HAMELIN
「
bts
inspiré d'un conte, léger horreur
trigger warnings : mort
」
« Viens, souffla une douce voix enchanteresse. Viens avec moi. »
Penchée par-dessus sa silhouette allongée sur un matelas creusé par son poids, la déesse au miroir laissait ses ailes de papillons battre au rythme de la respiration de Kim Seokjin et soufflait des fleurs aux corolles blanchâtres dans sa direction. Chaque pétale rencontrant la peau lisse de son visage alourdissait ses paupières et le faisait sombrer toujours plus profondément dans les bras de la belle Morphée. Il la laissait l'emporter dans les limbes du sommeil et ses bras vinrent encercler son corps lourd dans une étreinte chaleureuse. Puis le visage doux de la déesse se transforma peu à peu pour afficher une moue mauvaise. L'agréable sensation disparut soudainement et de petites aiguilles glacées venant rencontrer son derme fin vinrent la remplacer. Seokjin se sentit étouffé alors que la machiavélique Morphée l'entraînait dans les angoisses abyssales.
Un cri silencieux déformant ses lèvres charnues, le jeune homme se débattit pendant une durée qui lui parut interminable. Combien de temps s'était-il enfoncé dans cette mer poisseuse et obscure ? Cinq minutes ? Cinq heures ? Seokjin l'ignorait. Ses mouvements, oscillant entre une brusquerie colérique et une lenteur désespérée, étaient vains. La déesse aux yeux rieurs refusait de l'abandonner au confort de son matelas. Son rire amusé résonnait dans sa boîte crânienne et l'entraînait toujours plus dans une folie brutale. Ses mains venaient recouvrir ses oreilles pour étouffer le son. Ça ne fonctionnait pas. Les notes se faisaient toujours plus fortes et accentuaient l'agitation de ses os.
Puis plus rien. La sensation de s'enfoncer dans une eau cauchemardesque avait disparu. Le rire de la déesse s'était éteint. Il ne restait plus rien. Seokjin eut l'impression que son corps était traversé d'un épuisement soudain et que l'étreinte glacée de Morphée disparaissait à mesure que ses mouvements se calmaient.
« Amuse-toi bien au pays du joueur de flûte. »
Ce furent les dernières paroles que la déesse des rêves susurra aux creux de son oreille sensible avant qu'elle ne disparaisse dans une danse de papillons colorés et que le corps de Seokjin ne s'effondre telle une lourde masse sur un matelas. Le jeune homme se redressa dans un sursaut. Son épiderme, recouvert d'une fine couche de sueur, avait été parcouru d'une désagréable chair de poule., son buste se soulevait au rythme irrégulier de sa respiration et son cœur battait à toute allure dans sa cage thoracique.
Seokjin scanna l'endroit dans lequel il venait de se réveiller de ses yeux révulsés. Son corps s'enfonçait dans un matelas moelleux, à moitié recouvert d'une couette enveloppée dans une housse aux motifs floraux. Il avait une vue prenante sur l'entièreté de la pièce. Juste en face de lui se dressait une large commode dont le bois sombre avait été creusé pour faire apparaître quelques sculptures. Elle était surmontée d'un miroir qui lui renvoyait son propre reflet. Un souffle de soulagement quitta ses lèvres alors qu'il reconnaissait la tapisserie délavée par les rayons du soleil de sa propre chambre.
Que venait-il de se passer ?
Cette question trotta dans son esprit durant de longues minutes. Elle ne l'avait pas encore quitté lorsqu'il trouva le courage de quitter son lit. Ses mouvements étaient si lents qu'ils en devenaient désagréables. Seokjin avait l'impression que son corps pesait une tonne et que chacun de ses gestes était ralenti par une étrange force qui cherchait à le retenir. Un long frisson parcourut son échine alors qu'il déposait la plante de ses pieds sur la surface veloutée d'un large tapis crème qui recouvrait le parquet usé par les années. Seokjin ne parvenait pas à expliquer les réactions de son propre corps. Pourquoi sa mâchoire se crispait-elle à en faire grincer ses dents ? Pourquoi ses jambes tremblaient-elles autant ? Le jeune homme ignorait tout cela. Il parvint cependant à se traîner hors de la pièce par la porte aux gonds grinçants et il ne put s'empêcher de se faire la réflexion qu'il les avait huilés la veille avant de s'éloigner.
