CHAPITRE 1 - Segger [2|3]
J'étais égoïste de vouloir réaliser mes projets d'études en les utilisant. Toutefois, mon crédo était de lever le voile du mystère. Peu importe les obstacles. J'avais cependant pris la décision que chaque enfant serait correctement éduqué, comme dans une vraie famille. Une équipe s'occupait de leur inculquer des connaissances et des valeurs chaque semaine.
Un autre groupe, différent du premier et composé uniquement de scientifiques, travaillait et élaborait des expériences effectuées sur eux. Tout avait été mûrement réfléchi, afin que chaque personne côtoyant ces enfants durant les expérimentations ne puisse créer de liens avec eux. Pas le moindre contact en dehors des examens.
Sans cette précaution, les résultats auraient été assurément faussés. Je ne cherchais pas à m'attirer les foudres des autres, loin de là. Mais ce qui m'affligeait, c'était de voir que certains de mes collègues au courant de mes projets refusaient d'ouvrir les yeux et d'accepter que mon travail eut de grandes chances de faire avancer la science et de bénéficier à long terme à l'Humanité.
Parmi tous les jeunes enlevés à leur famille, finalement peu d'entre eux s'étaient révélés anormaux ou dotés de facultés magiques. J'avais alors dû me résoudre à les laisser partir, non sans avoir provoqué en eux une amnésie irréversible. Je connaissais les enfants, leur difficulté à mentir malgré tous leurs efforts, leur incapacité à cacher leurs sentiments, leurs craintes, leurs peurs. Alors je savais que leur intimer le silence n'aurait certainement pas suffi : il y en aurait toujours eu un pour tout dire. Il me suffisait ainsi de les conduire dans un hôpital proche et de leur faire croire qu'ils se réveillaient d'un long coma.
Reportant mon attention sur mon cahier, je jetai un rapide coup d'œil aux autres articles de journaux relatant différentes disparitions avant de le refermer. Je repensai à ces deux premiers enfants qui sortaient de l'ordinaire. Les familles, soucieuses depuis la diffusion médiatique du décès des jumeaux Alzory, avaient d'abord craint à une multiplication de ce genre de phénomènes. Toutefois, plus aucun enfant ne s'était manifesté depuis.
Mis à part dans mon centre.
J'avais choisi d'appeler ces enfants « Les Sigmas », en raison de cette concomitance entre les deux événements. Je me devais d'opérer dans le plus grand silence, notamment parce que bien des parents recouraient aux forces de l'ordre pour rechercher leurs enfants. Mais comme bien d'autres jeunes portés disparus — par ma faute ou à cause de criminels — les affaires s'étaient depuis tassées, les recherches, devenues moins actives.
En entendant quelqu'un frapper à la porte, je repris l'expression autoritaire qui me caractérisait et m'installai dans mon fauteuil. Après une minute, selon les consignes instaurées, un homme en chemise blanche entra : Dr Selkins. Il était le plus haut responsable dans le domaine scientifique de mon centre depuis plusieurs années. Le seul parmi tous mes associés qui se chargeait du dossier des Sigmas.
Le Dr Selkins se chargeait des enfants les plus récalcitrants, ceux qui refusaient de coopérer aux différentes expériences. Rex Wirel en faisait malheureusement partie. Cette petite tête brûlée me menait la vie dure avec ses multiples tentatives d'évasion.
Cependant, je me refusais à le laisser partir. Il était le premier à avoir été classé Sigma par le scientifique et il en savait beaucoup trop. Depuis, Selkins réalisait chaque jour un panel d'examens pour observer l'évolution de ses aptitudes et comprendre la source qui conférait au jeune garçon cet étrange flux énergétique.
Le scientifique me salua brièvement. Il ressemblait à un rat avec ses petits yeux noirs, résultat de ses courtes heures de sommeil dues aux multiples recherches. Aujourd'hui, ses yeux pétillaient d'excitation, sans doute signe du succès de ses nuits blanches.
— Les résultats des analyses menées sur le sujet n°7 sont incroyables ! lâcha-t-il plein d'enthousiasme, incapable de se contenir une seconde de plus. J'ai réalisé une toute nouvelle batterie de tests sur lui, et pour la première fois depuis tant d'années, j'ai l'honneur de vous annoncer, Monsieur, que nous avons fait une avancée majeure.
Il souffla pour reprendre contenance, trop excité pour ne pas s'empêcher de débiter ses mots à toute vitesse. Je ne pouvais me retenir d'être suspendu à ses lèvres, mes mains crispées sur les accoudoirs, dans l'attente de ce qu'il m'annoncerait. Touchais-je enfin au but ? Il reprit d'une voix solennelle et grave, disposant une liasse de documents devant moi.
— D'après mes recherches, et comme nous le savions, l'ADN du sujet n°7 est différent des êtres humains normaux. Nous retrouvons des séries de mutations dans son code génétique qui pourraient n'avoir aucun effet déclaré. Enfin, d'après la bande de données, ses changements, pris seuls, n'auraient aucune incidence sur le développement d'un être humain. Mais c'est là où tout cela nous intéresse. Ce sont ces mutations ensemble qui font de notre sujet un être extraordinaire. Ce que je pensais être de simples modifications aléatoires sont en réalité une évolution des gènes. Il possède une régénération de son ADN plus rapide que la normale, ce qui lui confère des capacités de rétablissement hors normes, qui ont déjà été démontrées au cours de mes précédentes expériences.
Il me tendit l'une des feuilles qu'il avait placées sur mon bureau, un air désappointé sur le visage, avant d'annoncer :
— Cependant, cela reste une rémission lente qui n'est vraiment efficace que pour les légères blessures, et nous n'avons pas pu, pour le moment, certifier qu'elle s'applique aux maladies auto-immunes. Je pense notamment au diabète, à la sclérose en plaques, à la mucoviscidose, aux maladies infectieuses ou même aux cancers. Ce serait, je dois l'avouer, une incroyable avancée médicale ! Toutefois ce n'est pas ce qui nous importe pour le moment, vous le savez mieux que moi. Le flux énergétique que l'on a perçu déjà depuis un an ne provient pas comme nous le pensions du cœur de cet enfant, mais bien de son système nerveux central, au niveau du segment cervical de son rachis. Cela soulève la question d'un lien possible entre son système immunitaire et cette source probable d'énergie.
Il reprit son souffle et continua ses explications avec l'entrain d'un chercheur qui, après des années de recherches, se voyait enfin récompensé :
— Pour être plus précis, nous avons réalisé une IRM pour visualiser l'organisme de l'enfant afin de découvrir l'origine de cette source d'énergie. Et nous avons enfin trouvé ! L'imagerie par résonance magnétique nous a révélé la présence d'une multitude de nodules le long du rachis cervical. L'acquisition de ce nouvel appareil sera très vite rentabilisée : les premiers tests que nous avons effectués avec sont plus que concluants !
Le Dr Selkins avait bien raison sur ce point. Après des mois de négociations avec les constructeurs, ceux-ci avaient fini par nous céder ce bijou de technologie pour la moitié d'un million. J'étais satisfait de savoir que cet investissement servirait à l'avenir. Le scientifique mit un des documents disposés sur la table en évidence.
— Par une analyse multispectrale, dont vous voyez les résultats sur cette page, indiqua-t-il d'un geste du doigt, attirant mon regard sur une série complexe de points rouges, jaunes, verts et bleus, j'ai détecté des rayonnements anormaux. Pour confirmer que ces anomalies n'ont touché que certains enfants, et exclure l'aspect aléatoire de ses malformations, qui auraient pu être le signe d'une maladie, je me suis basé sur d'autres sujets, chez lesquels je n'ai parfois rien trouvé. Et les bases de santé ne disposent d'aucune pathologie de ce type. Ces nodules contiennent sans aucun doute cette énergie, mais le sujet n°7 refuse de dévoiler à nouveau ses capacités. J'ai pensé que nous pourrions faire une biopsie pour prélever un nodule afin de faire un examen microscopique, cependant cela est actuellement impossible sans risquer de graves séquelles.
Bien qu'on puisse noter une pointe de déception dans sa voix, il ne semblait pas avoir baissé les bras et ajouta :
— Certains de mes hommes travaillent sur le développement d'un système robotique, à l'échelle microscopique, on parle même de nanoparticules, qui pourraient opérer près du système nerveux central. Mais cette technologie reste à ce jour encore trop peu évoluée pour l'exploiter sans se méfier des dangers. En parallèle de ces dites recherches, nous avons étudié le comportement de cet enfant en travaillant sur son psychisme, pour voir s'il a conscience de cette énergie, néanmoins les résultats ne sont pas probants, notamment à cause du manque de coopération du sujet, grimaça-t-il avec exaspération et amertume.
J'assimilai ses paroles. J'avais eu raison de penser que mes observations n'étaient pas qu'un simple hasard. J'étais toutefois bien loin de penser que se cachaient derrière tout ça des mystères bien plus complexes.
Maintenant que j'avais pris connaissance de toutes ces informations, j'éprouvais davantage de curiosité à l'égard de ces enfants si particuliers. Je gardais espoir qu'ils acceptent de travailler avec moi pour que je puisse les aider à évoluer avec leurs différences. Je m'apprêtais à renvoyer Selkins dans son laboratoire, mais une alarme me coupa.
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