A HEART OF SUNFLOWER
「
dreamcatcher
romance estivale
trigger warnings : aucun
」
Un banc de sable sur lequel les vagues mouraient en une écume épaisse s'étendait à perte de vue depuis le village côtier de Seochon. Des enfants bâtissaient des châteaux et riaient dans des batailles d'eau qui ne se terminaient pas tant qu'un adulte ne les rappelait pas à l'ordre. Des dizaines de personnes profitaient du soleil puissant pour rattraper ce retard imaginaire dans ce livre qu'ils n'ouvraient qu'en été ou pour cuir sous les rayons de l'astre diurne. Debout sur la digue, une valise turquoise à la main et une capeline reposant ses cheveux décolorés, Kim Yoohyeon observa ce monde s'agiter.
Tous ses mouvements lui donnèrent chaud. Elle rêva d'une boisson fraiche et colorée. Les yeux camouflés derrière une imposante monture de solaires, elle jeta un regard envieux à tous ces chanceux qui s'aventuraient chez le glacier pour en ressortir avec des cornets de toutes les couleurs. Elle pourrait pénétrer dans l'enseigne — rien ne lui interdisait — mais ses grands-parents risquaient s'arriver d'une seconde à l'autre. Elle refusait de les manquer. Ses prunelles abandonnèrent le glacier pour se perdre dans le mouvement hypnotique des vagues. Quelques personnes s'activaient sur des paddles ou des surfs. Yoohyeon ne put retenir un sourire discret. Elle se souvenait encore des étés où elle apprenait à se tenir debout sur une planche pour tomber dès la première vague.
Combien de temps s'était-il écoulé depuis qu'elle s'était aventurée au milieu des vagues ? Dix ans, peut-être quinze. Elle n'avait pas remis les pieds à Seochon depuis tant d'années qu'elle en avait perdu le décompte.
« Yoohyeon ? l'interpella une voix incertaine. »
Un large sourire illumina le visage de la jeune adulte qui se tourna vers la personne trottinant dans sa direction. Les années n'avaient pas épargné Kim Duri, mais elle irradiait toujours cette aura lumineuse. De nouvelles rides creusaient son visage et des cheveux gris bouclaient sur son crâne. Elle conservait ses traits chaleureux et ses yeux rieurs qui avaient tant manqué à Yoohyeon.
« Bonjour Halmoni, la salua-t-elle alors que les bras de sa grand-mère l'enveloppèrent. Je suis contente de te voir.
— Tu as tellement changé, remarqua la vieille femme en desserrant son étreinte. Tu es devenue une si belle jeune femme. »
Les joues de Yoohyeon se colorèrent et ses yeux fuirent ceux inquisiteurs de Duri. De ses mains tachées par la vieillesse, elle manipula son visage avec délicatesse comme si elle cherchait un quelconque signe de malheur. Elle émit un son réprobateur en passant ses doigts dans sa chevelure claire. La jeune femme crut l'entendre articuler un commentaire sur ses cheveux abimés et elle préféra ne pas renchérir. Sa grand-mère pouvait bien penser ce qu'elle voulait. Quelques minutes s'écoulèrent avant qu'elle ne termine son inspection.
« Rentrons à la maison, sourit Duri. Ton grand-père meurt d'envie de te revoir. »
La vieille femme subtilisa sa valise et l'invita à la suivre dans les rues de Seochon où des personnes déambulaient pour rejoindre la plage où leur location estivale. La bonne humeur flottait dans l'air comme le sel. Elles marchèrent une dizaine de minutes avant de s'arrêter devant une maison ancienne. Pavé aux murs blancs et au toit bleu sur deux étages, le bâtiment s'entourait d'une cour dans laquelle des légumes poussaient presque toute l'année. Dans le jardin, un vieil homme au dos courbé à force de rester penché sur ses plantes ramassait des tomates. Yongsik n'avait pas changé non plus. Seule la vieillesse avait marqué ses traits. Il conservait sa peau bronzée par les heures passées sous le soleil cuisant et ses oreilles pelant.
