demander à ses parents, discrètement, de lui faire une autre glace. Pour qu'ils acceptent, il disait qu'il avait fait tomber la sienne. Il pense toujours que je ne connaissais pas sa combine.
Alessio secoue sa tête, rendant ses cheveux plus ébouriffés qu'ils ne les étaient déjà. Ses mèches bouclées lui tombent souvent sur le front, enveloppant son visage avec une nonchalance calculée. Sa barbe, soigneusement taillée, ajoute à son apparence décontractée une touche classe. Il raffole des sweats à capuche qu'il collectionne. Mais s'il adore une tenue en particulier, c'est celle qu'il porte pendant des évènements, avec des chemises et des pantalons de costume.
La Côte d'Azur ne peut rivaliser avec la côte italienne, où j'ai grandi. Le soleil s'élève doucement, peignant le ciel de toutes les teintes de rose qui se reflètent sur les vagues. Les premiers baigneurs s'étirent paresseusement, tandis que les travailleurs se pressent sur les routes. Alessio, assis au côté passager, continue de chanter sa chanson préférée. Nous longeons systématiquement le bord de mer lorsqu'il connecte son téléphone à la radio pour lancer cette chanson qui semble être son refuge.
— Take me to the place I love, chante-t-il, plus fort. Take me all the way !
Je ne peux m'empêcher de rire en l'entendant crier les paroles de 'Under the Bridge'. Il adore ce genre de musique, alors que mes oreilles ne supportent qu'un genre de musique en particulier. Nous sommes habitués à la route depuis plus d'une semaine. Je suis arrivée à Monaco à ce moment-là, pour découvrir ce nouvel appartement qui allait devenir notre cocon, notre colocation. Alessio était tellement heureux qu'il n'a pas patienté une seule seconde : il a imposé une balade dans Monaco avant de vider les cartons. Les cartons attendent toujours dans le salon, puisqu'il a proposé tous les soirs que l'on se lève très tôt pour faire du surf. « Tu n'auras plus le temps après le début de la saison » s'est-il justifié.
L'appartement n'était pas le plus grand de Monaco, mais il avait une vue imprenable sur le port. La terrasse est la vue adéquate pour voir ce bout de terre qui englobe principauté, Formule 1 et Méditerranée. Alessio est arrivé en Formule 1 en 2023, et pour sa deuxième saison, il m'a presque suppliée que l'on habite ensembles. Son appartement avait besoin d'une touche féminine...
— Voilà, tu sais pourquoi tu es là ! lance-t-il, posant ses mains sur ses hanches en examinant le salon.
Je ris doucement à sa remarque, en attrapant le soda qu'il me tend.
— Tu m'as invitée pour que je t'aide à décorer, c'est ça ? Je suis sûre que tu n'as même pas mis une seule photo de nous ici !
Droit, il examine son salon de fond en comble pour faire une liste dans sa tête de ce qu'il manque. Alessio n'a installé que des meubles contre les murs. Une console pour quelques bricoles, un meuble pour sa télévision et sa console, un canapé des plus simples et une table basse.
Alessio me regarde du coin de l'œil, étirant ses lèvres pour former un sourire gêne. Je soupire légèrement, mes épaules encore courbaturées après une semaine de surf. Quand je suis arrivée, il avait fait mon lit dans ma nouvelle chambre et je n'ai fait que dormir dans l'appartement. En une semaine, j'avais fait du surf tous les matins, pris un café à l'appartement et je finissais par faire le tour de Monaco et de la Côte d'Azur. Il m'a même demandée de conduire pendant quelques heures dans la semaine pour que je m'habitue à la conduite ici. « Ici, les italiens sont connus pour mal conduire ». Difficile à avouer pour un pilote de Formule 1 qui avait quand même fini quatrième à son premier Grand Prix de Monaco, en Formule 1.
Alessio n'aime pas que la maison soit confinée, alors la baie vitrée est ouverte, et je me laisse guider par le vent glacial vers la terrasse. Des bruits retentissent dans la ruelle et j'aperçois une moto stationner devant le muret. Un mouvement attire mon attention. La silhouette qui descend de la moto m'est familière. Quand elle s'avance vers la porte d'entrée, je le reconnais aussitôt.
— Alessio, tu as invité Emery ? le questionné-je, en fermant la baie vitrée. Parce qu'il est rentré dans l'immeuble.
— Ouais, alors... hésite-t-il. Tu avais trop de cartons pour deux !
Alessio se justifie avec un sourire toujours gêné. Alessio n'a pas le temps de finir son monologue que l'on toque à la porte. Alessio se tourne vers moi, la main sur la poignet, pour chercher sur mon visage une expression désapprobatrice. Mais je ne lui réponds que par un sourire, jouant avec mes doigts.
