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XIII . L'ombre de toutes les vérités (Eulak)

Eulak courait. À en faire souffrir profondément sa jambe droite. Celle dont elle compensait en permanence les pas même après tous ces printemps. Ce genre de blessure à la douleur s'amenuisait avec le temps, mais ce réveillait sous l'effort.

Eulak courait. Sans s'arrêter. Sentant l'humidité la coller comme pour la ralentir. Ses pas martelant le sol, la propulsant pour toujours avancer plus loin.

Tentant d'oublier la douleur dans l'adrénaline mordante elle serrait les poings et se focalisant sur son objectif. Alors, elle continuait.

Elle se prenait dans les ronces et les branches basses. Les griffures et les ecchymoses la parcouraient sans scrupule. Sans avoir une pensée pour le reste, elle continuait. 

L'idée de poursuivre cette ombre l'obsédait littéralement. Rien ne pouvait la détourner de ça. Elle ne se permettait pas d'écouter cette envie sournoise mais celle-ci semblaient plus forte que sa simple volonté. Alors, elle continuait.

Juste après que Clarok eut poussée son premier hurlement de douleur, le monstre de fumée avait disparu. Elle avait prit à cet instant la décision de poursuivre cette ombre. Après tout, celle-ci renfermait les réponses aux mystères de sa vie.

Cette ombre était différente de celles qu'elle avait pu croiser dans son existence. Alors que les autres prenait presque une apparence brouillée et légèrement difforme, elle avait comme tous ses contrastes, semblant plus comme un humain à la peau de fumée et aux cheveux s'évaporant. N'étant pas comme un reflet dans un miroir au tain quasi disparu.

Eulak n'avait jamais été bâti pour courir. Elle portait les marques d'une presque vie de restrictions et de combats. Son corps frêle, osseux, ne se faisant qu'en longueur, dans une maigreur presque macabre. Tout paraissait cassable à la moindre bourrasque.

Toujours elle avait eu ces joues creuses, ces cernes grisâtres, ces traits durs, ces cheveux qui dans les pires moment s'arrachaient presque par poignée, ces clavicules bien trop visibles, et cela même à l'époque révolue depuis bien longtemps où elle mangeait à sa faim. N'étant que d'une corpulence de faiblesses multiples face à la dureté sans nom de l'Aslanie.

Les sillons des larmes étaient gravés sur ses traits durs. Ces marques signalait la misère dans les croyances populaires. Comme si ce liquide salé des malheureux creusait toujours plus leur peau.

Mais une chose était sûre. Si elle devait courir Eulak le faisait. De la même manière qu'elle avait survécu dans Aslanuo Omp enfant. Cette capitale sombre où l'hiver était particulièrement rigoureux.

Une survivante. De celle que le temps tente de rattraper depuis toujours. Qui arrive à toujours repousser son dernier tic-tac à l'aide de sa détermination ardente. Cette obstination de vivre qui tournait à l'obsession de survie.

Ce même sentiment farouche qui la faisait courir pour rattraper cette créature clé de toutes les vérités et les problèmes de son existence.

Se faire discret était la seule chose pour lequel elle excellait. Au moment propice son corps squelettique se fondait dans le décor et ses pas ne se faisaient plus entendre.

Elle savait se faire disparaître à la manière de la rosée du matin lorsque le soleil atteignait son zénith.

Elle savait se faire invisible à la manière de ces insectes de forêts chaudes.

Une vraie ombre silencieuse.

L'effort la faisait haleter. Elle n'en pouvait plus. La fatigue devenait celle qui l'emprisonnait dans son étau.

Depuis combien de temps l'appel du sommeil se faisait sentir ?

Depuis combien de temps puisait-elle dans ce qui l'empêchait de s'écrouler ?

L'adrénaline devenait ce qui embrasait sa détermination. Celle qui faisait devenir flammes ce désir intarissable de vérité.

Mais cette source d'énergie s'amenuisait toujours un peu plus par le froid de cet état de sommeil éternel ou non.

Arbres, bois morts, neige, le paysage de d'une Aslanie rurale défilait en vitesse au coin de ses yeux. Sa tête restant droite, fixée vers l'avant.