Il traversa le couloir qui desservait son bureau et une salle de bain de sa démarche lourde. La tapisserie se décollait du mur à quelques endroits et quelques cadres représentant diverses variétés de fleurs n'avaient pas été fixés correctement. Cela avait souvent été le sujet de petites blagues entre Yoongi et lui depuis qu'ils avaient emménagé dans la maison. Les anciens propriétaires avaient abandonné les cadres lorsqu'ils avaient décidé de vendre leur propriété. Seokjin avait trouvé qu'ils apportaient une touche de charme à la décoration et cela avait plusieurs fois fait grogner son compagnon. Seokjin finit par tourner dans la direction où un escalier aurait dû rejoindre le rez-de-chaussée, mais le même couloir se dessina dans son champ de vision. Les sourcils froncés dans une expression d'incompréhension et les lèvres tirés dans une grimace, le jeune homme risqua un coup d'œil dans son dos. Le couloir paraissait parfaitement normal et il était persuadé que la cage d'escaliers aurait dû se trouver à cet endroit précis. Mais elle avait disparu. Elle avait été remplacée par une copie conforme du corridor qu'il venait de traverser.
« C'est quoi ce bordel ? siffla-t-il. »
Devenant un écho assourdissant à mesure qu'elle rebondissait contre les parois tapissées, sa voix laissait transparaître les trémolos propres à cette panique qui se répandait à toute vitesse dans ses veines. Seokjin sentait son pouls accéléré de façon incontrôlable et son souffle se faire plus court. Il s'engouffra dans ce couloir qui n'aurait pas dû exister avec une petite appréhension. Qu'allait-il se passer une fois qu'il parviendrait à l'endroit où la cage d'escalier devrait se trouver ? Pourrait-il rejoindre le rez-de-chaussée ou serait-il destiné à traverser ce couloir à en abandonner sa raison et sa lucidité ? Il obtint sa réponse lorsque les peintures se dessinèrent dans son champ de vision. Aucune marche ne menait vers l'étage inférieur. Il était coincé à l'étage de sa propre maison.
Ce jeu cauchemardesque sembla durer une éternité. Seokjin déambulait dans ce couloir dont chaque petit détail l'entraînait toujours plus loin dans la folie. Il avait envie de rire à s'en déchirer les cordes vocales, de s'emparer des toiles suspendues au mur pour les lancer à travers du corridor et d'arracher cette tapisserie qu'il ne supportait plus pour la brûler. Les jambes flageolantes, il parvenait à peine à se traîner vers cette intersection qui dévoilait encore et toujours cet insupportable corridor. Il ignorait combien de fois il avait pu le parcourir. Dix fois ? Cent fois ? Il ne savait plus. Seule la panique de rester bloqué à l'étage semblait le motiver à continuer.
Quelque chose finit par changer. Seokjin ne le remarqua pas immédiatement. Ce fut seulement lorsqu'il s'engouffra une nouvelle fois dans le couloir que Seokjin perçut les ondes d'une mélodie de flûte faisant vibrer l'air autour de lui. Il sentit ses membres s'alourdir et lâcher sous la pression de sa propre masse. Il se vit tomber comme si son corps ne lui appartenait même plus et ses genoux percuter la moquette hideuse qui recouvrait le sol sans qu'il ne ressente la moindre douleur. Seul le mal de tête s'étendant dans sa boîte crânienne importait. Il semblait s'amplifier à mesure que l'étrange mélodie s'approchait de lui. Le jeune sentit un hurlement déchiré ses cordes vocales alors que les notes de flûtes semblaient se jouer à l'intérieur de son crâne.
Puis une silhouette apparut dans son champ de vision. Cette affreuse et cauchemardesque silhouette se dessinait sur ses iris et renvoyait des signaux d'alerte à son corps tout entier. Il devait fuir, mais il était comme hypnotisé par son apparence. Elle semblait dominer l'espace comme si elle avait toujours eu sa place au milieu du couloir. Des lambeaux de tissus sombres tombaient de ses épaules osseuses pour rejoindre ses pieds nus et formaient une capuche informe recouvrant sa tête. Quelques cheveux aussi sombres que du charbon parvenaient à faire une percée à travers le tissu pour s'échouer sur un front grisâtre et luisant. Seokjin était incapable de discerner les traits du visage de cette étrange silhouette dont il percevait pourtant le regard posé sur lui. Il ne voyait que son abominable sourire dévoilant de petites dents aussi aiguisées que les lames d'un rasoir. Un éclat finit par attirer l'attention du jeune adulte. Cette chose – malgré son apparence anthropomorphique, il ne parvenait pas à deviner le moindre soupçon d'humanité s'échappant de cette silhouette encapuchonnée – tenait un objet brillant entre ses longs doigts crochus.
