Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

AT THE MOON NIGHT (OUR ROADS WILL CROSS AGAIN)



gfriend

tranche de vie

trigger warnings : aucun




« Promettez-moi qu'on se retrouvera à chaque Lune Bleue. Même si on se perd de vue, même si on se dispute, retrouvons-nous toujours à la lumière de cette lune magique. »

Nous nous étions fait cette promesse toute simple lors d'une nuit où la Lune Bleue éclipsait les réminiscences du Soleil. Nous ne savions pas encore qu'elle maintiendrait notre amitié et qu'elle nous ramènerait toutes les six dans ce passé où tout était si simple.





163 jours avant la prochaine Lune Bleue



« Ne t'inquiète pas pour moi maman, assura Hwang Eunbi aux intonations anxieuses de l'autre côté du combiné. »


Le téléphone coincé entre sa joue et son épaule, la jeune femme se battait pour retirer ses chaussures. Elle adorait sa mère - c'était une personne merveilleuse qui avait tout mis en œuvre pour rendre sa fille unique heureuse - mais elle avait le chic pour l'appeler aux pires moments. Elle se rappelait encore ce jour où elle avait failli mettre le feu à son appartement étudiant parce que sa mère lui avait passé un de ces fameux petits coups de fil qui s'éternisait. Elle avait tenté de cuisiner un plat mangeable lorsque son téléphone avait sonné et la conversation lui avait fait oublier les aliments qui cuisaient dans sa casserole. Jamais Eunbi n'avait eu aussi peur.


Si elle avait d'abord pensé qu'aucun appel ne pourrait être pire que celui qui avait failli lui coûter son logement, la jeune femme oubliait trop souvent sa maladresse habituelle qui apparaissait toujours aux pires instants. Cette dernière se mariait si bien avec la position inconfortable qu'elle était obligée de prendre pour conserver l'appareil à portée de son oreille qu'elle finit par en perdre l'équilibre. Eunbi tomba dans son entrée et son portable rencontra le plancher dans un son peu rassurant. Le bruit soudain inquiéta encore plus sa mère dont les mots se discernaient malgré la distance qui la séparait du combiné. La jeune femme s'empressa de récupérer le téléphone, soupira de soulagement en remarquant l'écran intact, et mit sa mère en haut-parleur avant de s'affairer à dénouer ses lacets.


« Tout va bien, tenta-t-elle de la rassurer. Je suis juste tombée.

- Comment ça juste tombée ? sa voix partait dans les aigus. Tu ne t'es pas fait mal au moins ?

- Je vais bien, répéta-t-elle. J'aurais peut-être un bleu demain. Rien de plus. »


La voix de l'autre côté du combiné continua son flot de paroles alors que la jeune adulte s'activait pour retirer ses chaussures. Elle parlait des ragots du quartier dans lequel Eunbi avait grandi : la femme de Mr. Kim avait découvert sa liaison avec la restauratrice du coin de la rue, des taupes avaient ravagé le potager de cette pauvre Mme. Park, Mme. Choi n'avait pas eu le moindre signe de vie de sa fille depuis deux jours et cela lui avait donné envie de l'appeler... La liste était encore longue, mais Eunbi décida d'apporter une oreille distraite aux mots de sa mère. Elle entendit quelques commentaires sur sa maladresse et de nombreuses plaintes au sujet des travaux dans la rue. La jeune femme se contenta de la laisser raconter toutes ces choses qu'elle avait tant envie de lui dire. Cela faisait des années que sa mère parlait en continu et Eunbi savait qu'elle avait juste à attendre qu'elle se taise ou lui pose une question.


« Tu as pu parler à Yuna récemment ? »


C'était la question qu'elle attendait pour pouvoir articuler un nouveau mot et elle n'avait aucune réponse à lui apporter. Choi Yuna et elle s'étaient rencontrées parce que leurs mères faisaient partie du même club de littérature. Elles avaient été des amies inséparables. Mais les choses avaient changé et elles s'étaient perdu de vue quelques années après le lycée. Eunbi ne pouvait pas parler de tout ça à sa mère. Elle lui demanderait des informations qu'elle n'avait pas le courage ou l'envie de lui donner. Elle ne pouvait pas lui raconter les raisons qui avaient mis de la distance entre les deux enfants qu'elles avaient été. Alors Eunbi fit ce qu'elle savait le mieux faire lorsque sa mère lui demandait des nouvelles de ses amies : mentir.


« Non maman. Yuna est très occupée en ce moment et on n'a pas eu le temps de se voir.

- C'est dommage, commenta son interlocutrice d'une voix chagrinée. C'est une gentille fille. Vous étiez si mignonnes petites. Tu te souviens de cette fois où... »


Le moulin à paroles reprit de plus belle et personne n'aurait pu l'arrêter. Eunbi n'avait pas le courage de couper l'enthousiasme de sa mère alors elle resta silencieuse et l'écouta débiter un nombre de mots impressionnant. Les louanges et les mérites de Yuna furent chantés durant plusieurs longues minutes aux oreilles de la jeune adulte qui se traîna jusqu'au canapé pour s'y laisser tomber. Yuna et elle ne s'étaient pas adressé la parole depuis plusieurs mois et c'était bizarre d'entendre parler de sa meilleure amie par le biais de sa mère. Eunbi ignorait si son amie d'enfance se portait bien ou ce qu'elle pouvait bien faire pour occuper ses journées. S'ennuyait-elle ? Profitait-elle des paysages de campagne pour apposer de la couleur sur ses toiles ? Avait-elle trouvé le grand amour dont elle rêvait tant enfant ? Eunbi ignorait tout ça. Les deux jeunes adultes n'avaient pas cherché à reprendre contact depuis la dernière Lune Bleue. La centaine de kilomètres qui les séparait avait eu raison de cette amitié qu'elles avaient longtemps cru impérissable. Eunbi se sentait parfois triste à cette constatation mais elle s'en remettait vite. Le temps changeait les choses et elle s'était fait une raison.


« Ton père vient de rentrer, entendit-elle. Il faut que je te laisse. Je t'aime fort.

- Je t'aime aussi maman, avoua-t-elle avec un sourire. N'oublie pas de dire bonjour à papa de ma part. »


Les tonalités de son téléphone la ramenèrent à son habituelle solitude. Son appartement plongeait dans un silence que seuls sa respiration régulière et ses soupirs ennuyés interrompaient. Eunbi ne s'avouerait jamais que les coups de fil à rallonge de sa mère apportaient un semblant de gaieté et d'animation dans ses journées identiques. Ils occupaient son temps et l'empêchaient de tourner en rond. Il lui arrivait parfois de se comparer aux deux poissons rouges qui se coursaient dans le bocal abandonné sur son plan de travail. Il arrivait à la jeune femme de les observer durant de longues minutes sans rien faire d'autres. Elle aurait pourtant pu sortir de sa routine morose et accepter cette invitation à manger au restaurant qu'une collègue lui proposait depuis plusieurs mois. Elle n'en avait aucune envie. Elle se complaisait dans ses journées ennuyantes.


Alors que son esprit s'éloignait du monde réel pour combler son absence d'activité, une sonnerie aussi stridente que désagréable retentit dans la pièce où elle regardait le temps s'écouler. Les sourcils froncés dans une moue méfiante, la jeune femme se redressa avec lenteur et jeta une œillade à sa porte. Le judas sur la planche en bois vernis l'observait et jugeait son inactivité. Elle n'attendait personne. Elle n'attendait jamais personne. Rares étaient ceux qui connaissaient son adresse et ils étaient encore moins nombreux à oser la déranger durant ces longues heures où elle ne faisait rien. Eunbi traîna des pieds jusqu'à sa porte et découvrit un visage familier à travers le judas. Le froncement de ses sourcils s'accentua alors qu'elle reconnaissait la personne qui se trouvait sur le pas de sa porte : Yerin. Ces longs cheveux noirs qui encadraient ses traits doux, cette frange qui chatouillait ses sourcils droits et ces yeux si expressifs qui la transformaient en un livre ouvert ne pouvaient pas appartenir à quelqu'un d'autre.


Eunbi ignorait si elle était heureuse ou non de voir cette amie qu'elle n'avait pas croisée depuis plusieurs mois. Elles n'avaient échangé aucun mot depuis la dernière Lune Bleue et elles n'avaient pas prévu de se reparler avant la prochaine. Leurs seules interactions se résumaient à quelques likes sur Instagram et cela leur convenait. Cette envie de se revoir pour un événement aussi rare que particulier que la Lune Bleue était une promesse tacite qu'elles avaient toutes décidé de maintenir. Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi se revoir alors qu'un peu moins de deux cents jours les séparait de leur prochaine rencontre ? Poussée par sa curiosité, Eunbi appuya sur la poignée pour faire pivoter le battant en bois.


« Bonjour Eunbi, bredouilla son amie.

- Bonjour, hésita-t-elle.

- Est-ce que je te dérange ? »


Que répondre à cette question ? Eunbi ne pouvait pas affirmer que son amie la dérangeait mais elle ne savait pas si elle se sentait apte à partager une véritable discussion avec elle. Elle aurait pu la renvoyer chez elle en prétextant une importante soirée avec une personne imaginaire ou tout simplement lui claquer la porte au nez en affirmant qu'elles auraient tout le loisir de discuter lors de la prochaine Lune Bleue. Elle ne le ferait pas. Jung Yerin faisait partie de ses plus proches amies et elle ne comptait pas l'abandonner comme une vieille chaussette alors qu'elle se balançait d'un pied sur l'autre sur le pas de sa porte.


« Pas vraiment, avoua-t-elle. Entre. »


Un sourire timide étira les lèvres de la jeune femme qui franchit le seuil de la porte. Ses yeux sombres analysèrent l'appartement alors que ses lèvres articulaient un compliment sur la décoration de celui-ci. Son amie d'enfance partageait son malaise et Eunbi ne put s'empêcher de se sentir soulagée. Elle ne savait pas trop où se mettre et comment réagir. Elle se contenta de l'observer retirer ses chaussures d'un simple mouvement de pied, se demanda pourquoi les siennes n'étaient pas aussi simple à retirer, et l'entraîna dans la pièce principale de son logement.


« Tu peux t'asseoir sur le canapé, lui indiqua-t-elle d'un mouvement de la main. Tu veux boire quelque chose ?

- Un café ?

- Je te fais ça tout de suite. »


Il planait dans l'appartement une quiétude presque désagréable. Eunbi appréciait le silence plus que tout au monde, mais elle aurait pu donner une petite somme d'argent pour trouver un sujet de conversation qui aurait pu effacer ce malaise persistant qu'elle ressentait. Pourquoi était-ce si complexe de briser la glace ? Alors qu'elle s'affairait à préparer deux boissons chaudes derrière son plan de travail, Eunbi chercha quelque chose à dire pour briser le silence.


« Tu n'as pas eu trop de problèmes pour venir avec la pluie ? »


A peine eut-elle prononcé cette question que la jeune femme leva les yeux au ciel. Elle en était rendue au point où aborder les conditions météorologiques ne lui avait pas semblé stupide. Yerin répondit avec politesse et évoqua sa chance d'avoir échappé aux averses toute la journée. Elles continuèrent de parler de la pluie et du beau temps durant quelques minutes et Eunbi se détestait d'avoir abordé un sujet aussi peu personnel. Elles discutaient comme de vagues connaissances et non comme les amies de longues dates qu'elles avaient toujours été. La machine à café termina de cracher la boisson brune et mit fin à cette discussion peu intéressante.


« Attention, prévint Eunbi en tendant une tasse fumante à son amie. C'est très chaud.

- Merci. »


Le silence revint entre les deux jeunes adultes et Eunbi eut tout le loisir d'observer son amie. Ses doigts fins s'enroulaient autour de la céramique chaude et le contour de ses ongles paraissait plus abîmé que jamais. Elle ne s'était pas encore débarrassé de sa mauvaise habitude de se ronger les ongles jusqu'au sang. Son visage était tiré par les nombreuses heures passées à entretenir des conversations stériles avec des collègues dont l'appréciation dépendait de ses humeurs. Un fin sourire étirait ses lèvres alors qu'elle inspirait la fumée s'échappant de la boisson chaude et humait l'odeur corsée qui s'en échappait. Yerin paraissait un peu moins agitée que lorsque la jeune femme lui avait ouvert sa porte.


« Tes cafés sentent toujours aussi bon, remarqua Yerin en lui adressant un sourire amical.

- Ma mère m'a transmis son obsession pour les cafés, commenta-t-elle. Je les fais juste un peu moins corsé parce que je tiens à mon palais.

- Elle disait comment déjà ? s'amusa son amie. Un café léger ne t'apportera pas la moindre énergie, imita-t-elle sur un ton solennel. Et Eunji ! Lâche-moi tout de suite cette cafetière ! Tu vas encore te brûler ! »


Les deux rires se mêlèrent pour se transformer en une mélodie délicieuse aux oreilles d'Eunbi. Le malaise ne se dissipait pas aussi vite qu'elle ne l'aurait voulu, mais il commençait à s'effacer à l'évocation de ces vieux souvenirs qu'elles avaient partagés. Elles burent leurs boissons chaudes sans aborder une seule fois la raison de la venue de Yerin et échangèrent quelques blagues nostalgiques sur leur enfance : la chute mémorable d'Eunbi lors du premier jour d'école primaire, la façon de Yerin parvenait toujours à leur éviter les situations désastreuses que les idées des autres entraînaient, les nuits blanches à regarder des films d'horreur ou à pleurer devant des dramas... Elles avaient vécu tant de choses toutes les six.


Puis vint le moment où il ne resta plus une seule goutte dans leurs deux tasses. Des sourires mélancoliques éclairaient leurs traits et elles paraissaient plus détendues. Eunbi sentait que les raisons de la venue de son amie d'enfance allaient être révélées et elle avait hâte de les connaître. Elle avait l'impression d'être revenue cette enfant impatiente qu'elle avait jadis été ; cette enfant dont la curiosité sans fin l'avait mis dans des situations embarrassantes. Devait-elle aborder le sujet au risque de détruire l'ambiance détendue qui régnait dans son appartement ? Ou devait-elle ignorer cette envie d'en savoir plus et de laisser son amie aborder le sujet lorsqu'elle serait prête ?


« Pourquoi tu es venue ? finit par demander Eunbi en déposant sa tasse vide sur la table basse. »


La mélancolie effaça les traits joyeux de son visage et elle adressa un sourire plus timide à son amie. Eunbi l'observa fouiller dans les poches de sa veste à la recherche de cet objet qui l'avait poussé à venir chez elle. Ses mains trahissaient son impatience en tapotant un rythme imaginaire sur ses genoux. Que pouvait bien cacher Yerin dans sa veste ? Eunbi laissa son cerveau formuler une centaine de suppositions mais aucune ne fut avérée. Son amie extirpa de ses poches un vieil appareil électronique noir qu'elle aurait pu reconnaître entre mille. Six touches étaient surplombées d'un étui pour cassette, un micro minuscule avait été fixé à l'adhésif et un haut-parleur permettait à un son déjà mauvais pour l'époque de s'échapper.