Emery est un ami de Alessio depuis qu'il a commencé le karting. Ils étaient encore dans des écoles de pilotages et des compétitions. C'étaient les enfants inséparables. À deux, ils battaient toutes les équipes, parce qu'ils savaient rester amis et compétitifs, malgré tout.
— Coucou, la terre appelle Raphaele !
— Désolé, salut Emery.
Des souvenirs s'emparent de mon esprit, mélangeant des rires et des cries dans ma tête. Emery n'est pas une personne que j'ai souvent vu dans ma vie. Une ou deux fois autour d'un circuit pour adolescent nous avaient suffit pour se connaitre. Alessio parlait tellement de lui qu'en arrivant au Circuit Paul Ricard, j'avais eu l'évidente sensation de déjà le connaitre par cœur. Je n'étais pas étonné de le savoir brun, de grande taille et avec des yeux qui transperçaient les miens. Je n'étais pas non plus surprise quand il s'est mis à crier alors que je passais le damier avant lui pendant la course. Alessio m'avait trop parlée de lui pour être surprise.
À l'entrée de cet appartement, l'homme qui franchit le seuil est si différent. Le bleu de ses yeux m'interpelle. A-t-il toujours eu les yeux de ce bleu profond ? Mes lèvres s'entrouvrent, puis je souris. Il plonge son regard dans le mien, il sourit aussi. Je jette un regard vers Alessio et je le vois arquer un sourcil, en croisant les bras.
— Raphaele, toujours aussi ravissante.
Alessio pouffe de rire, tapant l'omoplate de son ami, avant de l'accompagner dans le salon. Mes joues rougissent à la vue des cartons, pourtant présents depuis une semaine.
— Je suis tellement désolé pour ce bordel, je n'ai pas eu le temps de ranger, m'excusé-je, en prenant un carton dans mes bras. Je vais commencer à ranger.
Emery s'avance vers moi et récupère le cartons. Il sourit un instant et appelle Alessio d'un coup de tête, alors que ce dernier s'apprête à s'asseoir.
— C'est pour ça que je suis là ! insiste-t-il. On s'y met ? Plus vite on avance, et plus vite on pourra manger.
Il fait trop froid pour que je m'aventure dans ma chambre sans enfiler un sweat à capuche de mon meilleur ami – qu'il avait posé sur son lit le temps de le ranger dans son armoire. Je me précipite vers la fenêtre pour la fermer, et je glisse un carton bien trop lourd sur mon lit. Il est au centre de la pièce et j'y vois déjà des décorations au-dessus de sa tête-de-lit. J'ai des photographies d'un voyage que papa et moi avons fait en Polynésie française que j'aimerais voir accrocher, non loin de l'étagère pour mon matériel photo.
— Mademoiselle Valente devient photographe de Formule 1 après que ses parents ont conquis le monde entier par leur talent, souffle Emery, en venant à côté de moi. Je ne savais pas que tu faisais de la photographie. Alessio m'avait dit que tu adorais le surf.
— Et j'en fais, été comme hiver ! affirmé-je, en caressant le cadre de ma grand-mère qui peint une planche de surf, lunettes sur le nez. Mais les photos, c'est autre chose, c'est...
— Ton échappatoire ? Ta manière de ressentir tout ce qui t'entoure ? essaie-t-il de deviner.
Je l'écoute attentivement. La photographie était le premier amour de ma mère. Elle avait une collection d'albums photos impressionnante, chaque page un témoignage immobile de sa passion. Ce sont ses photos qui m'ont appris à la connaître, pas en l'ayant auprès de moi pour me cajoler. Je piquais toujours un album le soir, pour regarder ce qu'elle faisait le même jour, mais des années auparavant. Je n'avais pas de maman, et cela ne devait pas me manquer. Comment quelque chose que l'on n'a jamais connu peut-il créer un manque ? Papa et les photographies m'ont inconsciemment créé ce vide.
Ma mère conduisait comme aucun autre pilote. Elle était une force de la nature sur la piste, une étoile que l'on ne pouvait pas ignorer. Elle devait finir par conduire en Formule 1, tout le monde y croyait. Elle se battait pour devenir une grande femme, engagée. Elle a eu une petit fille à ses dix-neuf ans, voilà ce que les journaux écrivent sur elle, aujourd'hui. À l'arrivée de sa fille, elle n'atteignait plus le même niveau. Elle a essayé de tout prouver, course après course, jusqu'à la dernière, flambante. La monoplace a pris feu, coincée entre des piles de pneus. Elle n'en est jamais sortie. Je sens une larme monter que je réprime. Le froid de la pièce se contraste avec la chaleur de ses souvenirs.
— Oh ! Tu as gardé cette coupe ? s'écrit Emery, d'un regard brillant de curiosité.