C'était une flûte. La plus belle flûte que Seokjin n'eut jamais vue de sa vie. Elle était taillée dans un bois si sombre qu'il en devenait presque noir et quelques gravures abstraites marquaient la surface polie du matériau. Certaines arabesques élégantes étaient décorées de minuscules pierres précieuses qui réfléchissaient une lueur rougeoyante à la lueur des luminaires du couloir. Des gemmes semblaient perler un liquide visqueux qui s'échouait sur la moquette avant de s'étendre dans une flaque amarante.
Dans un mouvement qui parut durer une éternité aux yeux du jeune adulte, la silhouette du joueur de flûte porta son instrument à ses lèvres. Le liquide suintant des pierres précieuses glissa le long du bois pour recouvrir ses doigts et disparaître dans les pans de son vêtement déchiré. Lorsque la première note résonna dans le couloir, Seokjin eut l'impression qu'on lui détruisait les tympans. C'était comme si la silhouette s'était approchée de lui pour lui asséner un coup de pic à glace dans l'oreille. Il n'avait jamais ressenti de telle douleur.
Puis ce fut le noir complet.
Seokjin sentit ses paupières se fermer et son corps tomber vers l'avant. La dernière chose dont il se souvint avant de sombrer dans l'inconscience fut le rire de la chose qui s'éloignait.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, Seokjin se trouvait emmitouflé dans son épaisse couette. Les contours d'un visage rond se dessinèrent dans son champ de vision. Des cheveux noirs s'emmêlaient sur son sommet, venaient camoufler deux sourcils droits et recouvraient deux petites oreilles où trois anneaux argentés s'alignaient. Un souffle s'échappait de son nez camus à chaque expiration affolée et venait s'échouer sur la peau de Seokjin, provoquant une chair de poule incontrôlable. Ses yeux charbon luisaient de la lueur typique de l'inquiétude et ses lèvres fines articulaient les deux syllabes de son prénom.
« Yoongi ? croassa-t-il. Qu'est-ce qui se passe ? »
L'expression de panique pure disparut des traits de Yoongi pour se transformer en un soulagement brutal. La tension dans ses épaules s'atténua et les longs doigts qui froissaient le tissu de son pyjama se décrispèrent. Ses doigts glissèrent sur la peau de Seokjin avec une hésitation surprenante et vinrent terminer leur course sur la mâchoire de Seokjin pour venir encadrer son visage. La délicatesse avec laquelle le noiraud fit bouger sa tête de droite à gauche – comme s'il tentait de se persuader qu'il allait bien – surprit le plus vieux. Il finit par laisser échapper un long soupir et poser ses lèvres contre celles de son amant dans un rapide baiser.
« Tu faisais un cauchemar, expliqua avec douceur Yoongi alors que ses doigts venaient se perdre dans les mèches brunes de son aîné. Tu n'arrêtais pas de hurler. J'ai essayé de te réveiller, mais c'était comme si tu étais bloqué dans ton rêve. Je me suis inquiété. »
Les yeux du plus vieux se voilèrent un court instant. Il avait fait un cauchemar ? Il ne se souvenait jamais de ses rêves et aucune réminiscence du cauchemar ne persistait dans son esprit. Il y avait bien cette étrange mélodie de flûte qui trottait dans son crâne, mais il avait dû l'entendre la veille avant de se coucher. Cela lui arrivait souvent.
« Je ne voulais pas t'inquiéter, prononça Seokjin dans un souffle. Tu as quand même pu dormir ? »
Le sourire penaud qui étira la commissure des lèvres du brun était une réponse satisfaisante et le plus vieux sentit un sentiment de culpabilité gonfler dans sa poitrine. Son amant ne dormait pas énormément et savoir qu'il l'avait empêché de se reposer avant une longue journée de travail amplifiait ce sentiment. Même s'il savait que son cadet ne lui en voulait pas, Seokjin savait que son poste d'enseignant lui nécessitait beaucoup d'énergie et il venait de le priver des quelques heures dont il avait besoin.
« Désolé, souffla-t-il. »
L'enseignant esquissa un sourire désabusé et fit rouler ses yeux sombres dans leur orbite avant de poser ses lèvres contre les siennes avec une insupportable délicatesse. Seokjin sentit son cœur se gonfler dans sa poitrine pour venir déverser un bonheur brutal dans des battements rapides qui répandirent un sang charriant de la lave dans ses veines. Les lippes de son amant étaient si douces contre les siennes. Elles avaient ce goût spécifique, un mélange de caféine et de miel, qui parvenait toujours à rassurer le plus vieux et se mouvaient avec une insoutenable lenteur. Les mains tremblantes de Seokjin finirent par se déplacer. Elles quittèrent le moelleux du matelas pour glisser contre les bras du plus jeune, remonter le long de sa colonne vertébrale dans une traînée de chair de poule pour se perdre à la base des cheveux sombres. Seokjin aurait tant voulu que leurs corps puissent se fondre à tout jamais. Il avait besoin de l'étreinte aimante de son cadet et de sa bouche contre la sienne pour survivre. Il en était persuadé. Alors que sa langue, désespérée et avide, cherchait à rejoindre celle de Yoongi, toujours enfermée dans sa cavité buccale, ce dernier s'éloigna. Un sourire navré décorait son visage et son souffle venait s'échouer sur la peau sensible de Seokjin.
« Je dois me préparer pour le boulot, s'excusa-t-il, arrachant un grondement sourd au plus vieux. On continuera ça ce soir ! »
Ses mots sonnaient comme une promesse. Seokjin chercha pourtant à le retenir dans une étreinte chaleureuse lorsqu'il posa ses lèvres à la commissure des siennes. Il ignorait pourquoi il avait tant besoin de la présence de son cadet ou de son toucher similaire à la douceur d'une plume. Il ne se souvenait pas de son cauchemar et il ne souhaitait pas particulièrement s'en souvenir. Il avait cependant cette terrible impression que l'absence de Yoongi le plongerait dans un état d'angoisse comme il n'en avait jamais vécu auparavant. Un sourire étira ses lèvres et ses mains se déplacèrent pour ébouriffer les cheveux bruns de Seokjin avant qu'il ne s'éclipse de la pièce. Ses pas feutrés résonnèrent entre les murs de la maison et le bruit reconnaissable de la cafetière parvint aux oreilles du jeune adulte après quelques minutes de silence.
Ces sons étaient si familiers. Ils les entendaient chaque jour. Alors pourquoi provoquèrent-ils un profond sentiment de solitude chez Seokjin ? Il n'était pourtant pas seul dans la maison. Son amant se déplaçait avec cette discrétion qui le caractérisait si bien. Mais il ne se trouvait pas juste là. Il ne se trouvait pas avec lui dans la chambre. Seokjin était seul dans la pièce. Il était seul avec son reflet. Il ne put retenir une grimace lorsque ses yeux croisèrent ceux identiques de son double. Il faisait peur à voir. Ses cheveux bruns étaient en bataille et retombaient sur sa peau recouverte d'une fiche couche de sueur. Ils camouflaient deux sourcils droits et une grande partie de son front lisse. Des larges cernes creusaient ses yeux noirs et étaient les témoins de sa nuit agitée. Son corps tout entier semblait parcouru par d'incontrôlables tremblements. Ses mouvements paraissaient accentués par la surface réfléchissante.
Il y avait cependant une chose que Seokjin ne parvenait pas à expliquer. Son reflet souriait. Un rictus mauvais étirait les commissures de ses lèvres dans une expression sournoise. Il était pourtant certain de ne pas sourire. De ses mains hésitantes, le jeune homme laissa ses doigts courir contre la peau lisse de son visage et retraça le contour de sa bouche. Rien. Absolument rien. Il ne souriait pas. Comment aurait-il pu ? Il était au bout du rouleau et se sentait malade. Jamais il n'aurait pu esquisser le moindre sourire. Ce n'était cependant pas le plus étrange. Les mains de son reflet ne s'étaient jamais portées à ses lèvres et semblaient chercher quelque chose dans les plis de la couverture.
Le sourire de son double vint s'élargir. Il fendait son visage en deux cauchemardesques alors qu'il extirpait des plis de la couverture un objet long dont la familiarité arracha quelques désagréables frissons à Seokjin. Pourquoi ce morceau de bois qu'il distinguait à peine provoquait une telle réaction chez lui ? Pourquoi avait-il l'impression que son utilisation n'apporterait rien de bon entre les murs de la maison ? L'objet finit par se préciser dans son champ de vision et le brun finit par reconnaître le bois taillé d'une flûte sertie de dizaines de pierres précieuses étincelantes. Un tressaillement trop long pour être agréable se propagea dans son corps et ses poils se dressèrent sur ses bras à mesure que le sublime instrument se rapprochait des lèvres pleines de son sosie.
Puis il y eut la première note. Elle était stridente et s'approchait de l'idée que Seokjin se faisait des ultrasons. Il eut la désagréable impression que la mélodie jouée par l'instrument faisait vibrer ses os et que chaque onde se répercutait contre les murs de la maison entière. De ses mains agitées d'incontrôlables tremblements, il recouvrit ses oreilles dans l'espoir de ne plus percevoir ce son. Ses lèvres articulaient un hurlement inaudible qui accentuait le sourire mauvais de son double. La mélodie lui donnait l'effet d'une crécelle et Seokjin espéra qu'une force surnaturelle vienne lui retirer sa capacité d'entendre le moindre son.
Son reflet finit par se lasser de cette mélodie de flûte et s'anima dans la vitre réfléchissante. Il se redressa avec une lenteur suspicieuse et les draps abandonnèrent son corps pour le dévoiler dans sa quasi-nudité. Son seul vêtement était un pantalon ample retombant au niveau de son aine et il semblait allonger ses jambes à l'infini. Seokjin reconnaissait chaque détail de l'anatomie de l'homme dans le miroir : ces clavicules marquées dessinaient la courbure de ses épaules larges, cet abdomen plat et lisse, ce grain de peau régulier sur lequel se dessinait quelques constellations de grains de beauté. Seokjin avait conscience de chaque partie de son corps. Il en voyait tous les détails lorsqu'il traversait la salle de bain pour prendre des douches qui embueraient la pièce entière. Alors pourquoi lui paraissait-il si étranger ? Tout lui était si familier et pourtant si inconnu.
Lorsque la silhouette disparut du miroir dans un mouvement fluide, ne laissant que le reflet des draps en boule sur le matelas, Seokjin sentit son sang se geler dans ses veines et un long frisson d'effroi couvrir son corps de chair de poule. Son double avait quitté la chambre et il eut la sensation que quelque chose de terrible allait se produire dans la maison. Il se redressa dans un bond et se précipita hors de la pièce. Son instinct lui hurlait de rejoindre le rez-de-chaussée où son amant préparait un petit-déjeuner copieux. Il traversa le couloir en seulement quelques foulées, ignorant les tableaux non-alignés qui l'observaient dans toute sa panique, et atteint la cage d'escalier en une vitesse qui lui semblait presque surnaturelle.
Ce fut à cet instant que Seokjin la remarqua. En bas des marches se trouvait la silhouette d'un homme encapuchonné qu'il était persuadé d'avoir déjà vu quelque part sans être capable de dire l'endroit exact. Enveloppé dans un patchwork de tissus noirs, il jouait de cette même flûte que son double avait utilisé quelques instants plus tôt. La mélodie continuait de se disperser dans l'entièreté de la maison et Seokjin eut l'impression qu'elle cherchait à l'empêcher de penser convenablement. Le rythme devenait de plus en plus entêtant et comblait chaque espace de son esprit.
Puis ce fut le silence. Un silence morne et désagréable qui eut le même effet que la morsure de l'eau glacée rencontrant sa peau sensible. Son corps était là, en haut des marches, incapable d'amorcer le moindre mouvement. Il observait la silhouette vêtue de couleurs sombres et son sourire dément qui s'élargissait pour atteindre ses oreilles. Elle faisait danser l'instrument entre ses doigts osseux avec une habilité déconcertante. Son regard était happé par la chorégraphie complexe de la flûte entre les mains du terrifiant inconnu. Seokjin ignorait combien de temps elle bougea entre les serres habiles de la silhouette, mais elle finit par se figer. Sa tête désignait le plafond et les yeux sombres du jeune homme suivirent le point qu'elle indiquait.
Il fut soudainement pris d'un vertige. Ses jambes cotonneuses cédèrent sous son propre poids alors que le plafond semblait s'éloigner toujours plus haut. Il cherchait à rejoindre l'inaccessible ciel. Une forte nausée s'empara de Seokjin. Il cracha une bile amère et verdâtre sur le sol du couloir et des larmes douloureuses commencèrent à s'accumulèrent au coin de ses yeux alors que son regard tremblant retournait se poser sur le plafond. Il s'était encore éloigné comme s'il était aspiré dans une autre dimension, mais ce n'était pas l'élément qui attira l'attention de Seokjin. Il se trouvait juste là, se balançant au rythme de la mélodie de flûte pourtant disparue au bout d'une épaisse corde brune qui entourait sa nuque livide. Yoongi. Son corps lourd et mort pendait au bout de cette attache et ses yeux grands-ouverts et vitreux toisaient Seokjin dans toute leur froideur. Ils l'accusaient. Ils l'acculaient.
La mélodie de flûte s'éleva de nouveau dans l'atmosphère lourde de la maison et les premières larmes perlèrent sur les joues devenues pâles de Seokjin. Un hurlement douloureux s'échappa de ses lèvres et déchira ses cordes vocales. Il accompagnait le rire mauvais de la silhouette qui, à quelques courts mètres de lui, faisait toujours tourner la flûte entre ses doigts agiles. Elle riait ! Elle osait rire alors que Yoongi pendait, mort, au-dessus de leurs têtes. La vision brouillée par ses larmes brûlantes et une rage folle coulant dans ses veines, Seokjin parvint à se redresser. Les poings serrés à s'en faire blanchir les articulations, il se précipita dans les escaliers. Il allait faire regretter à cette silhouette d'avoir fait souffrir Yoongi. Il allait lui faire subir le même sort. Mais il n'atteint jamais l'ombre. De nouvelles marches semblaient apparaître sous ses pieds à chaque mouvement qu'il amorçait et le joueur de flûte s'éloignait à chacun de ses pas.
Un hurlement de rage, des larmes salées venant s'écraser contre ses joues et une chute d'abandon au milieu des marches. Ce furent les trois dernières choses dont Seokjin se souvint alors que tout ce qui l'entourait disparaissait dans une fumée noire et que ses yeux s'ouvrirent sur le plafond de sa propre chambre.
Une grimace venant déformer ses traits harmonieux, Seokjin porta une main hésitante à son crâne. Il avait un terrible mal de tête et son corps tout entier était courbaturé. Ses prunelles noires s'étaient figées sur le luminaire qui pendait au-dessus du lit et suivaient ses mouvements de balancier suivant le rythme du vent qui s'infiltrait dans la pièce par la fenêtre entrouverte. Les brimbalements réguliers du lustre entraînèrent les tremblements de ses membres. Il émit un couinement plaintif et terrifié alors qu'il se redressait avec difficulté.
Ses yeux noirs se posèrent un court instant sur le miroir avant de se figer sur la place inoccupée du large lit. Elle était encore creusée par les courbes fines de son amant et son odeur embaumait encore l'espace. Seokjin sentit la masse qui pesait sur son corps disparaître et laissa un soupir s'échapper de ses lèvres mordues. Il parvint à s'extirper de son cocon de couvertures et à glisser ses pieds dans des chaussons confortables. Il avait terriblement besoin de voir Yoongi et de le serrer entre ses bras pour ne plus jamais le laisser s'éloigner de lui.
Il parvint à traîner des pieds jusqu'au rez-de-chaussée de la maison et fut accueilli par une bonne odeur d'œufs brouillés et de bacon. Son estomac émit un gargouillement sonore alors que la silhouette de son cadet se dessinait dans la petite cuisine. Il s'activait entre les deux poêles crépitantes et fredonnaient une mélodie étrangement familière. Il ne semblait pas encore avoir remarqué sa présence et Seokjin ne put retenir un large sourire alors qu'il se précipitait vers lui pour encercler sa taille de ses bras. Un sursaut fit bondir son corps fin et il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule avant d'esquisser un sourire chaleureux.
« Bonjour Seokjin. »
Sa voix était aussi douce que du velours et sonnait comme la plus belle des mélodies aux oreilles du plus vieux. Il parvint à croasser une réponse à ses salutations avant de plonger son nez dans la nuque de son amant pour en respirer l'odeur. Yoongi sentait bon. Un subtil mélange de lessive et de pin semblait coller à tous ses vêtements et à sa peau. Rien n'était plus rassurant que ce parfum naturel aux yeux de Seokjin et il était heureux de pouvoir inhaler cette douce fragrance. Un long soupir quitta ses lèvres pour venir percuter la peau fine du cou du plus jeune. Cela lui arracha un frissonnement instinctif qui fit ricaner Seokjin.
Le plus jeune était chatouilleux et il avait bien envie de profiter de sa sensibilité durant quelques minutes. Ses lèvres, joueuses et étirées dans un large sourire, se posèrent à cet endroit qu'il savait si sensible, entre la naissance de ses épaules et sa nuque. Il entendit le rire de Yoongi s'envoler dans la pièce et sentit son corps s'appuyer imperceptiblement contre le sien. Les baisers de Seokjin se déplacèrent. Ils laissèrent une traînée humide qui remontait vers les oreilles du plus jeune et coupèrent son souffle à chaque fois que leur toucher s'éternisait plus d'une seconde. Ses mains bougèrent sur l'abdomen de Yoongi et l'attirèrent toujours plus proche de lui. Il avait besoin de sentir son corps contre le sien, de savoir qu'il était bien réel et qu'il était bien là avec lui. Seokjin était bien incapable d'expliquer cette nécessité, mais il avait le sentiment qu'il pourrait mourir si le corps de son cadet s'éloignait du sien.
« Seokjin, prononça le plus jeune dans un long soupir. Le petit-dej.
— On s'en fout, grogna-t-il contre sa peau. »
Le rire amusé de Yoongi résonna dans la pièce alors qu'il s'extirpait de l'emprise désespérée de son aîné. Il lui offrit un sourire qui dévoila de petites dents avant d'emprisonner son visage entre ses mains pour claquer un baiser bruyant contre ses lèvres. Seokjin émit un grondement frustré et fut récompensé par les doigts du plus jeune qui se perdirent dans ses mèches désordonnées pour les ébouriffer.
« Ce serait bête de brûler la maison alors que je t'ai préparé ton petit-déjeuner préféré. »
Seokjin aurait bien voulu lui répondre d'une voix mielleuse qu'il était son petit-déjeuner préféré, mais l'application qu'il mettait à préparer ce repas pourtant si simple lui arracha un sourire attendri. Bien qu'il aime préparer de bons petits plats, Yoongi cuisinait rarement. Il avait moins de temps libre que lui et il lui avait un jour avoué que rien n'était plus excitant que l'expression concentrée qu'il arborait lorsqu'il mettait la main à la pâte. Seokjin soupçonnait sa tendance à cuisiner habillée seulement d'un large t-shirt retombant sur la courbure de ses fesses et d'un caleçon d'être la véritable raison pour laquelle son cadet aimait tant le voir préparer à manger.
Se laissant tomber sur une des deux chaises qui se battaient en duel autour de l'unique table de la pièce et déposant son menton dans le creux de sa main dès que son coude eut trouvé une place stable au milieu de la surface plane, Seokjin observa les mouvements habiles de son cadet. Il avait recommencé à fredonner cette mélodie étrangement familière et bougeait en suivant son rythme. Il paraissait si enjoué. Un sourire vint étirer les lèvres du plus vieux alors que son cœur se gonflait d'amour dans sa poitrine. Il l'aimait tant.
Il se passa ensuite quelque chose d'inhabituel.
Une démarche traînante venant de l'étage de la maison résonna dans la pièce et un sourire malicieux étira les lèvres tentatrices de Yoongi. Une ombre se glissa ensuite dans la cuisine et marqua un court temps d'arrêt durant lequel son estomac émit un gargouillement affamé. Seokjin sentit son sang se glacer lorsqu'elle se précipita vers le plus jeune pour l'entraîner dans une étreinte amoureuse. Les sourcils froncés dans une expression confuse, le plus vieux l'observa de ses yeux colériques. La silhouette était drapée dans cet empiècement de tissus sombres et une large capuche difforme venait camoufler son visage. Un sentiment de terreur s'insinua dans le corps de Seokjin comme un venin et il bondit de sa chaise pour tenter de rejoindre son amant. Un juron imagé s'échappa de ses lèvres alors qu'il rencontrait un mur invisible.
« Yoongi ! »
Son hurlement résonna dans la cuisine, mais le plus jeune ne semblait pas l'entendre. Il était concentré dans sa conversation avec la silhouette encapuchonnée. Une flûte décorée d'une multitude de pierres précieuses apparut dans ses mains alors qu'elle s'éloignait du corps de Yoongi. Un sourire mauvais décora ses traits et Seokjin était persuadé qu'il posa ses yeux froids sur lui. Ils étaient juste là, à seulement quelques mètres de lui, et le plus vieux ne parvenait pas à amorcer le moindre mouvement dans leur direction sans être bloqué par ce mur invisible. L'inconnu porta la flûte luxueuse à ses lèvres et cette mélodie familière s'échappa de l'instrument. Elle parvint aux oreilles de Seokjin dans un écho insupportable qui lui vrilla les tympans. Yoongi, quant à lui, paraissait ravi par la mélodie que jouait la silhouette. Un sourire heureux, presque amoureux, étirait ses lèvres alors qu'il continuait de fredonner chaque note en rythme.
Bloqué derrière la barrière imperceptible qui le séparait du duo, Seokjin s'époumonait. Ses mains tapaient avec rage contre le mur et il crachait des menaces à l'inconnu. Il était persuadé qu'il pouvait l'entendre malgré la musique assourdissante qui emplissait la pièce entière. Son cœur se brisa en un millier de morceaux aiguisés lorsque l'ombre abandonna la flûte sur le plan de travail et laissa ses lèvres se poser contre celles de Yoongi.
Il les observa durant d'interminables minutes. Leur langue se rencontrait avec ferveur, leurs dents s'entrechoquaient avec ardeur et leurs corps se fondaient dans une danse sensuelle. Des larmes s'échappèrent de ses yeux noirs alors que ses sanglots plaintifs se mêlaient à ceux d'extases des deux autres. Cette scène entière le détruisait et le plongeait dans un état second.
Les murs et meubles de la maison disparurent dans une fumée noire. Les deux silhouettes se mêlaient toujours dans cet échange écœurant et sensuel. Ils ne semblaient pas remarquer la métamorphose du lieu. Ils se trouvaient perdus au milieu d'une scène qui ressemblait à l'un des tableaux du couloir à l'étage. Derrière une forêt de pins, la mer semblait se perdre dans l'horizon. Des vagues venaient percuter avec violence une falaise abrupte sur laquelle ils étaient perchés. Les deux corps finirent par se séparer et l'inconnu fouilla dans les plis de son vêtement large pour extirper cette flûte. Il la porta à ses lèvres bleuâtres et la mélodie vint se mélanger au bruit de la houle en contrebas. Un hurlement strident s'échappa de ses oreilles alors qu'une voix menaçante articulait un ordre funeste par-dessus la musique.
« Saute. »
Son sang se glaça dans ses veines juste avant de bouillir. Le corps de Yoongi avait commencé à s'animer et il se dirigeait lentement vers le précipice. Ses yeux expressifs avaient perdu leur éclat jovial et ses lèvres continuaient de fredonner ce rythme cauchemardesque. Un hurlement de rage fit vibrer les cordes vocales de Seokjin et il finit par trouver la force de s'élancer vers la silhouette encapuchonnée. Cette fois-ci aucun mur invisible ne bloqua ses mouvements et il fonça telle une balle en direction du monstre. Le pied droit de Yoongi amorçait un mouvement vers le vide lorsque le corps du plus vieux percuta avec violence celui de l'ombre menaçante.
Il sentit son corps chuter en arrière et leurs deux corps se retrouvèrent au-dessus du vide. La gravité les entraîna vers les roches affûtées qui décoraient le pied de la falaise. Elles semblaient attendre leur rencontre avec leur chair fraîche. La capuche de l'inconnu disparut pour dévoiler son visage et Seokjin découvrit avec horreur qu'ils partageaient les mêmes traits. Ils étaient la même personne. Un rugissement quittant ses lèvres, Seokjin laissa ses mains se serrer autour de la nuque de son double alors que celui-ci laissait un rire dément s'échapper de ses lèvres.
« Tu es comme moi ! siffla-t-il. Tu es exactement comme moi ! »
Leurs deux corps percutèrent les roches avec violence et Seokjin ouvrit une derrière fois les yeux dans un sursaut. Il se trouvait dans la chambre. La pièce était plongée dans une obscurité que seuls les rayons lunaires venaient déranger. Il reconnaissait le contour des meubles. Le jeune homme sentait son cœur battre à toute vitesse dans sa poitrine, comme s'il cherchait à s'en échapper, son corps tout entier était agité par des soubresauts paniqués et quelques larmes glissaient contre l'arête de son nez droit. Ses yeux apeurés cherchèrent la silhouette rassurante de Yoongi et découvrirent son corps endormi au milieu des couvertures. Son bras droit reposait contre son abdomen nu et recouvert des marques bleuâtres que Seokjin avait apposé sur sa peau alors qu'ils faisaient l'amour et un discret ronflement s'échappait de ses lèvres entrouvertes.
« Ce n'était qu'un cauchemar, souffla-t-il avant de se lover contre le corps endormi de son amant et de clore ses paupières. Juste un cauchemar. »
Une silhouette pénétra dans la pièce lorsqu'il eut retrouvé les bras accueillant de Morphée. De larges ailes de papillon battaient à toute vitesse dans son dos et ses graines de pavot tombaient sur le sol de la pièce à chaque fois qu'elle faisait un mouvement. Elle se faufila dans la pièce silencieuse et récupéra la flûte décorée de plusieurs microscopiques pierres précieuses au milieu d'un patchwork de tissus noirs. Elle esquissa un sourire amusé avant de porter l'instrument à ses lèvres pour jouer cette mélodie étrangement familière.
bonjour tout le monde !
ça faisait longtemps que je n'avais pas publié une histoire sur bts ici. parce mihi me prend beaucoup de temps et j'aime beaucoup l'écrire donc je vous avoue principalement mon concentrer sur cette histoire. je dois vous avouer que la nanowrimo m'a permis de m'avancer et j'espère pouvoir écrire environ 6 chapitres entiers (j'aurais juste besoin de les corriger à la fin du mois)
mais ma fiction principale ne m'empêche pas de participer à quelques projets et cet OS a été écrit pour le recueil le collectionneur que vous pouvez retrouver sur le compte de POTAEMAA. n'hésitez pas à aller faire un tour sur son compte pour lire ce qu'elle fait :)
je n'ai pas beaucoup de chose à dire sur cet os. je l'aime bien. il a été assez compliqué à écrire parce que je ne suis pas très douée pour écrire de l'angoisse ou de l'horreur. j'aime les histoires où il ne se passe rien :')
j'espère que vous avez apprécié votre lecture !
n'hésitez pas à me donner votre avis :)
à bientôt !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro