La femme l'attendait.

Ophélia, se souvint-il en lui baisant la main.

Étrangement, son pouvoir ne faisait plus effet sur lui. Il l'a voyait telle qu'elle était. Cruelle. Manipulatrice.

Étais-ce l'imminence de la mort qui affûtait son esprit ?

Allez savoir. L'adrénaline avait toujours eu sur lui des effets stimulant, semblable à ceux qu'une bonne énigme avait sur Holmes.

— Je vous trouve bien distant, susurra la femme à son oreille.

Il devina que ça lui plaisait. Peu d'hommes devait être en mesure de lui résister.

— Qui pourrait garder ses distances avec une telle beauté ? Répondit-il pour la détromper.

Elle lui jeta un regard en douce et lui fit passer le barrage des gardes.

Il était dans la place.

La voûte était impressionnante, haute d'au moins trois ou quatre mètres. On y avait accroché un lustre, dont les lumières tremblantes glissaient comme pour jouer sur les ossements qui dormaient le long des murs.

Les vampires avaient décidément un goût très prononcé pour le macabre, frissonna Watson en se souvenant de l'endroit où il se trouvait. Les catacombes de Camden. Véritables réseaux souterrains situé sous la surface de Londres, qui servaient habituellement au transport des marchandises.

Les ossements ne devaient être là que pour la décoration, pensa Watson en dissimulant son sourire. C'est qu'ils ont une image à défendre !

La foule était beaucoup plus clairsemée que celle de la veille. Il ne devait y avoir que le gratin de la société vampirique.

— À minuit pile ! Lança une voix à côté de lui. Moriarty a le sens du spectacle !

Minuit.

Encore une heure.

*

Holmes rayait frénétiquement, sur la carte de Londres, les endroits où n'avaient pas lieu la cérémonie.

Les irréguliers étaient réunis dans son salon, l'armée au grand complet. A chaque nouvelle suspicion, il en envoyait deux vérifier sur place au pas de course, puis revenir le prévenir.

Jusqu'à maintenant, sans succès.

23h15.

Minuit. Il avait la certitude que si Moriarty devait faire son apparition, ce serait à cette heure-là.

Quarante-cinq minutes.

*

— Vous avez l'air sur les nerfs, murmura la femme en posant ses mains sur ses épaules. Voudriez-vous que je vous détende ?

— Pas encore, souffla Watson en regardant sa montre. Restez un peu avec moi.

Elle fronça les sourcils. Venait-il de refuser de coucher avec elle ? Voilà quelque chose d'inédit...

— Laissez-moi encore me pavaner un instant à vos bras, ajouta le docteur, et savourer la jalousie dans les yeux des autres.

C'était donc ça, pensa la vampire en levant les yeux au ciel. Les hommes...

Mais, tous comptes fait, ça n'était pas plus mal. Elle aussi aimait savourer l'envie dans les regards...

23h30, pensa Watson avec angoisse. 23h30.

Une demi-heure. Une demi-heure, et tout est fini.

*

Wiggins passa le pas de la porte, tout excité. Holmes sut, avant qu'il ne parle, qu'il avait trouvé.

Les catacombes.

Dès que l'idée lui était venu, il avait su que c'était la bonne. Qu'avait-il perdu du temps à attendre d'en être sûr ! Il aurait dû y courir tout de suite !

Lançant au passage une pièce au gamin pour les récompenser, il dévala les escaliers.

Watson, attendez-moi !

*

23h50.

Watson faussa compagnie à sa compagne pour gagner le milieu de la salle, ou une petite table était dressé, supportant le poids d'un buste en bronze de Moriarty.

L'orgueil sera sa perte, songea Watson avec ironie en disposant le plus discrètement possible les trois boites noires autour du buste, de manière à ce que la lumière parte dans toutes les directions.

Les yeux rivés sur l'estrade où le Napoléon du crime allait faire son apparition, nul ne remarqua son petit manège.

23h59.

Le docteur enclencha la minuterie.

Une minute.

Un héraut annonça l'arrivé de Moriarty.

Adieu, Holmes...

Minuit.