Soudain, elle vit une chose bouger à une vitesse exorbitante à la périphérie de sa vision aiguisée. Une chose sombre qui avait presque une démarche animale. Son épiderme d'hérissa sous le froid que cela lui provoqua.

Elle envoya une prière silencieuse à ses vieux Dieux pour ne pas que cela soit une créature de l'ombre. Eulak ne pourra pas la combattre, cela serait trop dur, impossible même.

Impossible, elles ont toutes été exterminé par des décennies voir des siècles de combats avec les talentueux...

Elle s'arrêta immédiatement remplis d'appréhension. Un silence inhabituel possédait les lieux. Pas même le grincement des branches du vieil arbre ni l'odeur des animaux damnés. Le vent semblait souffler dans le néant.

Aucun bruit ne dépassait la barrière d'arbres qui entourait les lieux.

La mort suintait de toutes parts, emprisonnant l'endroit. Cherchant à gagner encore plus de territoire. Cette Mort arrivera-t-elle durant ce jour d'hiver à faire de Eulak une de ces innombrables parcelles ?

Ses sens cherchaient le moindre grain d'informations. Le piège de la forêt semblait s'être refermé sur elle. Lui enlevant toutes ses perceptions. Une seule subsistait. Cette impression de suffocation qui la gagnait lorsqu'une ombre était à proximité.

La peur resurgissait. Celle qui restait bien sagement reculée dans son être reprenait ses droits sur elle. Même en serrant les poings, ses mains tremblaient imperceptiblement.

Quel serait le prix du savoir ?

Alors sachant qu'Elle était là, Eulak se retourna. Doucement elle le faisait, ne voulant pas brusquer son courage. Son appréhension montait toujours un peu plus voyant qu'il n'y avait rien. Juste avant de pouvoir voir ce qui se trouve derrière elle, la jeune cartographe frêle s'arrêta et ferma les yeux.

En cet instant elle semblait si faible. Telle une enfant face aux rafales de la vie. Une mortelle face à sa fin qui serpentait pour arriver à elle.

Mais ce qui la forçait depuis toujours à avancer l'embrasa de détermination. Elle fit encore un pas. Une tension sans nom régnant dans son corps de faiblesses.

Ses yeux s'ouvrirent.

Dans son regard on voyait s'agiter les flammes du courage. Ardentes et farouches. Pour les tarir il faudrait plus qu'une simple intimidation. Cette envie de comprendre ce qui avait fait exploser en éclats tranchants son enfance la poussait à faire toujours plus.

Ce visage se faisait en craquelures de cendre. Ces cheveux de fumée voletaient derrière son corps pour se tarir au fur et à mesure. On pouvait voir le moindre détail de son corps de fumée.

On voyait sa large différence avec les autres ombres. Une part d'humanité l'habitait. Elle semblait prendre elle-même ses propres décisions. Dans le reflet de ses yeux sombres brillaient une part d'intelligence.

Majestueuse fut le premier mot que la cartographe utilisa pour la décrire.

Faisant le double de sa taille, celle-ci la regardait d'une lueur indescriptible. Mi- grave, mi- intriguée. Ses bras se fondaient dans l'arbre derrière elle. De la fumée émanait du moindre recoin de son corps sans pour autant perdre de sa netteté. Sans prévenir la créature fit un pas vers elle, se détachant de son accroche.

Dans cette vieillesse qui parcourait ces traits autre chose se dégageait d'elle. Une noirceur, une aura, qui écrasait tout ce qui se trouvait autour. Chez les autres ombres cela se trouvait déjà, mais ici c'était encore plus fort. Presque insoutenable.

En premier lieu Eulak pensa à la déesse de la Mort aslanienne. Mais c'était autre chose que ça. Quelque chose de bien différent, plus fort que ces êtres de religion. Se sentant irrémédiablement attirée par cette chose qui pourtant la repoussait tellement.

Quelques pas les séparaient. Une défiance s'installait. Leur regard se combattant sous ce ciel blanc prêt à cracher de sa neige.

