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Encaisser. Encore encaisser. Toujours encaisser.
Handong aimait sa partenaire plus que tout au monde, mais rien n'était facile. Elle avait toujours su qu'il fallait faire des compromis en amour, pourtant elle n'aurait pas pu imaginer une telle souffrance.
Gahyeon représentait beaucoup pour elle. Handong savait que c'était la bonne personne. Alors pourquoi la vie à ses côtés devait-elle être aussi compliquée ?
Les crises de la blonde ne se calmaient pas avec le temps, et c'était sur sa petite amie que les conséquences retombaient. Celle-ci en voulait beaucoup à son entourage de la considérer responsable de Gahyeon, alors qu'elle devait déjà vivre toutes ses colères et violences.
Leur histoire avait pourtant si bien commencé. Elles s'étaient rencontrées, avaient beaucoup discuté, avaient passé quelques nuits ensemble. Puis, quelques mois après le début de leur relation, elles avaient décidé d'emménager ensemble.
Handong savait que Gahyeon était malade. Elle l'avait très vite su. Au début, elle l'avait ignoré, se disant que ce ne serait pas un problème. Aujourd'hui, le trouble de la blonde était au cœur de leur relation. Cette dernière ressentait une rage bouillir en elle pour le moindre inconvénient. Son cœur menaçait d'exploser quand elle était en colère, alors elle devait extérioriser. Personne ne pouvait lui en vouloir d'être malade, encore moins Handong. Alors, elle la laissait faire. Elle laissait Gahyeon hurler, insulter, frapper. Elle la laissait lui briser le cœur avec ses mots, et lui ouvrir la peau avec ses poings. Elle la laissait tout exprimer à l'extrême, mettant ses propres sentiments de côté. Son bien-être lui était précieux, et elle ne voulait pas la laisser seule. Handong se sacrifiait chaque jour pour elle.
Alors, elle encaissait :
« Vas-y, Gahyeon. Frappe-moi si tu en as envie.
- Les médecins avaient dit que les médicaments m'aideraient ! cria-t-elle en poussant sa partenaire contre un mur. Mais ça continue à me démanger, à me brûler ! Je les déteste ! Je te déteste ! »
Gahyeon prit une chaise et la balança au sol. Handong était rassurée de ne pas avoir été la cible, cette fois. Mais elle était effrayée. Brisée. Même si ce n'était pas de sa faute, et qu'elle savait qu’elle ne la détestait pas réellement, la plus âgée se sentait déchirée par chacun de ses mots.
Cette journée était loin d'être la pire. Handong gardait des cicatrices de ses épisodes les plus violents. Sa joue avait été ouverte l'année passée. Malgré tout, peu importe à quel point les blessures étaient douloureuses, savoir qu'elles étaient infligées par celle qu'elle aimait et qui l'aimait était le plus insupportable.
Le lendemain, Handong promit à Gahyeon qu'elles sortiraient ensemble. Si rien n'était stressant ou irritant, même légèrement, alors tout se passerait bien.
Il fallait que tout se passe bien.
Les deux jeunes femmes se tenaient la main en marchant dans la rue commerçante. Elles se promenaient tranquillement à travers les magasins, et se permirent même l'achat de quelques articles de saison. Gahyeon souriait. Handong était rassurée, quoique souvent tendue, par peur que sa rage puisse être déclenchée. Mais tout allait bien. Elles essayaient des vêtements ensemble, s'amusaient, rigolaient.
Sur le chemin jusqu'à une pizzeria, Gahyeon se permit de mettre en pause la bonne ambiance en prenant un ton sérieux :
« Je suis tellement désolée, Handong. Tu n'es pas du tout responsable de ce que je fais, mais tu restes, et tu continues à m'aimer, et à me faire confiance. Je sais pas ce que je ferais sans toi.
- T'as pas besoin de l'imaginer, mon cœur. Je serai toujours là pour toi. J'espère que tu sais que tu n'es pas non plus responsable. C'est ta maladie qui te rend violente, ça a jamais été de ta faute. »
Handong s'arrêta de marcher. Son regard baissa jusqu'à leurs doigts entrelacés. Ainsi, elle pouvait voir les mains abîmées de Gahyeon. Ses blessures, ses cicatrices. Elle en reconnaissait certaines.