« Yongsik-ah ! l'appela sa femme. Regarde comme Yoohyeon est belle ! »
L'enthousiasme de sa grand-mère lui arracha un large sourire qu'elle s'empressa d'offrir à son grand-père. Il passa une main contre son front trempé de sueur et y abandonna une trace de terre avant de se précipiter vers elle. Il était plus petit que dans ses souvenirs. Il s'empara de ses mains et les secoua avec enthousiasme.
« Tu as tellement grandi ! remarqua-t-il. J'espère que tu passeras un bon été ici. »
Le sourire se fana sur ses lèvres. Ses grands-parents ignoraient la raison pour laquelle elle s'était enfuie de la capitale pour un petit village en bord de mer. Elle avait besoin d'une pause. De tout. Jamais une année n'avait autant joué avec ses nerfs et elle se sentait au bord du précipice, à un pas de plonger dans le vide. Elle avait besoin d'une pause. Elle avait besoin de s'éloigner de toutes ces choses qui suçaient son énergie. Peut-être que deux mois de vacances loin de tout ce qu'elle connaissait lui feraient du bien. Les regards inquiets de ses grands-parents s'animèrent alors elle s'empressa de reporter ce sourire rayonnant qui correspondait à celui des vacances.
« Tu vas dormir dans la chambre de ta mère. »
La vieille dame commença à expliquer toutes ces choses sur la chambre de sa mère, affirmant qu'elle serait en désordre, car elle n'avait plus le dos pour chasser les toiles d'araignée en hauteur et s'excusant de la chaleur de la maison. Yoohyeon ne l'écoutait que d'une oreille. Ses prunelles détaillaient la décoration de la maison. Rien n'avait changé. La maison était identique à celle de ses souvenirs. Un bleu clair tapissait les murs et les années paraissaient laver sa couleur. Si bien que des pans entiers avaient perdu la couleur. Mais ils étaient là dans ses souvenirs les pans de murs blanchâtres. Les meubles en bois et dépareillés offraient une ambiance chaleureuse à la maison que les toiles sur les canapés et fauteuils ne faisaient qu'amplifier. Des livres s'entassaient au pied d'une bibliothèque pleine à craquer. La plupart appartenaient à sa mère et à son frère, mais ses grands-parents n'avaient jamais souhaité s'en débarrasser.
Les escaliers craquèrent sous son poids et des photos de famille apportaient de la vie à la cage d'escalier. Elles parvinrent à l'étage et la porte de la chambre souleva de la poussière en s'ouvrant. La pièce ressemblait à un cocon chaleureux. Des draps propres avaient été déposés sur le lit et la fenêtre avait été entrouverte plusieurs heures avant son arrivée. Sa grand-mère posa la valise au pied du lit et retira une poussière invisible du matelas.
« Tu as besoin d'aide pour faire ton lit ? s'enquit sa grand-mère.
— Ça ira, la rassura Yoohyeon. Je vais le faire seule.
— Oh... elle paraissait presque déçue.
— Mais je veux bien quelque chose à grignoter, s'empressa-t-elle d'ajouter. Je n'ai pas mangé depuis que j'ai pris le bus. »
Le visage de sa grand-mère s'illumina et elle tapa dans ses mains avec enthousiasme. Elle s'empressa de quitter la chambre et Yoohyeon posa son sac à dos sur le bureau au bord de la fenêtre où des emballages de barres de céréales témoignaient de son mensonge. Elle ne supportait pas de voir la peine sur les visages de ses proches alors elle avait menti. Elle aurait pu demander un verre d'eau. Yoohyeon s'affaira à préparer son lit. Elle ne mit pas beaucoup de temps. Elle comptait dormir sous un drap et n'avait pas besoin de couette. Ses yeux se posèrent sur le paysage que sa fenêtre lui offrait. Au loin, on apercevait la mer calme et les personnes s'amusant sur la plage et les rires des enfants se propageaient. Ils la plongeaient dans ses souvenirs d'enfance où cette fille s'esclaffait après une chute dans l'eau.