Lentement la forme avançait. Ses longs bras coulaient le long de son corps, s'alliant avec ses formes. Une trainée sombre émanait d'elle.

La peur était toujours là. Mais le courage la surpassait. Ne devenant qu'un goût âpre et amer au fond de la gorge.

Les questions pleuvaient dans son esprit, de la même manière qu'en Aslanie il neigeait. Une chose irrémédiable qui s'ancrait toujours plus profondément.

" Qui êtes-vous ? "

Cette chose contenait ce qu'elle avait toujours cherché. Cette envie farouche l'avait sauvé d'une folie certaine : le désespoir.

Toujours en se rapprochant dans sa démarche fantomatique, presque mystique, elle lui répondit :

" Et toi Eulak ? "

Sa voix rêche se perdit dans le vent. De ses yeux sombres elle la fixait. Elle continua de parler, semblant se nourrir de sa peur qui revenait toujours plus :

" Tu te caches derrière une couche de glace et de la dureté. D'ailleurs tu te caches de quoi ? Ton passé ? Celui que tu dis oublié et hors d'atteinte. Tu es la pire des blessés, n'admettant pas ce que tu es. Je ne parle pas que de ta jambe droite, mais aussi de toi en général. Tu manques de confiance depuis toujours, elle s'arrêta une nouvelle fois pour la regarder dans les yeux pour continuer. La noirceur te gagne, la folie est prête à te faire basculer. Ne t'éloigne pas trop de la limite, l'Aslanie bouffe les âmes quelle qu'elle soit. "

En parlant elle n'avait fait que se rapprocher un peu plus. À présent elle était penchée sur elle, l'écrasant de ce qu'elle dégageait. La jeune femme voyait en détail sa peau de fumée mouvante.

Les mots se répétaient dans son esprit.

Ton passé ? Celui que tu dis oublié et hors d'atteinte.

Se répercutant en elle.

La noirceur te gagne, la folie est prête à te faire basculer.

La déchirant, la bouleversant sans le moindre scrupule.

L'Aslanie bouffe les âmes.

N'étant pas immatérielle la forme lui tient le menton devant son air ahuri. Les yeux de Eulak étaient complètement exorbités. Un mélange d'émotions se mélangeaient sans qu'elle ne puisse vraiment comprendre ce qui lui arrivait.

Elles restèrent longtemps ainsi. À s'observer mutuellement. Alors que Eulak tentait d'assimiler ce qu'elle venait de dire, son interlocutrice la regardait. Les mains de la jeune femme tremblaient pour de bon, ainsi que ton son corps. Elle était véritablement secouée d'une multitude de spasmes incontrôlable. 

Cette forme disparue dans une multitude de filaments noirs juste après s'être reculée de quelques pas lents.

Le temps qui s'était déroulé jusqu'à ce moment lui avait paru infini. Cet esprit mesquin aimait toujours jouer sur sa perception des choses, et cela, jusque dans ses cauchemars les plus sombres.

Ce fut à ce moment précis que la jeune femme s'aperçut que sa dague affûtée avait à nouveau chauffée dans sa poche.

Eulak s'écroula. Dans cette faiblesse qui la caractérisait tant. Elle souffrait terriblement, car elle le savait, l'ombre avait dit la vérité. Elle ressentait de plein fouet le vide que ces interrogations creusaient. Jusqu'à l'impression de se faire gagner par une folie aride.

Elle ne prêta pas attention à la neige qui tombait doucement du ciel, ni même à ce froid ambiant qui régnait ici. Toute la tension qui aurait du s'évaporer lorsque la créature était partie était toujours en elle. La dévorant.

Elle se sentait lâcher prise. Tomber dans le vide.

L'eau gorgeait ses habits. La jeune femme se sentait plus vulnérable que jamais. Une seule fois dans sa vie elle avait ressenti un tel sentiment : lors de sa première nuit à Aslanuo Omp. Cette ville de misère et où la rigueur de l'hiver frappait les plus faibles. Cette capitale méritait bien son nom de « petite Aslanie ».

Assise sur ses genoux, enfoncée dans cette fine pellicule de neige Eulak hurlait.

À son désespoir.

À sa vie passée.

À ces vérités sanglantes.

Les souvenirs qu'elle s'efforçait d'oublier remontaient sans qu'elle ne puisse les stopper cette déchéance. Insurrection de l'enfant pragmatique qu'elle avait été, avant les horreurs qui faisaient parties intégrantes de sa vie.

Mais pour se cacher de quoi . Eulak ne le savait pas.

Elle aimerait être cet être froid, sans émotion, fonctionnant sur les analyses, qu'elle paraissait être.

Les déchirures de ses espérances s'opéraient dans ses cris de douleur. Les larmes de son hystérie s'échappaient de ses yeux d'habitude si secs.

Tout ce qu'elle retenait depuis tous ces printemps s'échappèrent en cet instant. Que cela soit ses vieilles espérances, ses cicatrices passés, ses mensonges dans lequel elle s'emmurait. La dernière fois que cela lui était arrivée c'était il y avait cela plus de cinq printemps, dans les bras de Junoo. 

Comment leur relation de frère d'arme avait pu tant se dégrader pour passer en ennemi froid ?

Ce mélange de colère, de tristesse, et de douleur l'emportait. Ses mains toujours enveloppées dans leurs bandelettes griffaient la neige et la terre. Laissant des cicatrices de ses ongles dans la boue.

Tout était si dur. Si lointain en étant proche. Un sentiment de déraison l'assiégeait en la baignant de regrets tranchants.

Ses cris se turent rapidement, remplacés par ses larmes qui coulaient toujours plus. Les sillons de ses larmes se remplissaient. Son corps se secouait de sanglots interminables.

Ce n'était pas seulement la vérité qui la blessait. C'étaient aussi ces non-réponses qui l'obsédaient. Pourrait-elle un jour aller de l'avant si elle ne sait pas cela ? En vingt-et-un printemps elle n'avait vu cette ombre spéciale qu'une fois.

Eulak n'avait plus aucune perception, sauf de sa douleur qui se réveillait doucement en elle. Son hystérie soudaine la noyait.

Bientôt ce ne fut que ce liquide salé qui s'écoula de ses yeux. Le silence revint, toujours plus fort. Fini le bruit insoutenable de ses cris, de ses sanglots hachés, et des nués d'oiseau qu'ils avaient provoqué.

La forêt qu'elle dérangeait de sa simple présence s'enveloppait à nouveau de son silence macabre propre à cette Régence.

Cet évènement fait de douleur laissa une chose en elle : sa colère. Celle que Eulak maîtrisait depuis tout ce temps mais qui ressurgit en la déchirant de l'intérieur.

Sa colère contre sa vie, contre ces ombres qui la tourmentaient depuis toujours et contre ces goules dont la violence avait égaré pour laisser une multitude de traces sur son corps. Et surtout sa violence était érigée contre elle-même. Elle s'en voulait d'être si faible et pitoyable, à toujours ressentir un sentiment de peur et à toujours vouloir fuir. Une lâche disait-on, Ils n'étaient pas loin de la vérité après tout.

Elle resta longtemps ainsi. À laisser tomber son corps sur le sol. Sa tête frappant sur la neige et la boue. Etalée sur le sol elle regardait le ciel. Cette chose immuable dont le côté imprévisible n'existait pas, donc ne pouvait l'effrayer. De la même manière quand on avait frappé son corps il y avait de cela un jour, elle s'oubliait dans le firmament. Sauf qu'au lieu des étoiles, c'étaient des flocons à la blancheur inouïe.

Faiblement elle se traina jusqu'à un arbre. Ses mains calleuses et squelettique agrippèrent l'écorce humide. En oubliant un petit instant son énorme faiblesse, se hissa sur ses jambes.

La peau de ses doigts la brûlait sous les frottements du bois. Mais elle se tenait toujours à cette flamme qui elle, l'irradiait de sa détermination. Eulak se relèverait, sans abandonner.

Sa tête lui tourna atrocement. La lumière réfléchit par la neige devenait soudainement trop forte pour ses yeux. Son souffle continuait de se faire particulièrement erratique. Il lui semblait manquer d'air sous ces douleurs dévorantes qui ne finissaient pas de croître après cet effort inconsidéré.

Sur son visage elle sentait les formes noires bouger sous sa peau. Jamais cela ne lui était arrivée. La jeune cartographe restait dans le désarroi le plus complet, ne comprenant rien à ce que se produisait depuis quelques minutes.

Elle qui aimait le contrôle se retrouvait propulser sur un échiquier inconnu.

Celles-ci prenaient toujours plus de place sur ses traits durs. Se nourrissant presque de la peur qu'elles provoquaient en elle. C'étaient ces mêmes formes qui avaient fait voler sa vie en éclats tranchants, de quoi étaient-elles capables d'autres ?

Ce fut cette interrogation, cette question sans réponse qui faisait peur à Eulak. Elle avait rarement peur de choses inexplicables, mais plutôt de l'aspect inexplicable, du « Comment c'est possible ? »

Comme lorsqu'elle fut à être allongée sur le sol en tentant d'avoir la force pour se relever, Eulak resta à s'accrocher au tronc de l'arbre. Au moins elle était debout, ses bottes de cuir souple, ayant vécues de multiples hivers, posées sur le sol froid. Son visage ne montrant qu'une grande béatitude et une fatigue prédominante mais avec des yeux remplis de détermination.

Elle ressemblait à elle, dans sa plus folle et triste jeunesse, au même visage que les autres personnes de la révolte des travailleurs. Ces visages que l'histoire à oublié dans ses gouffres.

Le flot d'émotions s'écoulaient doucement d'elle pour ne laisser qu'une grande faiblesse. L'odeur de la résine brûlant ses narines.

Dans ce silence presque lugubre son esprit retrouvait peu à peu de sa raison.

Un bruit brisa en éclats cette harmonie sanglante.

Aux aguets la jeune femme se concentra immédiatement sur sa source. Elle se mit sur la défensive jusqu'à voir de ses yeux affutés une silhouette qui se dirigeait vers l'endroit où elle était.

Une goule semblait avoir retrouvé sa trace. Sa crise de nerf avait du l'alerter.

Frappée par l'urgence de la situation Eulak posa un pied sur l'écorce, et d'une de ses mains s'accrocha à la première branche venue.

Eulak n'était pas non plus taillée pour l'escalade. Mais comme pour la course : si elle devait, elle faisait. Tenter de s'échapper d'une situation délicate était mieux pour elle que d'attendre que le mauvais sort s'abatte sur elle. Jamais elle ne se rendrait sans se battre avant, son instinct de survie passant avant tout.

Elle manqua plusieurs fois de lâcher l'écorce durant ce premier effort, le plus dur. La neige de la branche lui tomba même dessus, la forçant à recommencer au plus vite. Mais la colère qu'elle portait contre elle et les autres la força à ne pas s'avouer vaincu. Pas après toutes les difficultés qu'elle avait enduré ces derniers jours.

Elle sortirait de cette forêt.

Ses bras la hissèrent jusqu'au niveau de son buste. Elle bascula sur la branche à la résine collante et souffla un instant. Sans pour autant baisser sa vigilance quant à son ennemi qui rôdait tout près.

Continuant ainsi, elle prit rapidement de la hauteur sur le pin rabougri qui lui servit de prises. Toujours dans son silence qui la caractérisait Eulak grimpait toujours plus dans les hauteurs. Ces mêmes silences qui l'habitaient en permanence, qu'elle utilisait pour intimider. Ces mêmes silences devenaient son masque de calme, alors que tout se déchirait en elle. Ces silences étaient elle, et elle n'était que silence. Ne devenant qu'une entité inséparable au courroux puissant.

Après tout, Eulak s'appropriait le silence depuis toujours. Le modelant en se modelant elle-même.

Suffisamment haute elle laissa planer son regard sur le contrebas. Elle vit la goule arriver à l'arbre où l'ombre se situait. Pas plus de vingt printemps définissait ses traits. Une douceur presque enfantine se dégageait de son visage et de ses joues rebondies. Le garçon regarda avec attention les pas de Eulak dans la neige, il prêta une attention toute particulière à ses griffures dans la boue.

