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11 : L'ennemi blanc


— Salut ! l'accueillit Jimin.

— Salut.

Namjoon secoua son manteau et passa la main dans ses cheveux pour en faire tomber les flocons qui s'y étaient accumulés.

— Comment ça va aujourd'hui ? Pas trop compliqué de conduire jusqu'ici avec la neige ?

— Si, franchement je vais pas tarder j'ai peur de rester bloqué dans une montée.

— Pour les courses, tu sais que Jungkook peut te livrer en tracteur ?

— Oui, je viens de laisser une liste à Hoseok au cas où.

— Tu fais bien. Je pense que ca sera la première fois que la maison sera habitée tout l'hiver et d'habitude elle est inaccessible pendant plusieurs semaines d'affilées. Surtout en Janvier et Février.

— Ah bah super on se fera un réveillon du Nouvel An tranquille, répondit Namjoon sans réfléchir.

On ? interrogea Jimin en haussant un sourcil interrogateur.

Se rendant compte de sa gaffe, Namjoon bredouilla rapidement :

— Oh... euh... oui, c'est une manière de parler, tu sais... on moi et moi quoi... c'est pour dire que je vais passer le réveillon en tête-à-tête avec moi-même, haha !

Jimin sourit à cette explication et lui demanda ce qui l'amenait aujourd'hui.

— J'aimerai des classiques Anglais, s'il-te-plaît.

— J'ai une idée ! Pourquoi tu ne passes pas derrière ce comptoir pour venir prendre ce qui te fait plaisir ? proposa Jimin en toquant deux fois sur le meuble qui les séparait.

— Tu es sûr ?

— Certain ! Viens !

Jimin ouvrit la porte qui séparait son espace de travail de la salle de lecture et Namjoon pénétra dans la pièce qu'il n'avait jusque là apercue que derrière le bibliothécaire.

— Les livres de fiction et littérature ce sont tous les rayons à gauche, à droite le reste. Les archives de la ville sont en partie tout au fond de la salle et au sous-sol. Au premier étage j'ai les livres scolaires et les albums pour enfants.

— Ouah, c'est plus grand que ça en a l'air depuis la salle de lecture ! s'extasia Namjoon.

— N'est-ce pas ? Quand j'ai des lecteurs je marche beaucoup et je porte du poids, c'est un métier physique l'air de rien !

— Je te crois.

— J'aimerai changer le mode de fonctionnement et permettre aux lecteurs de venir eux-mêmes en rayon chercher leurs livres, je trouve que ça donnerait un nouvau souffle à la bibliothèque, qu'en penses-tu ?

— C'est une très bonne idée. A Séoul c'est comme ça que ça fonctionne. Je ne savais pas qu'il existait encore des bibliothèques comme la tienne.

— Je sais ! J'ai déposé une demande auprès du Conseil de la Ville pour proposer un réamménagement. J'espère que ça sera acté avant que je déménage.

Namjoon s'arrêta tout à coup.

— Tu déménages ?

— Oh... euh... et bien... oui.

— Pour aller où ?

— A Séoul justement ! J'ai postulé pour un travail d'archiviste dans une petite université de banlieue et j'ai été retenu ! Je commence à la fin du Printemps.

— Tu quittes la ville ?

— Ca fait tellement longtemps que je rêve de retourner vivre dans la capitale ! s'exclama Jimin. J'y ai fait mes études et j'ai toujours eu envie de travailler là-bas ! C'est ma chance de réaliser mon rêve.

Le jeune homme avait des étoiles dans les yeux et les mains jointes quand il parlait de son avenir. Namjoon ne put qu'être heureux pour lui. Même si cette discussion ravivait des souvenirs qu'il aurait aimé oublier complètement. Soudain une question lui vint et il fronça les sourcils :

— Mais... attends voir... si tu déménages à Séoul... qui va te remplacer ici ? demanda-t-il avec sérieux.

— Et bien... justement...

Jimin rougit et lui demanda :

— J'allais te demander si tu es familier avec le système de classification décimal ?

Installé devant une tasse de café dans la salle de lecture, Namjoon réfléchissait.

— Bien sûr, je ne te force pas la main, déclara Jimin. C'est seulement si tu as l'intention de rester ici quelques temps. Tu es le premier locataire à ne pas être parti des Magnolias et tu as l'air de te plaire ici... De plus avec ta formation d'historien et ton savoir, je pense que tu pourrais sans problème reprendre mon poste quand je déménagerai.

— C'est... inattendu.

— Je sais. Désolé de t'en parler comme ça.

— C'est rien... Je t'avoue que je ne sais pas encore exactement ce que je vais faire... J'ai signé un contrat d'un an pour la location des Magnolias. Mais je ne suis là que depuis un peu moins de quatre mois. Je n'avais pas encore vraiment réfléchi à l'avenir...

— Mais tu te vois rester ici ?

Namjoon pensa à Taehyung, à leur relation qui avait évolué si vite, comment ils s'entendaient si bien et à quel point le fantôme avec lequel il partageait sa vie lui permettait de remonter la pente. Il songea ensuite à sa vie d'avant, celle qu'il avait vécu quand il vivait reclus chez ses parents car victime de la violence et des préjugés. S'il devait choisir là maintenant entre les deux, c'était clair qu'il resterait aux Magnolias toute sa vie. Mais n'était-ce pas un peu tôt pour s'engager autant ?

Comme s'il avait deviné ce qui lui trottait dans la tête, Jimin ajouta :

— Si tu veux, je peux proposer ta candidature pour le poste auprès du Conseil de la Ville pour me remplacer. Ils n'iront pas fouiller dans ton passé, ils me font entièrement confiance pour désigner mon successeur. Tu pourras signer un contrat de travail d'un an pour commencer et si ça ne te plaît pas tu auras toujours l'occasion de repartir à Séoul.

Namjoon cessa de respirer quand Jimin mentionna son passé et il regarda le bibliothécaire avec un air apeuré.

— Co... comment tu sais pour mon passé ? demanda-t-il d'une voix éteinte.

— Hé, je ne te juge pas, d'accord ? le réconforta le jeune homme en posant une main sur son avant-bras quelques secondes. Quand je suis allé passer mon entretien pour le poste, j'en ai profité pour faire quelques recherches sur toi. Pas que je voulais fouiner mais je devais au moins m'assurer de tes références auprès de ton ancien employeur pour étayer ta candidature dans le cas où tu accepterais ma proposition. Quand je suis allé au bureau du personnel de l'Université on m'a très bien accueillit jusqu'à ce que je mentionne ton nom. Là tout à coup la secrétaire s'est complètement fermée et elle m'a presque jeté dehors après avoir aboyé des horreurs à ton sujet. J'ai donc utilisé mon statut d'employé municipal pour entrer aux Archives Nationales et j'ai fait quelques recherches dans les coupures de presse... et c'est là que je suis tombé sur ce qui a été écrit sur toi et ta relation avec cet étudiant.

Namjoon se sentit défaillir. Il était devenu tout pâle et ses mains tremblaient.

— Pour... pourquoi tu as fait ça ?

— Je te l'ai dit, il fallait que je soit bien sûr de tes références en tant que professeur et historien. Le Conseil ne vérifiera pas comme moi mais je voulais que mon argumentaire soit fondé. Si je n'étais pas allé à Séoul j'aurais dû écrire ou téléphoner à l'Université pour avoir une lettre de recommandation. Donc vu que j'étais sur place, autant m'y rendre en personne.

Namjoon déglutit, attendant la suite avec effroi. Qu'est-ce que Jimin allait lui dire par la suite ? Son esprit pourtant tentait de le rassurer : le jeune homme ne s'était pour l'instant pas éloigné de lui et il lui proposait toujours le poste de bibliothécaire en plus de lui assurer son soutien...

— J'ai vite compris en lisant entre les lignes des torchons de la presse à scandale qu'en réalité tu n'étais pas le monstre qui y était décrit. Et puis, je te connais un peu maintenant. On discute quand-même pas mal tous les deux quand tu viens ici. En plus, je suis quelqu'un d'ouvert d'esprit et ce que tu fais de ton corps et avec qui tu le fais ne me regarde en rien. Donc je ne te juge absolument pas pour ce qu'il s'est passé. Tu peux m'en parler ou pas, c'est toi qui vois.

Comme si ces dernières paroles étaient tout ce qu'il fallait pour que le barrage cède, Namjoon sentit ses larmes commencer à couler avant qu'il enfuisse son visage entre ses bras repliés. Il sanglota longtemps, laissant sortir toute la peine et la frustration accumulées pendant des mois. Quand il réussit à se calmer, il raconta son histoire et Jimin l'écouta sans l'interrompre de bout en bout. Quand Namjoon eut terminé, il s'essuya les yeux une dernière fois avec le revers de sa manche.

— Je suis vraiment désolé de tout ce que tu as dû endurer. Ce genre de comportements et d'agressions est inadmissible, déclara-t-il en contenant sa colère contre le monde.

— Merci...

— Sache que je suis tout déterminé à ce que tu prennes ma place quand je partirai, si ça te convient.

— Je... je dois y réfléchir.

— Bien sûr, prends ton temps, j'ai encore quelques semaines avant de devoir proposer mon remplaçant auprès du Conseil, donc tu y réfléchis à tête reposée et tu me donnes ta réponse quand tu veux, d'accord ?

— D'accord, merci de m'avoir écouté et... de m'accepter tel que je suis.

— Avec plaisir. Et maintenant je pense qu'il est temps que tu te remettes en route, sinon tu ne rentreras plus chez toi vu ce qui tombe.

Namjoon tourna la tête vers la fenêtre et se redressa précipitamment. Pris dans la conversation et toutes les émotions qu'il avait vécues, il en avait complètement oublié de surveiller l'heure ! Il enfila son manteau et Jimin lui tendit les livres qu'il avait choisi dans les rayons un eu plus tôt avant de sortir prestemment du bâtiment en saluant le bibliothécaire.

Il manqua glisser plusieurs fois en retournant à sa voiture, tentant tant bien que mal de ne pas faire tomber les ouvrages qu'il maintenait fermement sous un pan de son manteau pour les protéger de la neige qui tombait à présent à gros flocons.

Une fois de retour sur le parking du supermarché, il dégagea comme il put le pare-brise et s'engouffra dans la voiture. Après avoir déposé les romans sur le siège passager il démarra et sortit doucement du parking en laissant derrière lui deux ornières sombres.

— Mais c'est pas vrai !!! Elle est où cette route ?! J'y vois rien !!

Excédé, Namjoon enclencha la vitesse supérieure des essuies-glace pour tenter de distinguer quelque chose. En plus de la neige, le vent soufflait violemment sur la route et il avait déjà sentit plusieurs fois la voiture glisser alors qu'il roulait presque au pas. Il avait failli se tromper à une intersection avant de se rendre compte de son erreur et avait fait une marche arrière laborieuse.

— Taehyung doit s'inquiéter, ça fait des heures que je suis parti alors que j'avais dit que je faisais vite.

Soudain alors qu'il roulait au milieu de la route bordée de grands arbres qui menait vers le Nord, la voiture s'arrêta toute seule. Les aiguilles des compteurs retombèrent et plus aucun bruit ne se fit entendre.

— Non non non ! C'est quoi ça encore ?! Me lâche pas maintenant !

Namjoon tourna la clé plusieurs fois pour relancer le moteur mais à chaque fois celui-ci faisait un bruit étouffé avant que le silence s'installe à nouveau dans l'habitacle.

Le jeune homme frappa plusieurs fois le volant du plat de la main, en proie au stress.

Il décida finalement de sortir de la voiture, emmitouflé du mieux possible et en fit le tour pour soulever le capot.

— Mais qu'est-ce que je fais là ?! Je suis ni mécanicien ni garagiste, j'ai aucune idée de ce que je dois faire pour qu'elle redémarre ! se fustigea-t-il tout seul en regardant le moteur.

Il resta quelques minutes penché en avant, bougeant un câble par-ci par-là, touchant le moteur bouillant et salissant ses gants de graisse noire avant d'abandonner. Il referma le capot dont le claquement fut étouffé par le manteau blanc qui recouvrait tout. Namjoon avait l'impression d'être à des milliers de kilomètres de toute chose. Il ignorait même exactement où il se trouvait par rapport à la maison ou à la ville.

— Ca doit faire un moins une heure que j'ai démarré alors que d'habitude il me faut un quart d'heure pour faire le trajet, marmonna-t-il en reprenant place derrière le volant.

Il posa ses mains sur celui-ci et y appuya son front, tentant de se calmer. Ce n'était pas le moment de paniquer, pensa-t-il.

Il tatônna sous le tableau de bord et tourna une nouvelle fois la clé en désespoir de cause.

Contre toute attente, le moteur démarra et il se redressa d'un coup, surpris.

— Ok... Je sais pas ce que j'ai fait mais visiblement ça a marché... Parfait.

Il enclencha la première et la voiture patina un peu avant de se mettre à avancer doucement. Le bruit de la neige que les pneus écrasaient se faisait entendre dans le silence de la campagne et Namjoon se dit qu'il avait vraiment hâte d'être rentré auprès de Taehyung.

Les essuies-glace fonctionnaient à plein régime mais de la buée s'était accumulée à l'intérieur du pare-brise, rendant la visibilité encore plus mauvaise.

A contre-coeur, Namjoon tint le volant d'une main et se pencha en avant pour tenter d'essuyer la condensation du dos de sa main gantée.

Il sentit trop tard la voiture dévier et le volant tourna d'un coup avant que tout ne bascule.

Personne n'entendit le bruit que fit le pare-choc quand il rencontra un tronc d'arbre quelques mètres plus loin.

Assit à la fenêtre, Taehyung tourna la tête vers la grande horloge qui trônait non loin de lui quand le coucou sonna.

Cela faisait maintenant six heures que Namjoon était parti en promettant de revenir très vite.

— C'est pas normal. Il lui est arrivé quelque chose... murmura-t-il.

Son angoisse augmentait de minute en minute, lui donnant une apparence de plus en plus instable et grisâtre.

Tout à coup il se leva et grimpa au premier étage pour scruter la route depuis la fenêtre au bout du couloir. Mais la neige tombait de manière si dense qu'on y voyait pas à dix mètres.

— Et je suis coincé ici !!! Mais c'est pas possible !! Je dois pouvoir faire quelque chose !!!

Taehyung redescendit au rez-de-chaussée et traversa la porte d'entrée, restant sous l'avancée de toit qui protégeait le perron. Il tendit l'oreille et écouta attentivement mais aucun son ne lui parvenait. Lui qui avait toujours aimé regarder la neige tomber se mettait soudain à la maudire. Il avança encore de quelques pas, toujours à l'abri. Une violente bourrasque souffla alors et les flocons le traversèrent sans être ralentit dans leur chute mais Taehyung ne s'en préoccupait pas le moins du monde. Il voulait que Namjoon rentre sain et sauf. Il voulait entendre les pneus de la voiture crisser sur les graviers de l'allée et le voir courir jusqu'à lui pour se mettre à l'abri dans leur maison. Leur maison... Taehyung se surprit à utiliser le pluriel du possessif pour qualifier cette demeure qu'il hantait seul depuis des décennies. Il n'aurait jamais imaginé pouvoir y penser à nouveau de la sorte un jour.

Son regard parcourut le jardin et se posa sur le chemin en planches de bois que celui qu'il aimait avait créé pour lui. La couche de neige commençait à être si épaisse qu'on ne pouvait plus distinguer qu'une légère bosse. Pris d'une soudaine impulsion, Taehyung tenta d'esquisser un pas pour avancer sur la neige. Il savait pourtant ce qui allait se passer pour l'avoir tenté maintes et maintes fois lors des précédents hivers. S'il n'était pas en contact direct avec la matière, il ne pouvait pas passer. Le mur invisible fit son grand retour et Taehyung cogna le bout de son pied contre en jurant. Non seulement il ne pouvait pas sortir de la maison mais son champ d'action était encore réduit de par le manteau blanc qui grignotait une partie du perron.

Il lâcha un cri de frustration et fit volte-face pour retraverser la porte d'entrée, complètement désemparé.

— Ohlala, ça va être galère pour rentrer à la maison ! s'exclama Hoseok en enroulant son écharpe autour de son cou.

Il était à présent dix-sept heures trente et ils avaient pris la décision de fermer le supermarché plus tôt étant donné la tempête. Cela faisait deux heures qu'ils n'avaient pas vu âme qui vive avec Yoongi et ils doutaient que d'autres clients se présentent encore d'ici à la fermeture.

Yoongi s'approcha, déjà emmitouflé dans son grand manteau de laine et tendit le sien à son petit-ami.

— Merci Chaton.

Hoseok l'enfila avant de se retourner pour embrasser son copain. Celui-ci sourit et ferma les yeux, se laissant faire. Quand Hoseok lui titilla les lèvres du bout de la langue il les entrouvrit et sentit une vague de chaleur monter jusqu'à ses joues.

Il leva les bras et les croisa par-dessus l'écharpe que le jeune homme venait d'enfiler, approfondissant encore le baiser.

— Mmmh... petit chat, tu me donnes des envies pas très pures à m'embrasser comme ça... murmura Hoseok d'un air taquin en s'écartant un peu.

Pour toute réponse, Yoongi hocha rapidement la tête et se serra un peu plus contre lui.

— Dis donc, on dirait que t'as envie toi ?

Nouveau hochement de tête.

— Ok, on va rentrer à la maison se mettre bien au chaud et je vais m'occuper de toi, d'accord Chaton ?

Yoongi rougit encore un peu plus et se dressa sur la pointe des pieds pour l'embrasser rapidement. Hoseok le maintint contre lui en enroulant un bras autour de sa taille et ils échangèrent un bisou esquimau, frottant le bout de leurs nez ensemble.

— Que je t'aime toi, murmura Hoseok.

Yoongi allait signer que lui aussi quand ils sursautèrent tous les deux en entendant quelqu'un frapper à la porte vitrée juste derrière eux.

Ils écarquillèrent les yeux de surprise et Hoseok tourna la clé qui était restée dans la serrure avant d'ouvrir en grand la porte.

Une silhouette couverte de neige s'effondra alors sur le carrelage et Hoseok reconnu rapidement de qui il s'agissait.

— Namjoon ?!!!  


Je suis désolée si l'accident de Namjoon vous a fait peur pour la suite 😭

Courage, le prochain chapitre arrive demain !

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