***
La chaleur écrasante de la pièce la tira des bras de Morphée à plusieurs reprises au cours de la nuit. Elle pesta à chaque fois de l'absence de climatisation et s'empressait de regagner les limbes du sommeil. Ses rêves s'habillèrent de souvenirs anciens où elle courrait dans le sable aux côtés d'une petite fille brune dont l'hilarité provoquait la sienne. Son visage ne se dessinait jamais dans son esprit. Il ne conservait que cette expression joviale qui gonflait le cœur de la jeune adulte.
« Amusons-nous toute notre vie, Yoohyeon ! »
***
L'embrun chatouillant sa peau et le sel formant des cristaux autour de ses grains de beauté, Yoohyeon observa les mouvements hypnotiques de la mer. Des vagues se brisèrent sur ses chevilles et y abandonnèrent des algues en se retirant. Une brise légère caressa la peau de la jeune femme et révéla les parfums si particuliers que charriait la mer. Plus rien ne comptait en dehors de la sensation de fraîcheur salvatrice qui accompagnait l'eau. Ses souvenirs et ses rêves s'animèrent dans ses yeux camouflés derrière ses lunettes de soleil.
Des années la séparaient de son dernier été à Seochon. Elle avait pourtant l'impression de ne jamais avoir quitté la côte. Elle se souvenait de ses premières leçons de surfs et de ses chutes incessantes dans la mer agitée. Elle se souvenait des rires extatiques qui s'échappaient des lèvres d'une petite fille dont le visage brouillé propageait une joie immense à son corps.
Sa vieille planche plantée dans le sable ne lui convenait plus depuis de nombreuses années, mais elle avait tenu à l'emporter avec elle en quittant la maison dans la matinée. C'était idiot. Les vagues se raréfiaient et la mer se transformait en un miroir d'eau. Puis ce n'était pas comme si elle aurait pu utiliser cette planche. Elle avait grandi. Son équilibre serait catastrophique. Yoohyeon l'avait prise avec elle, car elle les avait remarqués. Décorant la planche de leurs couleurs, des dessins abstraits formaient une fresque sublime qui renfermait mille souvenirs de son enfance. Ses doigts avaient glissé sur l'encre rouge formant son prénom et un autre qui s'estompaient.
Le soleil enveloppait le monde dans une cette chaleur estivale qui alourdissait les membres et qui plongeait tous ceux qui la subissaient dans une léthargie transpirante. Yoohyeon ne s'érigeait pas en exception. Ses paupières se transformaient en plomb. Elle peinait à les garder ouvertes. La jeune femme glissa son dos contre la planche et laissa échapper un soupir à travers ses lèvres sèches. Chaque seconde à l'extérieur voyait son énergie s'évaporer. Puis elle la vit. Ses cheveux bruns ramenés en deux tresses plaquées dont s'échappaient quelques mèches rebelles et sa planche bariolée sous le bras, elle courait avec empressement vers la mer. Ses pas éclaboussèrent l'air autour d'elle et son visage rayonna d'une euphorie éclipsant le plus éclatant des soleils. Dans sa combinaison turquoise, elle se propulsa sur l'eau calme. Le moindre remous sembla la satisfaire. Les cristaux de sel brillèrent sur sa peau tannée. Ils formèrent des milliers de diamants sur son épiderme.
Ses jambes battant la surface de l'eau pour avancer, elle ne quitta pas une seule seconde son sourire rayonnant. Ses yeux sombres pétillèrent de cet éclat que seule la passion connaissait. Yoohyeon l'admira depuis son banc de sable bouillant. Elle vogua sur cette mer calme, plongea la tête sous l'eau, essora ses tresses trempées, s'assit sur son surf pour observer l'horizon. Elle s'amusa malgré l'absence de vagues. Elle irradiait de cette beauté si simple et familière qu'elle hypnotisait. Yoohyeon se sentit incapable d'abandonner sa silhouette ne serait-ce qu'une seconde. Comme si son absence dans son champ de vision lui couperait à jamais son souffle.
