Italie, Région du Latium, soirée

Dans les bois de Fondi, les deux hommes qui ont tenté d'agresser Cornélia sont à terre, dans les feuilles. Meranda se précipite vers leurs chevaux. Cornélia le suit, pieds nus.

CORNELIA
Je vais prendre le cheval marron.

Meranda grimpe sur le blanc et tend la main à Cornélia.

MERANDA
Venez avec moi, il va faire nuit.. Nous risquons de nous perdre.

CORNELIA
Vous en faites pas.

Cornélia se hisse sur le cheval marron.

CORNELIA (parlant fort)
En route !

MERANDA (se tapant le front)
Pas si fort, voulez-vous !

D'autres hommes parlent au loin. Ils les pourchassent également, afin de recevoir la généreuse pièce d'or, promise par le légionnaire humilié au combat, par Meranda. 

MERANDA
En avant! Restez bien dans mes pas.

Meranda claque doucement les rênes de son cheval et remonte la pente. Cornélia le suit religieusement. Au bout d'une demi heure, l'obscurité a envahi complètement les bois. Cornélia a du mal à suivre.

CORNELIA (criant)
Nous pouvons nous arrêter.  Ils ne nous suivent plus à présent.

Meranda arrête son cheval. Cornélia arrive à sa hauteur.

CORNELIA
Et il fait noir... Vous ne savez même pas où vous allez.

Le légionnaire est furieux et ne dit rien. Il regarde droit devant lui pour tenter de trouver un chemin.

CORNELIA
Je vous parle !

MERANDA (se retournant, énervé)
Écoutez, si vous aviez l'habitude de donner des ordres, dans votre petit palais doré, très bien. Mais ici, en dehors de tout confort, de votre mode de vie de riche héritière de Rome, vous m'écoutez! Nous nous arrêterons quand je l'aurais décidé.

CORNELIA
Ah oui ?? Et si nous allions tout droit dans un ravin, le verriez-vous ?? Peut-être, une fois en bas !

MERANDA
La lune nous éclaire...

CORNELIA
Je ne vois que des ombres parmi l'obscurité.

Elle reçoit une goutte de pluie, et se met à rire nerveusement.

MERANDA
Qu'y-a-t-il ?

Meranda sent une goutte lui aussi.

MERANDA (blasé)
Si mêmes les dieux sont contre moi...

CORNELIA
Vous l'avez dit, je suis l'héritière, et même les dieux le savent !

MERANDA
Encore un mot... si vous me dites que ce sont vos Dieux qui vous ont sauvés, je...

Un éclair éclate dans le ciel éclairant leur visage. Cornélia hurle de rire dans les bois.

MERANDA
Je capitule.

CORNELIA
Enfin !

MERANDA
Non pas pour vous donner pleine satisfaction, mais pour nous mettre à l'abri. La fureur du ciel aime jeter son courroux sur les arbres, et griller tout ce qu'il y a en dessous.

CORNELIA
Ça serait dommage de finir en bucher.

MERANDA (la regardant de haut en bas)
Pas tant que ça en fait...

La pluie se met à tomber brutalement.

CORNELIA
Vous voyez, vous les froissez.

MERANDA (soupirant)
Venez, cherchons de quoi nous mettre à l'abri.

L'obscurité et la pluie rendent leur avancée beaucoup plus difficile. Meranda apperçoit une grotte.

MERANDA
Ici !

L'ouverture est grande. Il entre avec les chevaux à l'intérieur.

CORNELIA
Dites, c'est noir là-dedans...

MERANDA (sarcastique)
Je vais remédier à ça votre Altesse et allumer les candélabres...

Il commence à ôter son plastron, et à chercher un coin pour dormir.

CORNELIA
Euh... Vous faites quoi ?

MERANDA
Je dors, ça ne se voit pas ? Cette journée m'a tellement épuisée, physiquement et mentalement, qu'il me faudra sans doute un siècle pour récupérer.

CORNELIA
Très amusant.... Vous ne faites pas un feu ?

MERANDA
Vous me prenez pour votre esclave ?

CORNELIA (se radoucissant)
C'est que... Voyez-vous, je ne dors jamais dans le noir...

MERANDA
Avez-vous vu du bois sec en quelques part ?

CORNELIA
On peut toujours faire un feu... quand on le veut!

MERANDA
Et bien.. faites !

CORNELIA
...

Meranda se retourne et commence à simuler des ronflements. Cornélia regarde le fond de la grotte, plongée dans le noir.

CORNELIA
C'est que... Je ne sais pas faire de feu...

L'écho de la grotte lui renvoie "pas faire de feu", trois fois.

CORNELIA
Cette grotte semble immense. Si ça se trouve, il y a du bois à l'intérieur.

Meranda ne répond rien, et fait semblant de dormir. Cornélia s'avance dans l'obscurité en prenant appuie contre la paroi. Au bout de quelques secondes, elle pousse un hurlement, faisant bondir Meranda.

MERANDA (s'avançant vers elle dans le noir)
Cornélia, vous n'avez rien ??

CORNELIA (à terre)
Je crois que j'ai trouvé du bois....

MERANDA
..... Donnez-moi votre main.

CORNELIA
Je... Je ne vous voie pas.

Meranda s'approche doucement vers la voix.

CORNELIA
Faites attention, ça glisse...

Elle entend un grand bruit. Meranda tombe sur elle. Cornélia pousse un cri.

MERANDA
Cornélia, je vous ai fait mal ?

CORNELIA
Oui...

MERANDA
Je.. Je suis navré. Attendez.

Il tente de prendre appuie, mais sa main roule sur un morceau de bois. Leur bouche se touchent le temps d'un instant. Meranda reprend rapidement ses appuis.

CORNELIA
C'était quoi ça ??

MERANDA
Un... Un accident !

CORNELIA
Vous êtes aussi doué que moi, à ce que je vois...

Meranda contient un juron... et se relève. Il se baisse à nouveau doucement et remonte ses mains le longs des jambes de Cornélia.

CORNELIA
Mais enfin, à quoi jouez-vous ?!

MERANDA
J'essaie de vous trouver, figurez-vous! Ne bougez pas. Vos chevilles sont immenses...

CORNELIA
Cessez ces moqueries infantiles.

MERANDA (faussement offusqué)
Moi.. Me moquer ?? Je n'ai pas été à si bonne école.

CORNELIA
Ça, je le savais.

MERANDA (vexé)
Oh et puis débrouillez-vous, mademoiselle je sais tout !

CORNELIA
Je plaisantais... S'il vous plaît. Vous m'avez fait mal au dos.

Meranda prend sa respiration pour tenter de se calmer.

MERANDA
Très bien.

Il attrape le bras de Cornélia et la soulève rapidement.

CORNELIA (criant)
Mon dos, par Jupiter !!! Vous voulez me briser en deux ?

MERANDA
Je... je suis..

CORNELIA (le coupant furieuse)
Vous êtes désolé... Comme à chaque fois. Si vous voulez vous rendre utile, "vraiment", allumez donc un feu, avant que je ne me casse autre chose!