Eulak prit peur, son assaillant pouvait facilement la repérer. Elle pria presque pour qu'il ne regarde pas en l'air. La tension de la situation la faisait retenir son souffle chaud et argenté dans le froid. Se reculant le plus possible du bout de la branche, la cartographe voulait se faire voir le moins possible malgré l'aspect peu couvrant des aiguilles du pin.

Sauf qu'au lieu de vraiment la chercher le garçon s'assit au pied de l'arbre où elle se cachait. Petite carrure, respiration hachée, envie assez marquée de ne pas la trouver, fatigue apparente, et surtout à son fourreau pendait une dague rouillée au manche abimé. Le danger qu'il représenta ne devint que la position de proie facile.

Même si Eulak gardait toujours une certaine peur à savoir un de ses ennemis aussi proche d'elle. Cette peur substait au fond de son être, et ne disparaîtrait que lorsqu'elle sortirait de cette forêt.

Alors elle se tourna tout-en restant collé au tronc rigide. Avec précaution la cartographe fit attention à ne pas faire tomber d'aiguilles ni de neige sur le sol pour ne pas alerter le jeune homme qui se reposait au pied de l'arbre.

Ressentir une telle appréhension lui rendait ses mouvements bien moins précis qu'à l'accoutumé. Ce qu'elle ne voulait absolument pas. Mais celle-ci ne masquait pas pour autant sa colère, ou plutôt sa détermination plus forte que jamais. Elle sortirait du piège de la forêt des songes, quel que soit le prix.

Les goules pullulaient dans la forêt. Il ne faudrait pas seulement s'enfuir, mais aussi garantir sa sortie. Bougeant en permanence le maillage de surveillance se mouvait bien trop.

Après tout en voyant de loin les goules se diriger vers la clairière où se situait Clarok une idée pour obtenir le flambeau de sa liberté émergea doucement. Même si après ses déclarations le fait de l'abandonner ne la dérangeait pas plus que cela en la laissant à son triste sort, elle avait besoin d'elle et de sa situation qui allait vite empirer pour partir.

Mais pourquoi vouloir cette liberté à tout prix ? Eulak ne le savait pas, n'était-elle pas une survivante de l'horreur des hommes ? Elle se devait de vivre.

Coup de pied dans le dos.

Cogner la tête contre le tronc.

Faire lever la personne hébétée.

Se mettre derrière elle.

Pression sur la nuque.

Dague affutée sur la gorge.

La goule avait raison de se tétaniser. De transpirer la peur. D'haleter sous le coup de la douleur et de la tension.

Eulak ne se trompait jamais.

Redoutable.

Déterminée.

Le corps à corps qui avait été son domaine de prédilection il y avait cela plus de cinq printemps. Sa pauvre proie n'avait aucune chance de résister face à elle. Comme au temps où on la craignait plus que tout dans les rues de la capitale.

Pas un cri.

Peur de mourir.

Résiliation.

Ils marchaient à un bon rythme dans la forêt. Les goules les avaient sûrement repérés, mais ne pouvait pas intervenir sans prendre le risque qu'elle ne lui tranche la gorge.

Ce qu'elle ne ferait jamais bien sûr mais comment pourraient-ils le savoir ?

Elle fut tentée de partir de la forêt de cette manière, mais sa conscience lui interdisait à cause de cette pseudo-dette.

Les sentiments de la jeune femme étaient indéchiffrables. Une grande appréhension l'empêchait de garder toute son emprise sur la goule mais une profonde satisfaction presque malsaine l'habitait en voyant la réussite de son combat.

Arrivée devant la clairière, elle se stoppa. Attendant tapi dans l'ombre Eulak voulait profiter de l'effet de surprise.

Le spectacle qui s'offrait à ses yeux était particulièrement déroutant. Sans pour autant perdre de sa concentration sur son objectif. Le garçon tenta de se dégager, mais là cartographe redoutable raffermit sa position de supériorité face à lui en se contentant de lui murmurer à l'oreille :

" Arrête de t'agiter, tu risques d'appeler la Mort. "

Immédiatement il déglutit. Sa panique était particulièrement visible avec sa respiration rapide.

