Description de l'application :

"Si j'étais..." consiste à se mettre dans la peau d'un personnage littéraire, qu'il soit issu d'un conte traditionnel ou d'un roman de science-fiction, d'un classique ou d'un contemporain, d'un roman d'aventure ou d'un roman policier...

Réalisez des vidéos de dix minutes, où vous vous mettez en scène en train d'interpréter un personnage. Postez-les et partagez-les avec des millions de personnes dans le monde ! L'équipe qui dirige le jeu choisit en chaque fin de semaine le meilleur acteur. Si vous gagnez, vous recevrez une superbe récompense... secrète pour tous ceux qui n'ont pas encore eu la chance de remporter le premier prix !

Bonne chance à tous et que le meilleur acteur gagne !"

Intéressant ! Je tapote vivement le petit rectangle vert où il est écrit "Downloal !". Lentement, la petite ligne bleue clair avance jusqu'à remplir le haut de la page. Fin du téléchargement. J'active "Launch !".

Le jeu peut commencer !

Je règle les paramètres de ma vidéo quand, soudain, une question s'impose : Quel personnage vais-je jouer ? Le choix s'avère délicat. N'importe qui dirait : "Je souhaiterais interpréter une héroïne qui me ressemble !". Mais non ! Jouer, c'est inventer. Jouer, c'est mentir à soi-même. Alors, quelle fille voudrais-je être?

Sur la page, il est marqué en immenses lettres rouges : Si j'étais...

En dessous, une multitude de choix : Percy Jackson, Cosette, Le Petit Chaperon Rouge, Esmeralda, Bilbo le Hobbit, Mowgli, Harry Potter, Shéhérazade...

J'opte pour Cosette. Je ressens sincèrement beaucoup de compassion pour cette pauvre petite fille décrite avec tant d'émotions dans Les misérables de Victor Hugo. J'ai envie que les internautes aient réellement l'impression que je suis une enfant sensible et fragile, maltraitée par une famille cruelle et sans pitié. Cela peut paraître étrange,mais j'ai toujours été attirée par le drame. L'obscurité et la tristesse m'inspirent plus que les couleurs vives d'une vie où les personnages baignent dans la joie et la bonne humeur. Il faut aussi reconnaître que je traverse une sacrée période entre les humiliations sur les réseaux sociaux au lycée et les castings ratés.

Il me faut une semaine pour préparer cette première vidéo. J'ai rassemblé de nombreux accessoires et j'ai créé un décor sur un mur vide de ma chambre. Pour mon costume, j'ai découpé un vieux T-shirt de façon à ce que le col soit déchiré et que la fin des manches ne soit plus rectiligne. Je l'ai aussi enduit de terre et de poussière jusqu'à ce que sa couleur ne soit plus identifiable et pour donner ainsi l'illusion que je le porte depuis des mois. J'ai même écrit un scénario, que je m'entraîne à réciter tous les jours. J'espère que mon jeu sera crédible et que les internautes y croiront. Je dois remporter le premier prix !

Le moment de me filmer arrive déjà. Je pose mon portable en équilibre sur mon bureau, entre une boîte de gâteaux vintage et une montagne de chaussettes qui n'ont apparemment pas retrouvé la machine à laver. Je me poste devant l'appareil et prends soudain l'air grave et solennel. C'est le moment pour moi de me fondre dans un nouveau personnage et d'oublier le souffre-douleur du lycée que je suis.

Je fais une prise. La vidéo dure tout juste dix minutes. Elle me semble bien mais je préfère tout de même tourner une seconde fois. C'est dans la boîte ! Je la poste, en croisant les doigts si fort que je ressens maintenant une douleur à l'index.

***

Je ne cesse pas de regarder le nombre de "likes" qu'il y a sur ma vidéo. Je suis incapable de dire si le nombre de pouces en l'air est énorme pour une première fois ou faible par rapport à ceux qui s'affichent sous les vidéos de mes concurrents. Je passe la semaine à stresser.

Je suis toujours cramponnée à mon portable, ce qui ne me ressemble pas. Les filles me regardent bizarrement et s'imaginent que je découvre les nouvelles photos de moi qu'elles ont prises dans les vestiaires de la piscine. Mais pour une fois, j'ai trouvé un nouveau passe-temps et mes anciennes activités sur le web ne me manquent pas.

***

J'émerge de sous ma couette. Les rayons du soleil filtrent à travers les stores de la petite lucarne de ma chambre et me sortent de mon sommeil. Je sens d'ici le mélange de cannelle et de vanille qui constitue le parfum de ma mère et je perçois le son aiguë des dernières gouttes de pluie qui descendent lentement du toit de la maison. Avec un effort gigantesque, je tends le bras jusqu'à ma table de chevet et attrape mon smartphone. Je plisse les yeux au contact de la lumière de son écran, qui s'allume avec un petit mot de bienvenue. J'ouvre la fenêtre de "Si j'étais..." et je me rends sur la page "Concours". Le gagnant de la semaine est affiché en haut, à côté d'une petite couronne dorée. Un certain Momo46. Ou 47, je ne sais plus, car j'ai déjà envoyé valser mon portable à l'autre bout de ma chambre.

Quoiqu'il en soit, ce n'est pas moi...