Elle portait sur elle le poids de sa maladie. Ses phalanges étaient rouges, et, même si Gahyeon arrêtait un beau jour de frapper dans les murs, elle conserverait toujours les traces de sa colère et de sa violence incontrôlables.
Un jour, elle s'était entaillée la main en voulant rassembler les morceaux du miroir qu'elle avait explosé avec son poing. Gahyeon s'était blessée après sa crise. Lorsqu'elle regrettait. Lorsque les remords la grignotaient de l'intérieur. Elle se laissait souffrir, pour tenter de rééquilibrer ce qu'elle infligeait toujours aux autres. Elle s’était uniquement concentrée sur les éclats de verre qu’elle voulait mettre de côté, quitte à ignorer le sang qui coulait sur sa peau.
Handong sortit de sa rêverie et ses yeux trouvèrent ceux de sa petite amie. Elles s'aimaient. Elle prit Gahyeon dans ses bras et la serra fort contre elle.
« Rien de tout ça n'est de ta faute, Hyeonie. Tout va bien. Je suis là pour encaisser. Je serai là pour toujours. Tu n’as pas à t'en faire. »
Handong passa sa main dans ses cheveux blonds, laissant ses doigts glisser entre ses mèches lisses.
« Je t'aime, » compléta-t-elle.
Elle se recula pour prendre le visage de Gahyeon entre ses mains. Ses grands yeux noirs étaient au bord des larmes.
« Merci. Du fond du cœur. Je t'aime tellement... »
Le visage de Handong fut éclairé par un sourire profondément sincère. C'était quand des moments comme celui-ci réchauffaient son cœur qu'elle savait que tout cela valait le coup. Gahyeon n'était pas parfaite, mais Handong l'aimait. Elles pouvaient compter l'une sur l'autre, et c'était tout ce qui comptait.
Une fois à la pizzeria, Handong et Gahyeon s'installèrent, évidemment détendues. L'élan d'espoir et d'amour les avait relaxées, et leur sourires, leurs regards complices, et leur mains jointes sur la table pourraient leur faire oublier sa maladie, pourraient leur faire penser que tout était normal. Leur faire croire qu'elles avaient une romance comme les autres. Deux filles qui s'aimaient, qui vivaient ensemble, qui souriaient, qui étaient heureuses. Handong savait profiter de ces moments les plus faciles et agréables, car voir Gahyeon s'amuser et être calme avec elle était ce qu'elle avait de plus précieux. Surtout lorsqu’elle savait si bien comment l'ambiance se mettait parfois à changer. Alors Handong faisait de son mieux pour la garder en sécurité, loin de tout éventuel conflit. Et tout allait bien. Et tout irait bien.
Après un long débat sur les pizzas à commander, elles finirent par se décider. Pendant l'attente jusqu'à la réception des plats, elles discutèrent à nouveau. Calmement. Avec des sourires. Sans colère, sans pression.
« Tu portes encore ce haut... remarqua Handong avec un éclat amusé dans le regard.
- Bien sûr, confirma Gahyeon, un air amusé enfantin éclairant son visage. Je l'aime beaucoup. »
Pendant le silence suivant, elles replongèrent toutes deux dans les souvenirs de leur premier rencard. Une virée shopping. Des rires. Une journée calme. Gahyeon avait essayé un haut. Un sweat rose fin dont les boutons avaient été laissés pour la plupart ouverts... volontairement. Handong était restée sans voix. Le rouge lui était monté aux joues alors que Gahyeon les accrochait un par un devant elle, cachant progressivement la peau qu'elle avait laissé apparaître pour la taquiner.
Handong rougit en y repensant, et Gahyeon avait ce même sourire en coin. Cette même étincelle taquine dans le regard. Une éternité semblait s’être écoulée depuis ce premier rencard. Avec les mois passés ensemble, elles étaient tombées amoureuses. Voilà ce qui avait changé depuis ce jour-là. Les choses n’étaient qualifiables de différentes que parce que leurs sentiments l’une pour l’autre s’étaient approfondis. Handong se dit alors que sa maladie n'avait pas d'importance. Gahyeon était sa partenaire, et elle l'aimait. La différence entre le début de leur relation et le présent était l'amour qui s'était accentué, renforcé, ancré entre elles. Les cicatrices ne comptaient pas. Handong était là pour encaisser, mais uniquement parce qu'elle était amoureuse de Gahyeon. Alors elle resterait, dans les meilleurs moments, comme dans les pires.
Plongée dans ses pensées, Handong approcha la main de Gahyeon près de ses lèvres et l'embrassa. Elle fit glisser sa bouche brillante sur ses phalanges abîmées. Handong aimait tout de Gahyeon. Chaque élément qui faisait qui elle était. Elle aimait ses qualités et ses défauts. Elle aimait son passé, son présent, et son futur. Elle aimait ses réussites et ses échecs. Elle aimait ses larmes et ses rires.
Elle dirigea ensuite la main de Gahyeon sur sa joue. Ce geste était fort. Handong avait posé sa main sur elle, et cela signifiait je te fais confiance. Ses yeux disaient je pose mon visage entre tes mains car je sais que tu peux en prendre soin. Elle montrait à Gahyeon qu’elle était bien plus que sa maladie.
Puis, pour cacher son émotion, la blonde se remit à raconter ce jour où Handong avait trébuché dans un parc. En fait, elle s’était précipitée sur Gahyeon en pensant qu’elle avait des ennuis, alors elle était tombée lors de sa course impromptue. En réalité, sa petite amie ne faisait que discuter avec quelqu’un, mais Handong ne le sut que lorsqu’elle se mit à se moquer de sa chute et à rire de façon très détendue. C'était une histoire qui les faisait toujours rire, peu importe combien de fois elles se rappelaient de ce qu'il s'était passé. Au début, la concernée en était gênée, car cela était une atteinte directe à sa fierté personnelle, mais c’était toujours un très bon souvenir, et elle laissait Gahyeon la raconter autant de fois que cela lui faisait plaisir, puisqu’elle pouvait être vulnérable avec elle. De plus, quoi de mieux que le rire sincère de la fille que l’on aime alors que tu es souvent terrifiée à l’idée que le monde s’effondre ?
Ensemble, elles se mirent à rire. Les mélodies coordonnées brisèrent chaque inquiétude et crispation. Elles oublièrent les blessures, et mangèrent en paix.
Quand Gahyeon voulut se lever pour s’absenter aux toilettes, tout passa au ralenti. Le visage de sa petite amie se crispa, alors que l’obscurité vint les embrasser à nouveau. Ne pouvaient-elles donc jamais être en paix ? Elle vit la blonde se lever de sa chaise, se retourner, être bousculée par un serveur, recevoir toutes les boissons de son plateau sur elle.
Le monde de Handong s’arrêta de tourner. Elle savait ce qui allait se produire. Elle était complètement exténuée. Elle aurait souhaité que tout disparaisse. À chaque fois que le bonheur se déposait au creux de ses mains, il s’enfuyait en courant en la provoquant.
Dès que Gahyeon se rendit compte de la situation, ses mains abîmées maintinrent fermement les vêtements du serveur. Ses sourcils étaient froncés, la colère déformait complètement son visage. Qu’allait-elle faire ? Handong eut le temps de s’imaginer les pires scénarios avant que sa partenaire ne relâche violemment l’homme à l’origine de l’accident. Il était sans défense, n’avait pas fait exprès, et de nombreuses excuses filaient entre ses lèvres alors qu’il appréhendait la suite.
« Gahyeon ! » appela Handong, désespérément.
Elle avait peur pour ce pauvre homme, et resta figée alors que sa petite amie le frappa au visage. Il la suppliait d’arrêter, mais c’était impossible. Handong se débarrassa de sa paralysie et se jeta sur eux pour les séparer. Elle ne pouvait pas la laisser continuer.
Ses bras vinrent entourer le corps enragé de Gahyeon. Elle la serrait fort dans ses bras. Sa voix appelait son nom, dans un espoir peut-être vain de chasser sa rage incontrôlable. Avec chance, Handong était plus forte. Quand celle-ci ouvrit les yeux en la sentant se détendre, elle croisa le regard terrifié du serveur. Puis, elle remarqua le jugement et la peur de chaque client. Elle comprenait la peur, mais détestait le jugement. Ce genre de regard qui considérait Gahyeon comme une bête, qui la regardait de haut telle une créature sauvage qui manque d’éducation. Handong détestait ce genre de regard. Gahyeon n’était rien de tout ça. Ces gens-là ne savaient rien. Ils n’étaient personne. Ils n’avaient pas le droit de juger.
