Je souligne mon œil droit avec un crayon noir et m'applique du fard sur mes joues. Bien qu'au quotidien, je ne prends jamais soin de mon apparence- un jean troué assorti à un T-shirt Mickey qui avait autrefois appartenu à ma mère dans les années quatre-vingt me suffisent aplement- je porte toute fois une extrême attention au physique du personnage que j'interprète. Et même si la situation peut paraître ridicule, me teindre en brun mes cheveux roux me semble être une évidence quand on veut se glisser dans la peau de Shéhérazade. Je n'hésite pas non plus à poser délicatement des lentilles noires sur mes yeux, dont la couleur est impossible à identifier-ils peuvent virer du vert de jade au bleu indigo à tout moment sans que je puisse m'en apercevoir.

Ma mère entre dans ma chambre et dépose sa boîte de bijoux demandée sur mon bureau. Elle tique en me voyant m'épiler les sourcils, faisant apparaître un petit ride sur le côté gauche de sa bouche fine aux lèvres pincés. Ses cheveux sont, comme moi, roux, mais nettement plus foncés, du genre de "La petite Sirène". Elle a l'air de partager le même goût pour les vêtements que moi, avec sa veste militaire qui lui arrive jusqu'aux genoux, sa longue robe ethnique et ses chaussettes de Dora remontées au-dessus de ses crocs vertes caki. Autrement dit, la mode et elle, ça fait deux.

Elle soupire en me voyant enfiler des bracelets dorés et revêtir un voile qui imite un tissu très précieux, mais qui est en fait un déguisement en promotion à Gifi. Ma transformation terminée, je souris au miroir de ma coiffeuse. C'est l'un de mes meubles préférés: elle est blanche, vintage et élégante. C'est le premier cadeau que mon père m'a offert et il restera incontestablement le dernier.

Je fais glisser ma chaise roulante jusqu'à mon bureau et coche sur une feuille les cases Costume, Maquillage et Coiffure. Je fignole mon texte et barre Scénario. Enfin, pour le décor, je choisis un simple rideau bleu nuit et un paravent aux allures orientales.

Je me place devant l'objectif et me ressasse de mémoire mon texte dans ma tête. J'ai lu quatre fois Les milles et unes nuits et j'ai fait énormément de recherches sur Shéhérazade. Je suis tombée amoureuse de son intelligence, sa culture, son courage, sa beauté et son précieux don pour raconter les histoires avec beaucoup de talent. Elle est tout mon contraire : je ne suis ni intelligente, ni cultivée, ni courageuse et sûrement pas jolie. Je ne suis qu'une victime du harcèlement sur les réseaux sociaux. Une fille dont la vie n'est pas un conte de fée. Mais les contes, je sais les raconter ! Et, devant mon smartphone, je me glisse dans la peau de Shéhérazade pour raconter à ma manière l'histoire d'Ali Baba et les Quarante voleurs.

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Dimanche

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Gagnant de la semaine : Pixie3

Humeur d'Esther : Au plus bas

Manifestation d'Esther : Risque de décès en s'étouffant avec un soda devant son portable

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Est-ce que je revis ma période d'échecs, à l'époque où je courais les castings ? Peut-être. Peut-être que je me relance dans un défi impossible à réaliser, avec des films et des premiers prix qui me filent entre les doigts. Mais cela vaut le coup d'essayer. Quand j'avais dix ans, c'était mon rêve de réussir dans le cinéma. A seize ans, je dois répondre à ses attentes. Oui, je lui dois bien cela, à cette petite fille.