🌾 Chapitre 5 🌾
~~~ MATTHIEU ~~~
Ça fait maintenant cinq jours qu'Anthony a balancé mon secret à tout le lycée. Je n'ai plus du tout envie d'aller en cours. Je n'ai plus envie d'être obligé de supporter le regard des autres.
Déjà qu'ils me regardaient mal parce que j'étais muet, là, c'est encore pire ! Si certaines personnes avaient des mitraillettes à la place des yeux, je serais mort des centaines de fois. Certains parlent à voix basse en me regardant. Ils doivent croire que je suis aveugle. Je suis juste muet, mince ! Ce n'est pas la mort !
Depuis ces cinq jours, je suis souvent avec Darius. C'est étrange, il me rappelle quelqu'un. Mais qui, alors là, aucune idée ! De toute façon, je ne me rappelle rien de mes années à l'école primaire. À cause de l'accident, j'ai oublié plus d'une moitié de ma vie ! C'est vrai quoi... Je ne me rappelle de rien de ce que j'ai vécu avant mon année de 5ème. C'est dommage, mais bon... C'est comme ça, et on ne peut rien y faire.
Au bout de plusieurs minutes, je décide enfin de me lever de mon lit, et je prends tout mon temps pour me préparer. Quand je sors de la douche, je me regarde dans le miroir. Je fixe mon ventre en soupirant. Je n'ai pas un seul abdo. Voilà pourquoi je ne vais jamais me changer dans les vestiaires ! Tous les mecs de mon âge sont bien foutus, et moi... Bah, je suis moi. Ça ne me gêne pas, mais connaissant les garçons de mon âge, ils se moqueraient de moi. Si je ne me montre pas, c'est juste par précaution.
- Matth' ?, m'appelle ma sœur. T'es réveillé ?
J'ouvre la porte de la salle de bain, et lui fais un signe de tête. J'ai quand même pris le temps de mettre un caleçon. Même si je ne suis pas trop pudique, je sais qu'elle préfère éviter de me voir nu. Ça la gêne !
- D'acc !, s'exclame-t-elle, je t'ai préparé des toasts, ils sont déjà grillés. T'as juste à mettre le Nutella !
Je lui souris. Elle est tout ce que j'ai. Dans tous les sens du terme...
- Merci ! Tu peux m'amener mes vêtements, s'il te plaît ?
- Euh, ouais... s'étonne-t-elle, où sont-ils ?
- Dans ma chambre.
- J'y vais, petite tête en l'air !
En attendant qu'elle revienne, je me mets de la crème sur le corps et sur le visage. Sur le corps pour avoir la peau lisse, et sur le visage pour ne pas avoir de boutons. Je déteste les boutons. Quand Emma revient, je m'habille, puis fonce prendre mon petit déjeuner pendant qu'elle va se doucher. Je mets de grosses doses de Nutella sur mes tartines : le chocolat, c'est mon petit péché mignon.
J'entends son téléphone vibrer, et curieux comme je suis, je regarde son nouveau message.
- Bonjour Madame Caesar, écrit un numéro inconnu, vous vouliez de nouveau faire appel, et votre demande a bien été prise. Rendez-vous au cabinet demain à 17h30. Cela vous convient-il ?
Je fronce les sourcils. Qui peut lui envoyer ce genre de message ? On dirait un avocat... OH NON ! Un avocat... Emma a dû perdre le premier procès et a dû demander à faire appel ! Oh non... Je n'ai pas envie de me retrouver en famille d'accueil ! Il en est hors de question ! Ça fait déjà quatre ans que ce fichu procès dure, on ne peut pas le perdre maintenant, alors que je vais bientôt être majeur !
J'entends la porte de la salle de bain s'ouvrir. Je repose vite son téléphone là où je l'ai trouvé, pour qu'elle ne sache pas que je l'ai regardé. Si elle sait que je fouille dans son téléphone, elle risque de mettre un code, et je ne pourrais plus fouiner dedans.
