Chapitre 9 - Cassiopée
Je me reculais en soupirant, mon regard ne quittant pas l'inconnue. Je me laissais tomber dans l'herbe et les feuilles mortes, ramenant mes jambes contre mon torse. Maintenant que l'adrénaline de mon combat et de l'urgence étaient en train de redescendre, je me rendais compte de ma fatigue. Mes muscles étaient lourds, même douloureux pour certains, et j'étais sûre de m'être fait quelques blessures minimes pendant mon escapade. Seulement, je ne pouvais me permettre de me laisser glisser dans les bras de Morphée comme l'inconnue ; cela aurait été bien trop dangereux. Mon regard se leva vers le ciel qui filtrait à travers les feuillages, et l'apaisement que j'avais pu ressentir un peu plus tôt grâce aux paroles de la blessée s'évanouit complètement. Cette cachette était sûre, mais pour combien de temps encore ?
En fait, je devais bien avouer que j'étais étonnée que nous n'ayons pas encore été débusquées de notre planque de fortune. Celle-ci se trouvait bien trop en bord de forêt, et nous nous trouvions dans une zone où une majorité des Téras osaient encore s'aventurer. J'avais eu l'occasion de remarquer que, plus je m'enfonçais dans la forêt, plus ils se faisaient rares. Je n'en étais pas sûre, mais selon mon hypothèse, ce serait à cause du manque de lumière ; le noir doit sûrement empirer ces illusions folles dans lesquelles ils sont enfermés. Je pense aussi que la forêt brouille leurs sens, il s'agit de l'un des rares endroits où l'on trouve un peu de vie, mais pas de Téras. Cependant, je ne suis pas certaine non plus de cette hypothèse - et je ne tiens pas à la vérifier. Il n'y a malheureusement plus ni d'Internet ni de scientifiques pour s'occuper de cette tâche à ma place : seulement moi et mes observations. Ces dernières me soufflant que leurs sens sont plus développés que les nôtres - cela expliquerait leurs facilités à me débusquer de manière générale.
Suite à ces pensées plutôt négatives - ou réalistes, selon votre point de vue -, je me relevais : il n'y avait pas de temps à perdre. J'avais une idée assez claire du lieu où nous pourrions être en sécurité, au moins pour cette nuit. Avec un peu de chance, nous pourrions y rester quelques jours, ou quelques semaines. Seulement, il me fallait me dépêcher parce que l'idée de marcher en forêt de nuit ne me tentait pas plus que celle de me faire contaminer par un Téra.
Je m'occupais alors les mains en rangeant les vivres que j'avais ramenés, remettant les quelques paquets qui m'avaient échappés des mains dans le sac-poubelle avec les autres. Je gardais le dernier dans ma main quelques secondes, l'observant avec intensité : j'avais envie de prendre un gâteau. Juste un, et même mon ventre manifesta son accord devant cette idée, grognant au bon moment. Seulement, mon regard passa par-dessus mon épaule, se posant sur la jeune fille endormie derrière moi, et cela suffit à ce que je résiste à cette envie égoïste - je l'avais déjà bien assez été jusqu'à présent. Je ne pouvais pas faire une telle chose, peut-être ne s'agissait-il que d'un seul biscuit, mais ce ne serait pas correct ; je me devais d'attendre son réveil, et ce, même si la faim me tiraillait. Il en irait de même en ce qui concernait les soins. Ce sera d'abord elle, puis ce sera mon tour, et je ne m'en occuperais qu'une fois assurée que nous soyons en sécurité.
Après que j'ai fermé le sac, je le hissais sur mon épaule afin que je puisse le porter de la même manière qu'un peu plus tôt. Seulement, en me tournant vers l'inconnue, je me souvins que cette dernière s'était évanouie, ou endormie - je ne saurais pas vraiment dire -, et qu'il me faudrait donc la porter ; j'espérais seulement qu'elle ne pèse pas trop lourd. Je passais alors les lanières de plastique autour de mon épaule en espérant que celles-ci ne cèdent pas sous le poids du sac, et je m'approchais de la jeune fille. L'un de mes bras se glissa sous ses genoux tandis que l'autre passait derrière son dos et, aussi étonnant que cela puisse paraître, je parvins à me redresser presque avec délicatesse. Je fis basculer sa tête pour qu'elle repose contre mon torse afin qu'elle soit dans une position plus confortable.
Je m'étais mise en route, mais mes pas se faisaient hésitants. Je n'étais plus sûre d'être capable de retrouver mon chemin, et les souvenirs que j'avais de cet endroit étaient flous ; peut-être n'était-ce qu'un mirage finalement. Et, la fille dans mes bras, n'était pas pour arranger les choses : elle me ralentissait. Le tenir dans mes bras me demandait une force que je n'avais pas, une énergie que je ne pouvais même plus utiliser pour faire avancer mes jambes, mais était-ce pour autant que je devais l'abandonner ? J'y ai songé lorsque j'ai vu le soleil qui commençait à descendre à l'horizon, nous baignant dans sa lumière orange, et je me suis dit que je pouvais bien la laisser, revenir lorsque j'aurais trouvé notre nouvelle cachette, mais cela aurait été prendre un risque dont je n'étais pas capable ; ça aurait été la condamner à mort sous prétexte que ça augmenterait nos chances d'atteindre l'endroit, mes chances de survie. " Elle est peut-être déjà morte ", c'est ce que me répète ma conscience, mais je n'y crois pas : " Son sort est déjà scellé, tu n'y pourras rien ". Je refuse. Elle m'a promis, je l'ai entendue, et même si ce n'était que mon imagination, je veux croire qu'elle le pense, alors j'en ferais de même.
Je continuais d'avancer, me battant contre ces solutions et scénarios que mon esprit m'imposaient, mais dont j'avais honte, je ne devrais pas avoir des pensées comme celles-ci. Je luttais contre mon corps qui refusait d'avancer tandis que je prenais conscience de ma fatigue ; mes pas se firent plus lents, mes muscles plus lourds, ma respiration plus rapide, douloureuse, et je me serais sûrement effondrée si elle n'était pas dans mes bras. Il m'avait fallu encore une dizaine de minutes de marches avant que je n'arrive enfin à l'endroit en question : une cabane de chasseurs, celle de la famille de ma mère. En réalité, je ne me souviens pas avoir chassé, on y venait seulement pour observer la Nature. Un sourire étira mes lèvres.
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