🍄 Chapitre 4 🍄
~~~ MATTHIEU ~~~
Je suis en cours. Les gens de ma classe me regardent tous mal. Est-ce que c'est de ma faute si j'ai un petit côté efféminé, si je n'aime pas le foot ou si j'ai une attirance pour les garçons ? Ils croient que je le fais exprès ?
- Laisse-les Matth, me dit Margaux en secouant la tête, ils n'en valent pas la peine.
Je me tourne vers mon amie et lui souris. Cette fille, je l'adore. Elle est vraiment là quand il faut. C'est la seule amie que j'ai qui soit dans ma classe. Bon, elle ne parle pas la langue des signes, mais ça ne nous gêne pas. Vu qu'elle est très bavarde, au moins, je ne risque pas de la couper dans ses longs monologues.
- Mais dis-moi, c'est qui le garçon qui est venu te voir dans les toilettes ?, me demande-t-elle.
Je la regarde d'un air interrogateur. Je prends une page vierge de mon cahier, et je dessine un petit point d'interrogation au crayon de papier.
- Tu ne vas pas me la faire à moi !, rajoute-t-elle, il t'a défendu, et il est parti aux toilettes. Et c'est là que tu vas à chaque fois que tu pleures.
J'écris de nouveau ma réponse sur la page blanche.
- Je ne pleure pas tant que ça !
- Euh, un peu quand même !
Je la regarde faussement choqué, et fais mine de la bouder. Bon, c'est vrai que je craque souvent après les plaisanteries de mauvais goût qu'on me fait, mais quand même. Juste de temps en temps... Ce n'est pas comme si je pleurais au lycée tous les jours.
- Rooh aller, reprend-elle, dis-le-moi ! S'il te plaît... Sinon, je te raconte encore la fois où j'ai embrassé cette fille par erreur, dans le bus, me menace-t-elle.
Je me retourne pour être de nouveau face à elle. Hors de question qu'elle me raconte une nouvelle fois une de ses histoires ! Je ne peux même pas la couper pour lui dire que je connais la suite !
- Ah !, s'exclame-t-elle, là, tu m'écoutes ! Alors vas-y, dis-moi tout.
Je la regarde droit dans les yeux, et elle comprend sa gaffe.
- Euh, je veux dire raconte-moi tout ! Enfin... Écris-le, quoi. Désolé, mais j'oublie tout le temps que... Tu sais, s'excuse-t-elle.
- C'est pas grave, t'inquiète.
Je lui offre un petit sourire, et elle me le rend. Après, je lui explique tout ce qui s'est passé avec le brun. Il n'y a pas grand-chose à dire, mais bon. Si ça lui fait plaisir de tout savoir... alors soit.
- C'est bizarre..., dit-elle, une fois que j'ai fini de tout écrire, pourquoi est-ce qu'il est venu te voir comme ça ? Ça cache quelque chose...
- Quoi ?
- L'amour, voyons !, s'écrie-t-elle, il t'aime, mais il n'ose pas te le dire. Il te défend, tu lui sautes dans les bras, et vous vous mariez !
- J'ai 17 ans, et il est plus jeune que moi.
- Aie un peu d'imagination !, me réprimande-t-elle, il t'aime, c'est tout ce qu'il faut retenir. Et puis, on s'en fiche de l'âge. Laisse-moi fangirler !
Je soupire, pour lui montrer mon désaccord. Comme si on pouvait aimer quelqu'un comme moi ! Et puis, ce n'est pas parce qu'il est super mignon, qu'il m'a défendu et qu'il est venu me voir quand j'étais mal qu'il est attiré par moi. De toute façon, même si je le voulais, je n'ai aucune chance.
Quand le cours se finit enfin, je sors de la salle. C'est très ennuyant, la physique. Surtout quand on a un prof shooté comme le mien, mais bon, il y a un côté positif : c'est la récréation. Je descends les escaliers avec Margaux, mais je suis rattrapé par Eva.
- Matthieu !, s'écrie-t-elle, ça va ?