- T'es prêt Biboune ?, me demande-t-elle. Parce qu'on ne va pas tarder là !
- Oui...
- Bah, pourquoi tu fais cette tête ? T'as des problèmes à l'école ?, s'inquiète-t-elle.
- Non non, t'inquiète pas Sister. Tout va bien.
- Tu en es sûr ?, insiste-t-elle.
- Oui maman.
Elle lève les yeux au ciel. Même si maman n'est plus là, on parle toujours d'elle. C'est la faute de mon "père" si elle n'est plus là, après tout. C'est également à cause de lui que je ne parle plus... En fait, c'est triste, mais c'est la cause de tous nos problèmes.
- Tu n'as pas vu mon téléphone ?, m'interroge-t-elle, ah non, c'est bon, il est là...
Je la vois qui regarde ses messages, et elle se mord la lèvre inférieure. Je me racle la gorge, et Emma relève la tête pour me regarder.
- Quoi ?
- Est-ce que ça va ? On dirait que tu viens d'avoir une mauvaise nouvelle.
- Hum... Non, non, t'inquiète pas, tout va bien. Bon, je t'amène à l'école ?, rajoute-t-elle, pour changer de sujet.
- Au lycée, pas à "l'école", je la reprends.
- Roooh, mais c'est la même chose ! Et puis, tu grandis trop vite !
Je rigole. Elle est trop drôle. Elle a vingt-quatre ans, mais on s'entend super bien, et ce, malgré notre petite différence d'âge.
Elle prend sa voiture pour m'amener au lycée, qui est situé à une vingtaine de minutes de chez moi. Une fois arrivés, elle me fait un bisou sur la joue.
- Bonne journée Biboune !, me dit-elle joyeusement.
- À ce soir, Sister !
Elle me sourit, et repart. Je vais directement rejoindre Margaux, qui m'attend devant le portail.
- Coucou !, me lance mon amie. Ça va ?
Je sors mon téléphone, et lui réponds par messages. Comme d'habitude, elle parle, et j'écris.
- Oui et toi ?
- Ouiii !, s'exclame-t-elle, avant de reprendre tout son sérieux, et tu devineras jamais ce que j'ai appris ! Apparemment, Noa, dans notre classe... Il sort avec Louane !
- Ah bon ?
- Mais oui ! Et puis genre, apparemment...
On se dirige jusqu'à notre salle de maths, pendant que Margaux me raconte quelques ragots. Vu qu'on est une classe assez grande, le professeur prend un petit moment à nous faire tous entrer. Margaux et moi entrons en dernier, et allons nous asseoir au dernier rang.
- Qui a écrit ça sur le tableau ?, nous questionne notre enseignant.
Je lève la tête et lis ce qu'il y a d'écrit... Puis je regarde Margaux, qui se mord la lèvre.
- Je répète, qui a écrit ça ?
- Monsieur, s'écrie ma voisine de classe, je suis sûre que c'est Anthony qui a écrit ça !
- Mais n'importe quoi, toi ! s'emporte celui-ci, même si c'est vrai que c'est une putain de tapette, j'ai pas écrit ça !
Je regarde Margaux, et lui fais signe de ne rien faire. Je ne voudrais pas qu'elle ait des problèmes par ma faute. Elle soupire, et lève les yeux au ciel.
- Arrête de toujours le laisser gagner !, me chuchote-t-elle.
- Je ne peux pas faire autrement, je signe.
- Hein ?
Je prends une feuille de papier, et écris ce que je veux lui dire.
- Désolé, j'oublie que tu ne parles pas la langue des signes. J'ai dit que je ne pouvais pas faire autrement.
- Ah ! Mais tu sais, tu peux aussi te battre !, me propose-t-elle.
- Moi ? Dans une bagarre ? Laisse-moi rire.
