T3 - Chapitre 13
— Monsieur De Salle, vous nous faites enfin l'honneur de votre présence ! Railla Holmes lorsque le vieillard fit son entrée dans la pièce, escorté par Abberline.
Se drapant dans sa dignité, le père de famille pris place dans le seul fauteuil encore disponible.
Tous les protagonistes étaient réunis.
Watson sortit son carnet de notes en souriant. Il savait à quel point son ami aimait ces moments dramatiques où les masques tombaient enfin.
— Allez, Holmes, ne nous faites pas languir plus longtemps ! Lança-t-il pour le titiller.
Le détective lui lança un regard mi-exaspéré mi-amusé et, enfin, pris la parole.
— Drôle d'affaire que celle-ci, commença-t-il en croisant les mains dans le dos. Un village perdu dans le brouillard, une vieille légende, de belles jeunes filles assassinées... On croirait une histoire écrite par le docteur. Et bien sûr, le brave jeune homme victime d'une injuste malédiction, que tout semble accabler : perte de mémoire, témoignage de sa sœur qui l'a vue rôder la nuit, sa montre retrouvée sur la victime... Mais il faut toujours se méfier des histoires trop simples. Elles cachent un piège. J'ai d'abord penché pour une manipulation, Watson vous dira que c'est le cas dans presque tous les cas de phénomènes soi-disant surnaturels. Mais lorsque nous avons vu la bête, j'ai dû définitivement me résoudre à accepter l'existence des loups-garous. Après tout, pourquoi pas ?
— Alors, James... commença Violet.
— Ne m'interrompez pas. Les faits que j'ai cités précédemment peuvent s'expliquer de deux façons. La première, c'est que James soit effectivement loup-garou. La deuxième, c'est que le loup-garou soit quelqu'un d'autre, et qu'on cherche à faire porter le chapeau à ce pauvre James. Et ce quelqu'un d'autre...
Il laissa passer un silence, savourant son effet.
— Ce quelqu'un d'autre, c'est vous, monsieur De Salle ! S'exclama-t-il en pointant son doigt sur le vieillard, qui blêmis dangereusement. J'ai fait quelques recherches sur votre famille, avant de partir. Vous ne vous êtes pas exilé de France à cause de la révolution, non... vous avez fuis la légende de la bête du Gévaudan, et la maladie héréditaire qui faisait des ravages dans votre famille : la lycanthropie. Au fils des années, votre sang s'est dilué, on observait de moins en moins de cas, et tous aisément maîtrisable. Et puis, monsieur De Salle, vous avez brusquement perdu votre femme... Le choc a réactivé quelque chose en vous, des gènes inactifs depuis des siècles ! Vous vous êtes alors enfermé pour mener, avec l'aide de votre fils aînés, les recherches qui vous permettraient de guérir. Mais ce que vous ignoriez, c'est que la situation allait à ravir à Édouard, enfin en possession de la fortune familiale. Édouard qui haïssait son beau frère et sa belle sœur, au point de battre cette dernière à chaque fois qu'elle faisait preuve d'indépendance ou de rébellion. C'est bien pour ça, Violet, que vous arborez sans cesse ce masque fragile et soumis, comme un mécanisme de défense...
La jeune fille baissa les yeux. Et soudain, le docteur Watson se sentit pris d'une bouffée d'indignation qui lui fit serrer les poings.
— C'est vous qui avez saccagé la chambre de votre sœur, continua Holmes en s'adressant à l'aîné. C'est vous aussi qui avez placé la montre d'Édouard dans la main d'une des victimes, et drogué sa boisson aux moments opportuns, provoquant ces trous de mémoires. Vous vouliez vous débarrasser de James en gardant les mains propres. Les gens sont encore très superstitieux dans les petits villages comme celui-ci. Combien de temps avant que la vindicte populaire ne décide de l'envoyer au bûcher ?
— Mais Violet a vu son frère dehors la nuit, intervint Sam.
— J'y viens, j'y viens. Que ce soit à cause de vos expériences où d'une faible présence de la maladie dans vos gènes, monsieur De Salle, il vous arrivait de ne pas vous transformer totalement, comme lors de notre première rencontre, dans la forêt. Je suppose que vous aviez muté contre votre gré. La silhouette que votre fille a vue, cette nuit-là, c'était vous, rajeunit par votre transformation. Vous n'avez jamais remarqué, Violet, à quel point votre père et votre frère se ressemble ? Je suis certain qu'Édouard en avait conscience, lorsqu'il a manipulé son père pour qu'il passe sous votre fenêtre...
— Allez vous faire... commença l'aîné avant qu'Abberline ne le bâillonne proprement.
— Continuez, monsieur Holmes, continuez... déclara tranquillement le policier en se rasseyant.
— Merci. Mais Violet ne réagis pas comme prévu. Faisant fi des conséquences, elle vient me trouver à Baker Street. Édouard s'effraie. Et si je comprenais son stratagème ? Heureusement pour lui, il découvre – je ne sais trop comment – que Watson est un vampire. Deux chasseurs arrivent en ville. Parfait, il va pouvoir nous faire nous entre-tuer... Mais j'avoue que son plan si bien monté comprenait quelques failles. Watson était finalement aisément trouvable. La lettre donnait beaucoup trop d'indices...
— Aisément trouvable ? Glapit le docteur. On peut savoir pourquoi vous n'êtes pas arrivé plus tôt, alors ?
Mais le détective ne répondit rien, plongé dans ses pensées.
Son visage pris soudain un air grave.
— Violet, dit-il enfin. Avez-vous encore le faux mot qui vous a fait sortir de votre chambre, hier soir ?
Interloquée, la jeune fille plongea la main dans son jupon, et en sortit une note froissée qu'elle tendit au détective.
Il l'examina en silence.
— Holmes, dit enfin Watson, qu'y a-t-il ?
— Ce n'est pas Édouard qui a écris ce mot.
Il y eu un long instant de flottement. Le détective releva lentement la tête...
Et son regard se posa sur Abberline.
— C'est vous.
Un silence de mort s'abattit sur l'assemblée.
Le policier jeta la tête en arrière et partit d'un rire hystérique, à la limite de la folie.
— J'ai été aveugle, s'exclama Holmes, un imbécile... je le vois, maintenant...
— Quoi, Holmes, quoi ? S'exclama Watson en sautant sur ses pieds. Bon Dieu, que se passe-t-il ?
— L'air de familiarité Watson, souffla Holmes. La même ligne de la mâchoire...
— Bravo, bravo, répondit Abberline en frappant lentement des mains dans une parodie d'applaudissement. Vraiment, Holmes, vous m'impressionnez ! Et moi qui pensais que je vous avais dupé...
Il sortit de sa poche un revolver et, avant que quiconque ait pu intervenir, le pointa sur le père De Salle.
— Je suppose que c'est mon heure de gloire, maintenant ? Ria le policier. Rien que pour ça, Holmes, j'espérais presque que vous me démasquiez ! Oui, je suis un bâtard des De Salle, et je porte en moi les gênes lycanthrope. Mais contrairement à eux, j'ai cherché, longtemps, à cultiver ce pouvoir incomparable... Lorsque enfin je fus capable de contrôler ma transformation, je m'arrangeais pour me faire muter ici, afin de confronter ma famille. Et que découvris-je en arrivant ? Vraiment, c'était navrant ! Seul le vieux était capable de se changer en loup, et encore, pas entièrement !
— C'est vous qui avez tué les jeunes filles, lança Holmes. Vous avez laissé croire à De Salle et à son fils que c'était lui.
— Et oui, Holmes ! En même temps que je courtisais cette dinde, ici présente, je flirtais à droite et à gauche... ce ne fut pas très difficile de les attirer, une par une, les nuits de pleine lune – pour respecter la tradition – à l'orée de la forêt... Mais je m'ennuyais. C'était bien trop facile. Édouard m'amusa un moment, mais il me fallait un adversaire à ma hauteur... Et enfin, Holmes, enfin, vous êtes arrivé ! Vraiment, ce fut un honneur, de jouer cette partie avec vous ! Il faut dire que vous n'avez pas marché... vous avez couru ! La lettre était plutôt bien trouvée, n'est-ce pas ? Accusant les Winchesters, mais donnant assez d'indices pour que vous retrouviez le docteur Watson dans le clocher... À l'heure où je savais qu'Édouard y serait, puisqu'il utilisait cet endroit comme planque pour son trafique d'objet volé. Quel meilleur coupable que lui ?
— Oui, répondit le détective en serrant les dents, tout était pensé, soupesé... Vous vous êtes même arrangé pour faire taire Édouard au bon moment... Mais finalement, vous n'étiez pas si bon que ça. Je veux dire, une erreur aussi grossière ? Vous n'arrivez pas à la cheville de Moritrty...
— Moriarty... ricana Abberline. Oui, je m'y confronterai, après...
— Allons, ne me faites pas rire ! Vous, contre un Napoléon du crime tel que lui ? Soyez raisonnable, vous ne faites pas le poids !
Le coup de feu résonna dans la pièce.
De Salle regarda avec surprise la fleur rouge qui grossissait sur sa poitrine.
— PÈÈÈÈRE ! Hurla Violet en se précipitant à son chevet.
Une grimace hystérique déformant sa face, le policier fit dévier le canon de son arme vers le détective.
— Adieu, monsieur Holmes, souffla-t-il en souritant.
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