Une heure s'écoula, puis une seconde, avant que la surfeuse n'abandonne son observation de l'océan. Comme ensorcelée par sa prestance, Yoohyeon ne quitta pas une seule seconde sa silhouette du regard. Elle remercia sa grand-mère pour lui avoir enfoncé sa capeline sur le crâne avant qu'elle s'éclipse de la maison. Elle s'évitait une insolation certaine. Assise sur sa planche, la brune se perdit dans sa contemplation de la plage où les enfants riaient. Ses yeux expressifs s'arrêtèrent sur elle. Ils s'écarquillèrent comme si elle la reconnaissait. Son bras droit quitta son surf et s'agita dans sa direction. Les joues colorées et les sourcils froncés, Yoohyeon se perdit dans ses pensées. Se connaissaient-elles ? Ses derniers souvenirs de Seochon remontaient à tant d'années qu'ils se mélangeaient. Ses amitiés reposaient dans un coin de sa mémoire. Aucun visage ne se dessinait dans son esprit lorsqu'elle cherchait à évoquer ses étés passés dans la maison de ses grands-parents.
Perdue dans ses pensées, la jeune femme ne remarqua pas les mouvements de la surfeuse. Elle quitta la mer calme pour rejoindre le sable où ses talons s'enfoncèrent. Un sourire en coin sur les lèvres, elle marcha en direction de Yoohyeon. La blonde ne se rendit pas compte de sa présence. Il fallut qu'elle plante sa planche au milieu des fins grains ocre pour qu'elle prenne conscience de sa silhouette. Son ombre la protégea de la chaleur cuisante du Soleil. Derrière ses lunettes, elle observa ses chevilles humides entre les siennes. Un bracelet tressé s'enroulait autour de sa peau dorée. La brune la surplomba plusieurs minutes avant de s'accroupir à son niveau. Sa peau couverte de diamants salés brilla à chacun de ses mouvements. Son corps rayonna comme aucun corps n'avait jamais rayonné. Ses pupilles disparurent presque dans le large sourire qui illuminait son visage.
« Ça fait une paie qu'on ne t'a pas vue à Seochon, Yoo ! la salua-t-elle. »
Les sourcils froncés et les lèvres pincées dans une expression circonspecte, Yoohyeon toisa la surfeuse avec insistance. Se connaissaient-elles ? Ses souvenirs de Seochon remontaient à plusieurs années et ils se mélangeaient tous. Ses doigts s'enroulèrent autour d'une mèche échappée de ses tresses pour la glisser derrière son oreille décorée de bijoux. Un rire cristallin et familier s'échappa de ses lèvres salées. Elle s'assit en tailleur sur le sable, imitant la position de Yoohyeon dont la bouche entrouverte ne parvint pas à émettre le moindre son. La situation amusait beaucoup la surfeuse si elle en croyait les larmes au coin de ses yeux.
« On se connaît ? l'interrogea-t-elle sans se défaire de son expression circonspecte.
— Tu ne vois vraiment pas qui je suis ? prononça-t-elle en passant le dos de sa main sur ses yeux pour chasser les traces d'amusements. Kim Bora ? »
Ce prénom. Yoohyeon le connaissait.
Il appartenait à cette gamine qu'elle suivait à la trace dès qu'elle mettait les pieds à Seochon. La petite fille au teint doré qui l'entraînait dans toutes ces aventures dans le village côtier ; qui ne quittait jamais son sourire et sa planche de surf ; qui faisait des caprices dès que la moindre figure d'autorité leur ordonnait de quitter la plage. Les traits de sa version adulte s'illuminèrent à mesure que les souvenirs revenaient à Yoohyeon. Elle dut se retenir pour ne pas l'enlacer dans une étreinte amicale. Ses ongles se plantèrent dans le sable. Bora se pencha dans sa direction et tendit un bras vers elle. Il s'arrêta à quelques centimètres de sa peau, hésitant à combler la distance chargée d'électricité qui les séparait.
« Tu as de la crème solaire mal étalée sur le front, expliqua-t-elle lorsque son pouce glissa sur son visage avant de retomber. »
Les joues et le front brûlant de son contact, Yoohyeon détourna le regard. Ses yeux se perdirent dans l'immensité de l'océan que son amie d'enfance avait élu comme second domicile. Il naquit entre elles ce silence évinçant les milliers de sujets qui se bousculaient aux bords de leurs lèvres.