Eulak prête une nouvelle fois, une attention à la scène.

Une dague était pointée sur Clarok. Une goule bloquait ses mouvements enragés de son bras posé sur sa gorge et de l'autre tenait la redoutable arme, la menaçant toujours plus.

Eulak aurait bien comparé la scène à ses moments dans la capitale avant un combat de loups, quand certains se montraient particulièrement résistants. Clarok lui inspirait en cet instant cet être sauvage ne voulant pas tomber dans les affres de sa colère.

La talentueuse était méconnaissable. Tout son côté digne semblait évaporé. Son côté sauvage, presque loup ressortait à la force de son désespoir.

Ses yeux améthyste avaient perdu de leur éclat. Le sang, la boue la maculait de partout. On ne voyait plus la vraie couleur de sa peau ni même de ses vêtements. Cette fatigue de la vie suintait de toutes pars sur son corps. Une chose lui restait cependant fidèle, sa défiance. On voyait dans ses iris des tonnerres de haine.

La colère la consumait. La faisant devenir une flamme vivante et vivace. Ce genre de feu qui ne pouvait brûler que dans l'âme des hommes.

Elle défierait jusqu'à la mort s'il le fallait. Et cela, Eulak le comprit.

Soudain les yeux de Clarok se braquèrent sur elle. Elle eut un instant d'incompréhension avant de la reconnaître.

La goule lui cria à nouveau dessus. Elle ne cilla pas pour autant et ne répondit rien. À la place la talentueuse lui cracha au visage.

Touchant à sa fin, la patience de la créature ne devenait que poussière dans le vent.

Eulak allait bientôt commencer sa valse proche avec la Mort.

De la même manière qu'elle avait pour intimider,

De la même manière qu'elle avait pour s'approprier le silence,

De la même manière qu'elle avait pour être impitoyable,

De la même manière qu'elle avait pour toujours garder sa grande témérité,

De la même manière qu'elle avait pour provoquer la Mort en personne en s'imposant dans l'arène des loups,

De la même manière qu'elle avait pour écraser grâce à son visage atone,

Sa colère envers tout parlant pour son âme meurtrie, elle hurla avec du néant dans le vent et la tempête de flocons :

« Je vous conseille de la lâcher. La vie de votre ami ne tient qu'à votre volonté de coopérer. »

Elle avait toujours cette sorte de hargne qui dépassait les autres sans qu'ils ne puissent expliquer pourquoi. Eulak les fixaient de son regard dur et inflexible. Elle voyait toute la haine qu'on lui portait à travers les yeux des goules. Plus particulièrement celle à la dague pointée sur la talentueuse qui semblait prise d'une folie toute particulière.

Seules les rafales de vent s'entendaient. Pas besoin de mots pour exprimer le dégoût pour la jeune femme qui le menaçait.

« Oh, il semblerait qu'elle nous ait rejoins, commença la goule.

- Et Elle vous demande de la lâcher. »

Une grande surprise passa sur le visage de la talentueuse qui s'attendait à croiser la Mort.

La goule retira son arme pour la tendre à son compagnon. Il s'approcha de la jeune cartographe. Plus il s'approcha, plus la dague de la jeune femme se serrait sur la gorge de sa proie. Elle aussi s'approcha, toujours avec sa stature majestueuse.

Dans le regard de la talentueuse elle pouvait voir une chose : la persuasion que cela allait finir en bain de sang. Mais Eulak venait juste de commencer la valse. La musique ne se terminerait pas maintenant.

« Si vous n'avez aucun regret à me le laisser le tuer de ma main je me demande si votre chef serait content, argumenta avec vergogne la jeune femme.

- Le chef n'est qu'un ramassis de merde. Beaucoup d'entre nous sont d'accord. Je n'aurais pas les faiblesses de mon prédécesseur. Tu peux le tuer sans regret pour nous. »

Un dégoût sans nom rentra doucement dans son âme. Mais surtout elle s'aperçue de quelque chose, ce groupe se disloquait doucement. Rien de plus simple pour elle que de l'attaquer sur un point : sa faiblesse.

