Violet frappa violemment la vitre avec son fusil. Elle se brisa avec fracas. Ceci fait, elle glissa sa main à l'intérieur et déverrouilla la fenêtre, puis elle fit signe à son frère de la suivre, et entra dans le manoir Nosfératus.

-Violet, souffla James. Il n'y a personne.

-Chut, lui intima sa sœur en scrutant les environs. Il reste forcément un ou deux gardes pour surveiller l'endroit.

-Non, Violet, tu ne comprends pas. Il n'y a personne.

Cette fois-ci, sa phrase ne sonnait plus comme une observation, mais comme une affirmation. Comme s'il savait qu'il n'y avait personne, comme si c'était prévu.

-Comment ça ? s'enquit la jeune fille, qui sentait monter en elle une peur sourde. Nous devons inspecter les étages, et...

-Ça ne servirait à rien. Ils sont tous au bal.

-Comment tu...

-Moriarty me l'a dit.

Violet se figea. Les mots que venait de prononcer son frère étaient si lourds de sens qu'ils l'écrasaient, l'empêchant de bouger, de penser, de faire le moindre geste. Elle se contenta de dévisager son cadet. Son visage pâle. Les cernes qui soulignaient ses yeux. Ses cheveux ébouriffés. Son air triste.

-Quand ? Lâcha-t-elle enfin d'une voix morte, atone.

Ce n'est pas ce qu'elle voulait dire, bien sûr. Elle voulait hurler, pleurer, et puis lui demander pourquoi, ce qu'il s'était passé, ce qui lui avait pris, ce qui était arrivé...

Mais ce fut le seul mot qui réussit à franchir ses lèvres.

Son frère, toutefois, la connaissait assez pour ne pas s'y arrêter, et capter dans son regard les questions qu'elle n'arrivait pas à poser.

-Avant-hier, dit-il. Je suis sortit. Personne ne s'en est aperçut. Personne ne s'aperçoit de rien, en ce qui me concerne. Il m'a abordé. J'ai tout de suite su que c'était lui, tu sais. J'étais si fatigué... Tu m'as abandonné, Violet, laissé de côté... Et je n'avais pas envie de mener cette guerre... Alors il m'a proposé un marché. Je lui révélais tout ce que je savais, et nous aurions la vie sauve, tous les deux.

-Je ne t'ai pas abandonné ! Croassa Violet, la voix éraillée.

-Tu ne m'as pas demandé mon avis depuis deux mois, Violet. Tu as décidé que nous devions devenir des chasseurs, et suivre ces fichus Winchester. Tu n'as plus d'yeux que pour ce grand échalas de Sam, tu le suis partout, tu bois chacune de ses paroles comme une cruche en admiration devant son héros...

-James !

-Cette guerre ne nous concerne pas.

-Les vampires ont tué maman !

-JUSTEMENT ! Hurla le jeune homme. En quoi mourir aussi l'aidera en quoi que ce soit ?! Pourquoi devrions-nous nous battre pour des gens que nous ne connaissons pas ?!

-Il faut bien que quelqu'un le fasse !

-Et bien qu'ils le fassent, eux, et qu'ils crèvent, tous autant qu'ils sont ! Vouloir combattre à nous dix une armée de vampires ! Il faut être complètement fou ! De toute façon, Moriarty avait tout anticipé, avant même que je ne lui révèle ce que je savais. Ils n'ont plus aucune chance ! Tu me détesteras peut-être, sœurette, mais au moins tu seras en vie !

-En vie, en vie... intervint soudain une voix rocailleuse. C'est encore à voir.

En haut des escaliers du grand hall se trouvaient cinq vampires souriant.