« Tu as retrouvé le magnétophone ? s'étonna-t-elle.

- Il était dans un carton chez moi, avoua Yerin. Je me suis sentie très seule en le retrouvant et j'avais besoin de vous voir. »


Le magnétophone. Eunbi en avait presque oublié l'existence. Elle se rappelait pourtant le jour où, avec ses amies, elles l'avaient retrouvé dans un carton de vieilleries dans la maison des parents de Yerin. Le petit appareil les avait accompagnés à chacune de leurs aventures et il avait figé le son de ces petits moments de vie qu'elles avaient vécu. Des cassettes de souvenirs s'étaient entassées au fond de cartons qu'elles s'étaient promis de découvrir plusieurs années plus tard.


« J'étais persuadée que c'était la Eunha qui l'avait, remarqua-t-elle.

- Moi aussi, avoua Yerin. Je pensais qu'elle l'avait gardé avec elle.

- Il fonctionne encore ? »


Les doigts abîmés de Yerin pressèrent une touche et la bande de la cassette défila. Leurs voix jeunes et leurs rires joueurs s'élevèrent dans la pièce. Le son grésillait un peu et il était peu agréable aux oreilles. Eunbi s'en fichait. Elle reconnaissait encore la façon dont chacune de ses amies d'enfance s'exprimait. A mesure que le souvenir défilait, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Le souvenir narrait une de leur nombreuse excursion en forêt. Elles partaient souvent à l'aventure ensemble et Eunbi se souvenait qu'elle revenait toujours avec les genoux écorchés et les cheveux en bataille. Sa mère avait toujours détesté ça, mais elle s'amusait tellement avec ses amies que rien n'aurait pu lui faire manquer un seul de ses instants.


« Attention Eunbi ! cria une voix qu'elle reconnut comme celle de Yuna. Il y a des racines devant nous.

- Pourquoi on prend toujours les chemins avec les racines ? s'entendit-elle se plaindre. Vous voulez ma mort ! Avouez-le ! »


L'amusement des adolescentes se répandit dans la pièce et Eunbi sentit un mélange de mélancolie et de joie arriver comme un tsunami. Des larmes roulaient sur ses joues mais elle ne parvenait pas à se défaire de ce sourire qui étirait ses lèvres. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas ressenti quelque chose comme ça. Son ennui s'était éclipsé pour laisser place à cet ensemble d'émotions.





126 jours avant la prochaine Lune Bleue



Les conversations fusaient autour de l'immense table dressée avec soin. Entre les débats politiques où personne ne changerait d'avis et les interminables discussions autour des occupations de chacun, Sojung se contentait de repousser la nourriture au bord de son assiette du bout de sa fenêtre. Elle répondait parfois aux interrogations de ses voisins de table sans grand enthousiasme avant de se replonger dans ses pensées. Les réceptions mondaines l'ennuyaient à mourir. Toutes se ressemblaient et aucune ne se démarquait des autres. Sojung aurait tout donné pour passer la nuit avec un amant médiocre ou pour regarder une série qu'elle avait déjà vu une dizaine de fois au creux de son lit. Tout était plus intéressant que les contrats où les zéros s'alignaient de Mr. Park ou des exploits d'avocat de Mr. Kim. Les sujets avaient cette fâcheuse tendance à tourner en rond et les plus puissants se jetaient des fleurs à l'infini.


Pourquoi avait-elle accepté d'accompagner ses parents à une énième réception ? Avait-elle été naïve au point de croire que son envie d'assassiner son voisin - celui qui mangeait la bouche ouverte et dont les yeux ne quittaient jamais son décolleté - se dissiperait en mangeant des petits fours ? Ses yeux sombres se plantèrent dans ceux de ce garçon impoli et elle planta sa fourchette dans un morceau de viande avec une violence qui la surprit. Elle jubila à la simple vue de l'expression terrorisée du jeune adulte en costume trop court et se satisfit de son regard fuyant. Un gloussement discret parvint à ses oreilles et attira son attention. La personne à laquelle le rire avait échappé se trouvait à quelques places de l'énergumène terrifié et elle esquissait un sourire malicieux. Ses cheveux tombaient en un carré parfait autour de son visage élégant, ses yeux rieurs disparaissaient avec ses sourires et la rendaient plus sympathique que la plupart des personnes dans la pièce, et son rictus dévoilait deux adorables fossettes que beaucoup enviaient. Sojung était ravie de la présence de Eunji à cette réception. Elles allaient pouvoir trouver une excuse pour se soustraire à l'ambiance pompeuse de l'après-repas.


La jeune femme adressa un clin d'œil malicieux à sa seule alliée et amie autour de cette table trop grande. Eunji et elle se connaissaient depuis longtemps. Elles se connaissaient bien avant leur premier jour d'école dans des établissements éloignés. Elles étaient ces amies qui n'avaient presque aucune interaction en dehors de ses événements mondains. Sojung n'avait pas besoin de plus. Ses proches ne se résumaient pas aux enfants des connaissances fortunées de ses parents, mais il était toujours agréable d'avoir quelqu'un avec qui discuter et rire lors de ces longues soirées.


« Excusez-moi, prononça-t-elle sur le bout des lèvres en se redressant. Je vais prendre l'air. »


Sojung avait articulé ces mots par pure politesse. Personne ne s'écoutait vraiment autour de cette table. Elle lissa le tissu en satin de sa robe pour en chasser des miettes imaginaires, récupéra sa veste sur le dossier de sa chaise et se dirigea vers le balcon. L'air frais et les lumières nocturnes de la capitale sud-coréenne l'accueillirent dès qu'elle posa un pied à l'extérieur de l'appartement. La vue des buildings les plus hauts de la capitale était saisissante et donnait un sentiment de puissance à tous ceux qui se tenaient à sa place. Les êtres humains qui se pressaient sur le trottoir ressemblaient à des fourmis ; grouillantes, organisées et minuscules. Sojung comprenait parfois l'obsession et le plaisir des puissants à dominer les autres en haut de leur tour de bitume. C'était grisant de se trouver à cet endroit que peu de personnes foulaient. Elle avait presque l'impression qu'elle pourrait toucher le ciel en tendant le bras. Ses yeux sombres étaient rivés sur les nuages alors qu'elle extirpait un paquet de cigarettes de sa veste. La jeune femme recherchait les étoiles et les constellations que la pollution lumineuse n'avait pas avalées. Les lampadaires, néons et autres écrans géants brillaient tant que le ciel devenait bien triste.


Sojung imaginait parfois les silhouettes de ses amies d'enfance observer la même étendue sombre qu'elle. Elles étaient dispersées à travers le pays mais le ciel restait bien cette constante dans leurs six vies. La lune la renvoyait aux instants naïfs où elles s'étaient promis de toujours rester proches. Elle se demandait souvent ce que les autres devenaient ces derniers mois. Etaient-elles heureuses ? Avaient-elles trouvé leur moitié ? Pensaient-elles encore à leurs joyeuses années passées ensemble ? Regrettaient-elles leurs disputes idiotes, leurs conversations au coin du feu et leurs rires communicatifs ? Ces questions restaient sans réponse dans un coin de son esprit. Elle n'osait même pas y répondre. A quoi bon ? Elles se reverraient dans quelques mois et partageraient quelques heures où les conversations auront du mal à se créer avant de se séparer jusqu'à leur prochain rendez-vous sous la Lune Bleue.


