Sicile, plage de Fontane Bianche

Le jeune Hamilcar arrive sur la plage de Fontane Bianche. Il pleut à verse. Il découvre avec horreurs les cadavres entassés sur un morceau de plage.  Il s'avance vers eux et met sa main devant la bouche tellement l'odeur est insoutenable. Un homme qui ramène un cadavre des eaux s'approche de lui, et baisse son foulard pour lui parler.

HOMME (criant sous la pluie)
C'est pas beau à voir petit, hein.

HAMILCAR
Y a-t-il des survivants ?

HOMME
S'il y en a, ils seront pendus, pour désertion.

Hamilcar regarde les têtes violettes encore en état.

HOMME
Tu cherches quelqu'un ?

HAMILCAR
Je connaissais un jeune garçon. Mais je ne le vois pas.

HOMME
Soit son cadavre a été repêché et brûlé, soit il est encore en vie et est retenu captif  à Syracuse.

HAMILCAR
Où ça exactement ?

HOMME
Aux Latomies des Capucins. C'est là qu'ils enferment les prisonniers de guerre.

HAMILCAR
De quel côté est-ce ?

HOMME
Par là, mais il te faut un cheval, c'est à 3 heures de marche.

HAMILCAR
Ce n'est pas grave.

Hamilcar commence à partir.

HOMME (l'interpellant)
Hé petit, si j'ai un conseil à te donner au vu de ton accent, si j'étais toi j'éviterais de mettre les pieds dans Syracuse. Oublie ton ami, et refais-toi une vie. Les temps sont incertains. Depuis que Pyrrhus est parti, les grecs veulent reprendre la ville, et il ne fait pas bon être étranger dans les parages.

Hamilcar ne dit rien et reprend sa route. L'homme le regarde rejoindre le chemin avant de retourner à la mer, repêcher des cadavres sous la pluie.

Trois heures plus tard.... Le soleil se montre plus clément du côté de la presqu'île d'Ortigie. Hamilcar arrive devant les portes de Syracuse. Il demande son chemin à un homme qui le conduit devant les énormes carrières de calcaires au nord de Syracuse. Hamilcar s'approche du garde à l'entrée.

GARDIEN
Hé toi, passe ton chemin. C'est pas un endroit pour venir s'amuser.

Le jeune garçon jette rapidement un œil aux carrières blanches derrière le gardien et rebrousse chemin, quand une petite charrette tirée par un âne arrive dans sa direction. Il se cache derrière un  buisson, grimpe en silence à l'arrière du convoi, et se cache sous une couverture. Le vieil homme arrête son attelage à hauteur du gardien.

VIEIL HOMME
J'emmène les vivres pour les prisonniers.

GARDIEN
Très bien, passez.

Hamilcar attend d'être éloigné de l'entrée et jette un coup d'œil discrètement par dessus la couverture. Il apperçoit au fond d'une immense grotte des soldats prisonniers dans des cages, et d'autres, le long des carrières.

L'homme arrête sa charrette dans un coin. Hamilcar descend juste à temps et se cache derrière un buisson. Le vieil homme descend lentement et attrape deux sacs remplis de céréales dans la charrette, avant de s'éloigner avec peine vers les cages, le long des carrières. Hamilcar attend qu'il soit hors de vue et s'empare à son tour de deux sacs. Il descend dans la grotte, en cachant sa tête entre les sacs. Un autre gardien le réceptionne plus bas.

GARDIEN
Vous êtes nouveau ?

Hamilcar hoche la tête sans rien dire. Le gardien le regarde et le laisse passer. Il continue sa route dans la pénombre de la grotte, en passant devant les prisonniers.

PRISONNIER
Encore de l'orge ??? Pourquoi ne nous sers-tu pas ?

Hamilcar voit le gardien se retourner et le regarder de travers. Il s'empresse d'ouvrir l'un des sacs et commence à faire la tournée en inspectant la tête des prisonniers.