Eulak se rapprocha un peu plus de lui. Tenant toujours fermement le garçon de sa poigne et de son arme tranchante et affutée. Ses cheveux noirs voletaient autour d'elle. Coupés court et d'une manière irrégulière ils lui donnaient encore plus cet air immuable, comme si elle était faite de pierre.

Pas seulement de pierre, aussi de glace.

Son visage aux traits durs glaçait celui qui croisait son regard de hargne éternelle.

Ils n'étaient plus que à quelques pas l'un de l'autre. Se défiant à coup de haine et de regard noir de sous-entendus.

« Votre groupe ne résistera pas à une traque générale de talentueux. Croyez-moi ce n'est pas votre petit départ qui changera quelque chose. Même en dehors de l'Aslanie ils vous retrouveront. »

Lui avait une carrure impressionnante, une détermination obsessionnelle, et toutes les cartes de son côté. Sauf qui lui manquait les mots, ce talent pour négocier pour éviter le désastre. Cette manière imperceptible de provoquer, juste avant d'asséner le coup final. Une négociation était telle un combat de corps à corps. Il faut en permanence compenser, en permanence revoir les prévisions, et surtout ne jamais lâcher un bout de terrain.

Comprenant de plus en plus le mensonge qui arrivait Clarok paniquait toujours plus. C'était de cet affrontement que dépendant probablement sa vie. Alors elle ferma les yeux, pour ne pas voir le coup de dague arriver dans son abdomen.

« Je ne suis pas sûr que le gouvernement rattrape chaque tueur de talentueux. On a un bon exemple avec les mercenaires du sang.

- Sauf que là vous parlez d'un des membres les plus importants su gouvernement, rétorqua Eulak plus confiante que jamais.

- Et qui sait alors ?

- Vous êtes face à la générale Ganara. Alliée des forces armées aslanienne, cheffe des Services généraux, faisant partie des trois membres les plus influents de la communauté talentueuse. Non seulement sa mort provoquerait une guerre civile, mais vous aurez toute l'armada de l'ordre et de l'Aslanie entière à votre trousse. Même si vous vous réfugiez dans un autre pays ils vous retrouveront, rien que pour faire de vous des exemples à ce qu'on fait aux tueurs. »

Elle venait de poser ce genre d'ultimatum qui frappait les esprits.

Elle venait de montrer qu'elle pouvait se révéler dangereuse, pas seulement dans ses menaces, mais à explorer la limite entre mensonge et vérité.

Elle venait de redevenir Eulak la cheffe qui imposait ses volontés. Et cela sans difficulté.

Toujours dans la provocation la jeune femme lâcha le petit qui s'enfuit terrifié derrière le groupe, caché derrière le membre qui ne fait qu'observer la scène depuis le début sans intervenir. Cette femme avait un côté effrayant qui se dégageait d'elle, analysant tout ce qui se passait pour décrypter toutes les possibilités. Si une personne devait faire peur au culot de la jeune cartographe c'était elle.

Après tout c'étaient toujours les personnes qui réfléchissaient qui devenaient des dangers.

« Ne tentez pas non plus de la garder pour une rançon, le résultat sera le même. »

Ils lâchèrent Clarok en la jetant dans la neige. Celle-ci se retrouva sur le sol n'arrivant pas à se relever ni à tenir debout. Pitoyable avec son visage de douleur elle regardait Eulak. D'une lueur atone que seules les plus grandes fatigues pouvaient créer.

La cartographe s'approcha d'elle, la laissant d'agripper à son épaule de la même manière qu'on s'accrochait à la vie.

Malgré sa jambe droite qui la faisait toujours autant souffrir elle resta aussi raide qu'à l'accoutumée. Restant toujours autant imposante malgré son corps frêle. Un vrai charisme se dégageait de Eulak.

Elle lui murmura à l'oreille de sa voix délavée par les intempéries :

« Ne me remercie pas Clarok, moi aussi je t'aurais bien laissé là si je le pouvais. »
   
    
   
   
   
     
  
  
   
   

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