- Non, mais c'est l'expression ! Il faut bien que tu ripostes !
- Laisse tomber, il n'en vaut pas la peine.
- Si tu le dis...
Je passe tout le reste de cette longue journée de cours avec Margaux. Quand je sors de mon dernier cours de latin, il est déjà 18h00. Seuls les latinistes, les allemands et les italiens sortent à cette heure-là le vendredi. Je marche et me dirige tranquillement vers l'arrêt de bus, pour enfin rentrer chez moi et profiter du week-end.
- Eh ! Matthieu !
~~~ DARIUS ~~~
* BIP BIP BIP *
Je soupire, et donne un coup de poing dans ce fichu réveil. Non, mais sérieusement, quel est le sadique qui a créé cet objet ?
- Putain de réveil, je marmonne.
Je me lève et vais dans ma salle de bain. Vu que mon père gagne bien sa vie, on a une très grande maison. Plus que grande, même. Chaque chambre a une salle de bain attitrée, à laquelle on ne peut pas accéder sans passer par la chambre. On peut dire que c'est une sorte de suite.
Je fais couler l'eau chaude et me lave tranquillement. Je m'habille simplement, puis je vais dans la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner. Je mange tranquillement une tartine de Nutella : le chocolat, c'est mon péché mignon.
Soudain, j'entends la sonnerie de mon téléphone. Je vais le chercher sans me presser. C'est encore Pablo. De toute façon, je n'ai que cinq numéros : mon père, ma mère, mon frère, Pablo et Matthieu. Je me suis envoyé un message quand j'ai pris son téléphone, dans les toilettes. Bien sûr, j'ai supprimé le SMS après. Hors de question qu'il sache que j'ai récupéré son numéro. Il me prendrait pour un psychopathe.
Je fais glisser l'icône du téléphone vert, et réponds à Pablo.
- Allô ?, je lui dis.
- Ouais, Dari, je passe te prendre dans deux minutes, alors dépêche-toi !
- Tu ne peux pas venir plus tard ?, je tente.
- Nop, je suis déjà en route, me répond-il.
- Tu me fais chier. Je me prépare et je sors.
- Ok, à tout de suite !
Je raccroche et je finis de manger mon petit-déjeuner. C'est le plus important. Je mets mes chaussures, et je prends un blouson assez chaud. Après tout, l'hiver arrive bientôt !
Ensuite, je sors de chez moi. Pablo est déjà assis devant ma porte, sur le perron.
- On dirait un clochard !, je m'exclame.
- Mais ta gueule, connard !, s'offusque-t-il, ça va, t'as bien dormi ?
- Ouais et toi ?
- Ça va ! Dis-moi, demain, ça te dit de venir à la piscine ?, me propose-t-il.
- Euh, celle qui se trouve à trois-quarts d'heure d'ici en bus ?
- Yep !, me dit-il joyeusement, en plus, comme c'est le week-end, t'as rien de prévu !
- Pourquoi tu dis ça ?, je lui demande, en fronçant les sourcils.
- Parce que t'es asocial, mec.
On rigole tous les deux. Il n'a pas tort, mais bon... Il pourrait me le dire autrement.
- Eh !, s'exclame-t-il, tu pourrais même inviter le pote de Marie !
- Lequel ?
- Le muet.
- Il s'appelle Matthieu.
- Ouais, voilà, dit-il en balayant l'air d'un geste de la main, je suis sûr qu'il viendrait.
- Non, mais je ne vais pas l'inviter, t'es fou !
- Aller !, insiste-t-il, ça pourrait être marrant ! Et puis, ça ferait une sortie entre mecs ! Entre potes ! Bon, il y aura quand même Marie, mais c'est pas grave !
- Mais arrête ! De toute façon, tu sais très bien que je ne l'inviterai pas.
~ quelques heures plus tard ~
C'est enfin dix-huit heures. Et avec Pablo à côté de moi, je vais craquer. Il me harcèle depuis ce matin pour que j'invite Matthieu à la piscine.
- Mais aller, invite-le !, me répète-t-il, il ne sort jamais, il est trop coincé !
- Arrête avec ça !, je râle, j'ai dit non, c'est non.
- Allez, invite-le, je te dis ! En plus, tu pourras le voir en maillot de bain..., rajoute-t-il en jouant avec ses sourcils.
- Je... Arrête !
- Tu rougis mec, tu rougis !, dit-il en rigolant.
- Tu me fais chier.
- Je ne lâcherai pas l'affaire, me prévient mon meilleur ami.
Je descends les escaliers à fond, en laissant Pablo derrière moi. Je veux me dépêcher, pour sortir dans les premiers. Comme ça, Pablo arrêtera de me faire chier avec cette histoire. Je fonce vers la sortie, je marche le plus vite possible... Puis je m'arrête net. Je le vois, il est là, et il s'avance vers l'arrêt de bus.
- Eh ! Matthieu !
Je me tourne vers Pablo, à côté de moi. Putain, il ne pouvait pas la fermer, sa gueule ? Matthieu s'arrête de marcher, et regarde autour de lui en fronçant les sourcils. Pablo me tire par le bras pour qu'on aille le rejoindre.
- Tu me remercieras quand tu baiseras avec lui dans les vestiaires, chuchote-t-il.
- Ta gueule. T'as pas intérêt à faire ça.
- Ne t'inquiète pas mon Dari, je gère.
Pablo fait un signe de la main à Matthieu, qui se retourne pour voir si c'est bien à lui qu'on fait signe.
- Non, mais quel boulet lui, marmonne mon ami.
- Ne parle pas de lui comme ça.
- L'amour, mon pote. L'amour déforme tout.
Je maudis intérieurement Pablo quand on arrive en face de Matthieu.
- Matthieu, je commence, désolé de te déranger, mais...
- Darius veut t'inviter à sortir avec lui, me coupe Pablo.
Il lève les sourcils et prend une mine étonnée, puis se met à rougir fortement. Putain, mais quelle beauté... Même quand il est choqué, il est beau.
- Demain, reprend-il, on va à la piscine, et on se demandait si tu pouvais venir avec nous.
- Moi ?, signe Matthieu.
- Il a dit quoi ?, me demande l'Italien.
- Il a dit "moi ?".
- Oui, toi, lui répond Pablo. Tu sais, la piscine du Mesnil, la ville d'à côté.
- Je sais où c'est.
Pablo me regarde encore. J'avais oublié qu'il ne parlait pas la langue des signes.
- Il dit qu'il sait où c'est, je traduis.
- Je précisais juste !, se défend mon meilleur ami, bref, ça te dit de venir avec nous ? Il y aura aussi Marie.
Il tapote sa montre. Je crois qu'il veut savoir à quelle heure y aller.
- Euh..., Pablo met quelques secondes à réfléchir, avant de reprendre. On se dit 14h30 là-bas ? Comme ça on a toute l'aprèm !
Pitié, faites qu'il dise non, pitié, faites qu'il dise non... D'un côté, je veux qu'il vienne avec nous, parce que ça va nous rapprocher, mais d'un autre, je ne veux pas, parce que si je vois son corps dans un maillot de bain... Mini moi va réagir, et ce sera hyper gênant.
Malheureusement pour moi, il acquiesce d'un signe de tête, et nous sourit. Je ne sais pas si je suis heureux, ou paniqué.
- D'accord, alors à demain Mattéo !, s'exclame Pablo.
- Il s'appelle Matthieu, pas Mattéo, je le reprends.
- Euh, oui, excuse ! À demain Matthias !, retente mon meilleur ami.
- Tu le fais exprès !, je m'agace.
Il nous fait un petit signe de la main, avant de tourner les talons. Demain, l'après-midi risque d'être longue et dure... très dure même...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro