Un
Elsie posa un paquet de Marlboro Gold sur le comptoir d'un geste brusque et décidé afin d'attirer l'attention du vendeur, qui, absorbé par son journal, n'avait pas vu la jeune fille entrer. Il finit par relever la tête à contre-cœur, n'oubliant pas de fusiller du regard celle qui l'avait interrompu dans sa lecture.
Il baissa le regard sur le paquet de cigarettes devant lui et maugréa, l'humeur massacrante :
— Carte d'identité ?
Elsie leva les yeux au ciel. Elle poussa un soupir exaspéré par la mauvaise foi du vieil homme. Voyant qu'il ne changerait pas d'avis, elle farfouilla dans son sac à dos tout en pestant contre cette "société de merde". Elle finit par extirper sa pièce d'identité et la présenta au vendeur, une pointe d'agacement dans le regard.
Celui-ci jeta un coup d'œil rapide à la carte d'identité d'Elsie avant de relever les yeux, un air triomphant sur le visage. Une expression mielleuse s'afficha sur son visage et, sur un ton faussement désolé :
— Excusez-moi, mademoiselle, mais vous n'avez pas l'âge requis pour consommer ce produit. Revenez dans deux ans, conclut-il d'un air satisfait.
— Carl, commença Elsie, perdant patience, si tu ne me vends pas ces putains de cigarettes, j'irai les acheter ailleurs, c'est facile d'en trouver, t'es pas le seul à frauder. Alors, soit tu te tais et tu m'encaisse, tu te fais un peu de sous au passage, soit je me barre, termina la jeune fille tout en pianotant sur le comptoir, pour montrer qu'elle était prête à partir de suite si le vendeur refusait de lui vendre ses clopes.
Carl regarda la jeune fille d'un regard mauvais. Il fixa avidement le porte-monnaie que la jeune fille tenait entre ses mains. Ses yeux vacillèrent entre les sous qu'Elsie tenait et le paquet de cigarettes posé devant lui. Puis, après un instant d'hésitation, il finit par dire avec une réticence prononcée :
— Ça t'feras onze nonante-cinq...
Triomphante, Elsie sortit de l'épicerie, cigarette entre les dents. Elle se mit alors à la recherche de son briquet qu'elle finit par retrouver coincé entre deux fardes de cours. Elle actionna le briquet, créant une jolie flamme orangée qui vint lécher l'extrémité de la cigarette qu'elle avait gardée entre ses deux lèvres.
Elle rangea son briquet avant d'aspirer une longue bouffée de fumée. Certains professeurs de son établissement passèrent devant elle, un regard désapprobateur sur la cigarette qu'elle tenait à présent entre son index et son majeur. Elle leur jeta des regards amusés en secouant la tête.
Adossée contre l'un des murs de son école privée, cravate dénouée et chemise sortie du pantalon, la jeune fille détonnait parmi le flot d'élèves qui défilaient devant elle, portant tous leurs uniformes impeccablement arrangés, sans la moindre négligence. Ils passaient tous devant Elsie, pressés de rentrer chez eux, revoir leurs frères, leurs parents... Un rictus déforma son visage. Chez elle... Ce qui l'attendait chez elle, Elsie préférait l'oublier.
Alors qu'elle s'apprêtait à tirer une nouvelle bouffée, deux étudiants déboulèrent bruyamment par les grandes grilles de l'institut. Leurs rires résonnèrent dans l'air du soir, et un éclat de lumière sembla soudain illuminer le visage d'Elsie.
Soudain, les deux amis remarquèrent la jeune fille. Ils poussèrent alors des exclamations de joie et se dirigèrent vers Elsie.
Le premier à arriver à sa hauteur était un jeune homme aux boucles brunes. Ce dernier s'approcha d'elle, un sourire aux lèvres.
Il se pencha pour la serrer dans ses bras avec une joie enfantine, mais au même moment, la jeune fille relâcha une volute de fumée à la figure du jeune homme. Celui-ci fut obligé de reculer en toussant, tandis qu'Elsie partait dans un grand éclat de rire.
Cléa, tout sourire, ne tarda pas à les rejoindre. Elle s'approcha et serra sa meilleure amie dans ses bras avant de s'écarter avec une mine faussement dramatique.
— Bien joué, Sig, ce casse-pieds n'a pas arrêté de draguer des filles pendant toute la journée... Je te jure, ce mec est pas possible, fit Cléa d'un geste théâtral, en donnant un coup de coude à son amie.
Le principal concerné se redressa, réajusta sa cravate froissée, puis répliqua, faussement indigné :
— Pas ma faute si elles sont toutes à mes pieds... Mais comment leur en vouloir ? ajouta-t-il avec un clin d'œil adressé à Elsie. Je suis magnifique, sexy, et si à ça on ajoute mon côté gentleman, je suis irrésistible, termina-t-il en saisissant la main de la jeune fille et en y déposant un baiser.
Elsie se dégagea avec un air faussement exaspéré. Elle tira une dernière fois sur sa clope avant de jeter son mégot sur le sol et de l'écraser sous son talon d'un coup sec. Ses amis suivirent ses gestes des yeux. Cléa détourna le regard, tandis que Bas lui jeta un regard réprobateur.
— Sig... Tu peux pas continuer comme ça. Ces merdes, ça va finir par te tuer... lâcha-t-il, fixant la cigarette encore fumante. Un bruit de déglutition sortit de sa bouche. Il détourna difficilement le regard du mégot à moitié consumé.
Elsie le regarda froidement, agacée par l'intervention de son ami, mais au fond, elle ne pouvait pas lui en vouloir. La mère de son ami était décédée lorsque Bas n'avait que quatorze ans. Elle se souvenait des récits de son ami, des nuits à l'écouter parler de l'alcool et des pilules qui avaient peu à peu détruit sa famille.
Finalement, ce fut Cléa qui finit par briser le froid. À son ton, on pouvait deviner qu'elle avait dû faire face à ce genre de discussion à de nombreuses reprises.
— Dites, j'ai vu qu'il y avait des nouveaux films à l'affiche hier. Ça vous dirait d'aller en voir un ce soir ? Ça pourrait être sympa, lança-t-elle d'une voix joyeuse et enthousiaste, espérant décrocher le regard de l'un de ses amis.
Elsie fut la première à se tourner vers la jeune fille. Elle lui sourit :
— Pourquoi pas ? Moi, ça me convient. Et toi, Bas ? Ça te dit ? demanda-t-elle doucement pour ne pas le brusquer. Elle ne souhaitait pas rester en froid avec le jeune homme. Elle tenait trop à lui pour laisser ce petit différend gâcher leur amitié.
Le jeune homme releva la tête. Il se força à sourire et répondit d'une voix encore un peu nouée :
— OK, mais étant donné que vous n'avez aucun goût, il me semble naturel que ce soit moi qui choisisse le film. Une opposition ? dit-il en reprenant assurance.
Les deux jeunes filles, soulagées que la troisième guerre mondiale n'ait pas éclaté, ne relevèrent pas la remarque de leur ami. Elles lui adressèrent un sourire amusé et, tous trois, ils prirent la direction du cinéma tout en échangeant sur les dernières nouvelles.
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