PRISONNIER
N'y-a-t-il rien d'autre ? Mérite-t-on d'être traité ainsi, pour que tu nous donnes une aussi petite ration ?

Hamilcar évite de prendre la parole, pour ne pas se faire démasquer.

PRISONNIER (crachant à ses pieds)
Autant nous tuer !

Les prisonniers râlent. L'un d'eux dévisage Hamilcar.

PRISONNIER
Attends, toi.... Je te reconnais. Tu étais un prisonnier de Pyrrhus !

Le garçon lui jette un regard sombre.

PRISONNIER
Mais oui, c'est ça ! Tu es le fils prodige !

Hamilcar continue de descendre dans la grotte en donnant des petites rations. L'homme commence à crier.

PRISONNIER
Garde, Garde !!

Le garde ne prête pas attention aux cris, habitué. Hamilcar en profite pour s'éloigner. Les autres prisonniers râlent de ne pas avoir leur repas. Soudain une voix plus bas attire son attention.

HANNON
Ai-je la berlue ? Hamilcar ???

Hamilcar se retourne et voit un jeune garçon dans l'une des cages, accompagné de deux autres prisonniers adultes.

HANNON
Par Baal, mon ami c'est bien toi ?!!

Il lui fait signe de se taire et tente de forcer la serrure

HANNON (chuchotant)
Tu es vivant, mon ami, mon frère ! Je m'inquiétais tellement de ton sort.

Hamilcar n'arrive pas à forcer la serrure de la cage. L'un des deux prisonniers se moque de lui.

PRISONNIER
Tu viens ici gamin, sans plan pour en ressortir ?

HANNON
Ne le sous-estimez pas...

Hamilcar regarde autour de lui. A force de tapage, l'autre prisonnier qui l'a reconnu a attiré le gardien.

PRISONNIER (le montrant du doigt )
C'est ce gosse !

Le garde se dirige vers lui.

HANNON
Fuis Hamilcar !!

HAMILCAR
Hors de question !

GARDE (l'interpellant)
Hé toi, j'ai deux mots à te dire !

Hamilcar se baisse pour ramasser son sac d'orge, pendant que le garde arrive à sa hauteur.

GARDE
Tu me regardes quand je te parle ?!

HAMILCAR
Avec plaisir !

Hamilcar se retourne et lui balance son sac d'orge à la figure. Le garde tombe lourdement au sol. Il s'empare de son glaive et l'assomme avec la poignée.

Les prisonniers hurlent de joie, pendant qu'il fait sauter le verrou à l'aide du glaive.

HANNON
Dépêchons de sortir d'ici, ces idiots vont nous faire repérer.

L'un des prisonniers ramasse les clés du garde et se dirige vers les cages, sous les encouragements des autres détenus.

Des gardes arrivent en courant en haut de la grande grotte.

HANNON
Par ici, il y a une autre sortie !!

Hannon l'entraîne au fond de la grotte. La grande cavité prend des allures de couloir avec une énorme hauteur de plafond.

HANNON (chuchotant)
Surtout ne fais pas de bruit. Cette grotte résonne énormément.

HAMILCAR
Entendu.

Il la remonte à pas de loup, tandis qu'éclate de l'autre côté une émeute  entre les gardes et les prisonniers libérés.

Hannon s'arrête de marcher et écoute.

HANNON (chuchotant)
Des gardes arrivent sur nous.

Il l'entraine dans une petite cavité plongée dans la pénombre. Attirés par les bruits en provenant du fond de la grotte, les gardes leur passent devant sans même les apercevoir.

HANNON (passant sa tête)
La voie est libre.

Ils sortent de la grotte. Hamilcar se retourne et voit l'entrée de la cavité former une immense oreille.

HANNON
C'est l'oreille de Dionysos, c'est comme ça que les gardes l'appellent. On entend les bruits de l'autre côté de la grotte.

HAMILCAR
Il faut vite sortir d'ici. L'émeute va se propager.

HANNON
Viens, je sais par où passer. Tu comptes quitter l'île comment ?

HAMILCAR
J'ai ma petite idée...