Rattraper le temps perdu.
Cette tâche parut insurmontable. Ses cordes vocales refusèrent d'émettre le moindre son. Ses ongles s'enfoncèrent dans le sable chaud à la recherche de fraîcheur. Bora ne sembla pas plus sereine. Ses prunelles sombres l'analysèrent comme cette curiosité venue de la ville, comme cette connaissance que les années avaient transformée en inconnue. Sans qu'elle articule la moindre syllabe, ses doigts s'enroulèrent autour d'une mèche blonde. Elle observa les ombres dorées que les rayons du soleil apportaient avant de l'abandonner.
« Tu as les cheveux décolorés depuis longtemps ? s'enquit-elle, brisant le silence qui s'était imposé entre elles.
— Pas tant que ça, répondit-elle en coinçant une mèche sous les branches de ses lunettes. Peut-être deux ans.
— Deux ans ? s'étonna Bora. C'est pas rien deux ans.
— Tu fais du surf depuis bien plus longtemps que ça.
— C'est pas vraiment comparable ! »
Un rire aussi mélodieux qu'une symphonie estivale les enveloppa et ravit quiconque dont la chance le conduirait à l'entendre. Yoohyeon observa son amie d'enfance, un sourire discret planant sur ses lèvres. Bora possédait ce rire lumineux depuis toujours. Lorsqu'elles étaient encore deux enfants, les adultes s'esclaffaient à son entente. Ils lui cédaient parfois des caprices par peur de le voir se taire à jamais. Son rire déliait les nœuds des conversations. Il animait les âmes. Il les poussait aux partages.
Des souvenirs communs s'échappèrent de leurs lèvres. Elles partagèrent ces petits instants de leurs enfances où rien n'importait plus que de se tenir debout sur une planche ou que de construire la douve la plus efficace pour protéger leur sublime château de sable que la marée transformerait en ruine. Elles partagèrent sans pause jusqu'à ce que le Soleil disparaisse derrière la ligne d'horizon. Un bâillement déchira la mâchoire de Yoohyeon dont les cuisses s'étaient colorées de rose.
« Je devrais peut-être rentrer, commença-t-elle. Ils doivent m'attendre.
— C'est vrai qu'il commence à être tard, remarqua Bora en se redressant. Je peux passer te chercher demain matin ?
— Pourquoi ?
— Te faire monter sur un surf à ta taille. »
Ses contestations moururent sur ses lèvres. Sa planche sous le bras, son amie d'enfance s'éloignait déjà.
***
« T'as l'air terrorisée à l'idée de te mettre debout, remarqua Bora avec amusement.
— Peut-être parce que je suis terrorisée à l'idée de me mettre debout, renchérit-elle. »
Assise sur sa planche comme si elle n'était qu'un vulgaire pouf, la brune l'observa de ses yeux bruns pétillants de malice. Elle s'amusait de sa maladresse attendrissante et l'encourageait. Yoohyeon ne comprenait pas comment elle avait pu se tenir droite sur cette invention diabolique. Son corps basculait dans l'eau salée dès qu'elle cherchait à se redresser.
« Et si tu montais avec moi ? lui proposa son amie.
— Pour que tu me jettes dans l'eau ? supposa-t-elle dans un ricanement. Non merci. »
***
Les journées s'enchainèrent et se ressemblèrent.
Elles se résumèrent par une succession de rire sur cette planche de surf qu'elle partageait avec Bora, de la sensation de son corps trempé contre son dos et de son souffle chaud dans sa nuque, de constructions dans le sable à la tombée de la nuit et de souvenirs nouveaux qu'elles construisaient de leurs murmures. Yoohyeon sentait sa peau s'embraser au contact de celle de son amie d'enfance. Elle remerciait presque les coups de soleil sur ses pommettes et ses oreilles de camoufler les rougeurs de sa peau. Bora ignorait tout de son effet sur les autres. Elle rayonnait comme un soleil attirant le cœur de Yoohyeon comme un tournesol.