« Le ciel manque encore d'étoiles ce soir, remarqua une voix féminine dans son dos.

- Qui aurait besoin d'étoiles alors que tu les éclipses toutes, blagua-t-elle en se retournant. »


Un ricanement mélodieux s'échappa des lèvres de la jeune femme qui l'avait rejointe sur le balcon. Kim Eunji était éblouissante dans sa robe en soie émeraude que personne d'autre n'aurait pu porter. Elle mettait ses longues jambes en valeur et sublimait sa peau parsemée de grains de beauté. Sojung avait souvent jalousé les nombreux centimètres qui séparaient leurs tailles. Tout le monde se sentait minuscule lorsqu'une personne de la famille Kim se trouvait dans la pièce. Elle n'était pourtant pas si petite que ça ! Une flamme dansant dans son champ de vision la ramena à la réalité. Sa camarade de crime s'était approchée et elle avait fait glisser son pouce sur la roulette d'un briquet.


« Merci, souffla-t-elle en plongeant sa cigarette dans la flamme pour l'allumer.

- Tu ne devais pas arrêter ? l'interrogea Eunji lorsqu'elle porta le bâton de nicotine à ses lèvres. »


Cela faisait plusieurs années que Sojung annonçait à chacune de ses connaissances qu'elle ne toucherait plus à la moindre cigarette. Elle posa ses yeux sombres sur l'extrémité fumante du bâton avant de la porter à ses lèvres pour inhaler ce poison volatile. Elle prononçait toujours les mêmes résolutions qu'elle ne tenait pas à la nouvelle année et arrêter de fumer n'était qu'une ligne parmi elles. Sojung n'avait jamais eu le courage ou l'envie de commencer les démarches pour se débarrasser de cette addiction. Les années s'étaient écoulées et elle avait fini par abandonner l'idée. Un sourire décorant ses lèvres, la jeune femme offrit un simple haussement d'épaule en guise de réponse à son amie. Cette dernière ne put retenir le soupir qui s'échappa de ses lèvres alors qu'elle s'appuyait contre la rambarde du balcon.


« Séoul ne te parait pas minuscule ? lui demanda Eunji sans quitter le paysage du regard.

- Plus ou moins, avoua-t-elle. Même si on voit presque toute la ville depuis cet immeuble, les lampadaires s'étendent presque à l'infini.

- Tu parles comme mon frère. »


Cette réflexion sonna comme un compliment aux oreilles de Sojung. Le frère de son amie était une personne brillante qui se distinguait par une si grande maladresse qu'elle en devenait attendrissante et par un humour peu subtil mais toujours efficace pour redonner le sourire. Elle n'aurait pas pu rêver d'une comparaison plus flatteuse que celle-ci. Sojung chassa le compliment d'un geste de la main avant de poser ses avant-bras sur la barrière. Sa cigarette se consumait, créant de petits nuages grisonnant dans l'air nocturne, alors qu'elle se laissait emporter dans une conversation sans queue ni tête avec Eunji. Elles parlèrent durant plusieurs heures et oublièrent l'existence de cet événement mondain à l'intérieur de l'immense appartement. Elles abordèrent des souvenirs d'enfance, discutèrent de leurs relations amoureuses - Eunji lui apprit qu'elle était dans une relation sérieuse mais que son petit-ami n'aimait pas trop se présenter aux repas comme celui-ci et Sojung exprima son bonheur d'être célibataire - et annoncèrent leurs ambitions. Sojung n'avait plus aucune envie de quitter la terrasse et la présence rassurante de son amie. Elles voulaient encore profiter de l'air frais de la nuit et de ces divagations attendrissantes. Puis ils n'avaient pas besoin d'elles à l'intérieur. Ils pouvaient continuer de discuter de toutes ces choses sérieuses qui ennuyaient tant Sojung. Ils finiraient même par les oublier sur le balcon alors qu'une nouvelle cigarette se consumait et disparaissait dans une fumée grise dans le ciel.





103 jours avant la prochaine Lune Bleue



A perte de vue s'étendait une plaine dans laquelle des pétales multicolores explosaient aux rétines de passants ravis. Quelques-uns s'arrêtaient pour prendre des photos du paysage coloré, d'autres posaient leurs prunelles sur les pommiers majestueux desquels on pouvait deviner l'arrivée prochaine de fruits sucrés. Les arbres étaient massifs et leurs racines se dressaient autour des troncs pour former une barrière protectrice. Cette dernière n'avait pourtant pas empêché Yuna de s'aventurer aux pieds des arbres fruitiers. Assise contre un tronc noueux, les yeux clos alors qu'un carnet plein de croquis reposait sur ses cuisses, elle appréciait le contact de l'air frais contre la peau sensible de son visage. Des odeurs de fleurs, de fruits et de sèves se mêlaient pour former ce parfum qui avait marqué son enfance. L'effervescence de la ville lui avait fait oublier la possibilité de respirer un air sain qui ne sentait pas la pollution ou la sueur des transports en commun. Jamais elle n'avait autant apprécié des vacances éloignées de tout ce qu'elle connaissait. Elle avait même abandonné son téléphone dans une poche de son sac à dos et n'avait pas pensé une seule fois à le récupérer.


Cela faisait bien longtemps que Yuna avait perdu la notion du temps. Elle se souvenait avoir marché plusieurs kilomètres à l'aube avant d'atteindre les pommiers. Elle s'était imprégnée toute la journée de ces petites choses qui rendaient la nature si belle pour les croquer dans son carnet. Oiseaux, petits animaux sauvages, fleurs et êtres humains en expédition remplissaient les pages. Yuna avait abandonné son crayon lorsque son estomac s'était manifesté par des grondements sourds. Elle avait mangé un sandwich triangle puis avait repris ses dessins. Les minutes s'étaient écoulées et transformées en heure sans qu'elle ne s'en rende compte.


Un sublime ciel nocturne à mesure que ses paupières se soulevaient et la lune l'accueillit de ses rayons froids comme une vieille amie. Le monde paraissait identique et pourtant si différent. Les couleurs n'étaient plus tout à fait les mêmes, les hululements des chouettes avaient remplacé les chants des oiseaux diurnes et les ombres se faisaient plus angoissantes. Yuna aurait pu rester encore quelques heures pour observer et dessiner ce nouveau paysage si les imperceptibles tremblements de son corps ne lui avaient pas intimé de regagner sa location. Elle glissa ses affaires dans son sac à dos, récupéra son téléphone portable et reprit la route qu'elle avait empruntée dans la matinée. Elle éclairait de sa lampe torche ses pieds pour essayer de ne pas perdre l'équilibre à cause d'une racine ou d'une pierre qu'elle n'aurait pas vu dans l'obscurité. Elle n'avait pu Eunbi à ses côtés pour lui indiquer par ses glissades et couinements terrifiés les chemins les plus dangereux. Ces joyeux souvenirs d'aventure dans les bois l'accompagnèrent jusqu'à ce que les premiers éclairages de la ville ne remplacent l'obscurité et que les premières maisons se dessinent dans son champ de vision.