Il tient à la main la petite coupe que m'avait remise les organisateurs de la course sur le circuit Paul Ricard. Je ris, brisant la lourdeur de mes pensées que je fuis. Je lui prends la coupe des mains et la repose délicatement sur l'étagère.
— Même pas en rêve tu touches à cette coupe, Mercier ! affirmé-je. Tu l'as trop convoité !
Emery sourit, un éclat malicieux dans les yeux. Il me regarde intensément, me faisant frémir comme s'il essayait de lire dans mes pensées cachés derrière les mots. Je n'attache pas d'importances aux objets. Je ne sais pas pourquoi cette coupe est dans ce carton. En y jetant un coup d'œil, je comprends que ma grand-mère a fait un carton entier pour des objets qui paraissent avoir une histoire. La coupe, des livres qui sont annotés et griffonnés partout, des statuettes de pays que j'ai visité pour le surf et des coupes de compétitions. Je suis persuadée, en énumérant les objets, qu'elle en a gardé. Elle est triste de me savoir loin de chez elle. Papa n'a jamais quitté la maison de mes grands-parents en m'élevant, même après avoir passé la vingtaine pour lui et mes dix ans pour moi. Mes grands-parents m'ont élevée comme leur fille.
Je lance un regard curieux vers Emery, pendant qu'il range les autres coupes. Il se retourne pour me faire face, avec un sourire malicieux.
— Quoi ? dis-je, presque trop brutalement. À quoi tu penses ?
— J'avais tellement craqué pour toi que je t'en ai voulue de ne pas avoir gagné ! avoue-t-il, en pliant le dernier carton. Tu as changé depuis la dernière fois qu'on s'est vus. Tu as quelque chose de magnifique.
Sur ses aveux, je rougis. Emery a une carrure imposante. Sa silhouette de sportif se voit à travers ses hauts serrés et sa mâchoire définie sous sa barbe naissante. Ses lèvres rosées sont épaisses, alors qu'il en mordille une. Le bleu de ses yeux s'assombrit un millième de seconde. Il sourit. La curiosité d'Emery l'emporte finalement et touche à quelques appareils du bout de ses doigts. Je croise les bras contre ma poitrine, presque curieuse de savoir ce qu'il pense à admirant chaque appareil photo.
C'est ce moment précis que Alessio choisit pour se pointer dans ma chambre, vêtu d'un air béat. Il râle d'avoir fait la salle de bain tout seul, mais il s'arrête rapidement.
— Il est déjà seize heures ? s'étonne Alessio en regardant minutieusement sa montre. Vous avez mangé, vous ?
Emery et moi rions à l'unissons, ce qui nous vaut un échange de regards complices. Nous avons grignoté ce que j'avais préparé la veille. Ce qui a pris le plus de temps, ce sont les meubles que l'on devait monter pour rajouter des rangements. Avant que je ne déballe les cartons de ma pièce, les garçons ont assemblé les planches en bois de mon armoire. Ça leur a pris tellement de temps que j'ai pu décorer secrètement des pièces de la maison. J'ai même cru voir les joues du coéquipier d'Alessio se colorer quand il a vu apparaître dans le couloir une photo de moi en train de surfer en maillot de bain.
— J'ai besoin de bouger, sinon mes muscles vont s'endormir, annoncé-je. Tu viens à la salle de sport, Alessio ?
— Désolé, Raph. Je suis crevé, et j'ai une série à rattraper. Mais Emery, tu es libre, non ? Pourquoi vous n'y allez pas tous les deux.
Emery accepte, en précisant qu'il doit passer chez lui pour récupérer sa ses vêtements. Il se tourne vers moi, une lueur d'enthousiasme dans les yeux. Je leur demande de me donner quelques minutes pour que je puisse me vêtir d'une tenue plus adaptée que ce sweat trop large et ce jogging tâché. J'enfile de nouveau le sweat d'Alessio, mais avec une paire de leggings pour ne pas avoir trop chaud dans la salle de sport et pour ne pas avoir trop froid dehors.
Nous marchons côte-à-côte dans un silence revigorant, en direction de son appartement. Les ruelles dans lesquelles nous nous trouvons pourrons être adéquate pour courir le matin. J'aime le sport, surtout pour me défouler d'une longue journée. Je suis très active, et j'en ai besoin. Avec la photographie et le surf, je bouge énormément. Mais le fait d'éditer les photos m'épuise et me ralentit. Je préfère les séances où je dois me contorsionner pour avoir le cliché parfait.
— Alors, commencé-je, d'une voix assurée. Tu reprends bientôt une nouvelle saison. Tu n'es pas trop stressé ?
Emery regarde en arrière quelques secondes avant de prendre une grande inspiration.
— Pour être tout à fait honnête avec toi, raconte-t-il alors en secouant la tête. J'ai toujours beaucoup d'appréhension. On a beau se préparer avant, avoir les essaies de pré-saison qui vont commencer, on reste dans un flou pour ce qui est de la performance de la monoplace.