Au moment où le staff commença à se diriger vers elles, Handong murmura un juron avant d’indiquer à Gahyeon :
« Cours. Maintenant ! »
Tant pis pour les pizzas entamées, tant pis pour les boissons qui ne seraient jamais finies. Tant pis pour l'honnêteté, tant pis pour le serveur qui méritait des excuses. Plus rien ne comptait d’autre que la sécurité de Gahyeon. Et si, par malchance, elles étaient quand même retrouvées, elles pourraient se justifier légitimement, et tant pis si cela ne leur plairait pas.
Main dans la main, elles se mirent à courir. Elles bousculaient des passants par inadvertance, s’excusaient vaguement en se retournant, mais continuaient à courir. Tant pis pour ces inconnus s’ils les prenaient pour des folles. Pour Handong, rien d’autre ne comptait que Gahyeon, alors elles ne cessèrent leur course qu’une fois qu’elles arrivèrent dans la rue de leur appartement.
Une fois à l’intérieur, elles furent enfin rassurées. La respiration de Gahyeon était forte, mais pas uniquement parce qu’elle était essoufflée. Elle était terrifiée. Effrayée par ses propres capacités. Elle avait blessé quelqu’un, encore. La culpabilité prenait le dessus après le départ de la rage. Handong la voyait paniquer, elle devait faire quelque chose. Silencieusement, elle la dirigea vers le canapé pour l’asseoir en espérant que cela aide à la calmer.
« Mes yeux me brûlent, se plaignit la blonde.
- Ferme les yeux, mon ange. Je suis là. Tout va bien. C’est fini, maintenant.
- Je suis pas un ange, Dongie. Loin de là. Je ne suis même pas une bonne personne. Je blesse chaque personne qui ose me faire confiance, ou même des serveurs innocents dans des restaurants. Je comprends pas pourquoi tu as encore de l'espoir, ou même comment tu fais pour rester avec moi. Je ne suis pas une bonne personne, Dongie.
- Gahyeon, je t'en prie, regarde-moi... Tu n'es pas une mauvaise personne. Tu as toujours fait de ton mieux et le sort des autres t'importe beaucoup. Tu es une bonne personne. Tes efforts suffisent. Tu n’es pas responsable de la souffrance que tu causes, et je te connais suffisamment pour savoir que tes intentions sont toujours justes, quand tu les maîtrises. »
Gahyeon était en larmes, mais en sécurité dans les bras de Handong. Celle-ci la tenait fermement dans ses bras, en espérant qu’une telle étreinte pourrait faire refléter la sincérité de ses mots. Gahyeon était une fille précieuse, qui méritait le bonheur plus que n’importe qui. Handong s’était toujours promis de la protéger de son mieux, et la voir craquer ainsi lui brisait le cœur.
Après avoir passé du temps à se calmer, elles passèrent une soirée calme, sans trop se parler, jusqu’à ce que l’heure du coucher approche. Sans même communiquer, elles eurent la même idée en tête. Elles se mirent au lit, Gahyeon se glissa dans les bras de Handong et cette dernière la serra contre elle. Elles faisaient toujours ça. Peu importe comment une journée allait bien ou mal, elles devaient toujours pouvoir compter l’une sur l’autre. C’était pendant ce genre de moment câlin que Gahyeon se montrait la plus affectueuse. Peut-être Handong devait-elle remercier le manque de lumière ou la fatigue pour rendre sa petite amie plus audacieuse et moins timide. Gahyeon avait besoin d’affection, et Handong adorait la voir l’admettre. Alors, quand elles se retrouvaient le soir pour s’enlacer, c’était un moment de bonheur pour les deux.
Ce soir-là, la blonde se montrait particulièrement tendre. Elle avait attrapé la main de Handong et ne la lâchait pas, optant plutôt pour la conserver près de son cœur, lorsque ce n’était pas pour la couvrir de baisers. Ses doigts vinrent chercher tout ce qu’ils pouvaient atteindre, caressant doucement la peau frissonnante de Handong, qui avait secrètement le plus grand des sourires sur ses lèvres. Celles de Gahyeon exprimaient la même joie. Quand elle prenait le temps d’apprécier ce qui ce trouvait simplement autour d’elle, comme chaque trait de la femme qu’elle aimait, cela la rendait heureuse.
Handong se demandait comment Gahyeon pouvait continuer à penser que c’était une mauvaise personne. Il faudrait être complètement têtue pour y croire...
En dehors de ses crises, Gahyeon était toujours souriante, dynamique, joueuse, taquine. Sa maladie tirait ses qualités vers le bas. Elle ne méritait pas ça. Elle ne méritait pas un si fort sentiment de culpabilité qui l'écrasait chaque jour. La vie était bien trop injuste avec elle, alors que c’était une fille formidable.
« Dongie... »
Les gestes de Gahyeon étaient toujours aussi adorables, mais sa voix était faible. Elle pleurait. Handong la laissa parler.
« J’ai souvent essayé de faire de mon mieux, parce que je croyais que je pourrais m’arrêter. J’ai pensé naïvement pendant des années que ça pourrait passer avec un peu de détermination. Mais je peux rien y faire, et toute cette violence est en moi, elle vit sous ma peau et coule dans mes veines. J’ai essayé, Handong. Mais c’est trop dur.
- De quoi tu parles ? s’inquiéta-t-elle en fronçant les sourcils.
- Je suis incapable de te regarder sans repenser à tout ce que je t'inflige. Même quand je pense que tout va bien, je vois tes cicatrices. Tu mérites pas tout ça. Je suis désolée.
- Ma douce Hyeonie… Tu oublies tout le reste… Tous nos bons souvenirs. Notre premier date. Notre première fois. Cet appartement. La soirée de notre premier anniversaire. Toutes les activités qu’on a fait ensemble, surtout quand on reste au calme à l’intérieur. Ça vaut le coup, mon ange. Ça vaut le coup parce qu’on s’aime.
- Tu comprends pas, insista la blonde. Je gâche tout à chaque fois. Mes mains sont moches de toutes les fois où j’ai frappé. Ma bouche est moche de toutes les fois où j’ai hurlé. Et mon cœur est moche de toutes les fois où je t’ai blessé.
- Tu te trompes, affirma Handong avec un léger sourire. Tu n’as rien de moche. Tu es la plus belle fille que je n’ai jamais rencontrée. Tes mains sont belles pour toutes les fois où elles m’ont caressé. Ta bouche est belle pour toutes les fois où elle m’a embrassée. Et surtout… Ton cœur est sublime pour chaque jour où tu m’aimes. Je sais que tu as du mal à y croire, mais tu as un beau cœur. Comment tu pourrais expliquer le chiot que tu as naturellement aidé un jour, alors que tu as peur des chiens ? »
Le silence retomba.
Handong ne voulait pas qu'elle oublie qui elle était. Gahyeon n'était pas la rage qui contrôlait ses gestes. Gahyeon était, au fond d'elle, toujours cette petite fille joyeuse qui s'amusait avec les autres, avant de demander à ses parents de lui acheter une crème glacée. Handong ne voulait pas qu'elle se perde. Gahyeon était sublime. Elle était belle. Son visage était beau, son corps était beau, son esprit était beau, son intelligence était belle. Son dévouement à sa relation était beau. Sa capacité à s'endormir n'importe où et n'importe quand était belle. Ses habitudes ridicules étaient belles. Ses cicatrices étaient belles.
Gahyeon ne devait pas oublier qui elle était.
Il lui suffirait d’accepter cette enfant malheureuse en elle pour enfin s’acheter une crème glacée. L’accepter serait accepter qui elle avait été et qui elle était toujours. La guérison était dure.
Gahyeon devait tendre sa main pour demander de l’aide.
Handong n’ajouta rien, mais elle pensait. Elle pensait et elle espérait. Gahyeon devait continuer à vivre à ses côtés, à apprendre, à guérir, et à se pardonner. Le chemin serait extrêmement difficile, et elle retomberait sûrement plusieurs fois, mais elle pourrait être fière d’elle à la fin. Gahyeon pourrait être fière de qui elle était. Alors, Handong espérait de tout son cœur que la blonde se laisserait des chances supplémentaires.
Parfois, un peu honteusement, elle se surprenait à imaginer qu’une vie sans son trouble serait plus simple. Elles n’auraient jamais besoin de penser à ce qui pourrait arriver si la moindre frustration traversait l’esprit de Gahyeon. Mais Handong avait honte de ces pensées-là. Cela faisait partie d’elle. Elle ne serait pas la même sans ça. Bien sûr, c’était compliqué, et des réflexions trop profondes pouvaient sembler inextricables et devenir une torture pour son esprit. Alors, elle devait rejeter ce monde imaginaire, même s’il lui paraissait honteusement idéal.
Les doigts de Handong vinrent caresser ceux de Gahyeon. Elle la serra davantage contre elle, comme pour l’empêcher de s’évaporer, comme si ses insécurités pouvaient la faire disparaître. Handong voulait qu’elle ne sente que l’amour qu’elle avait à lui donner.
Les grands yeux de la blonde se mirent à chercher les siens. Puis, Gahyeon sourit.
« Je serai aussi tendre avec toi que je le peux, s’engagea-t-elle. Je vais prendre soin de toi, Dongie. »
Elle semblait avoir compris ce message d’amour silencieux communiqué à travers l’étreinte. Un réel élan d’enthousiasme s’était mit à éclairer son visage. Son regard motivé chercha quelque chose à faire, avant de se verrouiller à nouveau sur les yeux amoureux de Handong.
Gahyeon s’approcha d’elle. Son grand sourire vint doucement se poser sur les lèvres de Handong. La blonde y mettait une explosion d’émotions positives qu’elle avait tendance à s’interdire. La joie, la reconnaissance, la confiance, la sérénité. L’amour. Elle était tendre, bougeait ses lèvres au même rythme que Handong. Elles s’embrassaient lentement, profitant du baiser.
La lèvre inférieure de Handong se retrouva emprisonnée par celles de Gahyeon, qu’elle tira doucement. La blonde appréciait chacune des sensations. Le goût de ses lèvres, sa réciprocité désespérée, sa respiration qui s’écrasait sur son visage, chaque picotement qu’elle ressentait, son propre estomac assailli par des hordes de papillons.
Gahyeon était amoureuse. Elle devait le lui rappeler.
« Dongie... »
Gahyeon fit glisser ses mains dans ses cheveux, les paumes reposées en partie sur sa nuque. Elle tenait là entre ses mains la femme qui représentait tant à ses yeux. Si Gahyeon poursuivait sa réflexion sur ses sentiments pour Handong, elle se mettrait assurément à pleurer.
« Oh, Dongie, je ne t’ai jamais assez remerciée… Je t’aime, je t’aime tellement. J’aurais dû te le répéter plus souvent. Te rappeler et te remercier. Tu encaisses tant, et je ne te remercie jamais assez. Quand je te regarde comme ça… Je sais que je suis la plus chanceuse. J’ai à mes côtés la fille la plus attentionnée et soucieuse que je connaisse, et je suis amoureuse d’elle. Je sais que c’est une partie de toi que tu ne montres pas souvent, et que tu es probablement embarrassée d’entendre autant de compliments, mais… C’est tout aussi gênant pour moi de l’admettre, parce que je préfère plus souvent montrer que dire ce que je ressens. Dongie, merci. Merci du fond du cœur. Merci de m’accepter, et de rester. Je t’aime. »
Cette fois-ci, c’était Handong qui ne pouvait contenir ses larmes. Le sourire de la blonde était immense, à tel point que ses joues lui faisaient mal. Et sa petite amie, subissant tant de tension et de violence, se sentait récompensée. Gahyeon lui avait parlé à cœur ouvert, et son sourire n’avait jamais été aussi grand.
« Ah, imbécile... »
Handong lâcha un petit rire. Oui, elle était embarrassée par les compliments, et elle ne savait pas quoi lui répondre. Pourtant, elle aussi souriait. Elle souriait tellement. C’était un immense soulagement de savoir que son choix d’accompagner celle qu’elle aimait chaque jour n’était pas vain.
« Ma Hyeonie... commença-t-elle en écartant une mèche blonde de son visage. Ah, t’es vraiment adorable comme ça. »
Elle détourna les yeux du visage si heureux de sa partenaire pour tenter de reprendre contenance et pour trouver des mots qui puissent rendre justice à ce qu’elle ressentait.
« Moi aussi, je t’aime. Énormément. Je veux pas que t’oublie cette adorable personne que tu es. Je veux pas que tu te définisses par ce que tu ne maîtrises pas. Regarde-toi, maintenant, et tu comprendras comment j’ai gardé espoir. Évidemment que je suis tombée amoureuse de toi. Tout est beau en toi. »
Gahyeon ne répondit pas. À la place, elle vint à nouveau cueillir les lèvres de Handong, d’une façon un peu plus intense, quoique tout aussi tendre. Cette fois-ci, leur bouches entrouvertes permirent la rencontre de leur langues. Tout doucement, elles se liaient, brisaient le contact, se regardaient, et s’embrassaient encore. C’était lent, doux, et amoureux.
C’était le seul moyen qu’avait trouvé Gahyeon ce soir-là pour partager ses émotions. Handong ne s’en plaignait pas, puisque chaque moment calme à ses côtés était un cadeau.
Quand elles vinrent s’allonger, elles purent enfin retrouver une respiration normale. Gahyeon pensait encore à tellement de choses qu’elle pourrait lui dire, mais elle savait qu’elle devait faire concis.
« Merci de ne m’avoir jamais abandonnée. Merci d’avoir cru en moi. Maintenant, c’est à mon tour de faire des choix pour te protéger. Je sais ce que je dois faire. Merci pour tout… Je te promets que je resterai toujours à tes côtés, d’une manière ou d’une autre. Je t’aime, Handong. »
Handong n’avait jamais aussi bien dormi. Ses heures de sommeil profond l’avait reposée comme peu de fois auparavant. Cependant, en se réveillant, elle ne sentit pas Gahyeon dans ses bras. Elle grogna, frustrée qu’elle lui ait retiré ce plaisir. Handong restait toutefois curieuse… Où était-elle partie ?
Avec un soupir, Handong se força à sortir du lit pour la retrouver et la rejoindre, en espérant avoir le droit à un grand sourire et à un câlin matinal. Elle se frottait les yeux en arrivant dans la cuisine. Gahyeon n’y était pas. Elle se dirigea ensuite vers la salle de bain et y jeta un œil. Gahyeon n’y était pas. Elle regarda tout autour d’elle et essaya de réfléchir.
Gahyeon n’était pas là.
C’était évident. Handong le savait. Ses jambes lâchèrent et elle s’effondra au sol. Elle ressentait un vide à l’intérieur d’elle. Elle pouvait sentir que Gahyeon était partie. C’était donc ça, son choix ? Impossible. Handong ne voulait pas y croire. Qu’en était-il du grand sourire et du câlin matinal qu’elle attendait ? Comment avait-elle pu si bien dormir ?
Alors, à son tour, à sa façon, Gahyeon s’était sacrifiée. Pour le bien-être de Handong. Pour ses « Je vais bien » auxquels elle ne croyait pas. Pour ses cicatrices qu’elle n’aurait jamais dû avoir. Pour ses prises de responsabilité quand ce n’était pas sa faute. Gahyeon avait réfléchi, retourné le problème dans tous les sens. Elle ne changerait pas, et Handong méritait la paix.
Toutefois, Gahyeon n’était pas naïve, elle savait que partir ne la soulagerait pas tout de suite, elle en était consciente. Elle regrettait un peu de devoir lui infliger cette ultime souffrance qu’elle ne méritait pas. Mais elle savait que cela valait le coup. Qu’un jour futur, tout cela aurait du sens, et son sacrifice ne serait pas vain.
Mais Gahyeon tiendrait sa promesse. Celle de rester à ses côtés pour toujours. Peu importe là où elle se situait, elle comptait bien veiller sur celle qu’elle aimait. Elle resterait avec Handong, dans son cœur, le temps de ce terrible voyage. Puis, lorsqu’elle serait enfin apaisée, Gahyeon ne serait plus que des éclats colorés en elle. Mais Gahyeon serait toujours là.
Handong, elle, connaissait son corps prit de forts tremblements alors qu’elle ne cessait de pleurer. Avait-elle déjà connu pareille douleur ? Son coeur était terriblement douloureux, et son corps entier la démangeait.
Handong ne pouvait pas y croire. Gahyeon devait se rappeler de qui elle était vraiment. Chaque qualité qu’elle avait, et qui lui permettait d’être cette personne précieuse qu’elle était. Mais il était trop tard. Elle avait fait son choix.
Gahyeon était partie.
Voilà ce que Handong devait intégrer. C’était trop dur, et cela faisait trop mal. Gahyeon ne serait plus jamais cette petite fille qui demandait une crème glacée à ses parents, non plus l’adulte blessée et si attachante qu’elle était devenue. Elle ne serait plus rien de tout ça, et devrait se résoudre à une place dans le cœur meurtri de celle qui l’aimait.
Gahyeon était partie.
Et Handong avait bien trop mal.
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