CHAPITRE 2 - Jana.
Ce fut encore une soirée calme, bien que l'établissement soit ouvert depuis un petit moment. Les clients se ruent dans la boîte à la mode. Tout le monde oublie le petit bar qui a besoin de faire son chiffre d'affaires.
Quand Kendall m'a embauchée, l'excitation était à son comble. Depuis, je me familiarise avec la clientèle et leurs consommations. Mon patron est une patte, j'ai tellement de chance d'être tombée sur lui.
Il m'a donné un boulot alors que je n'avais aucune expérience, m'a appris tout le métier de barmaid et me soutient dans tout ce que j'entreprends. Il faut dire que je n'ai pas fait grand-chose dans ma vie, à part quitter ma ville natale, Indianapolis, il y a maintenant trois ans.
Fuir était ma seule possibilité. Quand on a vécu ce que j'ai vécu durant mon adolescence, le truc à faire c'est partir, le plus vite et le plus loin possible, sans se retourner.
Je claque la porte de mon petit appartement et remercie ma voisine pour son aide. J'embrasse Karina, sur la joue, la raccompagne et ferme à clé derrière elle. Mon sac sur la console, j'enlève mes chaussures et me dirige dans le couloir menant aux chambres. Tout doucement, j'actionne la poignée et, dans le noir, observe cette petite masse blottie dans le lit. À pas de loup, je m'approche et m'assois à ses côtés. La couverture remontée jusqu'aux yeux, je contemple ce visage qui ne connaît pas la peur ni la souffrance. Je me nourris de sa beauté et me demande ce que je ferais sans lui. Je dépose un baiser sur son front et lui souhaite bonne nuit, avant de quitter la chambre.
Semant mes habits derrière moi, je me dirige droit vers mon lit et me plonge directement dans les draps froids. Il est plus de vingt-trois heures et mes yeux ne veulent pas se fermer.
Le regard au plafond, j'observe les pales de mon ventilateur tourner. Le sommeil est quelque chose de crucial, mais il ne s'invite pas souvent dans ma vie. Morphée m'a lâchement abandonné depuis mon départ de la maison familiale, il y a plusieurs années. C'est cette peur qui me noue le ventre et m'empêche de dormir.
Après plusieurs heures de somnolence, je finis par m'endormir d'épuisement. Mon seul but dans la vie, c'est de nous protéger, quoi qu'il en coûte.
***
À sept heures quinze, une petite boule chaude se colle à moi, me demandant des câlins. Il m'enlace en passant ses bras autour de ma taille.
— Maman ! Lait !
— Oui, mon chat. Maman va te faire ton lait, réponds-je, endormie.
Encore tout ensommeillée, mon corps s'extirpe du confort de mon lit, mes pas me mènent à la cuisine où je prépare le petit-déjeuner. Pendant que le lait chauffe, je me tourne et vois mon fils arriver en trottinant, tenant son doudou bien fermement dans ses mains. Je l'attrape et le pose sur le comptoir de la cuisine, puis laisse mes doigts vagabonder dans sa chevelure rousse, tandis que mes lèvres embrassent son front.
— Tu as bien dormi ? demandé-je.
— Ça va. Tu es rentrée tard, dit-il en baissant la tête.
— Je sais, mon chat, mais maman doit gagner de sous pour manger, tu comprends ?
— Pour acheter des céréales ? demande-t-il en souriant.
— Oui, bébé, pour acheter les céréales, réponds-je en rigolant doucement.
Je souris, l'embrasse sur les deux joues et retourne à mes fourneaux. Ensemble, nous prenons le petit-déjeuner, confortablement installés sur le canapé, tout en regardant le dessin animé préféré de Paul.
— Bébé, tu vas t'habiller pendant que maman range ? Il faut que je te dépose à l'école avant de partir travailler.
Mon fils boude et me fait non de la tête. Je me place face à lui et relève son visage.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demandé-je, inquiète.
— Je veux pas aller à l'école ! répond-il, du tac au tac.
— Pourquoi ? demandé-je.
— Parce que Nicholas est méchant avec moi, il veut pas qu'on joue tous les deux.
— Oh, mais ne t'inquiète pas. Tu vas en trouver d'autres des copains.
— Non ! Je veux pas y aller.
— Écoute, Paul, on n'a pas le choix. Tu dois aller à l'école, et moi au travail, d'accord ?
Il ne me répond pas, alors je relève sa petite tête et dépose un baiser sur ses cheveux.
— Ce soir, c'est moi qui viens te chercher, d'accord ?
Ses yeux s'illuminent et il hoche frénétiquement la tête. Paul se redresse d'un coup et court dans sa chambre pour se préparer. Il est vrai que j'ai rarement l'occasion d'aller le chercher à l'école, mais Kendall a bien voulu changer mes horaires pendant quelque temps. J'irai récupérer Paul ce soir, et retournerai travailler quand il sera au lit. Heureusement que Karina, ma petite voisine, accepte de me le garder autant de fois que nécessaire. Cette petite est une perle, mais elle ne trouve pas de boulot, donc j'en profite tant qu'elle n'a rien de concret. Ils s'entendent à merveille avec Paul. J'ai beaucoup de chance.
Sur le chemin de l'école, Paul me raconte sa journée d'hier et me dit ce qu'il a fait comme travaux manuels, avec Cynthia, sa maîtresse. Il est bon élève. Son avenir est ma priorité numéro un. Il doit réussir où je n'ai pas pu, son futur doit être brillant et surtout, très éloigné de l'univers que j'ai connu plus jeune.
Je quitte mon fils au portail de son école et retourne chez moi me préparer, avant d'ouvrir le bar, vers onze heures. Il faut croire que boire est un passe-temps génial, vu que nous avons des clients si tôt dans la journée.
Après une bonne douche et un peu de maquillage, je claque la porte de chez moi et descends les escaliers pour rejoindre l'entrée du Masha's. Il se situe juste au pied de mon immeuble. Kendall a eu la gentillesse de me louer un de ses appartements, pour une somme dérisoire. Ce qui me permet de mettre de l'argent de côté. Quand le moment sera venu, je pourrai peut-être trouver quelque chose de plus grand.
Je déverrouille la porte, pousse le battant, tout en prenant soin de bien fermer derrière moi. Nous n'ouvrons que dans une heure, ce qui me laisse de temps de faire toute la mise en place.
Après avoir rangé ma veste et mon sac dans mon casier, j'enfile un tee-shirt, au nom du bar, et attache le tablier autour de ma taille. En passant devant le miroir des vestiaires, j'ébouriffe mes cheveux et essuie quelques traces de maquillage qui ont déjà coulé. Ça fera amplement l'affaire.
Arrivée dans la salle, je tombe sur Kendall qui descend les chaises des tables. Je l'embrasse sur la joue et rejoins le bar pour mettre en avant mes verres et préparer mes alcools.
— Comment va le petit, ce matin ? me demande mon patron.
— Un peu râleur, comme d'habitude, réponds-je en rigolant.
— Le même caractère que sa mère, je vois ! dit-il en souriant.
— C'est un trait de famille, vois-tu !
Kendall me sourit et vient s'accouder au bar.
— Aussi beau que sa mère !
— Merci, Kendall.
— Allez, au boulot, miss. La mise en place ne se fera pas toute seule.
Je ris, tout en commençant à nettoyer mes verres. Mes yeux observent le va-et-vient des habitants de Seattle, par la fenêtre du bar.
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