XXXIV. Menaces (Luke)
Chapitre 34
MENACES (LUKE)
Le soir venait de tomber, plongeant ainsi doucement Londres dans l'obscurité. Les mains sur la vitre gelée qui me permettait d'observer l'extérieur, je réfléchissais.
Je ne savais pas ce que nous devions faire ni où est-ce que nous devions nous rendre pour réussir le niveau. Tout était si confus. De plus, les disparitions empiraient les choses, rendant la Simulation bien plus effrayante. Au fond de moi, j'avais l'impression que ce n'était pas normal, que ce n'était pas censé arriver...
Désormais qu'Echo et moi étions bons derniers, j'avais la certitude qu'il fallait quitter l'hôpital et essayer de remonter dans le classement le plus vite possible. Comment ? Je n'en avais malheureusement aucune idée.
Entendant du bruit derrière moi, je déviai finalement mon regard de la fenêtre pour l'arrêter sur ma nouvelle alliée qui revenait justement les bras chargés de médicaments, de bandages et d'autres choses qu'elle glissa rapidement dans son sac.
Je me tournai ensuite afin de m'adosser au mur et je pus l'observer continuer de remplir son sac avec minutie. La voyant faire, je fronçai les sourcils.
— Tu t'attends à faire une hémorragie ?
Elle leva les yeux vers moi, soutint mon regard quelques secondes avant de sourire en secouant légèrement la tête, comme si j'avais dit quelque chose d'amusant.
— Très drôle. On dirait plutôt que c'est toi qui attend que ça, dit-elle.
Je soupirais. Elle avait terriblement tort.
— Arrête, tu me fais passer pour le méchant.
— Un méchant pas si méchant que ça, cela-dit, souligna-t-elle avec un léger sourire.
Elle ne faisait que sourire. Comme June.
— Quoi qu'il en soit, j'attends toujours une réponse. À quoi ça va servir ? demandai-je en montrant le sac qu'elle venait de fermer.
— Tu vas trouver ça ridicule...
Je savais bien évidemment ce qu'elle allait m'annoncer. Elle avait une merveilleuse idée – et quand je disais « merveilleuse », c'était tout le contraire.
Elle continua sur sa lancée :
— Mais je pensais qu'on pourrait...
Mordillant ma lèvre pour ne pas sourire, ce qui aurait été suspect, je plaçai mon index sur mes lèvres avec un petit « shhhht » pour la faire taire.
Echo s'arrêta de parler aussitôt et plongea ses prunelles dans les miennes. Silencieusement, son regard m'interrogeait.
— Tu entends ça ? m'enquis-je à voix basse.
Elle secoua la tête négativement sans rien dire, pensant sûrement que j'avais décelé un bruit dans l'hôpital.
Je laissai quelques secondes s'écouler avant de reprendre la parole avec un ton à la fois taquin et sérieux :
— On aurait dit une mauvaise idée.
Quelques autres secondes passèrent sans qu'Echo ne réagisse.
— Quoi ? Mais je n'avais encore rien dit ! me reprocha-t-elle quand elle comprit.
— J'ai un radar pour ce genre de chose, proférai-je en haussant les épaules. Mais vas-y, continue, je t'en prie. Tu pensais qu'on pourrait quoi ?
— Euh... aller chez les gens qui m'ont aidée, leur apprendre la mort de Riley et celle de Priam... Et pourquoi pas leur donner les médicaments et trousses de soins qu'ils voulaient...
Je m'y étais attendu. Ce n'était pas une bonne idée.
— Ah non ! Mauvaise idée ! Très mauvaise ! Tu veux te faire éliminer ?
Je revins dans le présent quand je m'arrêtai de courir. Courbé en avant, les mains sur mes cuisses, j'essayai de reprendre mon souffle du mieux que je le pouvais. L'air qui s'infiltrait dans mon corps enflammait tout sur son passage dans le seul but d'atteindre mes poumons. J'avais la terrible et désagréable sensation que ma gorge s'était embrasée. Et chaque fois que je respirais, je souffrais davantage.
À cet instant précis, je trouvai qu'avoir couru sur plusieurs kilomètres sans s'être arrêtés avait été une très mauvaise idée.
Mais en réalité, elle avait été plus affreuse qu'inutile.
Je repensai alors au souvenir qui m'avait submergé. Finalement, Echo avait capitulé et nous n'avions pas été donner les médicaments aux résistants qui l'avaient aidée. À la place, on avait cherché à se garder en vie. D'ailleurs, puisqu'Echo avait gardé le sac, j'espérais pour elle qu'il était toujours en sa possession.
Ashton toussota et arrêta de s'étirer.
— Au moins, on n'a plus froid. C'est déjà ça de gagné.
Je ris avant de grimacer à cause de la douleur. Ashton trouvait toujours les bons mots pour rendre les choses plus agréables et surtout plus simples. Il était vraiment sympathique et pourtant, je l'avais trouvé arrogant les premiers jours.
Avant d'apprendre à connaître qui que ce soit, j'avais en effet eu d'énormes préjugés, parfois même difficiles à surmonter. Et finalement, j'étais passé au-dessus. J'avais même pu rencontrer des personnes géniales, intéressantes ; et c'était une autre raison pour laquelle je ne regrettais pas de m'être inscrit.
Après m'être relevé, je jetai un coup d'œil au classement.
— Alors ? s'enquit Ashton après s'être raclé la gorge, éprouvant sûrement la même gêne dans sa trachée.
Je relevai les yeux pour les poser sur le bouclé.
— Elle est toujours là, soufflai-je.
Le soulagement s'entendait clairement dans ma voix, et il devait sûrement se lire dans mes yeux. Heureusement, Ashton ne posa pas plus de questions et je ne divulguai pas plus d'informations, ne voulant pas qu'il sache que je comptais sur Echo pour gagner si je ne le pouvais pas moi-même. Je ne voulais pas qu'il soit au courant pour June et la maladie de Vorthenger. Loin de moi était l'envie d'être pris en pitié. L'empathie d'Echo et de Michael me suffisait largement.
— C'est déjà ça, me fit-il remarquer pendant que j'acquiesçais sans rien dire, faisant disparaître le classement à l'aide de mon index.
Les prunelles rivées vers l'inconnu, je marchai aux côtés du bouclé, qui lui, fixait le plan toutes les trente secondes. Comme s'il vérifiait continuellement que nous prenions la bonne direction.
Puis il s'arrêta.
— Je crois qu'on y est.
Je ne dis rien, balayant les lieux du regard. L'endroit paraissait assez calme. Trop calme. Et si c'était un piège ?
— Tu viens ? me lança Ashton.
Je le suivis tout de même, mettant mes craintes de côté, et nous entrâmes sur un parking désert. Seules quelques voitures étaient garées çà et là. Cependant, certaines semblaient ne pas avoir été démarrées depuis longtemps. C'était à la fois rassurant et effrayant.
Je remarquai qu'une petite ruelle était éclairée au fond du parking et je devinai qu'il s'agissait là de l'endroit où nous allions trouver Aleksey.
Soudain, nous entendîmes du bruit, comme un léger rugissement. Impossible de savoir d'où il venait exactement puisque j'avais l'impression que ça résonnait.
Ensuite, nous aperçûmes un faisceau lumineux.
— Des phares !
Une voiture rentrait en effet à son tour sur le parking.
Heureusement, nous eûmes le temps de nous accroupir et de nous cacher derrière le flan de ce qui ressemblait le plus à une Range Rover. Je priai pour que l'on ne nous ait pas vus.
Je retins mon souffle quand la voiture se gara plus loin. Deux portières claquèrent, ce qui me laissa supposer que deux personnes en étaient sorties.
Après une longue minute, nous entendîmes une porte claquer, signe que nous étions de nouveau seuls, je réactivai alors la lampe de ma montre et me tournai vers Ashton, l'interrogeant du regard.
— Qu'est-ce qu'on fait ? mimai-je avec les lèvres.
Le bouclé secoua la tête.
Alors on attendit, réfléchissant à un moyen d'entrer, de trouver Aleksey, de l'éliminer, de ressortir d'ici, tout en nous gardant en vie.
Ça n'allait décidément pas être une tâche facile.
À l'aide du plan que nous offrait la montre, on put tracer un schéma dans la neige afin d'établir notre stratégie.
— Si on entre par-là, Ashton désigna l'entrée principale, on est morts.
— Si on entre tout court, on est morts, répliquai-je.
— Sois optimiste, Luke !
— Et comment ? voulus-je savoir.
Avant même qu'Ashton eut le temps de me répondre, nous entendîmes des voix. Nous éteignîmes donc nos montres pour nous fondre dans l'obscurité et nous tendîmes l'oreille.
— Mais t'es complétement perchée !
Je reconnus immédiatement la voix d'Aleksey et laissai mes lèvres s'étirer en un rictus.
On l'avait enfin trouvé !
— Tu viens ici et tu clames haut et fort qu'on se connaît ?! C'est du suicide !
Apparemment, il s'en prenait à quelqu'un et à ses mots, je compris que la seule personne qui pouvait être en ce moment même à ses côtés était Echo. Nous n'étions plus que quatre. Ce ne pouvait être qu'elle.
Mais comment était-elle arrivée jusqu'ici ? Comment l'avait-elle trouvé avant nous ?
