Chapitre 13
-Esther Duvinier, vous êtes dans la catégorie jaune ! clama le second créateur.
Les élèves se levèrent aussitôt dans un mouvement parfaitement synchronisé et applaudirent à tout rompre. Certains me félicitaient. D'autres semblaient me jalouser. Ethan se jeta dans mes bras et à cet instant, mon cœur se réchauffa.
Je n'avais pas compris un mot de ce qu'avait dit le second créateur. Je ne savais même pas pourquoi les gens m'applaudissaient autant, et plus que les autres personnes qui étaient passées avant moi. Mais je remarquai que l'homme n'avait pas encore annoncé cette catégorie avant cet instant.
Le second créateur me félicita une dernière fois et reprit sa liste. Les élèves se rassirent. Nous fîmes comme si de rien n'était et écoutâmes les nouvelles catégories qui suivaient. Une heure plus tard, j'appris qu'Ethan était classé en catégorie verte. Je pus discerner une ombre de déception sur son visage.
***
-Qui est-ce ? demande une fille en me voyant arriver dans le dortoir.
-La nouvelle, répond sèchement son amie.
-Celle qui a accédé à la catégorie jaune ? s'écrie une autre.
-Non? C'est vrai ? A son âge ? s'enquiert une adolescente.
Elle et ses copines me fixent longtemps avec des yeux ronds. Elles doivent attendre une réponse de ma part, car elles s'énervent quand elles s'aperçoivent que je garde le silence.
Je finis par hocher timidement la tête en guise d'approbation.
-Ben ça alors, murmure une fille.
Elles me regardent encore quelques instants puis reviennent à leur activité (qui se limite au maquillage, apparemment).
***
C'est le début de l'après-midi. Comme je suis timide, je n'ai pas mangé à la cafeteria avec les autres élèves; j'ai préféré grignoter un casse-croûte sur la terrasse de l'école.
Des fois, c'est agréable de se sentir seule. Il y a de rares moment où tu profites de la solitude, où tu as l'impression d'être en harmonie avec les arbres et la nature qui t'entourent. Où tu savoures l'instant présent, loin des évènements étranges qui se sont déroulés en cette matinée de septembre. Cela doit être le zen. Ma mère faisait du yoga pendant un moment. Je crois que c'était quand Papa est parti. Je n'ai jamais compris l'intérêt de cette activité mais aujourd'hui, je crois avoir réussi.
La terrasse est immense. Elle se situe de l'autre côté de l'établissement, un peu à l'écart de l'agitation tumultueuse qui règne dans Grimm. Elle s'étend sur un vaste terrain où sont alignées de nombreuses fleurs de toutes les espèces. Parmi elles, le coquelicot.
Co-que-li-cot
Comme c'est agréable à prononcer ! J'adore ce mot ! Peut-être même plus que la couleur rouge et éclatante de la fleur !
Il y a aussi des chaises en rotin confortables avec leurs épais coussins en lin et une immense toile de couleur taupe est accrochée au-dessus de la terrasse. Elle apporte de l'ombre à cet endroit baigné de cette lumière blanchâtre que j'avais découvert à mon arrivée.
"Cette terrasse est ouverte aux élèves lors de la pause du midi et le soir. La nuit, c'est le meilleur endroit pour étudier les astres et la constellation des étoiles...", avait dit Madame Garnier dans la salle 18 (ce que je trouvais plutôt poétique). Avant d'ajouter :"Si je constate des dégradations sur le jardin ou sur le mobilier de votre part, je m'autoriserai à vous donner une sanction et interdire l'accès à la terrasse à toute l'école !".
Mes pensées positives et rêveuses se stoppent net quand j'imagine le regard sombre de la directrice, ses cheveux gris-souris plaqués parfaitement sur sa tête carrée grâce à un terrible abus de laque, et son menton pointu qui s'étire sous ses lèvres, si fines qu'elles semblent disparaître dans sa peau dure et ridée.
Quatorze heures.
Zut, je vais manquer mon premier cours ! Il ne faut pas que j'arrive en retard, sinon, je serai encore cernée par Madame Garnier et ridiculisée devant mes camarades !
J'ai hâte de découvrir ce que j'apprendrai aujourd'hui. Peut-être vais-je passer devant une caméra et réaliser un mini-film ? Ou que l'on me présentera les différentes prises de vues et les moyens de montages ? Ce serait génial ! Je serais encore plus proche du monde du cinéma !
Une cinquantaine de garçons et de filles attendent devant une salle. C'est la 23, celle où l'on me donnera des cours tout au long de l'année.
Notre seconde créatrice nous invite à nous installer derrière les pupitres en bois alignés dans la pièce. La salle est plongée dans l'obscurité la plus totale et, pourtant, une longue baie vitrée qui donne sur la forêt longe un mur de la classe. La lumière bleutée du vidéo-projecteur illumine le visage poupin de la seconde créatrice. Elle fait tourner d'un geste nerveux ses longues mèches bouclées et les attache en queue de cheval avec un ruban vert.
-Bon...Bonjour, bredouille la jeune femme. Aujourd'hui, nous allons... Euh, non, d'abord, je me présente ! Je m'appelle Anna... Excusez-moi : Mademoiselle Lys. Je serai votre seconde créatrice pour cette nouvelle année et, euh... Désolée, c'est la première fois que je monte en Catégorie jaune, et je suis un peu... stressée ! Tout comme vous... je pense, non ? Cela doit vous faire bizarre d'accéder à un tel niveau ?
Elle se tourne vers moi, comme si cette question m'était posée. Je réponds, avec une petite moue :
-Je ne sais pas. Je ne vois pas ce qu'il y a de très important.
La femme se détend et rit de bon cœur, comme si j'avais fait une blague. Les autres se mettent à l'imiter.
-Personne ne peut trouver qu'entrer en Catégorie jaune est normal. Bien entendu, vous savez très bien pourquoi, non ?
J'acquiesce, sans vraiment comprendre.
-Vous me paraissez bien jeune, mademoiselle, me fait-elle remarquer.
-Vous aussi me paraissez jeune, je réplique. Quel âge avez-vous ?
-J'ai trente et...
Soudainement, la femme s'agace.
-Mais mon âge ne vous regarde pas ! Qui donc vous a éduquée ainsi ?
-Ma mère, je réponds du tac au tac.
Esther ! Que t'arrive-t-il ? Tu n'as pas à parler comme cela à un adulte ! Tiens toi bien et arrête de jouer à la plus maligne. Tu es ridicule.
-J'ai seize ans, je finis par dire.
Toutes les têtes se tournent vers moi. Je déteste être au centre de l'attention.
-Seize ans ? Première année ? Et déjà en Catégorie jaune ? s'étonne la femme.
-Oui...
Et les élèves m'applaudissent. C'est la deuxième fois que l'on me félicite à l'annonce de mon niveau. Pourtant, tous les élèves de la salle sont en Catégorie jaune ! Je ne vois pas ce qu'il y a de si stupéfiant. D'autant plus que nous sommes nombreux. Ce n'est donc pas un privilège d'être classée ainsi.
Soudain, une adolescente à la taille immense se lève. Je suis médusée quand je découvre qui elle est.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro