T6 - Chapitre 11
Suivant le même rituel que la dernière fois, Holmes, Watson et un Lestrade complètement stupéfait furent conduits à travers les salons silencieux du club Diogène – où quelques nobles indolents lisaient le Times en buvant du thé ou du sang dans de ravissantes tasses de porcelaines – jusqu'à une suite privée, réservée à quelques élus.
Watson n'avait pas rencontré beaucoup de fois le frère de son ami mais, à chacune de ces occasions, il le trouvait encore plus dangereux, et plus intimidant. Le fait qu'il ait appris, lors de sa dernière visite, que le club Diogène était un terrain neutre entre l'élite humaine et l'élite vampire, terrain géré par Mycroft lui-même, n'était pas pour arranger la chose.
-Sherlock, lâcha l'ombre volumineuse aux yeux gris, perçants, qui n'avait pas daignée se lever de son fauteuil pour les accueillir.
-Mycroft, répondit le détective sur le même ton. Comment vas-tu ?
-Merveilleusement bien, merci, renvoya l'aîné sur un ton suggérant qu'il s'apprêtait à commettre un meurtre – ou plus. Nous avons eu quelques difficultés avec les nouveaux vampires dernièrement, ceux qui ont été transformés lors de la grande attaque de Moriarty, à l'anniversaire de la Reine. Mais notre réseau de sang consentit est de plus en plus efficace. Toutefois, je suppose que tu n'es pas venu parler politique ?
Watson remarqua qu'il évitait soigneusement de tourner la tête vers l'inspecteur Lestrade qui, intimidé, ne savait plus où se mettre.
-En effet, répondit Holmes en arborant un sourire que Watson n'aimait pas beaucoup, celui qui annonçait qu'il se délectait à fomenter un sale coup. Je suis venu te demander de...
-Laisse-moi émettre une hypothèse, le coupa Mycroft. Tu es à la recherche de Nicholas Flamel, le légendaire alchimiste, et de sa non moins légendaire pierre philosophale. Tu t'es mis en compétition avec un gentleman cambrioleur, et tu serais prêt à tout pour sauver ton honneur devant le docteur revenu parmi nous. Enchanté de vous revoir, d'ailleurs, Docteur Watson.
-Euh... Merci, balbutia l'intéressé.
La figure de Holmes affichait la plus complète surprise.
-Et tout à ta quête, continua Mycroft, la voix de plus en plus glaciale, tu n'as pas hésité à utiliser contre moi la seule véritable faiblesse que tu me connaissais. Quel petit frère tu fais.
Sherlock, déstabilisé, inspecta rapidement sa mise, à la recherche de ce qui aurait pu aider Mycroft à porter ces déductions.
-Le problème, Sherlock, ricana Mycroft, c'est qu'en essayant d'être le plus malin à tout prix, on ne se fait pas que des amis. Duc de Chermerace, si vous voulez bien...
Une petite porte à moitié dissimulée par une tapisserie s'ouvrit, derrière Mycroft. Un homme en sortit. Grand, fin, élégant, les cheveux blonds aux reflets roux savamment coiffés, la moustache en guidon impeccablement taillée, tout comme le costume gris, du meilleur goût. Il porta à sa bouche un porte-cigarette dont il inhala une longue bouffée, qui vint aussitôt se perdre en fumée devant ses yeux perçants.
Factuellement, il ne restait rien de l'homme qu'ils avaient rencontré dans la nuit, devant la porte du 221b. Mais un quelque chose, dans sa posture, l'expression de son regard...
-Lupin ! s'exclama Watson. Vous nous avez doublés ! Ne me dites pas que vous appartenez au club Diogène ?
Il faillit laisser échapper un rire devant la figure déconfite de Holmes, mais se retint au dernier moment. Évidemment, le détective le remarqua, ce qui n'arrangea pas vraiment son humeur.
