Un soleil jaune scintillait au coeur d'un ciel clair ; une voûte limpide, vide de nuages. On n'y voyait que l'astre qui brûlait accompagné des satellites de la Terre : deux lunes qui tournaient lentement autour de cette dernière. L'une était bleue et l'autre rouge, donnant à ce ciel tristement fade une once de singularité.

Une douce chaleur léchait les pommettes d'un noiraud allongé dans l'herbe. L'étoile diurne l'embrassait tendrement, chatouillant ses paupières. Et Hyunjin, le beau jeune homme assoupi, ne bougeait pas. Il somnolait tranquillement, sa sieste dépourvue de songes, l'esprit noir et les yeux clos.

Il n'entendait pas les murmures autour de lui. Hyunjin ne percevait pas les gloussements qui s'élevaient prudemment. Il n'écoutait pas. Si bien qu'il ne réagit pas quand l'herbe haute à ses cotés se fit écraser sous des semelles pleines de sable.

Le jeune homme sentit son corps trembler, puis tanguer. Sa tête dodelinait au rythme de ses mouvements jusqu'à ce que ses membres s'éveillent. De légers picotements se mirent à mordre son épiderme. Hyunjin avait envie de se gratter, mais il ne fit rien.

À la place, ses sourcils se froncèrent et ses paupières battirent à multiples reprises. Il prit une grande inspiration, comme si il venait de faire un cauchemar. C'était là qu'il sentit la prise qu'on avait sur son épaule droite. On le secouait doucement, probablement dans le but de le réveiller. Un autre jeune homme s'en occupait. Il n'avait pas l'air très grand et un énorme sourire amusé trainait sur ses lèvres sèches. C'était un rictus qui rejoignait ses yeux qui s'étaient transformés en croissants hilares.

Hyunjin connaissait ce visage et il se sentit étrangement apaisé à la vue de ce dernier.

Son assaillant rit doucement en voyant son expression confuse et le noiraud se mit enfin à entendre ; comme si il venait de retrouver l'ouïe. Comme si il venait de sortir la tête de l'eau alors qu'on essayait jusque là de le noyer.

Son cerveau très vite dépassé par les événements et une multitude de nouvelles sensations s'abattant contre lui à la façon de vagues, ses paupières tombèrent à nouveau. Le garçon prit une seconde inspiration, ses sens en alerte.

Hyunjin entendait les brins jaunis danser. Il entendait quelques oiseaux piailler au loin, le vent murmurer et d'autres jeunes hommes discuter à quelques pas de lui. La pulpe de ses doigts picotait toujours tandis que d'étranges frissons couraient sur les courbes de son être. Le noiraud avait mal partout, comme si son corps tout entier était endolori ; comme si il avait couru un marathon sans avoir pensé à s'étirer par après ou autre chose du genre.

Faisant doucement craquer sa nuque après avoir laissé son crâne valser sur la gauche, un goût ignoble éclata sur sa langue. Cette saveur le répugna si fort qu'il retroussa son nez et étouffa deux ou trois hauts le coeur qui comprimèrent ses entrailles. Hyunjin souffrait. Sa tête tournait, ses jambes tremblaient et il ouvrit à nouveau les yeux.

Jeongin l'observait d'un air légèrement inquiet. Mais quand leurs regards se croisèrent, le cadet sourit joliment ; comme si il voulait donner du courage à son ami. Le noiraud, perdu, en profita pour offrir un regard large aux alentours.

Il n'y avait rien. Enfin, rien. Si, il y en avait, des choses. Hyunjin voyait de l'herbe à perte de vue. Quelques arbres, hauts perchés, observaient la clairière d'un air tordu. Ils se balançaient au gré d'une brise qui ne semblait pas vouloir se calmer.

Le jeune homme chercha à se redresser en position assise et Jeongin, vif d'esprit, l'aida gentiment. Il prit sa main droite dans la sienne afin de tirer son buste vers lui. Une fois Hyunjin assis, le plus jeune posa son autre paume entre ses omoplates afin de le soutenir.

Il y voyait déjà plus clair. Au loin, il semblait y avoir un semblant de route. Hyunjin n'était pas sûr mais il entendait des roues buter contre des cailloux et un moteur vrombir continuellement. Et la source principale du bruit qui perçait les oreilles du noiraud n'était autre qu'un groupe de six jeunes hommes qui riaient à s'en arracher la gorge.

C'était une panoplie de cheveux bruns, noirs et blonds qui grouillait là bas. Ils se chamaillaient doucement, regardaient une carte qu'un garçon aux yeux pétillants tenait entre les mains et semblaient chercher une solution à un problème que notre protagoniste ne connaissait pas.

Hyunjin se demandait un peu ce qu'il faisait là.

« Ça va ? » demanda Jeongin, accroupi à ses cotés.

Le noiraud voulut répondre mais sa voix se coinça dans sa gorge, si bien qu'il se mit à tousser encore et encore jusqu'à enfin déboucher son pharynx. Il prit deux grandes bouffées d'oxygène et son cadet lui frappa doucement le dos afin de l'aider à dégager ses bronches.

« Je crois, oui. Je me sens tout bizarre. finit-il par couiner.
- T'as dormi longtemps, c'est normal. On t'a laissé faire une sieste, t'avais l'air épuisé tout à l'heure. » expliqua Jeongin, ses orbes pétillantes de malice.

Hyunjin acquiesça doucement.

« T'es prêt à te mettre debout ? demanda le plus jeune.
- J'en sais rien mais je vais pas rester au sol pendant des heures. »

Sur ce, le brun reprit sa paume dans la sienne et tira d'un coup sec afin de donner beaucoup d'élan à son aîné. Hyunjin tituba, manqua de s'étaler face la première dans les hautes herbes mais il était enfin sur pieds. Certes, ses jambes tremblaient et la plante de ses pieds brûlait férocement, mais il était debout. Le noiraud s'offrit quelques secondes de répit puis, enfin, il avança en direction des autres garçons.

Jeongin lui tenait gentiment le bras, au cas où il se mangerait le pied dans une butte de terre et trébucherait sur le chemin. Les autres durent sentir leur présence ou voir leurs deux amis venir du coin de l'oeil puisqu'ils leur firent face. De grands sourires jouaient sur leurs figures baignées de soleil.

Celui tenant la carte, Chan, prit la parole.

« Ah bah quand même. railla-t-il.
- T'en as mis du temps ! s'écria Jisung, s'adressant à Jeongin.
- C'est lui qui dormait comme une pierre, là ! J'ai dû le secouer hyper fort pour qu'il daigne entrouvrir les yeux. » répondit ce dernier.

Hyunjin se planta devant ses meilleurs amis et répondit aux quelques questions de ceux-ci qui lui demandaient comment il allait et autres banalités. Une once d'inquiétude peignait leurs traits, comme si il lui était arrivé quelque chose avant qu'il ne s'endorme. Cependant, Hyunjin n'en avait aucun souvenir.

Son esprit était un brouillard sans nom, un désordre qui lui envoyait quelques secousses douloureuses quand il essayait de trop réfléchir. Alors il se dit qu'il avait dû faire une insolation ; pas étonnant vu le temps. Le soleil tapait d'une force terrible après tout.

Le beau noiraud écouta ses amis reprendre leur conversation, essayant de s'y joindre afin de comprendre ce qu'il se passait. Au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, il se rappela que lui et les sept autres étaient en route pour un voyage. Hyunjin ne savait plus vraiment où ils allaient et, maintenant, il avait presque peur de poser la question ; au risque de passer pour un débile fini.

Quand les voix se turent, Chan plia sa carte en suivant les bords et les autres se saisirent des sacs et autres valises qui les encerclaient. Changbin, un jeune pas très grand aux cheveux sombres, tendit un sac à dos en toile marine à notre noiraud. Ce dernier reconnut sa possession et la prit entre ses doigts avant de la balancer sur son épaule droite, non pas sans remercier son aîné.

La groupe s'assura qu'ils avaient toutes leurs affaires puis, ils partirent enfin.

•

Leurs pas creusaient les brins d'herbe jaune et Hyunjin trainait la patte. Il avait du mal à garder un rythme constant ou même son équilibre. Le jeune homme se sentait toujours légèrement faible. Son estomac bouillonnait et sa tête semblait pleine, trop pleine, tant qu'elle en était lourde et dure à supporter.

Ses amis semblaient prêter attention à son état, lui proposant de l'eau ou un biscuit au cas où il serait en hypoglycémie. Mais Hyunjin refusait à chaque fois, par peur de rendre les quelques miettes qu'il pourrait avaler.

Au bout de quelques longues minutes à déambuler sous les flèches solaires, ils atteignirent une route. L'asphalte semblait brûlant et s'étendait au loin. Sur cette route, trônait ce qui s'apparentait à un arrêt de bus. L'abri était large et jaune, hurlant sa présence à quiconque passait par là.

Les jeunes hommes se mirent à attendre, comptant les minutes à coups de plaisanteries et douces railleries. Hyunjin avait du mal à y prendre part. Il se demandait si il était le seul à se sentir comme ça ; à se sentir lourd et léger en même temps.

Le noiraud avait l'impression d'être là mais pas trop non plus. Il se sentait comme une ombre ou un croquis inachevé. Hyunjin se sentait vide mais en même temps sa tête était au bord du débordement et il ne savait quoi faire pour changer cela. Hyunjin se demandait si il était malade.

« Vous êtes sûr qu'il va passer ? demanda Seungmin, assis sur un banc.
- De quoi ? s'étonna Jisung.
- Le bus, idiot. grogna le premier.
- Normalement, oui. s'enquit Chan.
- Mais j'en ai marre d'attendre, moi. Felix geint.
- Vous voulez pas qu'on parte à pieds ? » proposa un noiraud.

Tous regardèrent Changbin comme si il avait perdu la tête. Particulièrement Hyunjin qui tenait à peine sur ses jambes et semblait au bord de la crise de nerfs. Le concerné se contenta d'hausser les épaules. La brise souleva ses cheveux sombres et il tourna son visage dans la direction par laquelle le bus était censé venir.

« Il a quand même vachement de retard. dit-il, simplement.
- Et tu crois qu'on ira plus vite à pied ? répondit un autre.
- Y a rien de mal à aller faire du repérage, Chan. »

Le susnommé pressa ses lèvres l'une contre l'autre, ces dernières formant une ligne droite, tandis qu'il réfléchissait. Il semblait peser le pour et le contre et les yeux de Hyunjin valsaient de sa tête blonde à l'air las de Changbin.

Minho faisait du bruit, il faisait tourner leur aller simple entre ses doigts. Seungmin lui adressa un regard accessoirisé de sourcils froncés et son aîné lui répondit par un simple sourire, sans pour autant arrêter son petit jeu. Pendant ce temps, Jeongin était monté sur le dos de Felix, celui-ci peinant à tenir debout sous le poids de son cadet et Jisung, le dernier d'entre eux, faisait le mort, allongé de tout son long sur le banc de l'abribus depuis que Seungmin s'en était levé.

Finalement, Chan frappa des mains et décida qu'ils pouvaient bien aller faire un petit tour. Ils entendraient de toute façon le bus si ce dernier daignait pointer le bout de son nez.

Ils se remirent donc en marche. Les huit amis traversèrent le bitume et décidèrent d'emprunter un sentier battu. Certains avaient du mal à trainer leurs valises dans l'herbe mais ne dirent rien, se contentant de discuter de choses gaies histoire de ne pas ruiner le moral commun.

Hyunjin serrait les dents. Il avalait sa salive et espérait ne pas tourner de l'oeil. Le noiraud avait un temps de retard sur ses compagnons. Ces derniers lui lançaient moult apostrophes d'encouragement et de grands sourires presque forcés. Cependant, rien ne changeait le fait qu'il avait les jambes douloureuses et le coeur agité.

Jisung, peiné à la vue piteuse de son bon ami, ralentit le pas afin d'avancer à ses cotés. Hyunjin, reconnaissant, lui jeta un sourire sincère. Un sourire doux qui fit briller sa figure d'un éclat bien différent que tout ce qu'il avait fait transparaitre jusque là.

Ils parlèrent doucement, riant à propos de telle ou telle péripétie qui leur était arrivée plus tôt. Le beau noiraud se dit que c'était le moment. Alors, l'estomac contracté, il se lança et fit porter sa voix d'une force incertaine.

« Dis, Jisung. On va où comme ça ? » demanda-t-il.

Son acolyte ne put s'empêcher de rire doucement tant il était surpris par sa question. Il secoua aussi la tête, laissant ses cheveux chocolats se balancer d'un coté à l'autre.

« En ville. On se fait de petites vacances, comme c'était prévu. » s'enquit-il.

Les lèvres pleines de Hyunjin formèrent un "o" parfait tandis qu'une onomatopée de réalisation se frayait un passage jusqu'à l'air ambiant. Il acquiesça doucement aussi, faisant mine de comprendre. Alors qu'au fond, Hyunjin n'avait aucune idée de quelle ville le brun parlait. C'était sûrement la capitale. Mais pourquoi auraient-ils pris un chemin pareil ?

Il était vrai que la plupart d'entre eux habitait dans la campagne mais il ne fallait pas exagérer. Ils auraient probablement pu prendre un car depuis leur village ou quelque chose du genre. Cet itinéraire bancal était sûrement une idée de Chan.

Les réflexions du noiraud furent coupées quand il butta dans un Seungmin statique. Le groupe venait de s'arrêter et Hyunjin se demanda pourquoi. Alors il se mit sur la pointe des pieds et jeta un oeil à ce qui se passait devant eux.

Là, à coté du chemin, se trouvait un véhicule. Hyunjin ne savait pas du tout comment ce type de voiture s'appelait. C'était un véhicule tout terrain sans toit, ni carrosserie pour recouvrir l'habitacle. On pouvait s'y assoir à plusieurs et seules des armatures en métal donnaient une forme normale à l'engin.

Felix s'en approcha à petites enjambées, rapidement rejoint par Hyunjin qui contourna le reste du groupe. Minho se dirigea vers l'avant de la voiture, vérifiant ce qu'il se trouvait au niveau du siège conducteur. Il inspira rapidement et prit place sur ce dernier tandis que les autres jeunes hommes commençaient à élever la voix, lui demandant ce qu'il comptait faire.

On entendit un, deux ronronnements, puis trois. Le pot d'échappement toussa maladroitement avant de cracher un nuage de fumée grise et grasse. Le moteur se mit à tourner et Minho se retourna doucement, lançant un sourire en coin espiègle à ses compagnons de route. Ces derniers, hébétés, avaient l'air bien malins avec leurs bouches entrouvertes et leurs bras ballants.

Hyunjin, une main posée sur l'épaule de Felix qui se tenait toujours à ses cotés, adressa un regard un peu affolé à ce dernier.

« Tu crois qu'on peut emprunter ce truc ? » souffla-t-il.

Le blond sourit et opina du chef avant d'hausser les épaules.

« Et pourquoi pas ? T'as pas envie de partir à l'aventure ? »

Hyunjin voulut dire que non. Il voulut vociférer son avis qui était que: c'était une très mauvaise idée en sachant que Minho n'était encore qu'en conduite accompagnée et que ce véhicule appartenait certainement à quelqu'un.

Cependant, les autres s'étaient déjà rués vers le-dit véhicule, Jisung s'accrochant aux barres métalliques du toit pour monter à bord tandis que Changbin y lançait sa valise.

C'était trop tard.