Accroupi, j'avançai jusqu'à ce que je pus apercevoir Echo et Aleksey sous la lumière d'un lampadaire. Étant toujours caché par la voiture, je ne risquais pas d'être vu, ce qui me permettait d'observer la scène sans problème.
Ashton, lui, ne faisait qu'écouter.
— T'es toute seule ?
De là où j'étais, je vis Echo hocher la tête. Aleksey se gratta la tête à l'aide d'une de ses mains gantées ; il réfléchissait. Il balaya ensuite le parking des yeux, ne me vit pas, et tendit son arme vers Echo. Mon souffle se coupa.
— Tu vas me tuer, hein ? lui demanda-t-elle sans flancher. Tu vas me tuer comme tous les autres avant moi ?
Intérieurement, je priai Echo de courir et de s'enfuir. Tout ceci allait très mal finir.
— Tu sais que tu as tué ma tante ?
Aleksey riposta aussitôt :
— C'était ça ou mourir.
Echo fit un pas en avant.
— Ta vie vaut donc plus que celle des autres ?
Si Echo continuait sur sa lancée, Aleksey ne tarderait pas à en finir. Je le sentais mal... J'avais un mauvais pressentiment.
— Il va la tuer, murmurai-je.
Et s'il le faisait, elle serait éliminée. C'était inévitable.
— À ma place, tu aurais fait quoi ? Dis-moi ?
— J'aurais trouvé une autre solution ! répliqua aussitôt Echo comme si c'était une évidence – et la connaissant un minimum, c'en était une.
Ou alors, elle aurait accepté d'être tuée comme lorsqu'un extrémiste l'avait attrapée.
Quand elle m'avait raconté dans l'hôpital qu'elle avait cru mourir, qu'elle s'était agenouillée face à l'extrémiste, prête à recommencer le niveau, je l'avais trouvée courageuse. Incroyablement courageuse.
Mais ici, elle faisait preuve de ce même courage à une exception près. Elle le poussait à aller trop loin. Pleine d'audace, sûrement en colère, Echo l'incitait à tirer. En vérité, je savais qu'elle le poussait à ne pas le faire. Peut-être voulait-elle qu'il lui prouve qu'il y avait finalement quelque chose de bon en lui. Peut-être voulait-elle l'entendre dire qu'il avait des regrets, qu'il aurait aimé que tout se passe autrement.
Mais il ne le fit pas.
Alors encouragé par une envie presque viscérale de sauver Echo, je me levai.
— Mais qu'est-ce que tu fais ? me demanda Ashton à voix basse.
Je ne lui répondis pas, non seulement parce que je ne détenais pas la réponse, mais parce qu'en réalité, je n'étais pas capable d'en formuler une.
Quand Aleksey se rendit compte de ma présence dans le parking, je tendis mon arme vers lui pour le menacer et exercer un moyen de pression.
J'eus envie de sourire lorsque je sentis la présence d'Ashton à mes côtés.
— Luke ! souffla Echo, comme si elle était soulagée.
Aleksey se raidit, sachant qu'à cet instant, il nous était inférieur. Nous étions trois. Il était seul.
Mais rapidement et contre toute attente, il s'empara du bras d'Echo, la ramenant vers lui pour plaquer le bout de son revolver contre sa tempe.
— Un pas de plus et elle disparaît, nous menaça-t-il tendit qu'il enlevait la sécurité, le doigt frôlant la détente.
Echo me lança un regard affolé et je sentis la panique prendre possession de tout mon être. Je demeurai alors immobile, totalement incapable de réfléchir correctement.
— On fait quoi ? m'interrogea Ashton de manière presque inaudible de façon à ce que je fus le seul à l'entendre.
— Je ne sais pas...
Quelques secondes s'écoulèrent et Ashton fit un pas en avant. Qu'est-ce qu'il faisait ?!
— J'ai dit : un pas de plus et je n'hésiterai pas à tirer, nous rappela Aleksey comme si nous l'avions oublié.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Il est là... C'est ce qu'on voulait ! me rétorqua Ashton.
Au même instant, le sol se mit à gronder et la terre à trembler. Cela dura quelques secondes avant de s'arrêter brutalement.
À cet instant précis, j'avais un plan.
— Bordel, c'était quoi, ça ? s'emporta Aleksey qui tenait toujours Echo.
Tout ce que je savais, c'était que quelque chose était en train de se passer.
Et que ça nous dépassait tous.
*
Hello ! Comment ça va ?
Je suis de retour avec le chapitre 34, un peu plus court que d'habitude, mais qui annonce des choses intéressantes pour la suite.
J'espère que vous avez aimé le point de vue de Luke et le petit souvenir avec Echo au début ^-^
En tout cas, on approche de la fin du premier tome et j'ai très hâte d'entamer le deuxième!
Merci pour votre soutien ! Vous êtes les meilleurs ! <3
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