— Vous comprenez, monsieur Holmes, je ne sais plus quoi faire... sanglota la jeune femme en s'évanouissant dans les bras du détective.

Ce dernier lança à son compère des signes de détresse, qu'est-ce qu'on était censé faire dans une telle situation ? Mais Watson, qui s'amusait bien trop, fit mine de rien.

— Installez-la sur le sofa, Holmes, je vais lui servir un verre d'eau.

Le détective lui lança un regard assassin.

— Bon, d'accord, rit Watson en s'emparant délicatement de la demoiselle, allez donc chercher ce verre.

Holmes soupira de soulagement en abandonnant la jeune femme dans les bras de son ami.

Quelques instants plus tard, allongée, rafraîchit et éventée, la jeune fille gémit doucement. Le docteur prit gentiment la main.

— Vous vous sentez mieux ? Demanda-t-il avec gentillesse.

— Elle se sentira mieux, le coupa Holmes, quand elle nous aura exposé le problème qui l'a poussé à sauter dans une calèche hier soir pour venir nous voir.

— Holmes ! Vous ne pouvez pas savoir à quel moment...

— Vous avez vu la calèche qui attend dans la rue, Watson ? Celui d'une famille aisée. Il fait encore assez sombre, mais je peux d'ici distinguer les traces de boue sur les roues, indiquant sans faillir un long voyage. Notre lady ici présente ne s'est pas habillé à la hâte au milieu de la nuit, elle est maquillée et coiffée, mais on voit qu'elle a dormit dans ces vêtements. Elle a donc voyagé toute la nuit. Si c'était un voyage prévu, au milieu de la journée, dans l'après-midi, elle aurait pris avec elle quelques bagages, ou se serait au moins changé !

— Brillant, Holmes !

— Oh, monsieur Holmes, s'exclama la jeune femme, vous devez vraiment m'aider ! Je vous en supplie...

— Calmez-vous, calmez-vous, répéta gentiment le docteur en lui tapotant le dos de la main. Quel que soit le problème qui vous tracasse, Sherlock Holmes vous viendra en aide.

L'intéressé leva un sourcil sceptique. Quand il s'agissait de jeune et jolie jeunes fille, Watson promettait toujours à tort et à travers, mais s'il s'agissait d'une énième histoire d'adultère, il pouvait s'en charger tout seul !

— C'est mon frère, commença leur cliente. Je crois... je crois... Que c'est un loup-garou.

Le sourcil de Holmes gravit encore quelques degrés.

— Un... loup-garou ?

— Oh, sanglota de plus belle la demoiselle – ce qui commençait sérieusement à agacer le détective – vous ne me croyez pas !

— Allons, allons, dit-il du ton le plus conciliant dont il était capable, si vous commenciez votre histoire du début ?

— Certes, certes, se reprit l'inconnue en tapotant un mouchoir de dentelle au coin de ses yeux. Je m'appelle Violet De Salle.

— Française ?

— Ma famille s'est expatrié à la révolution. J'habite le manoir familial, à quelques heures de route de Londres, avec mon père et mes deux frères.

— Dont le soi-disant loup-garou ?

— Oui. C'est le plus jeune de nous trois, James. Il n'a que vingt ans, monsieur Holmes ! Mon autre frère est le fruit d'un premier mariage, il a quarante ans. C'est lui qui gère la maisonnée.

— Et non votre père ?

Elle soupira.

— Depuis la mort de ma mère, des années plus tôt, il refuse passe son temps dans les livres, et refuse tout contact avec le monde extérieur. Nous ne le voyons guère.

— Bien, et si – maintenant que le cadre est posé – vous nous exposiez enfin les raisons qui vous font douter de la nature de votre frère ?

Elle frissonna.

— Ça a commencé au début de l'année, monsieur Holmes. Une jeune femme a été retrouvé morte, à moitié dévorée, à l'orée de la forêt. Les villageois ont organisé des battus, mais n'ont jamais remis la main sur la bête qui avait fait ça. Ils l'ont enterré. Mais le mois suivant, c'était une des bonnes du manoir qui était retrouvé à moitié dévorée. Là encore, aucun signe de la bête. On a fait venir des chasseurs, mais ils repartirent tous bredouille.

— Et le mois suivant ...

— Oui, monsieur Holmes. Les gens commençaient déjà à jaser. C'est que, les deux fois, c'était la pleine lune... Cette nuit-là, monsieur Holmes, j'étais accoudé à ma fenêtre, je n'arrivais pas à dormir. J'entends un cri. Je me penche... et je vois une silhouette familière. C'était James, qui marchait dans la lande ! Au matin, je lui ais demandé ce qu'il faisait dehors, en pleine nuit, mais il a nié être sortis de sa chambre. Je suis allé sur les lieux du crime, parce qu'une nouvelle jeune fille avait bien été retrouvée, vraiment, horriblement mutilée, et dans la main de la jeune fille, monsieur Holmes, j'ai trouvé la montre à gousset de mon père, celle-là même qu'il venait d'offrir à James ! J'en ai parlé avec lui, il ne dit n'avoir aucun souvenirs. Plusieurs villageois avaient vus la bête s'enfuir... C'est là que nous avons commencé à prendre au sérieux ces vieilles histoires, à propos des loups-garous. La pleine lune est demain, monsieur Holmes, et je ne savais pas quoi faire... Je n'allais pas livrer mon propre frère ! J'hésitais déjà à aller vous trouver. Et puis, hier soir, lorsque je suis retourné dans ma chambre... Tout avait été saccagé ! Les murs et les meubles avaient été lacérés par quelque chose d'inhumain... Et mon pauvre frère, qui ne s'était pas montré au dîner, ne gardait aucun souvenir des dernières heures ! Alors j'ai sauté dans une calèche, et j'ai ordonné au chauffeur de rouler toute la nuit s'il le fallait pour rejoindre Londres.

Holmes ne disait rien. Les mains jointes, les yeux presque fermés, il aurait pu paraître somnolant à un spectateur extérieur, mais Watson devinait sans peine son excitation.

— Bien, mademoiselle, dit-il enfin. Je vous propose de finir votre nuit dans notre chambre d'ami, le temps que nous fassions nos bagages. Nous partirons aux premières lueurs de l'aube...

— Vous voulez dire que vous allez nous aider ? Oh, monsieur Holmes, c'est formidable !

— N'est-ce pas ? Ça nous changera des vampires !

— Pardon ?

— C'était une plaisanterie, la rassura Watson en la menant hors de la pièce, non sans jeter un coup d'œil assassin au détective qui arborait un sourire ravis.