Allongée en étoile sur une serviette, la respiration courte de ses heures d'exercices, la jeune femme observa les étoiles constellant le ciel nocturne. Ses pensées la ramenèrent toujours à son amie dont l'absence rendait l'air moins suffocant. Son sourire malicieux, sa peau tannée, ses cheveux tombant en cascade dans son dos, ses yeux pétillants. Tout chez Bora la rendait folle. Elle hantait ses nuits et ses jours de sa présence. La petite fille énergique avait disparu pour devenir cette femme dont il était impossible de quitter du regard tant la présence évinçait celle des autres. Yoohyeon se retrouvait comme un insecte emprisonné dans une toile.
« Tu es encore dans tes pensées, remarqua Bora en posant une bouteille glacée contre son front. »
Yoohyeon se redressa, chassant ses pensées par un sourire amical. Ses doigts s'enroulèrent autour de la bouteille de soju que son amie lui tendait et frôlèrent les siens. Le contact l'électrisa. Bora remarquait-elle son effet sur les autres ? Ou restait-elle aveugle à la passion dévorante que les autres éprouvaient à son égard ? Sa question n'eut aucune réponse. La brune s'installa sur la serviette. Son corps était si proche du sien que Yoohyeon en percevait la chaleur. Elle ouvrit sa bouteille de soju alors que les doigts experts de son amie ouvraient une boîte de poulet frit.
« Je ne suis pas tant que ça dans la lune, nia-t-elle sans grande conviction.
— C'est pas un reproche, sourit Bora. J'aime bien ce côté de ta personnalité. »
Ses joues se colorèrent tant que l'obscurité et les coups de soleil ne parvinrent pas à camoufler les taches carmin sur sa peau aux yeux de la brune. Son rire ravit ses oreilles rouges. Ses doigts humides de condensation se posèrent contre sa peau et glissèrent vers le creux de sa nuque. Ils abandonnèrent une trainée humide et bouillante avant de s'éloigner. Ils avaient senti les battements frénétiques de son cœur. Yoohyeon camoufla son embarras par une longue gorgée de cet alcool acidulé.
« Tu veux du poulet ? lui proposa Bora en tendant la boîte pleine.
— Je veux bien.
— Attention ! Ceux-là sont épi... »
La surfeuse n'eut pas l'opportunité de terminer sa phrase. Un cri entre la surprise et la douleur quitta les lèvres de Yoohyeon dont les lèvres étaient recouvertes de poudre pimentée. Sa bouche brûlait. Quelle idée de ne pas faire attention ! Alors qu'elle cherchait un moyen de calmer la brûlure qui se répandait dans son corps, les doigts de Bora pincèrent son menton. Avant même qu'elle ne puisse comprendre ce qu'il lui arrivait, sa langue glissa sur ses lèvres pour en chasser la poudre rougeâtre. Son corps manqua un battement avant de s'affoler. Ses yeux s'écarquillèrent. La douleur s'estompa aussitôt. Bora léchait les résidus de piments de ses lèvres comme si de rien n'était. Les joues roses, elle éloigna son visage du sien et lui adressa un sourire timide.
« Je suis désolée, murmura-t-elle. C'était une mauvaise id... »
Yoohyeon ne lui permit pas d'articuler plus d'excuses. Elle planta sa bouteille dans le sable avant de prendre le visage de son amie en coupe et de plaquer ses lèvres contre les siennes. Son corps s'approcha tant de celui de Bora qu'elle perçut les battements irréguliers de son cœur. Ses lèvres avaient le goût du soju à la prune qu'elle buvait. Elles s'animèrent contre les siennes, approfondirent ce baiser qui hantait les nuits de Yoohyeon. La notion du temps et les roulements de l'océan disparurent. Il ne resta qu'elles, leurs corps essayant de se fondre ensemble, leurs dents mordillant avec avidité lèvres et langues comme des bonbons et leurs gémissements d'extase. Yoohyeon avait attendu ce moment depuis que ses yeux avaient retrouvé ceux de son amie d'enfance. Le souffle court, elles se séparèrent. Front contre front, leurs yeux se noyèrent dans ceux de l'autre. Un rire commun leur échappa.