Choi Yuna avait grandi dans une petite ville comme celle-ci. Les maisons des quartiers résidentiels se ressemblaient toutes et elles abritaient des tas de personnes qui connaissaient tous les ragots du coin. On savait toujours quelles étaient les relations extraconjugales, les futures naissances et les scandales sans intérêts dans des rues comme celle-là. Des enfants profitaient des vacances scolaires pour veiller devant un film à la télévision ou pour rire avec leurs copains dans les jardins. Yuna recevait tous les jours des sourires rayonnants et incomplets de leur part. Ils étaient tous adorables et lui rappelaient cette petite fille qu'elle avait jadis été. Ses amies et elles se donnaient souvent rendez-vous dans le jardin de ses parents et elles s'inventaient des histoires à dormir debout. Elle se souvenait encore des chuchotements de Eunha alors qu'elle contait pour la énième fois une fable terrifiante, des blagues maladroites de Yewon, des guimauves que Sojung camouflaient dans sa veste dans l'espoir d'en brûler quelques-unes dans un feu de camp, des maladresses attendrissantes de Eunbi, du réconfort que Yerin leur apportait dès qu'elles ne se sentaient pas bien et de ses rires heureux alors qu'elles passaient du temps toute ensemble. Ces instants lui manquaient parfois. Puis elles se rappelaient toujours que la Lune Bleue approchait, qu'elles pourraient se revoir pour rattraper le temps perdu mais que certaines choses ne pourraient plus jamais être les mêmes. Sans Eunha rien n'était pareil et elles avaient beau faire semblant, elles en avaient toutes conscience.


« Mademoiselle Choi ! »


Une voix enrouée par de nombreuses années passées sur cette planète l'interpella alors qu'elle s'approchait de sa maison de vacances. La jeune adulte se redressa et adressa un sourire poli à une grand-mère du quartier. Ses cheveux gris bouclaient sous son bob coloré, des lunettes de vue aux branches criardes glissaient sur son nez et ses vêtements aussi anciens que dépareillés ne faisaient qu'accentuer sa sympathie apparente. Elle l'invita à la rejoindre d'un simple mouvement de la main et Yuna hésita quelques secondes. Elle avait envie de retrouver le confort de sa location et la chaleur protectrice de sa couette. Mais elle n'avait pas envie de décevoir cette grand-mère adorable qui l'avait accueilli à bras ouvert dès son premier jour de vacances comme si elle était sa petite fille.


« Bonjour Madame Park, la salua-t-elle en faisant quelques pas dans sa direction. Que puis-je faire pour vous ? »


A peine eut-elle articulé cette question qu'une main s'enroula autour de son poignet et que son corps fut entraîné dans le sillage de la vieille femme. Elle parlait à toute vitesse, expliquait qu'elle avait préparé trop de nourriture pour un seul repas, affirmait qu'elle ne voulait rien laisser perdre. Yuna l'écoutait d'une oreille distraite. Elle se concentrait uniquement sur les endroits où ses pieds se posaient. Mme. Park marchait drôlement vite pour une mamie et la jeune femme refusait de se casser un membre alors qu'elle profitait encore des vacances.


Les éclats froids de la lune s'estompèrent à mesure qu'elle pénétrait dans la maison de la vieille femme. Ils furent remplacés par la lumière chaude et tamisée des ampoules qui illuminaient les motifs fleuris de la tapisserie. Des photographies étaient maintenues sur le mur par des clous et affichaient les visages souriants de la famille de son hôte. Yuna les observa alors qu'elle se déchaussait. Ils avaient l'air heureux et leur présence apportait une nouvelle touche de chaleur à cette habitation déjà accueillante. La jeune adulte eut l'impression de se retrouver chez ses grands-parents. Ils possédaient le même type de maison et ils aimaient plus que tout afficher les visages souriant de leurs enfants et petits-enfants sur tous les murs. Elle avait l'impression d'être de retour chez elle.


« Vous avez préparé quoi de bon ? l'interrogea Yuna alors que son hôte disparaissait derrière la porte de la cuisine.

- Pas grand chose, répondit-elle lorsque la jeune femme l'eut rejointe. »


S'il y avait bien une phrase que Yuna n'aurait pas utilisée pour décrire ce qu'elle avait sous les yeux, c'était ceux-là. Pas grand chose. Sur la table de la cuisine se trouvait assez de nourritures pour remplir l'estomac d'un régiment entier : bibimbaps, japchae, kimchi, pajeon, poulet et hotteok recouvraient le meuble. Yuna n'était même pas certaine de trouver une place où poser ses couverts au milieu de toute cette nourriture. Mme. Park avait dû passer sa journée à cuisiner et attendre son retour pour partager un repas avec une personne avec laquelle elle pourrait parler de longues heures. La solitude accompagnait ses journées et Yuna était ravie de pouvoir l'en séparer pour un court instant.





75 jours avant la prochaine Lune Bleue



Les néons colorés du bar dansaient dans les prunelles sombres de Kim Yewon. Une pinte de bière aromatisée dans sa main droite, elle observait les êtres humains s'enthousiasmer ou s'énerver à chaque action du match de baseball retransmis à la télévision. On trinquait à mesure que les points défilaient, on payait des tournées dès qu'un pari se perdait quelque part dans l'établissement, on acclamait tous les home runs par des sifflements impressionnés, et on insultait de façon très imagée tous les adversaires qui avaient le malheur de faire gagner des points à leur équipe. Yewon aurait habituellement trouvé toutes ces réactions fascinantes et elle aurait passé sa soirée entière à les étudier. Mais ce soir-là était une exception. Elle ne pouvait pas alimenter sa fascination pour les réactions humaines alors que son meilleur ami enchaînait les verres d'alcool pour noyer sa rupture.


Yewon analysaient les actions de Jeon Kihyun depuis le comptoir. Elle se tenait prête à bondir à sa rescousse dès le moindre signe de désespoir ou de perte de contrôle. Cela faisait plusieurs minutes qu'il discutait et riait avec deux inconnus. Ils échangeaient probablement sur le sport. Kihyun avait la fâcheuse tendance à flirter avec tout le monde dès qu'il buvait un peu trop. Elle ne rencontrait aucune difficulté à imaginer les promesses alcoolisées qu'il adressait aux deux hommes. Ils l'ignoraient et continuaient à parler de sport. La jeune femme ne pouvait cependant pas empêcher ce soupçon de culpabilité la ronger. Jamais elle n'aurait dû accepter de l'accompagner dans un bar. Son copain venait de le larguer par texto comme s'il n'était rien d'autre qu'une vulgaire chaussette trouée et elle n'avait pas osé lui refuser une escapade dans un bar pour noyer son chagrin. Ils auraient très bien pu faire ça dans son appartement. Ils auraient pu commander une pizza, regarder un film mauvais et insulter l'ancien compagnon de Kihyun tout en enchaînant les gorgées de soju. Cela lui aurait évité les regrets et la gueule de bois du lendemain matin.


La jeune adulte savait pourtant gérer les ruptures de ses amis. Cela faisait plusieurs années que certains lui avaient attribué le surnom de confidente des cœurs brisés. Elle s'en amusait parfois. Elle se souvenait encore des nombreuses ruptures de Sojung qui clamait que tous les hommes étaient des salops et qu'elle ne retournerait jamais dans leurs bras. Cette situation était arrivée tant que fois qu'elle avait cessé de les compter. Kihyun partageait ce trait de caractère avec son amie d'enfance. Il s'attachait trop facilement et il cherchait à oublier chaque rupture par des réactions exagérément humaines.


« Je ne servirai plus un seul verre à votre copain, annonça le barman d'une voix grave.

- Ce n'est pas mon copain, corrigea-t-elle par réflexe en se retournant vers lui, mais merci. Je pense que je vais essayer de le traîner dehors quand j'aurai fini ma bière.

