Quatre jours plus tard.

    Les Traoré étaient de retour d'une sortie en bordure de mer. Tandis que le véhicule les transportait d'un point a à un point b, le couple s'échangeait des mots. Léo avait l'air tellement épris de sa femme que cette dernière en fut légèrement gênée et alors qu'elle s'y attendait le moins, il revint sur le sujet abordé il y a quelques jours de cela.

     -- Je suis sérieux en fait. Je voudrais qu'on ait un enfant. Dit-il sincèrement.

     -- Vraiment ?

      -- Oui.

    -- Mais tu as dit que cela devrait arriver à notre quatrième anniversaire de mariage. N'est-ce pas ? Argumenta Jemima.

      -- Oui mais...je n'ai plus envie d'attendre.

   Jemima fut bouleversée par cette confidence. Elle avait trouvé son époux très romantique ces derniers temps. Un peu trop d'ailleurs. C'était donc pour cela. Il voulait avoir un enfant.

        -- Tu me prends vraiment de haut là. Je suis un peu confuse, avoua t-elle.

        -- Tu ferras une superbe mère je t'assure.

     --  Peut-être mais, .... il faut d'abord que je t'avoue un truc.

      -- Qu'est-ce que c'est ?

       Jemima soupira longuement en pensant à comment devoir lui annoncer son infidélité. Sa conscience ne tenait plus et bien qu'elle ne voulait se l'avouer, cette action faisait indéniablement partie des causes qui l'avaient éloignées de son époux.

    -- Je t'expliquerai cela à la maison. Annonça t-elle alors que des larmes lui montaient aux yeux.

     Elle tourna la tête vers la direction opposée pour éviter que Léo les voit. " Je suis tellement désolée", murmura t-elle intérieurement laissant le véhicule continuer sa course.

      Bientôt, ils arrivèrent à domicile. Léo ouvrit la porte et c'est alors qu'ils tombèrent tous deux sur Esther en train de mettre la table. Léo tourna la tête pour lire dans le regard de sa femme de la confusion.

        -- Bonsoir Esther, dit-il rapidement avant de quitter la pièce.

      -- Salut Léo, répondit cette dernière en tirant sur sa robe pour la faire descendre un peu plus bas.

   -- Ooh tu n'aurais pas dû te donner tout ce mal pour faire la cuisine, déclara Jemima. J'aurai pû le faire une fois de retour.

     -- Non ce n'est rien Jemi.
    En fait, j'ai voulu vous faire une surprise à travers ce repas mais Léo ne doit pas être content. Je crois que je devrais m'en aller d'ici. Je me sens comme une étrangère dans cette maison et...

   Alors que chaque nouveaux syllabes se faisaient entendre, Esther se mit à sangloter dans le but d'illustrer sa grande douleur. Jemima en eut le coeur peiné.

     -- Non tu n'iras nulle part tant que Lewis ne sera pas de retour. S'emporta Jemima.

   Elle déposa son sac à main sur le fauteuil et s'approcha de son amie. Une fois à sa hauteur, elle lui serra la main droite à l'aide de ses deux mains à elle.

    -- S'il te plaît reste, dit-elle comme une supplication. Je vais m'entretenir avec Léo pour qu'il fasse des efforts. Dans seulement quelques jours Lewis sera de retour et tu pourras t'en aller.

      Esther retira doucement sa main des siennes et se laissa tomber sur une chaise de la table à manger, les deux mains sur la tête.

        -- Ce n'est pas Léo le plus grand problème. En fait, Jaret est venu me voir tout à l'heure et il m'a promis de veiller sur moi si je quittais cette maison. Ce n'est pas contre toi mais j'ai vraiment besoin de distances. J'ai besoin de reprendre mes esprits, de comprendre comment éviter à jamais de croiser Boubacar. L'homme qui m'a giflé la dernière fois est son cousin Check. Cet homme est extrêmement violent et il nous a aperçu dans les parages. Peut-être que Boubacar voudra me récupérer et finira par me trouver si je reste ici avec vous.

      -- Peut-être qu'il voudra te récupérer ou peut-être qu'il ne le voudra pas. Je ne serai pas rassurée de te savoir loin d'ici. Jaret est ton frère mais n'oublie pas qu'il vit à une heure de route de chez toi. Que penses-tu qu'il se passera si tu devais rencontrer un problème en son absence ?

     -- Je ne sais pas trop mais je vais me débrouiller.

          Jemima ne trouvait plus aucun mot. Les couleurs de sa mémoire se refermèrent dans un noir profond. Elle ne le disait peut-être pas mais elle savait que le départ soudain de son amie était dû en grande partie au mauvais accueil de Léo.

      -- Excuse-moi, dit-elle.

   Puis elle se dirigea dans leur chambre. Elle vit Léo assis devant son ordinateur à regarder une vidéo youtube. Il rigolait à pleine dents jusqu'à ce qu'il sente une présence étrangère à sa corpulence.

      -- Chéri, entama Jemima. J'aimerais de parler quelques minutes si possible.

     Léo ferma son ordinateur.

     -- Oui oui, aucun problème. Viens là t'asseoir. Répondit-il en se levant de sa chaise pour que son épouse y prenne place.

     -- Merci beaucoup mais tu peux te rassois, ce ne sera pas long.

      -- D'accord, fit Léo en exécutant les dires de sa femme. Alors ainsi arrêtée,  tu as décidé de veiller sur moi?

     -- Soyons sérieux s'il te plaît. Je voudrais te parler d'Esther. Elle compte s'en aller d'ici.

     -- Enfin, ce n'est pas trop tôt ! Se réjouit Léo à cœur ouvert et sans tenir compte de son épouse.

     -- Elle se sent mal à cause de ton acharnement à lui rendre la vie difficile. Balança Jemima dans une profonde colère. Si seulement tu pouvais faire un effort pour mieux te comporter envers elle j'en serai tellement ravie mais non, monsieur joue l'insensible.

        -- Écoute, si tu veux qu'elle reste alors arrangez-vous pour qu'elle reste. Si tu veux manger à la nourriture qu'elle a préparé alors vas-y et mange. On ne va pas encore se disputer pour cette "prostituée" que tu appelles "amie".

         -- Pardon ? Cria Jemima sous le choc.

     Ce n'est qu'à ce moment-là que Léo compris la violence de ses précédentes paroles. Il essaya de se rattraper par quelques syllabes mais trop tard. Jemima avait déjà quitté la chambre. Il courut après elle mais ne réussit toujours pas à se faire pardonner.

    Elles pénétra de nouveau le salon, toujours aussi en colère qu'elle était sortie de la chambre.

      -- Il ne mangera pas avec nous ce soir, annonça t-elle à son amie.

      -- Ok, dit simplement Esther avant de se lever et de commencer à servir Jemima car de toutes façons, elle ne s'attendait pas à grande chose venant de Léo.

        Le plat posé devant elle, Jemima ne mangea que deux crevettes car l'appétit lui manquait cruellement. Finalement, elle fit savoir à Esther qu'elle aimerait bien gardé son plat pour le lendemain.

      -- Non, mange un peu s'il te plaît. Moi j'ai déjà mangé ma part il y a longtemps de cela et je vois que tu es en colère, mais essaie d'oublier ce qui se passe et fais l'effort de te nourrir.

          -- D'accord. Merci du conseil.

       Ce soir-là, après avoir fait l'effort manger aux crevettes dorées de crustacés faits par Esther, Jemima passa la nuit avec celle-ci dans la chambre des invités pour éviter de revoir Léo.

     Une quinzaine d'heures plus tard, alors que le bleu du ciel se recouvrait totalement d'amas de gouttelettes et que le soleil brillait de mille feux depuis son axe d'inclinaison, Jemima se vit sursauter comme un oiseau en plein début de vol. Son corps remplit de sueurs froides semblait épuisé. Et son cerveau tournoyait comme si on lui avait jeté une pierre à la tête. Elle essaya de se lever mais un irrésistible sommeil la tira de plus en plus jusqu'à ce qu'elle cède de nouveau à morphée.

           Vingt heures....

   Jemima ecarterent les yeux en se rendant compte qu'elle était toujours au lit à ce moment de la nuit. Elle sauta sur son téléphone afin de voir l'heure qu'il faisait. Joignant le doigt aux touches de son appareil, ce fut un message du réseau Moov qui la salua.

     Elle vérifia toute sa messagerie puis son historique d'appels mais ne trouva ni messages, ni appels que ce soit d'Esther ou de Léo. Son cœur se cogna contre sa case thoracique. Comment était-ce possible que ni l'une ni l'autre n'est remarqué son absence pendant toutes ces heures ?

        Un bruit de klaxon la transporta au moment présent. " Ce n'est pas vrai ! Comment j'ai pu autant dormi ?" Se dit Jemima en se levant du lit. Un deuxième bruit de klaxon lui fit presser les pas jusqu'au portail de cette maison qui lui semblait vide.
   Où était passé Léo ? Elle n'en savait rien mais..... Un autre bruit encore plus insistant retentit dans la pièce. Jemima ouvrit maladroitement la porte. Le jeune homme qu'elle vit à cet instant précis avait une taille de jeune adolescent puisqu'il en était un en vrai. Un visage illuminé par de grands traits. Son expression était joyeuse et il semblait brûler d'impatience. Une excitation que Jemima eut vraiment du mal à cerner de la part de cet adolescent en uniforme vert dans ce long pantalon à chemisier carré. Qu'est-ce qui avait bien pû le pousser à errer dans son domicile ? Jemima ne comprenait pas.
       
      -- Oui, dit-elle pour l'inciter à se présenter.

    L'adolescent se gratta la gorge avant de faire signe à un autre homme dans la pénombre d'avancer.

       -- Qui appelez-vous? Demanda Jemima perplexe.

      Elle vit de loin un grand homme s'avancer vers eux, avec dans les mains, deux grands sacs de vêtements.

      -- C'est quoi ça ? Qu'est-ce qui se passe, redemanda t-elle en voyait l'homme la dépasser pour faire rentrer les sacs dans son salon. Qu'est-ce que vous faites ? Ils sont à qui ces sacs ?

       -- Ces sacs sont à Esther DEMBELÉ. Répondit l'adolescent. Elle est à présent l'épouse de monsieur Léo Traoré, et c'est lui qui a laissé cet adresse à la maison ce matin. Je m'appelle Joël et je suis le petit frère d'Esther. Et vous madame, qui êtes-vous dans cette maison ?