[Livaï xR] Toujours possible
(Cette histoire peut ne pas être adaptée à un public sensible).
Encore une fois, le noir total.
Juste le son tremblant de sa respiration, qu'elle s'efforçait de dissimuler. Elle sentait le froid mordre ses mains et ses pieds nus, et elle serra davantage ses dents pour éviter qu'elles ne s'entrechoquent violemment.
Elle était frigorifiée, affamée et assoiffée, mais cela n'était que des détails. Elle était, plus que tout, terrifiée.
Terrifiée à l'idée qu'on ne puisse la trouver. Elle savait pourtant que la partie était perdue d'avance, aujourd'hui comme toutes les fois précédentes.
A chaque fois, l'on finissait par la trouver. A chaque fois, elle avait beau pleurer et supplier, ses bourreaux ne voulaient rien entendre.
A chaque fois, elle se faisait humilier de la plus atroce des manières. Elle n'avait pourtant que quelques années... Pourquoi devait-elle subir ceci? Les autres enfants, avec lesquels elle jouait dans la rue, étaient choyés par leurs parents.
Pourquoi pas elle? Pourquoi ses propres parents lui faisaient-ils vivre un tel enfer?
Un bruit à l'extérieur de sa cachette la fit écarquiller les yeux de terreur, alors qu'elle plaquait ses petites mains contre sa bouche, dans l'espoir d'étouffer le cri d'horreur qui menaçait de lui échapper.
Ceci était vain, comme à chaque fois.
-Trouvée~
Le grincement de la petite porte du placard, ainsi que ce seul petit mot, lui confirmèrent la triste réalité. Encore une fois, elle n'avait pas pu échapper à la fatalité.
Encore une fois, elle allait devoir se réfugier dans son esprit de petite fille, afin d'échapper de son mieux à la destruction pure et simple de sa raison, alors que son corps restait la proie des monstres.
Des monstres qu'elle avait jadis appelés ses parents.
Lorsqu'elle eu l'âge de s'enfuir de cette vie d'horreur, elle n'avait d'abord pas su où aller. Elle n'avait quasiment jamais posé les pieds hors de sa prison. Au bord du gouffre, effrayée à l'idée de devoir retourner dans son ancien foyer, elle s'était jetée à bras ouverts dans l'armée.
Là, elle avait trouvé le réconfort qu'elle n'avait jamais connu durant la dernière décennie de sa petite vie, même un peu. Etonnamment, elle s'était intégrée dans cette nouvelle chance qui s'offrait à elle.
Le destin, cependant, n'avait pas fini de la tourmenter.
Avoir rejoins les explorateurs n'avait pas aidé. Mais elle avait choisi la solution qui lui permettait de s'éloigner autant que possible de son passé. De ses géniteurs.
Lors de sa première exploration, toute son escouade avait été dévorée juste sous ses yeux, sans qu'elle ne puisse rien faire d'autre que regarder, écouter les cris de désespoir de ses camarades alors qu'ils se faisaient broyer entre les mâchoires gigantesques de ces abominables monstres à l'apparence humaine.
Sans comprendre comment, ni pourquoi, elle avait continué à avancer dans cette vie, bien malgré elle. Comme si quelqu'un s'était rendu maître de son corps à sa place, alors qu'elle se perdait dans son esprit, dans son petit monde loin des souffrances de la vie réelle.
Mais, même cela ne suffisait pas de temps à autres. A force de constamment taire ses émotions, de systématiquement fuir la réalité, celle-ci fini toujours par nous rattraper un jour ou l'autre.
Et, dans ces durs moments, elle n'avait personne sur qui se reposer. Juste sa petite silhouette détruite intérieurement, et ces quelques gélules colorées aux goûts infects.
Quand tout était au plus bas dans son esprit, quand même son imagination ne parvenait pas à la maintenir hors de l'eau, elle tombait dans le réconfort des médicaments. L'espace de quelques instants, alors que son cerveau plongeait progressivement dans les vagues de l'atrophie mentale, elle pouvait enfin oublier.
Ce que même ses propres rêves ne lui permettaient pas.
Lorsqu'elle reprenait conscience de son propre corps et de son propre esprit, elle était très souvent allongée au beau milieu de sa petite chambre, dans l'obscurité la plus totale, dans le silence le plus dévastateur.
Et là, au lieu de se relever et de reprendre le cours de sa vie immédiatement, elle restait encore de longues heures avachie à même le sol, à attendre que le soleil ne perce à travers l'ombre de la lune, sonnant ainsi le glas d'une nouvelle nuit pleine de souffrances et d'insomnies.
Et l'avènement d'une nouvelle journée, d'une journée parmi tant d'autres. Une journée de plus à attendre que la mort ne vienne la délivrer, chose qu'elle avait bien trop peur de faire, et ce malgré la promesse d'une douce libération.