Extérieur au sport, on peut confondre ce sport avec un simple moment à passer, très facile à gérer. De l'intérieur, tout est décuplé. Les pilotes s'entraînent d'arrache-pied pour réussir, pour être aussi performant que leur monoplace. Ils ne doivent pas avoir peur, perdre confiance en eux ou se dévaloriser, au risque de tout perdre.
— Comment tu fais pour combiner les courses, les sponsors et les journalistes, tout en ayant une vie sociale ? Je suis plutôt impressionnée quand je vous vois faire tout ça.
Emery m'arrête devant un immeuble, et m'explique qu'il doit récupérer ses affaires rapidement. En patientant devant l'immeuble, je comprends qu'il fait déjà nuit quand les lampadaires s'illuminent. Je repense au mois de décembre que j'ai eu l'occasion de passer avec Alessio, ici. Je n'ai pas visité, j'avais beaucoup de choses prévues.
Cela ne nous a pas empêchés de sortir pour le jour de l'an non loin du Casino de Monaco, qui a une vue surprenante sur tout le port. Nous y avons été, mais nos chemins se sont séparés après midi passé. Nous étions, tous les deux, très bien accompagnés.
Emery redescend avec un sac sur ses épaules, similaire au mien. Pendant la fin du trajet, il me raconte des anecdotes sur sa vie en tant que pilote. Il me fait rire en mentionnant Alessio comme étant l'idiot des paddock.
— Mais oui, pour répondre à ta question, je galère à combiner tout ça, avoue-t-il, tristement. J'aurais préféré mieux géré ma vie personnelle, parce que j'ai gâché beaucoup de relations à cause de la Formule 1.
— Des relations amoureuses ? demandé-je, curieusement alors que l'on entre dans la salle de sport.
— Entre autres, me répond-il, accompagné d'un clin d'œil. Mais c'est une conversation pour un autre jour.
Nous nous dirigeons vers la salle de sport, impatients de commencer notre séance et d'en apprendre plus l'un sur l'autre.
— Je dois habiter à Monaco depuis un peu plus d'un an, me confie-t-il, alors que j'ajuste mon écouteur. J'ai déménagé pour être indépendant avec les Grands Prix. Je vivais encore chez mes parents, parce que je n'étais pas très souvent à la maison. Mais après, j'ai senti que lors de nos vacances, on va dire, j'avais besoin d'être seul.
— Tu voyais trop de monde pendant la saison, confirmé-je, en hochant la tête alors que je monte les marches d'une machine.
Emery me sourit, pendant qu'il travaille à la presse. Son visage est plus rosé, mais il n'a pas l'air d'avoir du mal à pratiquer du sport. Alessio m'a dit qu'ils allaient parfois courir ensembles, tôt le matin. Ce n'est alors pas bizarre si je le voyais passer devant l'appartement ou s'ils se voyaient souvent. Nous continuons quelques machines ensembles. Nous passons ensuite aux poids pendant qu'il parle de ses parents qui l'ont toujours encouragé.
Emery me montre quelques exercices que je peux faire pour soulager mes épaules. Je l'observe avec admiration alors qu'il soulève des altères avec aisance.
— Est-ce que tes relations avec les autres pilotes sont comme celle avec Alessio ? demandé-je, pour changer de sujet, alors que je prends le poids pour refaire une série de l'exercice qu'il m'a montrée. Sans camaraderie, ça doit être pesant comme ce poids.
Je suis essoufflée après ces trente minutes de sport. Je pratique tous les sports, mais j'essaie de pousser mes limites pour suivre Emery. Il fait le même exercice en face de moi et soupire. Il s'arrête un instant pour réfléchir et reprend pour lentement, faisant des mouvements plus réguliers.
— J'ai besoin de repousser mes limites sur le circuit, soupire-t-il, en s'essuyant d'une main le front. Mais comme nous sommes vingt, c'est parfois difficile de comprendre qu'il faut de la place pour tous. J'ai des amis sur le circuit et je dois aussi prendre en compte que nous sommes des rivaux, toujours à se battre autour d'une piste avec des monoplaces plutôt dangereuses. Le problème, c'est qu'il y en a qui ont rentré ça dans leur crâne comme Alessio et moi. Mais prenons l'exemple d'Adrian, il n'a pas sa place sur le circuit. Même en dehors des Grands Prix, des qualifications, il te pousse dans tes retranchements. Il va te piquer jusqu'à ce que ça explose.
Pendant la fin de séance, il s'épuise aux exercices pour être vidé, tout en me confiant ce qu'il a sur le cœur. À la fin de la séance, nous nous dirigeons vers les vestiaires, légers. Si nous finissons par prendre un morceaux ensembles dans la brasserie en face de la salle, nous nous promettons de se refaire quelque chose rapidement.
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