- Si vous avez besoin d'une quelconque aide, prévenez-moi. »


Les sourcils froncés par l'étonnement, Yewon observa le barman s'éloigner vers un autre client avant de reporter son regard sur son meilleur ami. Il agitait les bras dans sa direction et l'invitait à la rejoindre. Son sourire était si large que Yewon aurait pu douter de sa récente rupture. Elle troqua sa moue inquiète par une expression joyeuse et elle se précipita vers la table que Kihyun partageait avec les deux inconnus. Ils l'accueillirent par des exclamations alcoolisées auxquelles elle répondit par une salutation polie. Ils l'entraînèrent aussitôt dans des débats sur les actions du match de baseball. Yewon ne connaissait rien en sport et elle se contentait de répondre par des commentaires évasifs. Le match de baseball se termina alors qu'elle avalait la dernière gorgée de sa bière sucrée.


« Tu veux rentrer ? proposa-t-elle en reposant son verre vide sur la table.

- Je veux bien, avoua Kihyun en lui adressant un sourire discret. Au revoir. »


Les deux inconnus les saluèrent avec une joie exagérée alors que Yewon observait son meilleur ami se redresser avec difficulté. Il fit quelques pas titubants dans sa direction avant qu'elle ne vienne le soutenir en glissant un bras autour de sa taille. Ils mirent plusieurs minutes à quitter l'établissement. Entre les nombreuses personnes qui barraient leur route et la démarche incertaine de Kihyun, ils durent jouer des coudes avant de parvenir à la porte. Lorsque l'air nocturne caressa leur peau, la jeune femme ne put retenir un soupir de soulagement.


« Il fait beau cette nuit, souffla Kihyun en levant les yeux vers le ciel. Tu penses qu'il s'en veut de m'avoir lâché comme ça ? »


Les yeux humides des larmes qu'il avait retenus toute la soirée et la voix dénouée de cette joie factice que l'avait animé lorsqu'ils se trouvaient dans l'effervescence du bar, Kihyun paraissait incapable d'esquisser le moindre sourire. Cela ne faisait que quelques heures qu'ils avaient rompu et son meilleur ami n'était pas prêt à enterrer cette relation de plus de deux ans. Yewon le comprenait. Ils avaient partagé de nombreux souvenirs heureux et ils avaient commencé à prévoir des plans sur le long terme. Combien de fois avait-elle entendu parler de cette envie d'adopter un chien dans un refuge ou de prendre un appartement qu'ils pourraient partager ? Elle ne les comptait même plus tant elles étaient nombreuses. Il avait été plus important que n'importe quelle relation passée pour Kihyun. C'était compliqué pour lui de s'imaginer une vie sans cette personne.


« Il ne le regrette peut-être pas aujourd'hui, répondit-elle en lui adressant un sourire chaleureux. Mais je suis persuadée qu'il le regrettera un jour. Tu es une personne merveilleuse Kihyun et il finira par s'en mordre les doigts.

- Pourquoi les gars avec lesquels je sors ne peuvent pas être plus comme toi ? se plaignit-il en laissant glisser une larme sur la rondeur de sa joue.

- Parce qu'il n'existe qu'une seule personne comme moi, blagua-t-elle et elle fut récompensée par un rire amusé. Allez viens. Rentrons chez moi. »





31 jours avant la prochaine Lune Bleue



Les gratte-ciels de la capitale sud-coréenne se dressaient comme des colosses de béton sur l'autre rive du fleuve Han et leurs reflets dansaient au gré du courant à la surface de cette eau noire. Ils étaient accompagnés par une sublime lune dont la lumière froide combattait celle plus chaude des milliers de lampadaires de la ville. Quelques personnes se trouvaient çà et là ; profitant de l'air frais de la nuit pour promener leur chien ou prendre quelques instants d'euphorie alcoolisée entre amis. Assise en tailleur sur l'herbe à quelques mètres de la berge, Yerin les observait. Ses yeux sombres analysaient les interactions entre ces inconnus qu'elle ne reverrait probablement jamais et ses doigts se refermaient autour du mégaphone dans la poche de sa veste. Il semblait peser une tonne sous sa paume. Les cassettes renfermaient des centaines de souvenirs qu'elles n'avaient pas pu filmer par manque de matériel. Ça arrangeait bien Yerin. Son esprit reconstruisait les lieux et paysages alors que les voix se manifestaient pour relater des conversations passées. La plupart des cassettes n'auraient pas eu grand intérêt pour le commun des mortels. Elles relataient des disputes futiles, des aventures aux alentours de son village natal et des rires enfantins. Rien de tout cela n'était intéressant mais Yerin chérissait ces instants plus que tout. Ils la ramenaient à une époque de sa vie où elle n'avait pas à s'inquiéter d'autre chose que de ses relations avec ses amis.


La jeune femme sortit sa main de la poche de sa veste pour resserrer sa queue-de-cheval et elle inspira cette odeur d'iode qu'elle aimait tant. Elle avait pris l'habitude de passer de longues heures à observer les inconnus qui se mouvaient autour d'elle. Ils occupaient les soirées qu'elle ne passait pas plongée dans des briques de littératures. Cette routine remplissant d'autant plus son temps depuis qu'elle avait retrouvé le magnétophone dans un carton. Elle retenait son envie de presser le bouton play tous les soirs. Il lui arrivait parfois d'avoir envie de se replonger dans ces mêmes souvenirs encore et encore. Ce n'était pas bon pour elle.


« Yerin ! l'interpella une voix enjouée. »


Un sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme qui quitta ses sujets d'observation du regard pour le porter en direction d'une silhouette à quelques mètres. Une femme de son âge agitait un bras au-dessus de sa tête de façon enjouée et elle soulevait un sac de 7-Eleven au-dessus de sa tête avec l'autre. Elle attirait le regard de plusieurs personnes qui s'interrogeaient certainement sur les raisons de la bonne humeur excessive de cette jeune adulte. Yerin adressa un mouvement de la main à son amie. Depuis qu'elles s'étaient retrouvées quelques mois plus tôt, Yerin et Eunbi passaient de nombreuses heures ensemble. Elles se remémoraient les souvenirs joyeux de leur enfance et discutaient autour d'un café de leur ambition future. Elles abordaient parfois la Lune Bleue et l'appréhension des retrouvailles. Eunbi s'inquiétait souvent et Yerin cherchait à la rassurer comme elle le pouvait. Cette soirée n'était pas différente des autres qu'elles passaient ensemble.


« Qu'est-ce que tu as trouvé de beau ? lui demanda-t-elle alors que Eunbi atteignait son niveau.

- Presque rien, sourit-elle. Quelques bières, trois ou quatre bouteilles de soju et beaucoup de poulets. »


De quoi passer une bonne soirée.

Ce fut la phrase qui traversa l'esprit de Yerin alors qu'elle récupérait une canette que son amie lui tendait. La boisson s'ouvrit dans un pschitt sonore, pétilla sur ses papilles lorsqu'elle porta le métal froid à ses lèvres, glissa le long de son œsophage et donna une impression de chaleur qui se répandit dans son corps. La jeune femme plongea sa main dans la boîte de poulet pour avaler un pilon avec appétit. Ça faisait du bien de manger quelque chose de chaud et Yerin savait que la supérette proposait les meilleures cuisses de poulet du quartier. Eunbi en avait aussi eu connaissance et elle avait proposé d'aller chercher à manger dès qu'elles avaient foulé les abords du parc.


« J'ai pas envie de reprendre le boulot, souffla Eunbi en portant la bouteille de soju à ses lèvres. Je vais devoir cravacher pour finir mon dossier et ça va être si long.

- Il te reste beaucoup à faire ?