D'un doux repos bien mérité.
Alors que les premiers rayons du soleil commençaient à poindre à l'horizon, qu'elle s'apprêtait à se redresser, à s'habiller et à ranger son allié thérapeutique dans l'attente d'un autre soir sans rêve, un petit bruit sur la porte de sa chambre la fit relever légèrement ses yeux cernés de noir.
Quelqu'un venait de manifester sa présence, et attendait son approbation pour entrer dans sa pièce de torture mentale, dépourvue de songes et d'espoir comme à chaque fois.
Elle ne répondit pas. Elle n'en avait pas le courage.
Elle était encore brisée, et n'avait pas encore eu le temps de ramasser les morceaux de son être meurtri afin de pouvoir survivre aujourd'hui encore.
Mais la personne à sa porte ne souhaita pas se conformer à sa volonté silencieuse.
La lumière d'une lanterne l'illumina progressivement, toujours étendue sur le sol, un flacon autrefois rempli de cachets éparpillés juste à côté d'elle, simplement vêtue d'une robe de chambre aux tissus mordus par le temps.
Elle entendit la porte se refermer, un silence, puis quelques pas se rapprocher d'elle, qui ne bougeait toujours pas.
La lanterne fut posée sur le sol tout près d'elle, lui faisant plisser ses yeux dénués d'intérêt, qui s'étaient remis à fixer un point imaginaire. Pourquoi venait-on la déranger ainsi? Elle n'avait besoin que de quelques instants de plus, et elle serait prête pour aller travailler aujourd'hui.
Juste quelques minutes, et sa pauvre petite personne aurait achevé de se détruire elle-même. Du moins pour l'instant.
Les quelques mèches de cheveux tombant devant son visage furent brossées délicatement, ce qui lui fit ouvrir un peu plus ses yeux, ne croyant pas à ce qu'elle ressentait.
En établissant un contact visuel avec son visiteur inopportun, elle fut encore plus perdue.
Livaï, l'un des autres soldats de son régiment, était penché au-dessus d'elle, la regardant avec un mélange de colère et de.... pitié...?
Elle n'en était pas certaine. Mais, bien que cela lui fasse espérer, elle ne voulait pas le voir ici. Elle n'avait pas envie de montrer sa personne dégoûtante à qui que ce soit. Surtout pas à lui. Qui n'était qu'un corps sans vie, tout comme elle.
Et qui, au contraire d'elle, réussissait à avancer malgré tout. Était-elle jalouse? Possible, bien qu'étrange. A quoi bon envier ce que les autres ont, après tout? Elle était déjà assez empêtrée dans son esprit tortueux pour avoir à se préoccuper de tout ceci.
Elle se contentait de survivre, encore et toujours. De s'évader dans son esprit, comme quand elle était enfant.
Alors, pourquoi ne partait-il toujours pas? Elle n'avait pas bougé, avait même fermé les yeux, comme pour lui intimer de quitter les lieux sur-le-champ.
Mais non. Elle sentait la colère pointer en elle, la première émotion depuis des années.
Colère qui ne put arriver à maturation, bloquée à mi-chemin par un geste inattendu.
Livaï, sans dire quoi que ce soit et risquer de briser le silence de la chambre, venait de la prendre dans ses bras, et la serrait à présent contre son cœur, de toutes ses forces, comme pour lui donner le courage de continuer.
Elle n'avait pas la force de se débattre, alors elle laissa son corps de chiffon se faire ballotter dans l'étreinte de cet homme qu'elle ne connaissait que peu, qu'elle n'avait jamais cherché à connaître davantage.
Persuadée d'avoir déjà toutes les informations dont elle avait besoin: un homme détruit, tout comme elle.
Elle s'était lourdement trompée. Car, comment un homme brisé aurait-il pu la serrer avec autant de chaleur?
Elle avait d'abord cru qu'ils étaient semblables, mais il n'en était rien.
Elle avait encore tellement à apprendre, tellement à endurer pour réussir à se délivrer de sa peine. De tous ces souvenirs qui la tuaient intérieurement.
Elle avait toujours cru devoir le faire toute seule. Comme depuis son enfance. N'était-ce pas pour cela qu'elle avait créé ce petit paradis dans sa petite tête de fillette?
Cette même fillette qui était restée bloquée dans son enfance, sans possibilité de pouvoir grandir, de pouvoir changer. Cette enfance qu'on lui avait arrachée.
Pour la première fois depuis ce qui sembla être une éternité, son corps brisé se laissa aller sans avoir à se réfugier dans son esprit, alors que de grosses larmes dévalaient ses joues déjà dégoulinantes de traînées séchées.
L'espoir était-il encore possible pour une pauvre âme comme elle?
L'espoir est toujours possible, lui répondit la fillette piégée en elle depuis tout ce temps.
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