Je fais un signe de main à Eva pour lui faire comprendre qu'il y a plein de gens autour de nous. Je n'aime pas être remarqué, même si je pense qu'avec l'épisode de la cour, c'est raté.
- Ah oui, c'est vrai..., se rappelle-t-elle, viens, on va à mon casier. Il n'y a jamais personne là-bas.
Je lui fais un oui de la tête, et on se dirige vers son casier. Je sors mon téléphone et j'ouvre les mémos.
- Ça va et toi, depuis ce midi ?, j'écris.
- Bah moi, ça va !, s'exclame-t-elle en souriant, avant de faire une moue toute triste, mais j'ai appris pour tout à l'heure... Je suis vraiment désolée. Tu sais que si quelque chose ne va pas, tu peux me le dire, hein ? Il y a des gens qui t'aiment et qui seront toujours là pour toi.
- Merci, c'est gentil. Mais tu sais, tout va bien.
- Non Matthieu, me contredit-elle, après tout ce qui s'est passé, tu ne peux pas aller bien.
- Mais si, ça va.
- Si tu le dis... euh, pardon ! C'est l'expression ! Désolée...
- T'inquiète, j'avais compris.
- Je suis désolée...
- C'est rien. Aller, à tout à l'heure, Madame Mendes.
- Mademoiselle Mendes, me reprend-elle, on a pas encore 18 ans, donc on est pas encore mariés.
Je me retourne et lui tire la langue, et elle me fait un clin d'œil, puis je sors dans la cour. Je déteste cet endroit, mais bon... On est obligé d'y aller, sinon les surveillants nous mettent des heures de colle. Même en plein hiver ! Je trouve ça complètement stupide, mais bon. Ce n'est pas comme si j'allais avoir mon mot à dire.
Je m'assois sur un banc, tout seul, et je lis une histoire sur Wattpad. J'adore cette application, elle est vraiment géniale. Pouvoir lire des histoires gratuitement, c'est super. Moi aussi, j'aimerais écrire mon histoire, mais qui est-ce que ça intéresserait ?
Je suis tellement absorbé par ma lecture que je n'entends pas Marie arriver. Elle est avec son petit ami, Pablo. Je ne l'aime pas trop, ce mec. Je le trouve trop collant. Il ne lâche pas Marie d'une semelle depuis qu'ils sont ensemble !
- Coucou Matthieu !, me dit Marie en arrivant devant moi, j'ai appris pour tout à l'heure... Ça va mieux ? Quel connard cet Anthony !
J'acquiesce en lui faisant un oui de la tête, et Pablo vient s'asseoir à côté de moi sur le banc. Il passe son bras autour de mon épaule, et me regarde en souriant. Même si je ne l'aime pas trop, je ne peux pas nier qu'il soit beau. Il a la peau basanée, vu qu'il est d'origine italienne. Il a de courts cheveux châtain foncé, des yeux d'un vert pétillant et un corps assez athlétique. Il est un peu bête, mais on voit tout de suite à sa tête qu'il respire la gentillesse.
- Alors, commence-t-il, est-ce que tu serais intéressé par un beau brun ?
- Pablo !, le réprimande ma meilleure amie.
- Mais Marie, j'parle pas de moi !, se défend-il, je veux seulement savoir par qui il est intéressé. Et puis, tu sais Matthieu, c'est possible qu'un brun de seconde craque pour toi, me confie-t-il.
Je lève les yeux au ciel pendant que Marie pousse Pablo pour s'asseoir à côté de moi. Elle se penche à mon oreille pour me murmurer quelque chose.
- Dis-lui que oui, me conseille-t-elle, au moins tu seras débarrassé. En plus, il y a trente-six mille bruns ici. Ça va le faire chercher pendant un moment.
J'acquiesce d'un signe de tête, puis je regarde Pablo.
- Alors ?, reprend-il en jouant avec ses sourcils, t'es intéressé par un beau brun super mignon ?
Je fais de nouveau oui de la tête, tout en levant les yeux au ciel. J'espère que Marie a raison, et qu'il va me laisser un peu tranquille avec ça.