« C'était... commença Yoohyeon.
— Incroyable, termina Bora en claquant un baiser rapide sur ses lèvres. »
La sensation de son corps contre le sien lui manqua dès que le contact se rompit. Yoohyeon brûla d'envie de le retrouver pour se perdre dans ses courbes. Ses doigts retrouvèrent le goulot de la bouteille de soju. Ils l'apportèrent à ses lèvres où le fantôme de celles de Bora planait encore. Elle aurait voulu que cet instant ne prenne jamais fin ; que l'été ne prenne jamais fin. L'idée de retrouver l'air lourd et pollué de la capitale lui parut impensable. Les draps chauds, la cuisine de ses grands-parents, la présence de Bora dans son quotidien. Tout lui hurlait de rester à Seochon. Si elle n'avait pas d'obligation à récupérer, elle se sentait capable de tout abandonner.
***
Ses pensées l'accompagnèrent tous les jours qui suivirent. Dès que la silhouette de son amie disparaissait de son champ de vision, Yoohyeon ressassait cette idée. La pulpe de ses doigts frôlant ses lèvres gonflées à trop embrasser celle de Bora, elle imaginait sa vie dans son appartement : triste et ennuyante. La blonde chassait les mauvaises ondes de son esprit par des activités, mais le temps ne s'arrêtait pas. Il s'étiolait et avec lui ses minutes en présence de celle qui faisait battre son cœur se consumaient. Puis la pensée parasita les moments qu'elle partageait avec Bora. Ses sourcils se froncèrent alors qu'elles se perdaient dans le corps de l'autre. Ses mains se figèrent autour du nœud du maillot de bain de la brune alors qu'elle passait une nuit dans la maison déserte de Bora.
« Quelque chose ne va pas ? s'inquiéta Bora en se redressant. Tu sembles triste. »
Dans ses mots se trouvait le pied de biche forçant le coffre scellé de ses émotions. Des larmes salées et bouillantes roulèrent sur ses joues. Bora s'appliqua à la faire disparaître une à une de la pulpe de ses doigts ou de ses lèvres douces. Son sourire chaleureux chercha à la rassurer alors que Yoohyeon pleurait toutes les larmes de son corps.
« Je n'ai pas envie que l'été s'achève, sanglota-t-elle.
— Tu as peur que tout change lorsque tu retourneras à Séoul, devina Bora en posant son front contre le sien. Tu es une idiote, Kim Yoohyeon ! Parce que je ne compte pas te laisser tranquille, même lorsque tu retourneras là-bas. Tu sais qu'il existe ce truc moderne absolument merveilleux pour communiquer : les téléphones. »
L'humour de Bora lui arracha un rire entre ses pleurs. Yoohyeon se sentit délestée d'un poids. Ses doigts s'enroulèrent autour des lanières du maillot de bain de son amie. Le nœud se desserra à mesure que ses larmes se tarirent. Rien ne les obligeait de tout arrêter après l'été. Leur histoire ne s'écrivait pas dans les grains de sable. Elle pouvait la continuer comme elle le souhaitait.
« Où on en était ? demanda-t-elle avec malice.
— Hum... réfléchit Bora avant de plaquer un baiser humide sur ses lèvres. On en était juste là. »
Il n'existait rien que cet instant, figé dans le temps où leurs corps se découvraient.
Elles construiraient le reste plus tard.
Bora resterait le soleil de son existence et son cœur se tournerait toujours vers elle comme un tournesol aussi longtemps qu'elles le souhaiteraient.
je ne suis pas totalement satisfaite de cet os même si je crois que je l'aime bien. pour tout vous avouer, je ne peux pas m'empêcher de le comparer avec ma fiction courte que je vais commencer à publier fin septembre. il ne fait pas vraiment le poids mais je ne l'ai pas écrit pour ça à la base. je voulais écrire quelque chose de léger et mignon qui se passe à la mer. alors j'espère que ça fonctionne bien.
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