Une fille portant une robe jaune se poste sur le devant de ce qui semble être une scène de théâtre. Elle clame un discours dont les premières phrases sont polies, puis virent à l'impatience, puis enfin à la colère. Je suis tellement embarquée dans ses paroles que je ne vois que les sentiments du personnage qu'elle interprète. Des gens l'applaudissent. Des sifflements retentissent de part et d'autre.

Cette actrice, c'est moi. Cette scène est celle où je jouais chaque jour. Et cette vidéo a été tournée hier soir.

Mais qui a pu la poster ?

Je repense à Jeff. Je lui ai prêté mon smartphone hier soir. Et il était placé dans le public pour voir le spectacle...

Alors... Aurait-il filmé cette scène d'Alice au Pays des Merveilles ? Mais comment-a-t-il découvert l'existence de cette application ? Savait-il pourquoi je testais mes scénarios tous les jours devant lui ?

Je ne sais pas comment je dois le prendre. Mon professeur de théâtre m'a filmée sans que je le sache avec mon portable, et je devrais lui en vouloir d'avoir envoyé la vidéo sans me demander la permission.

"Mais si tu gagnais ?" me chuchote une petite voix qui trotte dans ma tête.

Oui...

"Et si tu remportais le premier prix avec cette performance ?"

Alors, j'attendrai la remise des premiers prix de la semaine. Et je croise les doigts le plus fort possible.

Carnet d'Esther

Dimanche 1er Juillet

Cher Journal,

Aujourd'hui, je suis lauréate du concours "Si j'étais..." avec ma vidéo où je joue Alice ! Quand je l'ai su, j'ai sauté au plafond et mon cœur s'est tellement empli de joie qu'il bat à toute allure. Je n'arrive pas à le croire ! J'ai la formidable sensation que ma plus grande victoire n'est pas celle que j'ai obtenu avec ma performance d'actrice, mais celle d'avoir gagné un combat contre moi-même, où je cherchais depuis longtemps à me prouver que je suis forte. Et je le suis !

J'ai reçu un message sur ma boîte mail. C'est une lettre écrite par les responsables du concours. Ils m'ont annoncé que je recevrai mon prix dans quelques instants. Je l'attends avec impatience. Je suis certaine qu'il sera excep...

Mon stylo-plume reste suspendu au-dessus de la page. Ma mère m'appelle.

-Ma puce ! Tu as du courrier !

Je descends l'escalier à vive allure en grommelant :

-Ne m'appelle pas "ma puce" !

Je manque de me tordre la cheville en manquant les trois dernières marches. Je dois aussi ajouter que je suis particulièrement maladroite.

Je retrouve ma mère dans la cuisine. Elle malaxe une pâte à tarte aux pommes tout en étant penchée sur le bar, au-dessus d'une multitude de factures, de publicités et de magazines pour jardins. Ma mère pointe un des ses doigts fins et couverts de farine sur une enveloppe en papier kraft.

Je déchire délicatement le haut, comme si je tenais entre mes mains l'objet le plus fragile qu'il soit. J'en sors une lettre aux caractères écrits à l'ordinateur.

Chère Esther2.0...