
T6 - Chapitre 3
Holmes lâcha un long soupir. Enfin, il était seul avec Watson. Enfin.
Et, évidemment, ils ne savaient plus quoi se dire.
-Vous avez maigri, déclara finalement le docteur. Vous êtes plus pâle. Et paraissez plus fatigué, aussi.
-Mon médecin personnel n'était pas disponible, répondit Holmes d'un ton nonchalant.
Watson leva les yeux au ciel en souriant affectueusement.
Soudain, une idée percuta Holmes, qui s'assombrit.
-Vous vous êtes nourrit de lui, n'est-ce pas ? demanda-t-il doucement. Pendant votre fuite jusqu'ici...
-Oui, acquiesça Watson. Je n'avais pas d'autre choix, et il l'a proposé lui-même. Ça ne m'enchantait guère, mais c'était le seul moyen de rentrer.
-Et... Euh... Est-ce que... Vous vous êtes nourrit, aujourd'hui ? Tenta le détective, soudain hésitant.
-Non, souffla Watson, les yeux brûlant d'une lueur étrange.
Holmes releva sa manche, dégageant son poignet blanc.
-La réserve, dans la cave, manque certainement de fraîcheur... Et Lupin doit être bien fatigué, à présent...
Watson se saisit de son bras avec une infinie douceur et posa ses lèvres sur son poignet. Comme ce contact lui avait manqué... La peau de Holmes, son odeur, sa texture... La sensation du sang, de son sang, presque accessible... Normalement, il utilisait une seringue. Mais ce soir, le désir était trop fort pour que lui ou Holmes ne prenne la peine de le suggérer. Watson se demanda un instant si le fait que Holmes lui ait si régulièrement donné du sang, depuis sa transformation, n'avait pas contribué à rendre la séparation aussi insupportable.
Il mordit la chair, laissant sa salive annihiler la douleur, et suça une goutte de liquide rubis.
Une brûlure abominable le fit s'écarter d'un bond, et il hurla de douleur en se tordant sur le tapis.
-WATSON ! s'écria Holmes en se précipitant à ses côtés. Watson !!
-Votre sang... haleta le vampire en s'appuyant sur lui pour s'asseoir. Il y a quelque chose, dedans... Il y a...
Ses yeux tombèrent enfin sur la petite bouteille et la seringue qui trônait en haut d'une pile de dossiers.
Un silence, lourd de reproches, glaça l'atmosphère.
-Vous m'aviez promis, Holmes, lâcha enfin Watson d'une voix blessée.
-Mais vous n'étiez plus là, Watson... Vous n'étiez plus là... Et l'incertitude, mon Dieu ! J'avais besoin de... de distraction.
-De distraction ? s'étouffa le docteur. Alors que je me suis fait enlevé par Moriarty ? Vous vous distrayiez ?
-Non ! Pas dans ce sens-là, Watson !
Le docteur allait répondre quelque chose de sec lorsqu'il avisa les mains tremblantes de son ami, à genoux à côté de lui, et ses yeux fuyants.
Il soupira, se releva, releva Holmes, et garda ses mains dans les siennes tandis qu'ils se rasseyaient sur le sofa.
-Expliquez-moi, dit-il simplement.
-Après la bataille, commença Holmes, et votre disparition...
-Au fait, est-ce que tout le monde va bien ? Où sont-ils ?
Holmes inspira une grande bouffée d'air avant de répondre.
-Violet et James n'ont pas survécu.
Watson accusa le coup. Il ferma brièvement les paupières, sans parvenir à retenir la larme qui coula le long de sa joue. Puis les rouvrit, inspira à son tour, et fit signe à Holmes de continuer. Il prendrait toute la mesure de son deuil plus tard, pour l'instant, il voulait savoir.
-Après notre « victoire », reprit Holmes, ma seule idée était de mettre mes affaires en ordres, créer un début de réseau efficace, le confier à Kirk, et partir à votre recherche. Mais... Mais ils m'ont convaincu que ce n'était pas la bonne chose à faire. Que j'étais le mieux placé pour diriger le réseau, et, surtout, que je n'avais pas la moindre idée d'où vous pouviez vous trouver sur terre... Que c'est en montant le réseau que j'aurais une chance de vous retrouver... Et que si vous rentriez à Londres, il fallait que je sois là... Alors j'ai... J'ai reconnu que c'était la plus sage des décisions. Mais le nombre de fois, Watson, le nombre de fois où j'ai voulu les envoyer au diable pour partir à votre recherche, au hasard... J'ai payé des dizaines et des dizaines de mercenaires, dans toute l'Europe, pour qu'ils tracent Moriarty, j'ai compulsé frénétiquement des rapports venant de partout à la fois. Mais rien, rien... J'avais l'impression... J'ai l'impression...
Que c'est moi qui aurais dû vous sauver, finit-il en pensée. C'est moi ! Je vous ai abandonné, Dieu me pardonne... Je vous ai trahis...