-Bien sûr que je suis membre du club Diogène, mon cher Watson, répondit Lupin en s'inclinant, un sourire rayonnant sur le visage. Je suis allé visiter notre concierge, qui était, en effet, une fausse piste. Il fouillait dans la caisse pour rembourser des dettes de jeu, et l'explosion lui a fait peur. J'ai voulu venir vous voir, ce matin, pour vous en informer, mais vous étiez en train de partir, et j'ai entendu l'adresse donné au chauffeur. Scandalisé que vous souhaitiez tricher de la sorte, je me suis dit qu'il était tout à fait légitime de répondre à un coup bas par un autre, et je suis venu informer Mycroft, que je connais depuis quelques années, que vous arriviez. Il m'a suffi d'user d'un ou deux raccourcis pour parvenir ici avant vous.
-Mais, et votre déguisement ? Demanda Watson. Quand est-ce que vous avez trouvé le temps...
-Mon cher Watson, qui vous dit que ce n'est pas là ma réelle apparence ? Répondit l'autre avec un sourire.
Watson eut un petit rire.
-Je ne suis même pas sûr que vous vous souveniez de votre réelle apparence, Lupin !
Holmes, dans son coin, bouillait de rage, consumé de jalousie. Oui, de jalousie. Il avait beau se l'avouer, se répéter que c'était ridicule, il ne pouvait empêcher la flamme de l'envie de lécher son âme. C'était lui qui devait faire des démonstrations d'intelligence, c'était à lui que Watson devait poser des questions auxquelles il répondait avec flegme, et c'était devant lui que Watson devait être admiratif.
Mycroft croisa son regard et sourit. Bien fait, petit frère.
À cet instant, Lestrade toussota, les ramenant tous au présent.
-Je ne voudrais pas me montrer impolis, déclara-t-il, mais j'ai des obligations, en dehors de cette affaire tout à fait officieuse. Vous savez, un métier, des horaires, des affaires en cours...
-Pour une fois, répondit Holmes, Lestrade n'a pas tort. Passons au vif du sujet. Mycroft, sais-tu où se trouve Flamel ?
Il y eu un silence, alors que chacun retenait sa respiration.
-Absolument pas, répondit enfin Mycroft.
Nouveau silence. Tous les occupants de la petite pièce – Lestrade excepté – arboraient des yeux ronds.
-Tu ne sais pas ? s'exclama Sherlock, trop stupéfait pour ajouter le moindre commentaire.
-Ne t'en déplaise, mon cher frère, répliqua Mycroft, je n'ai pas la science infuse. Flamel, s'il existe bien, est arrivé à Londres avant que je n'y prenne mes quartiers, et tout ce que j'ai pu apprendre, c'est qu'il était partit avec l'expédition Nimoy. Nul ne semble l'avoir revu depuis.
-Nous avons tout lieux de croire qu'il s'agit à présent d'une personnalité connue, dont la photographie circule dans les journaux, appuya son benjamin pour l'aider. Tu dois bien savoir quelque chose !
-Non.
-Je ne te crois pas, répliqua Sherlock d'une voix ferme, ses yeux inquisiteurs réduit à deux fentes, comme s'il essayait de lire l'esprit de Mycroft.
-Grand bien te fasse, petit frère.
Ils échangèrent un long regard. Puis Mycroft se leva et rejoignit le détective, de l'autre côté du bureau.
-Il ne s'agit pas que d'en remettre à Lupin, n'est-ce pas ? Demanda Mycroft. Tu cherches la pierre pour autre chose...
-Oui, répondit Holmes, il s'agit aussi de combattre Moriarty ! Mycroft, si tu sais quelque chose, tu dois nous le dire ! Cette pierre est une arme phénoménale...
-Je sais, Sherlock. Tu m'as déjà vu placer quelque chose au-dessus de la sureté de l'État ?
Les yeux du détective répondirent à sa place. Oui. La sureté de ton petit frère.
-Je trouverai quand même, reprit enfin Holmes, plus lentement. Il le faut.
-Holmes... intervint Watson en posant la main sur son bras. Nous n'apprendrons rien de plus ici. Partons.
