
T5, Acte 2, Chapitre 6: Holmes et Watson
Les deux amis se jetèrent aussitôt dans la bataille.
Holmes fit un large mouvement du bras. La tête d'un vampire s'envola, constellant au passage son visage de gouttes de sang.
-WATSON ! Cria-t-il à l'intention du docteur, occupé à trancher la gorge d'un de ses assaillants. LA REINE !
-JE M'EN OCCUPE ! Répondit l'intéressé en se précipitant vers Sa Majesté, qui, du haut de ses soixante-dix ans, assommait allègrement à coups de chandelier un des vampires qui avaient cru qu'elle ferait une proie facile.
-Qui êtes-vous ? Demanda-t-elle à Watson en le menaçant de son arme improvisée lorsqu'il s'approcha d'elle.
-Docteur John Watson, se présenta l'intéressé en faisant une révérence avant de trancher le bras d'un autre vampire, juste à l'articulation (il était médecin, après tout). Biographe et ami de Sherlock Holmes, que vous voyez là-bas, le meilleur et seul détective consultant de Londres (il évita un coup de dent et riposta d'une droite bien sentie). À votre service.
-Docteur Watson ! S'exclama la reine en embrochant un de ses assaillants. J'ai lu toutes vos histoires.
-J'en suis très honoré... répondit le docteur en évitant de justesse la balle de revolver qui faillit lui trouer le front. Mais si vous permettez, votre Majesté, nous devrions peut-être envisager de battre en retraite... Momentanément, bien entendu.
À cet instant, Holmes surgit à côté de lui, couvert de sang.
-Nous ne pourrons pas repasser par le passage, dit-il d'une voix tendue. Votre Altesse, où mène cette porte ? Demanda-t-il en désignant le mur, juste derrière eux.
-À mon boudoir.
-Il y a une autre sortie ?
-Un passage secret, mais il ne mène pas à l'extérieur.
-Alors allons-y. Vite. Sans vouloir vous commander...
Et sans plus de considération pour le protocole, il ouvrit la porte du boudoir et poussa la Reine Victoria à l'intérieur.
-Watson !
-J'arrive... répondit son ami en bondissant pour le rejoindre.
Le détective claqua la porte dans son dos et s'arc-bouta sur une commode pour la placer devant le battant.
-Vous n'êtes pas blessé, Holmes ? s'enquit aussitôt Watson.
-Pas la moindre égratignure. Et vous ?
-Tout va bien. Votre Majesté ?
-Par Saint Georges ! s'exclama la Reine. Et dire que je pensais que cette soirée serait ennuyante à mourir ! Je ne m'étais pas autant amusé depuis au moins soixante ans !
-Je suis bien aise de l'entendre, répondit Holmes sans se démonter tandis que la mâchoire de Watson se décrochait (ce n'était pas tout à fait ainsi qu'il imaginait la reine Victoria, réputée si sévère). Le passage secret, à présent ?
-Ici, répondit sa Royale Majesté en faisant coulisser un panneau mural.
Au moment de le franchir, elle volte-face pour toiser le détective de toute sa hauteur qui, si elle n'atteignait pas celle de son interlocuteur, donnait tout de même l'impression de le dominer. Toute étincelle d'enfantillage avait disparu de son regard aiguisé, et ses traits durcis renvoyaient une menace sourde que nul n'aurait osé prendre à la légère.
-Lorsque nous seront à l'abri, monsieur Holmes, j'ose espérer que vous me donnerez une bonne explication pour ce qui vient de se produire, ainsi que sur la nature de ces... créatures.
Holmes s'inclina, et Watson retint un sourire en songeant que c'était bien la première fois de sa vie qu'il voyait son ami montrer autant de respect.
-Vous permettez que j'ouvre la marche ? Demanda le détective en s'engouffrant dans le passage secret (sans attendre de réponse, son obéissance avait des limites).
-Après vous, Votre Majesté, s'inclina Watson en désignant le passage à Victoria.
À cet instant, trois coups sourds ébranlèrent la porte de la chambre, suivit d'un craquement lugubre.
-Ne traînons pas, trancha la reine.
La porte se referma derrière Watson avec un claquement ténu.
-Où allons... commença le docteur avant d'être interrompu par deux « chut ! » successifs.
Légèrement vexé, il se le tint pour dit et tendit l'oreille.
À travers la cloison, on put très distinctement entendre la porte du boudoir céder, et une dizaine de personnes entrer dans la pièce. S'ensuivit un remue-ménage de tous les diables, composé de bruits de déchirures, de meubles renversés ou cassés, de jurons et de paroles chuchotées.
-Ils ne mettront pas très longtemps à trouver le passage, dit doucement Holmes. Majesté, c'est vous la propriétaire des lieux. Où pouvons-nous nous rendre sans sortir d'ici ?
-L'aile réservée à ma suite se trouve non loin, dit-elle d'un ton assurée. Allons demander des renforts contre ces... choses.
-Non, répondit aussitôt Holmes.
Watson faillit s'étrangler. On ne répondait pas ainsi à la Reine d'Angleterre, que diable !
-Certain ont été enfermé pour avoir été moins insolent, déclara froidement la suzeraine.
-Nous ne savons pas qui dans votre cour vous est fidèle et qui fait partie de l'armée de Moriarty, répondit tranquillement l'autre.
-Moriarty ? Celui qui a périt dans les chutes ?
-Lui-même. Revenu d'entre les morts, frais comme un gardon, tout prêt à prendre votre place sur le trône.
Le vacarme, dans la pièce d'à côté, se faisait de plus en plus violent.
-Nous n'avons pas le temps de vous expliquer maintenant, pressa Holmes. Il faut que vous me fassiez confiance ! Guidez-nous jusqu'à un lieu où l'on puisse se dissimuler !
-Je n'ai pas l'habitude de recevoir d'ordres, monsieur Holmes, ni d'accorder ma confiance aussi négligemment. Toutefois, en raison des circonstances, je veux bien faire une exception. Dépêchons-nous.
Et elle se mit en route, guidée seulement par la lumière qui filtrait de différents judas donnant sur les pièces du château.
Watson remarqua, que le sol s'inclinait légèrement, et qu'il faisait de plus en plus froid. Il voulut en faire la remarque à voix haute, mais se retint en songeant que Holmes l'avait certainement remarqué bien avant lui, et que la reine savait où elle les emmenait. Pas besoin de passer pour un idiot plus que nécessaire.
Enfin, après quinze minutes à crapahuter dans la pénombre, la souveraine s'arrêta, et déclencha sur le mur un mécanisme qui échappa à Watson. Un panneau coulissa.
Le docteur frissonna lorsqu'une bouffée d'air froid lui heurta le visage.
-La crypte, commenta Holmes, appréciateur.
-J'attends des explications, déclara la reine – plus comme une affirmation que comme une vraie demande – en s'asseyant dignement sur un tombeau. Qui sont ses créatures, pour qui travaillent-elles, qu'elles sont leur plan, comment les tue-t-on, et quel est notre plan ?
Holmes hocha la tête avec appréciation. Il aimait les gens qui posaient les bonnes questions.
-Ce sont des vampires, dirigés par Moriarty et ses alliés, la famille Crowley et Nosfératus, qui entendent profiter de cette nuit pour transformer ou assassiner l'intégralité de votre gouvernement grâce à une attaque massive sur Buckingman. On les tus en leur tranchant la tête ou en les brûlant, et notre plan consistait à vous mettre à l'abri et à attendre l'arriver de nos alliés pour sauver le plus de personnes possibles.
-Soit, dit simplement la souveraine, sans frémir d'un seul poil. Combien d'alliés ?
-Huit.
-C'est peu.
-Nous faisons de notre mieux.
-Je l'espère.
-Pardonnez-moi, intervint Watson qui, tout intimidé soit-il, ne pouvait pas se retenir plus longtemps. Nous ne pouvons plus attendre. Votre Majesté, personne n'ira vous chercher ici, vous êtes en sécurité. Des gens ont besoin de nous, là-haut. Il est probable que les vampires soient déjà passé à l'attaque.
-Alors ne perdez pas plus de temps, répondit Victoria. Laissez-moi une machette, au cas où, je me débrouillerai.
Watson s'inclina et tendit à la souveraine l'une de ses lames.
-Que Dieu vous garde, leur lança Victoria alors qu'ils s'engouffraient à nouveau dans le passage secret.
-Je ne pense pas que Dieu nous aidera beaucoup, ironisa Holmes lorsque la porte se fut refermé.
-Surtout, murmura Watson, plus pour lui-même, que je ne vois pas ce que Dieu aurait à faire du sort d'un vampire...
-Que voulez-vous dire ?
-Rien d'important. Allons-y.
-Non, attendez, le retint Holmes. Expliquez-vous.
-Nous n'avons pas le temps !
-Alors faites vite.
Le docteur soupira.
-Holmes, je voulais simplement signifier qu'en tant que vampire, je doute que Dieu ait quelque chose à faire de mon âme.
-Si c'est le cas, rétorqua le détective, alors Dieu est un parfait imbécile !
-Holmes !
-Oh, Watson, soupira Holmes.
Il le prit par les épaules. Dans la pénombre, le docteur pouvoir voir ses yeux briller.
-Ne pensez jamais du mal de vous, je vous en prie. J'ai besoin que vous soyez solide, pour me soutenir aussi, sinon je m'effondre. J'ai besoin de vous. John, regardez-moi... Vous êtes la meilleure personne que j'ai rencontré, et s'il existe un paradis, et que Dieu a trois grammes de jugeote, vous serez le premier à y rentrer. Vous comprenez ? Watson ? Répondez-moi. Vous comprenez ?
-Je comprends, répondit le docteur, la gorge serrée, que vous croyez en moi...
-Bien sûr que je crois en vous ! Vous êtes en train de me dire que vous ne le saviez pas ?
Watson haussa les épaules en souriant d'un air faussement désinvolte.
-Vous êtes toujours si mystérieux, avec vos airs d'indifférence...
Ils se sourirent. Et puis Watson s'approcha et serra contre lui le corps fin du détective, qui referma ses bras autour de son cher ami. Ils avaient peur, tous les deux, de ce qu'ils s'apprêtaient à faire, peur de se perdre, peur de ne jamais se revoir, peur que la vie ne redevienne jamais comme avant.
Un cri de femme déchira le silence.
Ils s'élancèrent aussitôt à la rescousse.
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