Watson resta un instant immobile, pensif, ses mains toujours fermées autour de celles du détective. Une part de lui aurait voulu que Holmes abandonne tout pour partir à sa recherche, bien sûr. Mais il devait reconnaître qu'il avait eut raison de ne pas le faire. Et s'il était partit, il n'aurait pas pu le retrouver, en revenant à Londres !
Il connaissait bien son détective, il imaginait son immense frustration. Il ne savait pas s'il pouvait lui pardonner d'avoir eut recours à la cocaïne, mais il pouvait le comprendre.
-Vous avez bien fait, Holmes, dit-il finalement.
Au même instant, la porte s'ouvrit et Lupin apparu, les bras chargés de deux boites de biscuits secs.
-Tout ce que j'ai trouvé, commenta-t-il. Et vous, Watson, il ne serait pas l'heure de manger ? À moins que ce ne soit déjà fait...
Watson soupira.
-Vous voulez bien me nourrir, juste un jour de plus ? Je trouverai de nouveaux arrangements demain...
-Bien sûr ! s'exclama Lupin, enchanté.
Holmes étouffa la jalousie qui lui dévorait les entrailles.
-Il y a une réserve de sang, à la cave, Watson, intervint-il alors que Lupin remontait sa manche.
-Mais vous avez dit qu'elle n'était plus très fraiche...
-En vérité, j'ai fait attention à la renouveler toutes les semaines, depuis votre disparition, au cas-où vous reviendriez...
Watson sourit, touché par l'attention.
-Mais je sais que vous n'aimez pas boire le sang d'inconnus, alors si vous préférez celui de Lupin... souffla Holmes en détournant le regard.
-Je n'ai aucun problème à le fournir, assura le Français en souriant.
-Je m'en voudrais de vous fatiguer plus, Lupin, répondit gentiment Watson en redescendant la manche du cambrioleur. Je vais piocher à la cave.
Il sortit de la pièce en traînant des pieds, peu rassuré à l'idée de laisser les deux hommes face à face.
Holmes le regarda sortit avec une certaine anxiété. Il n'aimait pas l'idée de le perdre de vue alors qu'il venait de le retrouver.
-Ne faites pas cette tête, soupira Lupin, il ne va pas s'enfuir ! Vous pourriez lui faire confiance.
-Je lui fais confiance, rétorqua Holmes.
-C'est vrai. Vous lui faites même assez confiance pour le laisser s'échapper tout seul !
La pique atteignit Holmes en plein cœur. Il serra les poings et tourna le dos à son invité involontaire pour chercher sa pipe.
-Vous auriez pu le laisser s'abreuver de mon sang, reprit Lupin. Vous savez que c'est plus agréable pour lui que de boire celui de total inconnus.
-Il fait ses propres choix, rétorqua Holmes.
Il mit enfin la main sur sa pipe, la bourra de tabac, et l'alluma. Il en tira une bouffée et fit jaillir d'un soupir quelques volutes blanches avant de reprendre :
-Je vous suis éternellement reconnaissant de l'avoir aidé, Lupin, déclara-t-il avec sincérité. Mais vous restez un cambrioleur, et moi un détective. Vous pouvez dormir ici ce soir, mais je doute que nous fassions bon ménage. Il serait mieux pour tout le monde que vous partiez demain matin.
-Oh, mais je n'allais pas m'éterniser, rassurez-vous, répondit Lupin sur le même ton de défi. Après tout, j'ai une pierre philosophale à retrouver, pas vraiment le temps de finasser. Je me demande si Watson ne serait pas partant pour m'aider... Après tout, il a suivi de près le début de cette affaire...
-Watson est mon assistant, rétorqua, un peu puérilement, le détective. Il va certainement avoir autre chose à faire que des chasses au trésor.
-Voyons, Holmes ! Vous savez que Watson a le goût de l'aventure et du mystère ! Comme vous. Enfin, normalement, parce que cette histoire n'a pas l'air de vous exciter plus que ça... Mais je comprends, vous devez vous faire vieux... Il n'y a pas de honte, vous savez.
Le détective s'étrangla avec la fumée de sa pipe, toussa, et adressa au cambrioleur un regard propre à geler un brasier en pleine savane.
-Très bien, Lupin ! Éructa-t-il en pointant rageusement sa pire dans sa direction. Je le relève, votre défi ! Toutes ces provocations ne menaient qu'à ça, n'est-ce pas ? Vous voulez une compétition.
-Ah, vous voyiez, quand vous voulez ! Je suis certain que je peux trouver cette pierre avant vous, Holmes. Et remporter le gros lot...
À cet instant, Watson entra dans la pièce et Lupin jeta dans sa direction un regard entendu.
Holmes serra les poings. Mais pour qui il se prenait, ce freluquet, à se mesurer au plus grand détective de son temps ? Il allait lui montrer, s'il était vieux !
Watson soupira. Il ne savait pas ce qui s'était passé, mais vu le sourire de Lupin et l'air vengeur de Holmes, les ennuis allaient vite arriver. Et lui qui ne rêvait que de tranquillité...
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