Holmes hésita puis, finalement, hocha la tête. Lupin fit une révérence en direction de Mycroft et quitta le bureau en premier – ce qui énerva légèrement le détective – suivit de Watson et Holmes. Lestrade hésita sur le pas de la porte. Watson, en se retournant, s'aperçut avec une certaine surprise que le même air indécis s'inscrivait sur le visage de Mycroft. Et c'était bien la première fois.
-Monsieur Holmes, lança enfin l'inspecteur, j'ai cru comprendre que vous aviez de nombreux contacts chez les vampires...
-En effet, répondit Mycroft. Je peux peut-être vous être utile, inspecteur Lestrade ?
À l'écho de cette dernière phrase les sourcils de Holmes s'arquèrent, incrédules.
-Je travaille justement sur une affaire délicate concernant un nouveau vampire accusé de meurtre... Si vous aviez le temps de m'éclairer sur certains points...
-Vous pourriez... repasser, répondit enfin Mycroft. À l'heure du thé. Cette après-midi.
Lestrade sourit.
-Merci.
Watson eut la curieuse impression qu'il y avait plus, dans ce merci, qu'une simple reconnaissance pour un service à venir.
Puis la porte du bureau de Mycroft se referma, laissant devant le battant clôt un Lestrade songeur.
-C'est un drôle de personnage, votre frère, lança-t-il enfin à Holmes.
-On peut dire ça, oui.
-Pourquoi pensiez-vous que j'étais un moyen de pression contre lui ?
Holmes haussa les épaules et fit volte-face dans la ferme intention de sortir de cet endroit, qu'il exécrait un peu plus chaque minute. Watson le rattrapa avant la sortie, toutefois, lui agrippa le bras, et le tira dans une petite pièce qui faisait office de vestiaire.
-Attendez-nous dehors, lança-t-il à l'inspecteur et au Duc de Chermerace. Nous ne serons pas longs.
Ils hochèrent la tête et sortirent. Watson referma la porte dans son dos.
-Mais qu'est-ce que vous faites ? s'irrita le détective consultant.
-Holmes, commença doucement le docteur, vous m'inquiétez.
L'intéressé croisa les bras comme un enfant ayant décidé de bouder jusqu'à ce qu'on le laisse partir.
-C'était cruel de votre part, d'arriver ainsi dans le bureau de votre frère avec Lestrade, juste pour lui soutirer des informations.
-Ne le défendez pas, Watson, je suis absolument certain qu'il en sait plus qu'il n'en dit.
-Mais enfin, Holmes ! D'habitude vous êtes plus... plus comme Lupin.
Les yeux du détective étincelèrent de rage.
-Ne me comparez pas, répliqua-t-il sèchement. Si vous préférez Lupin, rien ne vous empêche de repartir en cavale à ses côtés.
Watson recula comme s'il avait été frappé. Il baissa les yeux, le regard soudain flou, mais se reprit aussitôt, et ajouta, sans oser regarder Holmes :
-Peut-être devriez-vous abandonner la recherche de cette pierre, Holmes. Je viens juste de rentrer... Tout ce que j'espérais, c'était quelques matinées calmes à Baker Street, tandis que vous m'expliquiez tout ce qui s'était passé en mon absence, comme cette histoire de nouveau vampires... Si la pierre philosophale est à Londres, si elle peut servir à protéger le pays, Mycroft la trouvera, ou Lupin, et je suis certain que même lui l'utilisera contre Moriarty. Rentrons à Baker Street, Holmes. S'il vous plait.
Holmes ferma brièvement les yeux et se mordit la lèvre avant de répondre.
-Non. Non, Watson, vous ne comprenez pas... Je dois retrouver la pierre. Après... Après nous pourrons nous reposer. Et même prendre des vacances, si vous voulez ! Mais je ne peux pas laisser un autre avoir cette pierre.
-Mais pourquoi, Holmes ? Pourquoi ?
Au lieu de répondre, le détective le poussa légèrement sur le côté et sortit de la pièce.
Watson frotta le coin de ses yeux avant de le suivre.
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