21. Palerme, taverne, citerne
Sicile, port de Palerme
Hamilcar, Hannon et Carthalon courent à travers la foule du port de Palerme.
CARTHALON (indiquant une rue étroite)
Par là. La taverne est plus haut.
Les trois carthaginois filent à toute allure dans la ruelle, en bousculant les passants, mécontents.
Carthalon s'arrête devant une petite entrée.
CARTHALON
Ils sont ici !
Hamilcar entre en premier et repère les deux romains assis à l'écart dans un recoin sombre. Il s'assied à une table juste à côté et se place de façon à pouvoir les observer discrètement.
HANNON (prenant place à ses côtés)
Tu espères en tirer quoi d'eux ?
HAMILCAR
Des informations. Tentons de prêter une oreille heureuse.
Hamilcar observe leur gestuel. Le romain d'une quarantaine d'années a des manières élégantes, tandis que le plus jeune semble éméché. Ce qui ne plait guère à son compatriote qui repose son verre de vin tout en lui lançant un regard désapprobateur.
ROMAIN
Le vin est la boisson de l'élite urbaine cultivée ! La bière celle des rustres et des "barbares" !!
ROMAIN (ivre)
Rufin, il faut savoir honorer chaque culture comme il se doit. Les dieux nous observent.
L'homme engloutit son verre et se ressert à boire aussi vite.
RUFIN
Mais je les apprécie, figure-toi. Seulement je me distingue de la Plèbe.
ROMAIN
Il n'y a pas de mal à ça. Mais tu sais, la Plèbe a du bon. Ici les femmes sont moins farouches qu'à Rome. Un légionnaire originaire du coin m'avait prévenu, et je suis heureux que tu m'aies parlé de ton voyage.
RUFIN
Tu as simplement voulu t'échapper de Rome. A ce que j'ai cru entendre... (toussant mal à l'aise) enfin... Il se dit à Rome que Catulle Volusii souhaite te fiancer à sa cadette.
ROMAIN
Quoi ??? Toi, tu prêtes attention à de pareils commérages ?!
RUFIN
Disons que dans ce cas de figure, nous deviendrions beaux-frères, Russus !
Russus finit son deuxième verre et le pose bruyamment sur la table.
RUSSUS
C'est ta femme qui te l'a dit ?
RUFIN
Livia me confie peu de choses. (Les yeux dans le vide) A vrai dire je ne sais presque rien d'elle.
Russus ne dit rien, et se ressert à boire, en se disant que si Rufin savait que l'enfant que porte sa femme est de lui, il lui trancherait la gorge sur le champ.
RUSSUS
Les femmes... Elles sont fascinantes et effrayantes à la fois !
RUFIN
Je ne sais pas si je partage ton avis.
RUSSUS
Pourtant tu devrais...
Rufin lève un sourcil interrogateur.
RUFIN
Pourquoi dis-tu cela ?
RUSSUS
Pour rien. (Buvant une gorgée) Quelle drôle de coïncidence... Nous deux, assis à cette table, en terre étrangère, loin de Rome, de ses complots et de ses mœurs.
Russus pousse un soupire bruyant.
RUFIN
On dirait que ça ne t'enchante pas d'épouser Cornélia Volusii.
RUSSUS (détournant le regard)
C'est que... Tu connais mon penchant pour les femmes.
RUFIN
Hélas... Trop bien !
RUSSUS
Je ne crois pas que je suis prêt à me marier. En fait, j'ai horreur du mariage... Être dans le même lit de la même femme toute sa vie...
RUFIN
Enfin Russus !! Cornélia est l'une des plus belles femmes que compte Rome !
RUSSUS
Je sais. Mais elle est bien trop sauvage. Elle s'offusque pour un rien.
RUFIN
Cornélia n'est pas facile, elle a son caractère, je dois l'admettre. En tant que belle-sœur, elle m'a souvent fait sentir que j'étais plus âgé que sa sœur.
RUSSUS
C'est Cornélia tout craché... Elle dit tout haut ce qu'elle pense.
RUFIN
La jeunesse... Nous étions fous et insouciants aussi.
RUSSUS
Je te rappelle que tu as deux fois mon âge !
RUFIN (contrarié)
Merci de me le rappeler.
Russus ne l'écoute plus, et regarde son reflet dans le verre de bière.
RUSSUS
Alors que les femmes de cette île sont très accueillantes, contrairement à Rome, ce serait un crime de ne pas y goûter.
Rufin ne dit rien, et se contente de boire une gorgée de son vin avec raffinement.
Ils restent silencieux tous les deux pendant quelques secondes, perdus dans leurs pensées.
RUFIN (brisant le silence)
Ton père sera certainement attristé, si tu ne te maries pas.
RUSSUS
Étrangement, j'ai l'impression qu'il ne m'y pousse pas.
RUFIN
Pourquoi dis-tu cela ?
RUFIN
D'habitude il aime se mêler de choses qui ne le regardent pas. C'est même sa spécialité. Et là, étonnamment, c'est lui qui m'a conseillé de faire ce voyage avec toi. Comme s'il voulait m'éloigner de Rome quelques temps.
Rufin ne dit rien, et réfléchit en silence à la remarque. Russus aperçoit au dehors, une jeune femme sceller un panier sur un âne. Elle fait tomber un petit sac et se relève, dévoilant son joli décolleté.
RUSSUS (souriant)
Et tu sais quoi Rufin... Pour une fois mon père a eu raison ! Il a eu raison de me pousser à faire quelque chose. Les femmes sont d'une beauté enchanteresse ici. (A lui-même tout en ne perdant pas une miette du spectacle dehors) Même cet idiot de légionnaire qui sert de garde-chiourme à mon père, avait raison.
RUFIN
Ton père s'est offert les services d'un légionnaire ?
RUSSUS
Oui, depuis plusieurs mois maintenant. Je ne sais pas où il a été le trouver. Méranda, c'est son nom.
RUFIN
Jamais entendu parlé. Il est originaire d'une famille patricienne ?
RUSSUS
Non... C'est bien ça le pire.
RUFIN
Ton père a engagé un plébéien pour le seconder ??!
RUSSUS
Va comprendre... Mais une chose de sûre, il est plus doué pour les armes que pour causer ! Je n'ai jamais vu un homme se battre aussi bien que ce Méranda.
RUFIN
Intéressant. Tu crois qu'on pourrait le mobiliser pour nos affaires ?
RUSSUS
Je ne lui fais absolument pas confiance.
RUFIN
Pourtant si il est ce que tu affirmes, nous pourrions soumettre la population de cette île plus rapidement.
A ces mots, Carthalon fronce les sourcils.
CARTHALON (chuchotant)
Qu'est-ce qu'ils complotent ces deux-là ??!
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