- Oui !, s'écrie-t-il, je le savais ! Je suis le plus fort !
- Euh, par contre, tu te tais, Pab', le prévient Marie, t'as qu'à chercher en silence. Sinon, tu sais ce qui va se passer. Matthieu, c'est plus qu'un simple ami pour moi.
- T'inquiète pas ma belle, la rassure son copain, ça reste entre nous. Je ne veux pas qu'on se sépare !
- Y'a intérêt !
Les deux amoureux se rapprochent l'un de l'autre, et s'embrassent. Beurk. J'écris vite un mémo sur mon téléphone, et passe celui-ci à Marie.
- Beurk ! Je vais boire, et peut-être même vomir. Sérieux, vous ne pouvez pas faire ça ailleurs ?
- Mais va te faire !, s'offusque-t-elle.
Elle me fait un doigt d'honneur, et je rentre dans le hall pour aller boire. Je me désaltère, puis m'essuie la bouche avec ma manche. Quand je me retourne pour partir, je tombe nez à nez avec mon ancien meilleur ami.
- Alors, pédé !, commence Anthony, t'as pas ton mec pour t'aider là, hein !
- Arrête, Anthony. Pourquoi tu me fais tout ça ? Ça t'amuse ? On était amis, merde !
- Rêve pas, je t'ai jamais considéré comme un ami, me dit-il en haussant les épaules.
- On dormait ensemble, on passait des semaines tous les deux pendant les vacances !
- Et c'était une erreur !, rajoute-t-il avec un air dégoûté.
Je le contourne pour ressortir dans la cour.
- C'est ça, dégage, sale pédé, souffle-t-il.
Je soupire. Les gens ne sont vraiment pas comme ils se montrent. Est-ce qu'on a tous un côté comme ça ? Une part d'ombre qu'on cache au reste du monde ?
~~~ DARIUS ~~~
Il me manque un peu, Matthieu. J'aimerais bien qu'on redevienne ami. En plus, je sais parler la langue des signes, donc je peux le comprendre, mais je ne peux pas lui montrer mon attirance envers lui ! S'il me rejette, j'aurai trop honte. Je craque sur lui depuis tellement longtemps ! Depuis le primaire... Depuis le CM1 exactement. Il ne doit pas s'en rappeler, mais le jour où je suis arrivé ici, dans le Nord, c'est lui qui est venu vers moi en premier, puisque Pablo n'avait pas encore déménagé.
~ Sept ans avant ~
Je suis tout seul, assis par terre, dans la cour de récréation. Je suis arrivé ici il y a une semaine, et personne n'est venu me voir. Bon, j'avoue que je ne vais pas vers les gens non plus, mais c'est parce que je suis trop timide, et trop froid. Je ne ris pas beaucoup. Seul mon frère peut me faire rire, même s'il ne parle pas : juste voir sa tête me fait rire.
On est en hiver, en mars. Il y a de la neige partout dans la cour de récréation, et certains enfants jouent avec. Moi, je suis assis en tailleur, avec mon bonnet sur la tête et ma grosse écharpe en laine autour du cou. Elle me gratte, mais au moins, je n'ai pas froid.
Je suis tout seul, comme d'habitude. Dans mon ancienne école, j'étais toujours tout seul, parce que mon père m'avait mis dans une école privée. Je détestais les gens là-bas, ils étaient tous méchants et ne parlaient que d'eux même. En plus, ils étaient bêtes. Tous bêtes.
Du coup, je ne parle à personne, parce que je me dis qu'ils sont sans doute pareils. Je m'ennuie un peu, on a trop de récréations. Ça dure quand même trente minutes ! Alors, les passer assis en tailleur, tout seul, dans la neige, c'est ennuyant.
Je joue un petit peu, mais avec mes moufles, je n'arrive pas à faire grand-chose. C'est bizarre, je me sens observé. Je relève la tête, et je vois un grand garçon. Il est magnifique. Moi, je suis le plus petit de ma classe, mais maman dit que je vais bientôt faire une poussée de croissance.
Lui, c'est tout mon contraire. Je suis brun, et lui a les cheveux noirs comme un corbeau. Il est grand. Il a des yeux marron, et ils sont pleins de paillettes. Il a la peau un peu marron, mais pas trop. Un peu comme les poupées Ken que maman m'a achetées. J'adore les poupées, mais je n'aime pas les Barbies. Elles sont moches, je préfère les Ken.
Il me regarde et me sourit.
- Pourquoi tu es tout seul ?, me demande-t-il.
Je le regarde droit dans les yeux. Pourquoi il vient me parler, lui ?
- Tu ne sais pas parler ?, reprend-il.
- Bah si.
Il rigole. Je ne comprends pas pourquoi. J'ai juste dit "bah si".
- Ta voix..., commence t-il, elle est rigolote. Tu t'appelles comment ?
- Darius, je lui réponds.
Il me sourit une nouvelle fois. J'ai encore dit quelque chose de drôle ?
- Moi, je m'appelle Matthieu.
Il s'assoit à côté de moi, et il ouvre son cahier. Pourquoi il a un cahier dehors lui, d'ailleurs ?
- C'est mon classeur de cartes Pokémon, m'explique-t-il.
- C'est quoi les Poukémone ?, je lui demande en plissant les sourcils. Ce mot est bizarre.
- Non, les Po-ké-mon, me reprend-il.
- Les Po-ké-mon ?, je répète.
- Oui ! s'exclame-t-il, tu ne connais pas ?
Je secoue la tête de droite à gauche. Je ne sais pas ce que c'est. Je ne parle pas toutes les langues, moi ! Je n'en ai qu'une, et elle est dans ma bouche !
- C'est des cartes !, dit-il en soufflant, c'est pour jouer. T'en as pas toi ?
- Non.
- T'as quoi alors ?
- J'ai des Ken.
- C'est quoi ?
- Des poupées.
- Tu peux me montrer ?
Je secoue la tête, pour lui dire oui. Je lui tends la poupée que j'ai dans la main, et il la regarde avec de grands yeux. Il a un grand sourire.
- Elle est jolie, dit-il simplement, tiens, regarde mon classeur si tu veux.
Il me tend son cahier, et je le prends. Dedans, il y a plein de cartes, comme il me l'avait dit. Il y en a des jolies. D'ailleurs, plus on tourne les pages, plus elles sont jolies. La dernière du classeur, elle brille et elle est trop belle. Encore plus que les autres.
- Tu veux être mon ami ?, me demande-t-il.
- D'accord !
On passe le reste de la récréation à parler, et il me donne quelques-unes de ses cartes Pokémon. Même la jolie carte qui brille !
- Merci !, je m'exclame, tout content. Tu veux Ken en échange ?
- D'accord !
Je lui donne ma poupée. De toute façon, j'en ai d'autres à la maison. Et je peux enfin jouer avec un autre enfant ! D'ailleurs, il me présente à tous ses amis, pour que je puisse jouer aussi avec eux. Il y en a qui ont mon âge, en plus.
Maintenant, à chaque récréation, je suis avec eux. Je ne suis plus tout seul.
~ retour à la réalité ~
Mais je me déteste. Il m'a fait un beau cadeau, et on est devenu amis. C'était même mon premier ami, si on ne compte pas Pablo. Et moi, au fil du temps, je l'ai délaissé pour être avec les autres enfants de mon âge. J'ai envie de lui dire à quel point je regrette. Je voudrais retourner dans le passé, et continuer de jouer avec lui pour toujours. Il est si gentil... Comment peut-on être méchant avec quelqu'un comme lui ? C'est la bonté incarnée ! Et la beauté, aussi.
Mais en y réfléchissant... Il y a une chose que je ne comprends pas. En primaire, il parlait normalement... mais là, il est muet, comme mon frère. Sauf que mon frère, il est né comme ça. Lui, non. Sinon, il ne m'aurait jamais parlé en primaire, et je serais toujours tout seul. Je me demande pourquoi il ne parle plus...
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