- Pas vraiment, avoua-t-elle. Je dois juste relire quelques trucs pour savoir si des coquilles se sont glissées dans ce que j'ai écrit. »


Les deux jeunes femmes continuèrent de discuter durant de longues minutes de leurs travails respectifs et échangèrent quelques anecdotes amusantes sur la journée qu'elle venait de passer. Les minutes défilèrent à mesure que la conversation s'éloignait du sujet de base et elles finirent par perdre la notion du temps. Elles partagèrent plusieurs blagues et anecdotes, imaginèrent des vies aux passants qui déambulaient dans le parc et échangèrent des plaintes sur les plus agaçantes de leurs connaissances. Puis Yerin finit par remarquer une silhouette familière au loin. Des cheveux auburn se balançant au rythme de ses pas, un visage symétrique éclairé par la lumière de son téléphone portable et une carrure élancée.

Kim Sojung.

Sa voix revenait souvent dans les enregistrements. Elles avaient partagé tant de souvenirs ensemble, mais elles n'avaient jamais cherché à se retrouver en dehors de ces nuits de Lune Bleue. Yerin ne pouvait cependant pas laisser passer une situation comme celle-ci. Eunbi eut un bref mouvement de recul alors que sa voix articulait les syllabes du prénom de son amie d'enfance. Les pas de cette dernière ralentirent et ses yeux cherchèrent la source de leur voix avant de se poser sur leurs deux silhouettes. Ses prunelles s'écarquillèrent alors qu'elle reconnaissait les traits de leurs visages. Yerin l'invita à la rejoindre d'un geste de la main alors que son amie amorçait quelques pas dans leur direction.


« Bonsoir, les salua Sojung avec politesse.

- Bonsoir, répondirent-elles d'une même voix.

- Qu'est-ce que tu fais dans le coin ? ajouta Yerin en lui tendant une canette de bière.

- Je rentrais chez moi, expliqua-t-elle alors que ses doigts s'enroulaient autour du cylindre froid, et vous ?

- On discute, on boit et on mange du poulet, prononça Eunbi en désignant le sac 7-Eleven.

- Tu te joins à nous ? »


Sojung s'installa en tailleur sur l'herbe et décapsula sa bière encore fraîche en guise de réponse. Elle leur adressait un sourire maladroit alors qu'un silence peu agréable s'installait entre les jeunes adultes. Cela faisait longtemps qu'elles n'avaient pas revu leur amie qu'il devenait complexe de trouver un sujet qui les remettrait toutes les trois à l'aise. Yerin sentait son cerveau chercher un nouveau sujet de conversation alors qu'elle continuait de boire sa boisson. L'alcool commençait à engourdir son esprit et elle se sentait moins apte à trouver des sujets de conversation intéressants. La boisson avait cependant cet avantage de délier sa langue.


« Vous êtes prêtes pour le rendez-vous de la Lune Bleue ? les interrogea-t-elle. »


Quatre yeux se posèrent sur son visage et Yerin se sentit rougir à cause de l'attention qu'on lui portait. Leur rendez-vous habituel sous cette lune rare n'était peut-être pas le meilleur sujet de conversation qu'elle n'avait jamais trouvé. C'était même plutôt maladroit. La Lune Bleue les ramenait toujours en arrière et elle ne rencontrait aucune difficulté à imaginer l'appréhension qui gagnait ses amies à mesure que la date fatidique approchait.


« Plus ou moins, avoua Sojung avant de porter sa canette à ses lèvres. Ça va être étrange de revoir tout le monde après tant de temps.

- Je crois que j'ai un peu hâte, hésita Eunbi après quelques secondes de réflexion. J'ai un peu moins peur que la dernière fois.

- J'ai aussi hâte, sourit-elle. Peut-être que le mégaphone va nous rappeler des souvenirs, ajouta-t-elle en sortant l'appareil de sa poche.

- Tu as retrouvé le magnétophone ? s'étonna Sojung. »


La jeune femme extirpa l'appareil de ses mains dans un mouvement victorieux. Elle était incapable de se défaire de son sourire alors que les prunelles de Sojung découvraient avec étonnement ce pavé d'électronique ancienne. Son doigt resta suspendu au-dessus du bouton play quelques secondes, analysant les expressions de ses amies et cherchant à savoir si elles étaient prêtes à entendre leurs voix enfantines, et décida de presser le bouton de la rondeur de son pouce. Ces intonations passées et familières les ramenèrent à ces souvenirs qu'elles partageaient toutes. Elles écoutèrent quelques minutes leurs aventures passées et elles continuèrent de se remémorer des souvenirs une fois la cassette terminée. Elles étaient prêtes à se retrouver avec toutes leurs anciennes amies dans un mois. Yerin en était persuadée.





Quelques heures avant la prochaine Lune Bleue



Trois heures.

Cent quatre-vingts minutes.

Dix mille huit cents secondes.


C'était le temps exact qui restait avant que la lune ne brille dans le ciel. C'était le temps exact qu'il restait à Jung Eunha avant qu'elle ne retrouve ses amies d'enfance. Elle ne parvenait pas à se défaire de ce calcul mental pour occuper ses pensées. Elle était de retour dans son village natal depuis quelques heures à peine et elle n'avait cessé de compter les minutes qui la séparaient des retrouvailles fatidiques. Que se passerait-il si ses amies ne la rejoignaient pas ? Cette situation ne s'était jamais produite depuis qu'elles avaient prononcé cette promesse, mais elle se demandait toujours si la lassitude ne s'emparerait pas des autres. Elles pourraient ne plus avoir envie de se revoir. Elles pourraient ne plus avoir le courage de se déplacer jusqu'à leur point de rendez-vous habituel alors qu'elles étaient dispersées aux quatre coins de la Corée du Sud. Eunha redoutait tout ça.


Les minutes défilèrent à une lenteur insoutenable. Elle sentait son cœur battre la chamade dans sa poitrine à chaque seconde passée. Elle entendait les pas de sa mère au rez-de-chaussée et les bribes de conversations qu'elle entretenait avec une voisine ou un membre de sa famille. Son père s'occupait certainement à résoudre de complexes mots croisés, assis dans un fauteuil de son salon. Il répondait parfois par des phrases simples aux interrogations de sa mère. Cela faisait presque deux ans qu'elle n'avait pas mis les pieds dans sa maison et rien n'avait changé dans sa maison d'enfance. Elle était heureuse d'avoir retrouvé sa chambre d'enfant aux murs roses et recouverts de photographies. Elles affichaient les visages souriants et imparfaits des six enfants qui devenaient adolescentes. Tous ces éléments la ramenaient à cette période où elles étaient inséparables. Malgré son environnement rassurant, Eunha ne parvenait pas à se défaire de cette angoisse.


Une alarme retentit dans la petite pièce et lui arracha un sursaut. Eunha fit glisser son pouce sur l'écran de son téléphone portable pour arrêter le son strident et elle se redressa lentement. Il restait environ une heure avant leur rendez-vous et la jeune femme n'avait jamais senti son cœur battre aussi rapidement dans sa poitrine. Pourquoi avait-elle les mains aussi moites ? Elle les essuya sur son jean avant de souffler longuement pour calmer son anxiété. Elle glissa son téléphone dans la poche arrière de son pantalon, enfila sa veste en jean et quitta sa chambre.


« Tu vas retrouver tes amies ? lui demanda son père en levant ses yeux de son mot croisé.

- Oui, répondit-elle en enfilant ses chaussures. Je rentre en fin de soirée.

- Dis bonjour aux filles de notre part, ajouta sa mère alors qu'elle posait sa main sur la poignée, et passez une bonne soirée. »


Eunha ignorait si sa soirée se passerait bien. Elle l'espérait du plus profond de son cœur mais rien n'était moins sûr. Il fallait que ses amies soient présentes pour que sa soirée puisse s'avérer réussie. Ses pas retracèrent ce chemin qu'elle avait déjà pris un millier de fois. Ils traversèrent la ville et gagnèrent la lisière de la forêt. Des arbres épais s'élevaient sous ses yeux et elle ne put retenir un large sourire malgré la boule d'angoisse qui grossissait dans son abdomen. Des odeurs de terre humide et de plantes multiples assaillirent ses narines. Absolument tout paraissait familier à cet endroit. Les arbres, les racines, les chemins de terre foulés par des dizaines de personnes avides de randonnées chaque jour, Eunha connaissait tout ça par cœur.


« Courage Eunha. Tu peux le faire. »


Se répétant ce mantra pour se donner la force nécessaire aux retrouvailles, la jeune femme amorça quelques pas en direction de la forêt. Elle retrouva la sensation familière de la terre sous ses pieds et les chemins jonchés de racines. Il fallut à peine quelques minutes pour gagner le point de rendez-vous. L'impatience avait remplacé l'angoisse sur ses traits. Elle avait hâte de retrouver ces cinq filles qu'elle appréciait tant. Elle avait hâte de découvrir ce qu'elles faisaient de leur vie et qu'elles étaient leur projet. Son sourire se fana alors qu'elle découvrait que personne ne se trouvait au point de rendez-vous. Elle ne parvenait cependant pas à se défaire de ce bon pressentiment alors qu'elle s'adossait contre un arbre. Elles allaient venir. Eunha en était persuadée.


Il ne fallut que quelques minutes avant que des éclats de voix ne parvinrent à ses oreilles. Elle aurait pu reconnaître ces intonations entre mille. Elle les avait tant entendues au cours de son adolescence. Elles avaient toujours été là, dans ses souvenirs. Les silhouettes de Eunbi, Yerin et Sojung se dessinèrent dans son champ de vision et elle ne put retenir un sourire rayonnant. Elle adressa un mouvement de bras en direction de ses amies avant de se précipiter dans les bras de la plus proche des filles. Ce furent les bras de Yerin qui interceptèrent sa course et elle perçut le rire mélodieux de son amie dans ses oreilles.


« Je suis trop contente de te revoir moi aussi, ria la brune alors que leurs corps s'éloignaient. »


Eunha esquissa un sourire si large lorsque les mains de son amie remirent ses cheveux courts derrière son oreille comme elle en avait eu l'habitude durant toute leur adolescence. Elle échangea des accolades avec ses deux autres amies et elles discutèrent de futilité durant quelques minutes avant que d'autres voix ne leur parviennent. Yewon et Yuna arrivaient au point de rendez-vous et furent accueillies par des acclamations enjouées. La jeune adulte sentit les battements de son cœur résonner dans l'intégralité de son corps. Elles étaient toutes venues pour fêter la Lune Bleue. Elles avaient toutes respecté cette promesse qu'elles avaient faite à la sortie de leur lycée.


« On va dans la prairie ? proposa Yuna après quelques minutes de chaleureuses retrouvailles. La nuit va bientôt tomber.

- On te suit, sourit Eunbi.

- Que quelqu'un marche à côté d'elle pour retenir les possibles chutes, se moqua Yewon en adressant un sourire à la concernée qui lui répondit par un coup de point amical sur le bras. »


Des discussions et des rires se superposèrent alors qu'elles prenaient toutes les six la direction de la prairie. Eunha sautilla en direction de la plus maladroite de ses amies et elle glissa une de ses mains dans la sienne. Eunbi lui adressa un sourire timide et elle articula des remerciements avant de replonger son attention sur ses pieds. Les choses n'avaient pas changé d'un iota. Elle faisait toujours autant attention à l'endroit où elle posait ses pieds. Lorsqu'elles atteignirent la prairie dans laquelle elles avaient l'habitude de se retrouver, la nuit commençait déjà à tomber et la pleine lune les accueillit comme une vieille amie.


Eunha vit ses amies se précipiter en direction de rondins et elle ne perdit pas une seule seconde pour les rejoindre. Elles les avaient déposés quelques années plus tôt pour profiter de guimauves grillées autour d'un feu de camp. C'était à cet endroit qu'elles s'étaient raconté des histoires terrifiantes au clair de lune et qu'elles avaient articulé cette promesse qui annonçait leurs retrouvailles. Les jeunes adultes s'activèrent autour de l'emplacement pour allumer le feu de camp. Eunha les observa et elle ne put retenir un rire à la vue des maladresses de Eunbi. Son amie s'empressa de s'asseoir sur un des rondins. Elle avait exprimé son envie de ne plus bouger avant de provoquer un incendie. Elle fut rapidement rejointe par Yewon qui lui rendit un pic à brochette et un sachet de guimauve. La soirée s'annonçait belle et Eunha se sentait exaltée par la présence de ses amies.


« Il faut que je vous montre quelque chose, prononça Yerin alors que le feu apportait des lueurs orangées à son visage. J'ai retrouvé quelque chose dans des cartons.

- Dis-nous tout, sourit Yuna.

- Ta-dam ! fit-elle en brandissant un magnétophone familier.

- Il était chez toi ? s'étonna Yewon. Je pensais qu'il était chez Eunha ?

- Pourquoi il aurait été chez moi ? s'étonna-t-elle.

- Parce que tu l'avais tout le temps sur toi, sourit Sojung. Il était toujours dans ton sac à dos. »


Elles se chamaillèrent durant plusieurs minutes avant de se remémorer des souvenirs communs et de discuter de leur vie actuelle. Eunha esquissa un sourire alors qu'elle en apprenait plus sur la vie actuelle de ses amies. Elles écoutèrent quelques souvenirs du magnétophone et elles ne cessèrent de commenter chaque phrase que leur version passée prononçait. La jeune femme ne parvint pas à se défaire de son sourire. Elle se sentait si heureuse de la présence de ses amies. Jamais elle n'aurait pu troquer ce moment pour un autre. Eunha ne put s'empêcher de penser qu'elle avait eu bien raison de proposer cette promesse des années plus tôt. Même si elles ne se revoyaient pas souvent, elles auraient toujours les nuits de Lune Bleue pour se retrouver et renouer ces liens qui les unissaient. Elle n'avait eu aucune raison de se montrer angoissée. Tout était parfait.





Jamais je n'avais compris pourquoi cette promesse était si importante pour moi. Pourquoi avais-je tant besoin de les savoir prêt à retrouver notre feu de camp et nos histoires ? La réponse avait pourtant toujours été là : j'aimais ces filles de tout mon cœur et je refusais de voir nos routes se séparer à tout jamais. La Lune Bleue nous apportait au moins ça. Elle nous permettait de nous retrouver le temps d'une soirée.




mais que vois-je ? une publication un matin ? et un autre jour que le samedi ? 

je vous présente un petit os sans grande prétention où il ne se passe pas beaucoup de chose. il m'a permis de retrouver une forme de tranche de vie comme je n'en avais pas écrit depuis young forever (et ses bonus). d'ailleurs vous avez peut-être remarqué que l'histoire se passait dans le même univers ;)

ça ne doit pas être la plus stimulante et fascinante de mes histoires, mais ça m'a fait du bien de me replonger dans ce genre où je me laisse juste porter par mes mots.

j'espère que ça vous a plu :)

à très bientôt et bonnes fêtes de fin d'année !

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro